Juin
1940. L’Alsace et la Moselle sont envahies
par la Wehrmacht et, en violation flagrante des accords d’Armistice
signés avec le gouvernement du Maréchal Pétain,
sont annexées de fait au Reich.
Très rapidement, les engagements de force commencent et le jeune
alsacien Eugène est envoyé en Allemagne pour travailler
dans un moulin.
Arrivé sur place, le meunier était malade. L'épouse
de celui-ci a accueilli Eugène et lui a fait visiter le moulin.Mais
il avait un fils et ce dernier n'aimait pas les Français ! Eugène,
inquiet, a pris la fuite de nuit et a rejoint un camarade deux village
plus loin qui travaillait également comme meunier.
Il
a été bien accueilli par les propriétaires du nouveau
moulin, mais ces derniers ne pouvaient pas le garder plus de 8 jours.
Il a donc décidé de rejoindre la France avec son camarade
Raymond. Arrivé à la gare dans son village natal à
Zillisheim, il a été accueilli par ses parents qui étaient
gardes-barrières à l'écluse de Zillisheim.
Il
a pu rester chez eux jusqu'en 1942 et a travaillé avec les ouvriers
qui se sont occupé de la réfection des routes et du canal.
En 1943, il est parti à Helmack (SACM), une usine métallurgique
à Mulhouse et a travaillé en tant que soudeur.
Il a fabriqué et soudé des pièces de Panzers.
L'usine était gardée par des soldats allemands. Eugène
donnait de la nourriture à des prisonniers de guerre russes qui
travaillaient comme manutentionnaires.
Cette nourriture, il l’emballait dans du journal et la déposait
dans les poubelles. Mais un beau jour, Eugène s'est fait prendre
par un garde allemand qui l'a emmené devant l'officier de service.
Ce dernier lui a dit que pour le punir, il l'enverrait dans l'armée
allemande. Eugène est allé
fumer aux toilettes avec un russe et le commandant a vu qu’il
offrait des cigarettes à ce prisonnier…
Envoyé en Allemagne, Eugène a été incorporé
de force dans la Wehrmacht.
Il
y a reçu une formation, puis fut incorporé dans la Kriegsmarine
sans que personne ne lui aie demandé son avis.
Il
fut alors affecté à la 5. Marine-Ersatz-Abteilung, 7.
Kompanie.
Cette unité était chargée de la surveillance des
installations portuaires et fur renommée plus tard 5. Kriegsschiffneubauten,
plus orientée vers la réparation des vaisseaux endommagés.
Tout d’abord affectée sur les ports de la mer Baltique
le 8.12.43, elle fut ensuite envoyée en Grèce le 3.3.44
et enfin a Chania (La Canée en Crète ) le 12.4.44 et ce
jusqu’à la fin de la guerre.
Eugène, qui y fut nommé Obergefreiter, un grade proche
de celui de Quartier-maitre de deuxième classe (QM2), dans notre
bonne vieille Royale, connut en Crète quelques mésaventures
: Pris dans une attaque des troupes britanniques (28th Infantrybrigade)
où néo-zélandaises (2nd New Zeland Division) qui
commençaient à débarquer dans l’île,
il y gagna une Croix de Fer de deuxième classe.
Deux jour plus tard, il reçut l’ordre de réquisitionner
un bateau de pèche pour aller faire de « l'observation
». Assommé par le capitaine de ce bateau, il passa deux
heures inconscient et, en se réveillant, ne dut son salut qu’aux
fusées éclairantes qu’il tira pour que l’on
vienne à son secours et fit un séjour à l'hôpital
de campagne Kreta à La Canée.
Musicien
passionné, Eugène, au cours d’une patrouille en
ville, entendit un soir des sons connus et découvrit que des
« Malgré-nous » alsaciens se réunissaient
dans une cave pour jouer des airs du pays. Il rejoignit ce groupe clandestin
et, tard dans la nuit, allait avec eux y jouer du saxophone.
Repérés par un soldat allemand et risquant d’être
dénoncés, ils arrêtèrent et Eugène
prit la décision qui probablement lui sauva la vie : Il déserta,
se cachât et fut peu après fait prisonnier par les troupes
américaines.
Heraklion fut libérée en juin 1944, mais il restait encore
des troupes italo-allemandes dans l’île lors de la capitulation
du 8 mai 1945 (11.828 de la Wehrmacht, 4.737 de l'armée italienne).
Eugène put enfin rentrer au pays après un an dans les
camps de prisonniers de guerre. Eugène n’a jamais voulu
vraiment parler de cette triste étape de sa vie et il a fallu
tout l’enthousiasme de son petit-fils pour qu’il se décide
à nous en dire un peu plus. Il s’agit la d’un trait
commun à la quasi-totalité des « Malgré-nous
».
Mais il est bon que certaines de leurs mémoires soit connues.
Des dizaines de milliers d’Alsaciens et de Mosellans furent enrôlés
de force dans la Wehrmacht.
Ceux qui, comme Eugène, en sont revenus, se considéraient
comme « chanceux » en pensant à leurs camarades tombés
a l’Est ou ailleurs.
Ils n’en furent pas moins des victimes du nazisme et, à
ce titre, méritent que l’on parle d’eux.
Eugène est décédé le 13 mars 2008 et repose
en terre alsacienne, en terre de France, comme il se doit.
Eugène
Kret
Remerciements
:
Merci à un membre anonyme du forum « Croix de Fer»
qui a aimablement traduit les mentions
importantes du Soldbuch d’Eugène.
http://www.croixdefer.net/forum/index.php
Merci
aux membres du forum «Axis History » qui nous ont aimablement
fourni quelques
informations au sujet du 5. Marine-Ersatzabteilung dont Eugène
faisait partie.
http://forum.axishistory.com/