La résistance en Bretagne
Par Roger Lenevette. Témoignage recueilli par Daniel Laurent
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Roger Lenevette

Certificats

 

VIEUX VY SUR COUESNON
Situé approximativement au centre d'un triangle dont les pointes seraient Avranches – Rennes – Fougères, ce petit bourg au bord du Couesnon joua son rôle dans la Libération du Pays grâce à un groupe F.T.P., qui, quoique petit par le nombre (8), fit face aux situations difficiles qui lui furent imposées par l'occupation.

La Mine :

Adjacente au village de Brais, elle est aussi connue sous le nom des " Mines de la Touche ". Mine de plomb argentifère, ses minerais sont la pyrite, la galène et la blende.

Fermée en 1930 pour cause de faillite, elle fut rouverte en 1941 par les Allemands. Ceux-ci, compte tenu du blocus maritime qui leur était appliqué, par les Anglais d'abord, par les Alliés ensuite, surent utiliser tous les gisements de matières premières dont ils pouvaient disposer.

Le puits, puis les galeries du (90, 120, 240) furent dénoyées, d'abord à l'aide de pompes, puis accélérées et maintenues à l'aide de compresseur. Il fallut donc faire appel aux différentes compétences en la matière, pour le dénoyage, pour l'extraction, et pour l'exploitation. Pour cela, il fallut faire amener le courant électrique sur le site ; le village ayant vécu jusque là sans électricité, sans eau dans les habitations (il fallait aller la puiser dans les puits), et l'éclairage se faisant à la lampe à pétrole. Chez mes parents nous nous éclairions à l'acétylène pour les deux pièces principales (celle pour le commerce et celle où nous vivions).

Très rapidement, les différentes cités qui avaient été construites avant 1930, furent occupées par le personnel nécessaire à l'exploitation et à l'entretien. Le personnel utilisé était français, tant à l'extraction, qu'à l'exploitation, qu'à la gestion et qu'à l'encadrement. Beaucoup échappèrent ainsi au S.T.O. en Allemagne.

Le minerai concassé ou broyé mais trié, était expédié par camions à la gare de Tremblay qui était encore en service. L'extraction se faisait au pic, au marteau-piqueur ou à l'explosif.
L'explosif utilisé pour l'extraction était la cheddite. Compte tenu de différents vols d'explosifs dans des carrières de la région, le Directeur avait fait murer les siens. Les explosifs bétonnés dans la journée furent volés dans la nuit qui suivit. Pas de réactions ou peu. Beaucoup se sont interrogés sur ce sujet. Pourtant, il recevait souvent des officiers allemands de hauts grades à la "Direction" et les gardait le week-end…

La mine a fonctionné durant toute la guerre et s'arrêta peu de temps après. Le prix de revient du minerai exploité devenant plus coûteux que le minerai importé, la mine fut donc de nouveau abandonnée et son matériel d'exploitation revendu.

Le Groupe FTPF :

Ce groupe peu connu est sous les ordres du "Commandant Loulou", alias "Commandant Tanguy" de son vrai nom Louis PETRI.
Il fut très actif quoique d'un petit nombre :
Eugène L. : Chef de groupe
Edouard C. : Sergent du groupe
Francis A. : Membre actif (Habite "La Bederais")
Jean F. : Membre actif (Habite le moulin de "Bois-Mine")
René C : Membre actif (Commis de ferme).
Louis L : Membre actif (Travaille à la Mine. Responsable du travail du bois)
Guy L., fils de Louis : Membre actif (Travaille à la Mine comme Forgeron)
Roger L., fils de Louis: Membre actif (Travaille à la Mine comme aide-Mécanicien)
On peut y ajouter ma mère et ma soeur Madeleine, qui au sein du commerce, furent une mine de renseignements pour le groupe.

Je suis entré dans la Résistance
Roger, nom de Guerre : JEANNOT - Matricule : 10.698

Je suis entré dans la Résistance dés le 1er mai 1944 après mon évasion échouée de la maison. Maman s'était aperçue à temps que j'avais mis un cordage sous mon lit et que je mijotais donc quelque chose. Me sachant capable de coup de tête (même irréfléchi) et de les mettre à exécution, elle en avait parlé à papa.
Dans le cas présent, il y avait longtemps qu'avec un copain de bal habitant Gahard, j'avais envisagé de rejoindre un groupe de maquisards, soit celui de Broualan, soit celui de Saint-Marc-sur-Couesnon. Il n'aurait pas été facile de m'en détourner. C'est alors que j’apprit que Papa et Guy faisaient partie du groupe de Résistance de Vieux-Vy-sur-Couesnon et que des parachutages d'armes et de munitions étant prévus, ma participation à leur réception et à leur répartition pouvait s'avérer utile.
De plus, Maman et Madeleine, par leurs contacts avec la clientèle étaient bien placées pour recueillir des renseignements sur la mine, et ces renseignements pouvaient être utilisés lorsqu'ils étaient d'importance. Sans le savoir, elles furent vraisemblablement à l'origine de l'enlèvement des explosifs par l'intermédiaire de papa. Je compris alors que mon départ aurait mis toute la famille en danger.

L'objectif était de permettre la Libération de la région le moment venu. C'est alors que je comprenais l'importance des messages personnels émanant de Londres que nous écoutions chaque jour, le soir en sourdine, toutes portes et fenêtres fermées. C'est par eux que nous apprenions le jour et l'heure de ces parachutages. Le lieu de ces parachutages était d'abord étudié par les hauts responsables de la Résistance

La décision :

D’écouter les informations de la B.B.C. dans l'émission "Les Français parlent aux Français" chaque fois que nous le pouvions; d’avoir suivi toute la bataille de Stalingrad où furent arrêtés les allemands dans leur progression pour la première fois, ne fut pas pour rien dans ma décision de participer à la lutte contre l'Occupant.

J'avais donc suivi cette bataille héroïque de 1941 – 1942 où les troupes russes furent obligées de reculer face aux troupes Allemandes qui envahissaient leur pays. C'est avec enthousiasme que j'écoutais les récits de cette bataille de Stalingrad où le peuple Russe se battant dans les rues, des hommes sautaient sur les chars Allemands pour y déposer des grenades et les faire sauter. Après avoir commencé à envahir la Russie en juin 1941, être rentré dans les rues de Stalingrad fin septembre 1942 pour y être finalement encerclé et obligé de se rendre sans condition début 1943. Toute cette résistance d’un peuple fit alors notre admiration et celle d’un certain nombre de Français.

Parallèlement nous commencions à entendre parler de la Résistance qui commençait à s’organiser dans certaines régions de France. Les exploits de la Colonne LECLERC en Afrique forçaient également notre admiration. Tout cela nous amena, chacun dans notre coin, à vouloir participer d’une façon ou d’une autre pour mettre fin à l’occupation de notre pays.

Des Allemands étant cantonné à Vieux Vy Sur Couesnon ainsi que dans tous les bourgs des alentours, cela nous amenait à prendre un maximum de précautions pour écouter cette radio dans la chambre entre nous, mais également afin que personne ne le voit et ne le sache. Il était interdit d'écouter la B.B.C. et le simple fait d'avoir ce poste et de l'écouter était très risqué. Par compte, c'était le seul moyen d'avoir de l'information.

Début 1944, j'avais donc envisagé de rejoindre le maquis. C’est alors que papa, proposa de me faire participer aux opérations du Groupe de Résistance de Vieux Vy dont le responsable était Eugène L. Ce Groupe était sous les ordres du Commandant « LOULOU » allias "Commandant Tanguy "dont le vrai nom était Louis PETRI . Nous appartenions au réseau F.T.P. (Francs Tireurs et Partisans) de Charles TILLON lequel devint Ministre du Général DE GAULLE à la Libération. Ces noms, nous ne les avons connus qu’à la Libération. Nous ne connaissions que les noms de guerre.

C’est donc après cette tentative avortée de rejoindre le maquis, qu’avec le groupe, je participais aux parachutages de «Pavée» en Vieux Vy Sur Couesnon le 16 juillet 1944 et de St Christophe des Valains le 31 juillet suivant. Papa avait compris ma résolution, il savait qu'il était préférable de m'utiliser et de me faire participer ou que sinon, je m'éclipserais à la première occasion. Sans l'avouer, je suis persuadé qu'il en était même très fier. Pour Maman, c'était beaucoup plus dur à accepter, ce qui ne l'empêchait pas de jouer un rôle de premier plan en ramassant les informations de toutes sortes dans son commerce et en les communiquant à Papa. Lorsqu'il y avait quelque chose à savoir, il n'y avait pas mieux qu'elle pour offrir un "petit coup à boire", s'installer à la table et faire parler sans en avoir l'air.

Où, mieux que dans un café, à une table et devant un verre, pouvait-on récupérer ce genre de renseignements ?
Il était important de savoir tout ce qui se disait, ce qui se faisait ou allait se faire sur la mine. Il ne faut pas oublier que la mine était exploitée à l'aide d'explosifs. Tout le minerai qui en sortait était pour les Allemands. C'est ainsi que peu de temps avant le débarquement, le directeur décida de mettre tous les explosifs (Cheddite) dans un réduit en béton armé afin de le mettre à l'abri de ceux qui voudraient s'en servir pour autre chose. Le béton n'eut pas le temps de sécher complètement et une partie du réduit fit qu'au petit matin, la cheddite s'était envolée.

Le renseignement avait fonctionné. C'est ainsi qu'ensuite à l'aide de bidon contenant de la cheddite et une tapette à rat agissant sur un détonateur, nombre de blindés et de camions allemands ont sauté sur la route entre RENNES et AVRANCHES et n'ont donc jamais rejoint les troupes allemandes qui faisaient face aux forces de débarquement alliées sur le front de Normandie.

Je reprendrai ici le passage d'un livre de Christian Bougeard (historien) : "Ainsi en Ille et Vilaine, le bilan des F.T.P. est-il passé de 10 sabotages en 1942 à 18 en 1943 et à 46 en 1944 avant le 6 juin. Les explosifs ont été fournis par un chef des FTP Louis Pétri – Loulou – de Louvigné-du-Désert.". Comme il est indiqué dans "Les confidences du Commandant Petri", il en a été pris ailleurs qu’à la mine.

Ces carcasses sont longtemps restées sur le bord de cette route rappelant ainsi à tous, ce qui s'était passé dans cette région.

Le système étant très sensible; lorsque l'engin explosif était mis en place, il fallait veiller de part et d'autre pour éviter que des personnes innocentes n'en soient victime. Ensuite, il fallait le récupérer le lendemain matin si aucun transport militaire allemand n'était venu s'y faire prendre. Cette récupération n’était pas non plus sans risque.

Pour ce qui est du rôle Du Directeur de la mine, nous nous sommes toujours interrogés. Il recevait de temps à autre des officiers allemands de hauts grades avec qui il entretenait de très bonnes relations. Mais pouvait-il en être autrement à la place qu'il occupait …?

Nous l'avons arrêté deux fois à la Libération, et deux fois il a été relâché. A chaque fois tout le groupe de résistants était présent, le directeur était remis aux autorités Rennaises et c'était surtout papa et Guy qui s'entretenaient avec lui. Les choses se sont toujours bien passées, avec un dialogue presque cordial, mais à partir de la deuxième fois, on ne l'a plus revu. Personne n'a jamais été inquiété par les Allemands sur la Mine. Par contre, notre nom était sur la table du bureau de la Gestapo de Rennes à la Libération. Qui l'avait donné ?

Les parachutages :

Tous les soirs nous écoutions la BBC, depuis longtemps, mais à partir du 6 juin, cette écoute avait pris plus d'importance. Il n'était pas facile de la capter, car les Allemands faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour brouiller les ondes, mais le seul moyen d'avoir une information crédible à propos du débarquement et de ce qui se passait ailleurs, c'était par cette chaîne radio.

Au fur et à mesure que nous avancions dans le mois de juin, puis en juillet, nous écoutions avec beaucoup d'attention les messages personnels. Nous savions que nous devions recevoir un parachutage d'armes et de munitions. Mais quand et où ?

Il est possible que papa connaissait le lieu, car celui ci avait du être choisi par "Loulou" accompagné d'un membre du B.O.A. et d'Eugène L. (sans doute sur conseil de Papa) qui, en tant que chasseur, connaissait tout les terrains propices de la région.

Pour la date, elle ne pouvait être déterminée qu'à partir de la réception du message personnel. Celui ci n'était guère connu que de Loulou et du membre du B.O.A. ainsi que du chef de groupe qu'était Eugène L., lequel était obligé de se réfugier dans les bois avec son épouse et sa petite fille. Ce message avait sans doute été communiqué à Isidore C. (Pierre) ainsi qu'à Papa, car je ne suis pas certain que C. possédait un poste de radio. De toute manière, même s'il était souhaitable qu'il y ai peu de personnes dans le secret, il fallait quelqu'un pour capter le message, et il y avait peu de poste de radio à l'époque.

Ce fameux message a été diffusé par la B.B.C. le 15 juillet, et c'était : "Il a gagné le million trois foi".


16 juillet 1944 :

Le 16 juillet au soir, tout le groupe se retrouve sur la lande de Pavée sous les ordres du capitaine P. (de son nom de guerre Pierre) et quelques autres membres de groupes FTP des environs. Il est presque minuit et la nuit est tombée, lorsque nous entendons un bruit d'avions. Aussitôt nous allumons des torches électriques dirigées vers le ciel et espacées d'une vingtaine de mètres environ chacune, pour circonscrire la zone de parachutage.

Peu de temps après nous arrivent les containers avec armes , munitions et explosifs qui nous sont largués par trois avions. Le tout arrive en bon état. Aussitôt nous nous activons au prés de ces containers pour en sortir les contenus et camoufler le tout aussitôt.

Ces contenus seront retirés le lendemain et les jours suivants à l'aide de charrettes de fagots ou de foin. Armes et munitions iront rejoindre des caches d'armes pour en être retirés selon les besoins et au moment venu.


31 juillet 1944 :

Dans la nuit du 31 juillet au 1er août 1944, la même opération que pour Pavée est réalisée, dans un pré à proximité d'un petit bois et du château de la Blinaye, en Saint-Christophe-du-Valains. Cette fois, quatre avions y participent. Comme a Pavée nous récupérons le tout et le camouflons dans le bois qui est tout prés. Une partie sera enlevée sans problème le 1er août.


Le 2 août au matin :

Le bois est cerné par les Allemands et ne peut donc être approché. Quelqu'un de charitable nous a donc donné.
Les hommes restés de garde se sont installés et ont mis les fusils mitrailleurs en batterie avec une bonne réserve de munitions à proximité.
Les Allemands n'ont donc pas pu pénétrer dans le bois et en ont été tenu à bonne distance sans pouvoir s'en approcher. Les rafales des fusils-mitrailleurs et leurs portées étaient suffisamment dissuasives. Ils attendaient sans doute des renforts et soudain ils sont partis. Un homme vient prévenir que les Américains sont sur la route en direction de Vieux-Vy. Nous savions tous qu'ils n'étaient pas loin, mais le piège était à craindre.


Le Lieutenant "Raoul" :

Le lieutenant Raoul, Raoul O. de Saint-Hilaire-des-Landes décide d'aller voir. En passant devant une maison, il prend une balle dans la tête (rentrée par la joue et ressortie par la bouche). Un Russe (prisonnier évadé) qui faisait partie du groupe FTP dans le bois l'a suivi et le reçoit dans les bras. Il fonce sur la maison, ouvre la porte d'un coup de pied, trois allemands se baissent derrière une table. Le Russe la bascule d'un coup de pied et vide le chargeur de sa mitraillette Sten sur eux et les tue.

Eugène L. :

On ne dira jamais assez ce que l'on doit à des hommes comme Eugène L., dont les Allemands et les miliciens ont brûlé la ferme, l'obligeant à se réfugier pendant des mois dans les bois avec sa femme et sa petite fille de six mois. C’est ainsi que Edouard C. (plus connu sous le prénom de Pierre) dut prendre le relais pendant un certain temps pour continuer d’assurer les responsabilités du groupe et de mener à bien tout ce qui avait été prévu et organisé précédemment.

Chacun de nous s'efforçait de vivre une vie tranquille dans la journée avec pour objectif "Ne pas attirer l'attention", ni des voisins, ni de qui que ce soit. Cela ne marcha pas pour Eugène L. qui fut donné par des "âmes charitables", vraisemblablement à cause de ses opinions politiques trop orientées à gauche. Il eut la chance de ne pas être là lorsque ces messieurs de la milice se présentèrent, et donc d'être prévenu à temps pour ne pas se représenter sur les lieux.

Je voudrais dire ici que la commune de Vieux Vy a un peu trop vite oublié ce qu'elle devait à ce genre d'homme, qui parce qu'il a été très discret sur son passé, et sans doute parce qu'il pratiquait des idées trop à gauche pour la commune, est mort dans le plus parfait anonymat à RENNES. Je garde encore le souvenir de la dernière fois où je suis allé le voir avec Papa. Il était allongé dehors dans une petite cour sur un hamac et il vivait ses derniers moments suite à la tuberculose.

Avant sa fin et après la Libération, il s'était trouvé du travail à l'Arsenal de Rennes et vivait dans un petit appartement avec sa famille.
Reconnaissance pour un passé exemplaire…. Qui en a eu … ?
Il avait pourtant mérité autre chose que l'oubli dans lequel on l'a laissé finir ses jours.
Pour les autres membres du groupe, cela se passa bien, encore que nous eûmes la chance que les Alliés arrivent à temps, d'abord pour tous ceux qui étaient encerclés dans le bois de Saint-Christophe, et aussi pour nous qui avions également été donné puisque notre nom se trouvait sur les bureaux de la Gestapo à l'arrivée des Alliés. Pour le reste, le travail avait été si bien préparé, que la libération de la région ne demanda que quelques jours et qu’elle fut faite par les FTP de la région.

Des question se posent :

Qui a donné Eugène L. à la Gestapo ? Qui a donné Yvonnick L. et ses camarades à la Milice ? Qui nous a donné à la Gestapo ? Notre tour n'était pas loin. Qui a prévenu les Allemands pour le parachutage de Saint Christophe ?

Yvonnick L. :

Le cas d'Yvonnick LAURENT est un peu particulier . Pour beaucoup, il a refusé de donner nos noms, sous la torture et c'est vrai. Mais il ne pouvait les donner, puisque n'étant pas membres de notre groupe, il les ignorait. Cependant les miliciens n’avaient pas ménagés leurs forces en utilisant des liens à vaches auxquels ils avaient fait des nœuds, et qu’ils avaient trempés dans l’eau pour le frapper jusqu'à la mort. Œuvre dont ils étaient si fiers qu’ils avaient caché son cadavre sous un tas de fagots.

Le jour où la milice fit sa descente et arrêta Yvonnick L., deux autres maquisards, couchés sur du foin dans une grange, donc pas dans la même pièce, réussirent à s’enfuir en arrosant les miliciens avec leurs mitraillettes.
Je dois dire que leur imprudence en venant boire avec leurs armes au bureau de tabac de Vieux Vy tenu à l’époque par notre facteur Adrien Le F. et sa femme Marie ne nous inspirait pas confiance. Nous nous posions des questions à leurs sujets, à savoir : "N’étaient-ils pas de la milice ?". La suite nous a démontré le contraire. Il s’agissait de jeunes, bravant tous les risques, et allant jusqu'à la provocation.

C’était de leur âge, j’aurai vraisemblablement agi pareillement si je n’avais eu des adultes m’encadrant et me faisant mesurer tous les risques qu’on pouvait prendre et faire prendre aux autres en agissant ainsi. Ce genre de bravades était gratuit, mais méritait cependant un "grand coup de chapeau" pour le courage et le culot qu'il fallait bien avoir pour oser le faire.

Cela faisait jaser, et comme je l'ai déjà dit, nous n'étions pas sans inquiétudes sur notre "devenir" de Résistants. Le travail de notre groupe préparant la Libération et agissant dans l’ombre était beaucoup plus important sans être pour cela moins risqué. Eugène L. en a payé le prix avec sa famille et sa ferme brûlée. Nous savions tous qu'à n'importe quel moment, il pouvait nous arriver la même chose ou pire. L’Occupant n’avait pas que des ennemis au pays. Il y avait aussi des "collabos", même s'ils ne l'affichaient pas trop, ils n'en étaient que plus dangereux.

Voici le récit trouvé page 452 dans un livre de 800 pages environ, intitulé HISTOIRE DE LA MILICE et qui regroupe un certain nombre de témoignages de miliciens : "Le 8 juillet, à la "Roche-aux-Merles" des miliciens arrivés en voitures arrêtent et torturent pendant des heures, sous les yeux de plusieurs témoins, un jeune homme, Yvonnick L.. Mis torse nu et couché à terre, Yvonnick est flagellé au moyen d'une corde à nœuds que les miliciens trempent dans un seau d'eau. Le malheureux pousse des cris déchirants, mais refuse de répondre aux questions que ses tortionnaires lui posent. Les miliciens le font monter dans leur voiture et repartent. Le lendemain soir, le cadavre de Yvonnick, tué d'une rafale de mitraillette, est découvert dissimulé sous des fagots, dans une ancienne carrière, à quelques kilomètres de là."
Il a bien fallu des âmes charitables pour dire à la milice ou à la Gestapo dans quelle ferme ces Résistants se trouvaient. Car le fait qu'Yvonnick et ses camarades n'appartenaient pas à notre groupe ne veut pas dire qu'ils n'appartenaient à aucun réseau de Résistance.

Beaucoup de maquisards de Saint-Marcel (dans le Morbihan), de Saffré (dans la Loire Inférieure) ou de Broualan (en Ille et Vilaine) ou d'ailleurs… ont dû se replier dans d'autres communes. Leurs maquis d'origine ayant été attaqué par les Allemands, ou par la Milice, ou par les deux, ces lieux étaient devenus trop dangereux pour eux. En s’installant à "La Roche-aux-Merles", ils avaient fondé un autre groupe sous les ordres de " Loulou", mais la règle pour des raisons de sécurité chez les FTP, était que les groupes ne se connaissent pas entre eux . Cela je l'ai appris récemment dans les confidences de "Loulou" éditées sous le titre "Les Hommes du Maquis" par la Fédération des Anciens Combattants Volontaires de la Résistance des régions Bretagne, Normandie, Maine.


La Libération :

Les armes reçues dans les parachutages ont permis aux groupes de Résistance des environs d'être armés. Nous avons pu également fournir des armes aux quelques civils (trois de la Mine pour Vieux Vy) qui nous ont rejoint le 2 août 1944. Lorsque les troupes alliées dont parmi eux des soldats Français arrivèrent dans Vieux Vy, elles passèrent à Brais aux environs de midi. Toute l’après midi, et les jours suivants, avec le groupe, nous avons patrouillé sur la commune et sur les communes avoisinantes pour débusquer les allemands qui pouvaient être restés, et il en restait.


1ère fusillade :

Alors que nous venions de récupérer nos armes dans une cabane en bois face à la scierie de Isidore L., mais entre le Couesnon et la route de la Bederais, l’après midi du 2 août, nous venions de nous mettre en file Indienne sur la route et partions en patrouille. C’est alors que deux Allemands descendent la côte en side-car et nous dépassent. Aussitôt branle bas de combat. Plusieurs se mirent à leur tirer dessus immédiatement, d'autres attendirent qu’ils passent sur le pont du Couesnon. Tous nous tirèrent, mais avec la végétation, ce n’était pas facile. De plus nous étions trop nombreux, il s'agissait de ne pas blesser l'un de nous.

Ils abandonnèrent leur side-car à la sortie du pont et ne se hasardèrent pas à vouloir traverser le bourg. Nous pensions qu’ils avaient été touchés, mais nous n’en trouvâmes aucun.


Sens de Bretagne :

Le lendemain dans la campagne en Sens de Bretagne, un Sous Officier S.S. refuse de se rendre, et, caché derrière une souche, il blesse un résistant. Il est cerné aussitôt. Guy se trouvant là, attend qu’il bouge pour le tirer.
A un moment l’Allemand sort sa tête pour voir où sont les hommes qui attendent sans tirer. C’est à ce moment que Guy lui loge une balle en pleine tête. Avec lui l’Allemand n’avait aucune chance.

L’après midi c’est un car de 25 Allemands qui s'arrête sur la place de Sens de Bretagne. Un membre du groupe de Sens qui leur est tombé dessus à l’improviste les met en joue avec sa mitraillette "STEN". Les Allemands étant sortis du car, surpris, lève les bras aussitôt, mais se regardent en se demandant sans doute : "Est-il seul" ?
Le copain est aussi surpris qu’eux et commence à être embarrassé par cette situation explosive, ne sachant trop comment faire pour s'en sortir indemne. Pas facile pour un seul homme d'en désarmer 25 qui ne comprennent pas un traître mot de ce qu’on dit ou font semblant de ne pas comprendre. Tirer c’est en tuer quelques uns mais être tué à coup sûr.

Coup de chance pour lui, une voiture de quatre hommes armés de mitraillettes arrive. Les Allemands se rendent, mais il lui fallut un petit bout de temps pour se remettre de ses émotions. Sans l'effet de surprise, cela aurait pu tourner bien plus mal.


Le baptême du feu :

Le soir à la tombée de la nuit du 2 août c'est mon baptême du feu. Nous buvons une bolée, Jean F, Françis A et moi même, au fond de la cour en forme de U de Francis A à la Bederais. Françis a rentré son arme chez lui, Jean a démonté sa mitraillette et l'a mise dans un sac à côté de lui, mon fusil est prés de moi, sans balle dans le canon, les huit étant dans le chargeur. Nous entendons un pas descendant la côte, mais un mur nous empêche de voir sur notre gauche celui qui arrive. Le pas est toutefois assez caractéristique, et nous alerte plus ou moins. Lorsque nous le voyons, c'est la tombée de la nuit, mais pas encore le noir opaque. Cela peut être un homme en gabardine ou un allemand avec son imperméable.

Je prends immédiatement mon fusil et le mets en joue en lui criant dans le plus beau langage militaire : "Halte là" !
Il ne s’arrêta pas mais ralentit. Il y a toujours un doute dans mon esprit, cela peut être un civil, cependant il a l’air d’un Allemand. De plus il continue d’avancer et n’est pas loin d’arriver à hauteur du mur que nous avons à notre droite.

Je mets rapidement une balle dans mon fusil tout en le tenant en joue et lui crie "Arrête Non de Dieu ou je tire".
Le ton utilisé doit être assez persuasif, et c’est dit dans un Français qui n’a plus grand chose de militaire, du moins, je le pense. Il lève les mains et est presque arrêté lorsqu’il plonge les mains sous son imper, sort un revolver Mother dans chaque main, nous arrosant de balles tout en partant au pas gymnastique.

Les vitres de la fenêtre tout prés de nous volent en éclats. Je fais feu aussitôt, presque en même temps que lui mais son démarrage le sauve. Le temps de remettre une balle dans le fusil et il est sorti de mon champ visuel. Nous courons après lui, mais il n’est pas resté sur la route et a sauté par dessus le talus. Nous ne le trouvons pas et je pense après coup que c’est aussi bien, car s’il nous avait attendu derrière le talus, il pouvait nous allumer très facilement.

Comme j’étais le seul armé il aurait eu toute facilité pour allumer Jean et Francis ensuite. Il avait certainement eu assez peur comme cela et était parti sans demander son reste. Nous aurions du avoir peur également mais notre réflexe fut la preuve du contraire et pas obligatoirement le bon. Il ne pouvait savoir que sur mes deux compagnons, l’un venait de déposer son arme chez lui, l’autre l’avait démontée et rangée dans un sac. Inutile de dire qu’ensuite la mitraillette fut remontée et gardée à la main avec son chargeur dessus lorsque je raccompagnais Jean F. à BOIS MINE, ce qu’il m’avait demandé de faire. Il était préférable d’éviter de se déplacer seul, ce que je fus pourtant contraint de faire entre son moulin et la Mine. C’est ainsi que le lendemain, on me prit mon fusil et on me donna une mitraillette STEN. Si je l’avais eue la veille, l’Allemand ne s’en serait sans doute pas tiré.


Saint Christophe de Valains :

Le 3 août au matin, René C. et moi sommes chargés d'aller perquisitionner chez le maire de Saint Christophe de Valains, soupçonné d'avoir informé les Allemands à propos du parachutage d'armes et de munitions. Il était connu comme étant un collaborateur.

Notre fouille ne donna pas grand chose. Dans un tiroir, une photo de la fille en compagnie d'un Allemand, et dans une barge de paille dehors, nous trouvâmes le porte feuille d'un Allemand, vraisemblablement le même que sur la photo.
Le maire et sa fille n'étaient d'ailleurs pas là. De toute manière , peu de chose qui puisse justifier une arrestation.
Certes quelqu'un nous avait bien donné, mais ce que nous avions n'en faisaient pas des coupables. Nous n'allâmes pas plus loin.


Les battues :

Les jours suivants, des battues furent organisées afin de fouiller chaque haie, chaque buisson, et toute la région fut passée au peigne fin. Avec notre groupe nous remettions 71 prisonniers Allemands aux Américains à Betton prés de RENNES. Papa et Guy sous la couverture du Groupe arrêtèrent le directeur de la Mine pendant l’occupation, qui à maintes reprises avait reçu des officiers Allemands de hauts grades dans la propriété de la Direction à la Mine. Ils le remirent aux autorités Rennaises de l’époque. Ils durent l’arrêter deux fois. A chaque fois il fut relâché mais ne revint pas la seconde. Ce monsieur était marié à la fille d’un des plus riches grossistes en épicerie de Rennes.

Nous apprîmes à l’époque que le nom de notre famille était sur les bureaux de la Gestapo à Rennes. Sans l’arrivée des Américains, nous n’aurions pas été longtemps sans avoir des problèmes. A la suite de bruits partis on ne sait d'où, à deux reprises, nous dûmes quitter la maison, pour aller nous réfugier dans les bois de «Brinbien » pendant quelques jours. Nous y avions entendu qu’une descente de Gestapo ou de Milice devait se faire. Elle n'eut pas lieu et fut sans doute remise pour des raisons qu’on ne connaîtra jamais. Nous nous sommes souvent interrogés depuis, car le fait est qu'à l'arrivée des Américains, notre nom était bel et bien sur les bureaux de la Gestapo.


Combourg :

Jusqu’au 10 août, tous les Résistants de la région firent un travail important pour la Libération du pays.
Ils empêchèrent les Allemands de se regrouper et de se réorganiser à l’arrière des troupes Alliées qui avançaient. Ce 10 août au soir nous sommes allés rejoindre les Forces Françaises de l’Intérieur à Combourg.

C’est au château de Combourg que je me suis séparé du groupe de Vieux Vy pour continuer la Libération. Le Groupe de Vieux Vy était surtout formé d’hommes mariés et dont certains étaient pères de famille. Il était normal qu’ils rejoignent leurs foyers. Personnellement, considérant que je n’avais aucune responsabilité familiale, ma place et mon devoir était de continuer ce qu’on avait commencé, ce qui me valut une sérieuse altercation avec Guy qui se considérait responsable de moi en l’absence de papa du fait que j’étais encore mineur avec mes 19 ans.

A la suite de cette altercation, René C. du Groupe de Vieux Vy qui avait envisagé de rentrer, me demanda à deux reprises si je voulais vraiment rester. Lui ayant répondu Oui et la deuxième fois assez sèchement et avec colère; il jeta son sac à mes côtés et me dit "Tu ne resteras pas seul". Comme moi il n’avait aucune responsabilité familiale mais avait cinq ans de plus donc vingt quatre ans. Nous restâmes donc à deux du groupe de Vieux Vy pour continuer dans le combat de la Libération.


Saint Brice en Cogles :

René et moi sommes peut être resté jusqu'au lendemain au château de Combourg. Le Capitaine S vint nous chercher pour nous amener à St Brice en Cogles où, avec Adolphe R. et sous les ordres du Commandant LOULOU, ils étaient en train de former un bataillon F.T.P. avec d’anciens résistants et d’autres jeunes de la région.

A Combourg nous nous étions trouvé parmi des F.F.I. (Force Française de l’Intérieure) qui regroupaient des jeunes de la Région (anciens résistants ou non) qui étaient considérés comme des forces engagées "politiquement à droite", ce qui était partiellement faux, puisque nous étions censé en faire partie alors que nous ne le savions pas

Il est vrai que nous ne les avions guère vu avant. La recherche de la vérité m'a appris que les FFI regroupaient toutes les organisations de Résistance depuis février 1944, mais à cause d'arrestations de hauts responsables des diverses organisations, la décision n'avait pas été suivies d'effets.

Pour les FTP, c'était l'action à base de sabotages et d'attentats et pour les FFI dont les décisions émanaient de Londres, c'était l'attentisme sur ordre, soit mobiliser des volontaires pour les utiliser le moment venu.

Les deux organisations, qui théoriquement n'en étaient plus qu'une, ont prouvé leur utilité, chacune à leur manière. La fusion de toutes les organisations de Résistance Française dans les "Forces Françaises de l'Intérieur" (F.F.I.) a été décidée par la nécessité sur le plan National de mettre en place avant la Libération les "Comités départementaux de Libérations" (C.D.L.) sur interventions des dirigeants de la "France Libre".

Les CDL devaient devenir les organes administratifs des villes et des régions au fur et à mesure qu'elles seraient libérées, afin d'éviter que la France ne devienne un pays occupé et administré par les Américains. Les membres de ces CDL devaient donc être représentatifs des différentes composantes de la Résistance

L'information n'ayant pas toujours bien passé, et cela a été le cas en Ille et Vilaine, nous avons continué d'agir sous notre étiquette de F.T.P. jusqu'à la Libération. Ensuite ont été mis en place des groupes formés d’anciens résistants et de jeunes de la régions que l’on a appelé « Résistants de la dernière heure », mais qui ont cependant joué un rôle essentiel dans la Libération du Pays. La guerre ne s’est terminée qu’en 1945 et nous étions en août 1944.
De plus, je crois que pour des raisons politiques, tous ceux qui n'étaient pas FTP ont été considéré dans nos rangs comme étant de droite à l'époque, ce qui était complètement faux, puisque nombreux étaient les socialistes qui ont combattu sous d'autres appellations. Il est vrai également, que le fait que des communistes aient été à l'origine des FTP ne veut pas dire que ceux ci étaient tous de la même obédience malgré qu'on peut considérer qu'ils étaient tous ou presque de gauche.
C’est avec ces bataillons que tout ce qui était stratégique sur le plan militaire a été gardé dans la région.
C’est ainsi que j’ai participé à la garde de la ligne de chemin de fer entre Rennes et St Malo. Personnellement avec René et quelques autres nous avons eu à garder les voies de chemin de fer et les ponts entre Rennes et Montreuil sur Ile. Nous étions cantonné dans un pavillon prés du passage à niveau de Maison Blanche (Route Rennes - Mt St Michel) prés de Rennes. Ce grand pavillon avait été le siège d’officiers Allemands pendant l’occupation et fut réquisitionné par la Résistance à la libération.


Le Cap Fréhel :

Nous y avons surtout été les gardes côtes de l’époque, contre un retour éventuel des Allemands ou de traînards qui auraient pu venir prendre dans les casemates toute une multitude d’armes et de munitions abandonnés par l'ennemi lors de son départ souvent précipité. Nous y avons trouvé toutes sortes d’armes et de munitions (Canons antiaériens. Mitrailleuses. Obus . Mines anti-chars. Balles...)

Bien sur, les Allemands avaient détruits les armes abandonnées avant de partir, mais en réunissant toutes les armes de mêmes catégories, je ne tardais pas à m'apercevoir qu'il était possible d'en reconstituer un certain nombre en utilisant ce qui n'avait pas été abîmé. Je dotais ainsi notre groupe d'un armement assez lourd et doté d'un potentiel de munitions importants.

Nous y sommes restés plus de quinze jours, et faisions garder notre camp par des mines anti-chars sur la route contre tout retour possible des Allemands. A cette époque nous vivions toujours l'époque de la Libération, et des allemands il y en avait encore un peu partout. Dans certains endroits, ils sont réapparus alors qu'on ne les attendait plus.

Il est vrai que les groupes de Résistants organisés sortant de l’ombre et apparaissant au grand jour dés que le front de Normandie craqua ne fut pas pour rien dans la panique qui s’empara des Allemands et la débâcle qui s’ensuivit. Les Troupes alliées ne rencontrèrent aucune résistance dans la région. Partis d’Avranches, les Américains ne furent arrêtés qu’après Betton (prés de Rennes) où des Allemands les arrêtèrent bloquant leur convoi d’un seul coup de canon sur le 1er char. Les chars s'amassant derrière ensuite, les Allemands reprirent leur canonnade et purent en détruire ensuite 17 autres. Les Américains auraient sans doute fait intervenir leur artillerie ou leur aviation, mais n’eurent pas à le faire, un groupe de Résistants ayant maîtrisé les allemands et leur artillerie.

C’est d’ailleurs ainsi qu’on les retrouva à Betton et qu’on pu leur remettre nos prisonniers. Les Américains entrèrent dans Rennes libéré par les Résistants le 4 août. Le C.D.L. était déjà en place lorsqu'ils y entrèrent. C'était important pour la France, Rennes étant le premier chef lieu de région libéré depuis le débarquement.


Le Camp de la Marne :

Ce camp dans la banlieue de Rennes était un camp Américain de prisonniers Allemands dont on nous avait confié la garde. Dans ce camp se trouvaient des prisonniers Allemands mais également des Russes qui essayaient de communiquer avec leur pays, ce qui leur était refusé par les Américains. Il faut savoir que dans les pays soviétiques envahis par les Allemands un certain nombre de ressortissants soviétiques s’étaient engagés dans l’Armée Allemande et que d’autres avaient été emmenés plus ou moins de force. Il n’était pas facile de savoir la vérité à propos de chacun d'eux. Certains de ces Russes prisonniers des Allemands en France s’étaient évadés. C’est ainsi qu’il y en avait deux avec nous au parachutage de St Christophe de Valains dont un a sauvé la vie du Lieutenant RAOUL.


Les Marais de Fégréac :

Les marais de Fégréac prés de Redon sont une des pages de la Résistance de la région. J’y ai passé une bonne partie de l’hiver 1944 - 1945. L’objectif était d’empêcher les divisions Allemandes de se retirer des Poches de Lorient et de Saint-Nazaire et d’aller rejoindre les forces Allemandes. Cet objectif a commencé le 12 août, c'est à dire à partir du moment où les forces Alliées se sont dirigées vers le Centre de la France et où le Général américain Wood a confié cette tâche aux F.F.I..

70 000 allemands étaient restés dans ces poches soit environ 35 000 dans chacune d'elles. Ces poches ont été encerclées par des groupes de Résistants des différentes régions de Bretagne aidé en cela par une Compagnie Américaine. Nous les avons maintenus sur place jusqu'au 10 mai 1945 pour la poche de Lorient et jusqu'au 12 mai 1945 pour celle de Saint-Nazaire.

On peut d’ailleurs regretter que cette page de la Résistance semble particulièrement ignorée en France. Pour ma part, j’ai passé une bonne partie de l’hiver 1944 - 1945 dans les marais de Fégréac avec René C. en compagnie de bon nombre de camarades anciens résistants ainsi que d'autres nous ayant rejoint à la Libération. Nous n’avions pour vêtements que ceux que nous avions emmenés en quittant nos foyers.

Certains avaient du rechange, d’autres n’en avaient pas; la nourriture n’était pas toujours assurée et nous avons connu des jours sans également. On peut dire que ces poches allemandes ont été gardées par une armée de jeunes en haillons, crevant de faim et de froid derrière des talus ou dans des marais, mais avec un moral d’acier qui a permis de tenir jusqu’au bout dans un hiver glacial et sans statut militaire, ce qui veut dire que si nous étions pris par les allemands, nous risquions d'être traité comme terroriste, et donc d'être torturé ou fusillé aussitôt.

Cet hiver là, nous l'avons passé dans des marais, en état d'alerte permanent, accroupis derrière des talus, prêts à réagir au moindre bruit, et pourtant attentifs à ne pas commettre d'erreurs, ce qui n'était pas le plus facile parce que l'ennemi pouvait nous arriver de partout. Cela pouvait également être des nôtres partis en incursion chez l'ennemi. Cet hiver là, il a fait froid, et nous l'avons vécu dans le brouillard et l'humidité des marais de Fégréac. Notre seul abri était une grande toile de tente, où nous avions un lit de camp. Tous n'en ont pas eu autant.

Il semble que quelques hommes ont reçu des uniformes anglais. Personnellement je dois dire que je n'en ai vu aucun dans le secteur où j'ai été affecté, ni les quelquefois, où avec René C., je suis allé à Redon.

On y avait formé des « Corps Francs ». René s’y étant porté volontaire, je l’y avais donc suivi. "Noblesse oblige". Il n'avait pas voulu me laisser seul à Combourg, je considérais de mon devoir de lui renvoyer la vapeur. L’objectif traverser la rivière sur des barques pour aller harceler les forces ennemies de l’autre côté.

Il était important de savoir nager, et de ne pas craindre l'eau froide. Pour cela, mes baignades dans le Couesnon m'avait bien préparé, et plonger ou nager en eau froide ne me faisait pas peur. En hiver ce n’était pas évident, le retour se faisait parfois sous le feu de l’ennemi et il valait mieux avoir du rechange en cas de besoin, ce dont heureusement maman m’avait pourvu. J’ai même dû un jour, donner un de mes pantalons à un camarade ( René D. de Brinbien en Chauvigné) qui avait déchiré le sien en passant par dessus des barbelés et qui n’avait pas de rechange. Il était beaucoup plus grand que moi et le pantalon lui arrivait à mi jambes, ce qui n'était pas l'idéal pour passer l'hiver dans le froid.

De temps en temps, nous avions la visite du Capitaine S., de François R. ou de LOULOU. S. était un ancien capitaine des Républicains Espagnols qui s’était battu contre FRANCO et s’était réfugié en France ensuite.

C’est à la caserne St Joseph de Redon que j’ai signé mon engagement le deux octobre 1944 pour la durée de la guerre ou trois ans dans l’Armée, mais je n'ai quitté les marais de Fégréac qu'en mars 1945, environ un mois et demi avant la reddition des Allemands dans la Poche de Saint-Nazaire que nous gardions.


Dinan :

Après avoir quitté les Marais de Fégréac prés de Redon j’ai dû me rendre au Centre d’Instruction de Dinan à la caserne Beaumanoir ou je suis arrivé en mars 1945.

En trois mois, j'y ai passé mes pelotons d’Instruction et suis devenu Sergent Instructeur avec les prérogatives de Lieutenant pour former les jeunes recrues qui nous rejoignaient à l’époque. Ma connaissance des armes et de leur maniement, ainsi que mon expérience de la guérilla dans les corps francs pour aller harceler les Allemands n'était pas étrangère à mon avancement dans l'Armée.

Bien sur il me fallut apprendre les règlements militaires, mais ma facilité pour avaler un bouquin et en retenir ce qu'il fallait fit qu'en quelques jours, j'étais devenu incollable sur ces règlements. Cela me fut d'ailleurs bien utile plus tard. Pour l'instant, il s'agissait de former rapidement de jeunes recrues. L'Armée Française avait besoin de soldats et la guerre n'était pas finie.

J’étais cantonné sur la base d’Aviation de Dinan (Bel Air) et y ai reçu entre autres un certain nombre de compères de St Marc Le Blanc sur lesquels il m’était difficile d’avoir de l’autorité. Pas facile de les faire s’aligner au commandement de «Droite Alignement». Quand ils avaient envie de faire les pitres, il y avait des fusils dans tous les sens. Quand ils se faisaient mettre en prison par d‘autres gradés et que j’étais de service le Samedi et le dimanche, ils partaient tous à St Marc. Heureusement pour moi ils étaient tous de retour le lundi matin, sinon je n’aurais pas gardés mes galons longtemps.

Il faut dire que quand je n’étais pas de service le Week End, nous sortions ensemble et que plus d’une fois on a fait la bringue au Casino de Dinan où nous allions danser.

Sur cette base de Dinan un autre Sergent Instructeur : Gabriel P. qui avait passé ses pelotons en même temps que moi, qui faisait le même travail avec les mêmes prérogatives, également issu des rangs FTP de la Résistance était devenu mon compagnon de chambrée. Il se trouve que nous avions été apprenti ajusteur à l’Artillerie Navale de l’Arsenal de Brest à la même époque et en même temps. Nous avions le même âge et le même passé de Résistant.

Un beau matin, on apprend que le Général LECLERC demandait des volontaires pour former un Corps Expéditionnaire pour l’Indochine. Nous étions jeunes, n'avions pas de charges de famille, alors, nous nous sommes portés candidats.


Francazal :

Dans la foulée trente six des recrues dont un certain nombre de Morbihanais que nous formions ont décidé de nous rejoindre, et c’est ainsi que quelques jours plus tard nous prenions le train pour rejoindre la base de Francazal prés de Toulouse.

Prendre le train ne posa pas de problèmes, mais un certain nombre de nos recrues avait emmené de bonnes réserves de cidre et de vin. Arrivé à Paris, ni l’un ni l’autre ne connaissait. Nous prîmes un porteur pour nos valises qui nous guida jusqu'à la gare d’Austerlitz. Mais arrivés à la gare nous avions perdu dans le métro nos trente six gaillards dont beaucoup connaissaient bien mieux Paris que nous. Au bout de trois jours, ils nous avaient tous rejoints et nous pûmes donc reprendre notre trajet, avec un peu d’inquiétude toutefois pour ces trois jours de retard. Nous avions bien tort de nous inquiéter, car arrivé à Francazal, personne ne nous attendait et n’était au courant de notre venue.

Nous y fîmes un bon séjour, avec de bons casses croûtes au beurre doux et marmelade dans un bistrot prés de la base . Quelques bonnes soirées dansantes dans les environs avec paso-dobles endiablés et puis ce fut le départ pour GRANS prés de Marseille où on nous attendait et où nous restâmes pendant au moins trois semaines pour y recevoir toutes sortes de vaccins nécessaires avant notre départ. J'ai encore le souvenir que dans le train que nous avions pris à TOULOUSE pour aller vers Grans, nous étions Gaby et moi en train de manger un casse croûte en buvant de l'eau, lorsqu'une dame dans notre compartiment nous offrit sa bouteille de vin du pays.
Nous le trouvâmes si bon qu'elle crut bon de nous en offrir une autre. Il était bon mais fort en alcool également.
La dame était contente de nous voir nous régaler, mais je dois dire que nous perdîmes conscience de toute une partie de notre voyage.

C'est la dame qui nous réveilla lorsqu'elle dut quitter le train parce qu'elle était arrivée. Je revois encore le gentil sourire de cette dame habillée en noir lorsqu'elle nous quitta.


Grans :

A Grans comme à Francazal nous fûmes soumis à un entraînement intensif pour nous préparer à ce qui nous attendait en Indochine. Ce fut surtout les séries de piqûres et de vaccins que nous dûmes subir qui employa une bonne partie de notre temps. Nous y étions surtout venus pour cela puis ce fut le départ pour Marseille en camions avec tout notre "Barda" et enfin l'embarquement sur le transport de troupes "Néah Hélas" le 6 février 1946

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