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Le
Caporal-Chef Angelo
Par Daniel Laurent
Informations et documents transmis par son fils Armando
Volontaire fin août
1941, Angelo s’est engagé dès les premiers jours à
la LVF, influencé par le milieu social et politique de son époque,
Angelo vivait dans le quartier étudiant du 6ème Arrondissement
de Paris, le Quartier Latin.
Il passe avec succès les très stricts contrôles médicaux
et rejoins les premiers volontaires à la caserne Borgnis-Desbordes
à Versailles.
A 5 heures du matin, il défile de la caserne à la gare de
Versailles pour l’embarquement, Versailles dort, les soldats chantent
au pas et empruntent le chemin de fer circulaire autour de Paris en wagons,
direction le Reich et la Pologne.
La
caserne Borgnis-Desbordes à Versailles
Il sera de la première
unité qui atteint Deba, base arrière de la LVF au sud de
la Pologne, en septembre 1941.
De là, après quelques semaines de formation, c’est
le Front de l’Est et les 2 bataillons quittent Deba les 28 et 30
octobre 41, le premier bataillon sous le commandement de capitaine Leclercq,
puis du commandant de Planard, le second avec le commandant Girardeau.
Angelo fait partie de la 3ème Compagnie.
Ils atteignent Smolensk,
le 31 octobre 1941.
Angelo fête ses 20 ans dans la gare de Smolensk d'où ils
prennent la route de Moscou le 6 novembre 1941, marchant dans le terrible
climat de l’hiver russe. L'équipement lourd est transporté
avec de grandes difficultés dans des chariots à chevaux.
Ce voyage est une tragédie : les uniformes et l'équipement
individuel ne sont pas adaptés pour les températures d'hiver,
tempêtes de neige et pluies glaciales tombent, un tiers des hommes
est affecté par la dysenterie. Avant d'atteindre la ligne de front,
la LVF a perdu 400 hommes, malades ou perdus.
Ils ont par la suite atteint l'extrémité de l’avancée
allemande, à 63 kilomètres de Moscou. Ayant été
positionnés à l’extrême pointe Est du front,
il serait tentant d’imaginer que l’armée allemande
ait voulu rendre un hommage guerrier aux Français, eu égard
à leur Campagne de Russie… Le régiment 638 est alors
incorporé, tout d’abord, à la 7ème Division
d'Infanterie du général von Gablenz (ancienne division d’infanterie
d’Adolf Hitler lors du Premier conflit mondial.).
Le 24 novembre 1941, les 4 pelotons du 1er bataillon se dirigent vers
la ligne de front près du village de Djukovo. Le QG régimentaire
atteint Golowkowo. La terre est gelée jusqu’à 1m de
profondeur. Il faut uriner sur les fusils-mitrailleurs pour qu’ils
ne refroidissent pas. Après plusieurs jours d’attentes dans
des conditions épouvantables, l'ordre d'attaque est donné
le 1er décembre dans une tempête de neige horrible, avec
des températures qui ont baissé de - 30 degrés durant
la nuit, sans équipement d'hiver, sans l'appui de Panzers.
Du côté opposé, la trente-deuxième division
sibérienne, bien équipée, bien formée, est
soutenue par de l'artillerie lourde. De la chair fraîche par rapport
à nos français courageux mais mal préparés.
Angelo, dans la nuit du 30 novembre 1941, est désigné pour
une mission de reconnaissance du terrain en première ligne dans
les bois devant le lac de Djukowo. Pleine lune, neige immaculée,
la longue nuit blanche de Biélorussie débute.
A trois, à minuit, ils partent en patrouille, se séparent
à un croisement de chemins, chacun dans sa direction, repliement
dans 2 heures à cet endroit.
Angelo seul, marche, écoute, observe la contrée de ces sous-bois
de bouleaux. Une salve retenti. Devant lui à 60, 80 mètres
une ombre. Pendant 3 heures, cache, cache des deux protagonistes entre
les arbres, le jeune volontaire ne lâche pas sa proie, son goût
et ses sens de la chasse en montagne reviennent en lui. Le rouge est bien
là. Enfin, à l’aube, l’ombre est abattue, un
commissaire politique russe.
Retour au poste de commandement et avec grande fierté, on est surpris
de le retrouver, ses camarades le croyaient mort ou perdu dans cette nature
impitoyable.
L'écusson
de manche d'Angelo
On lui préconise
de retirer ces bottes, sentence : orteils gelés. Il n’est
pas le seul…
Les Français morts et blessés jonchent le sol ; des armes
automatiques sont bloquées par le gel. Au poste médical,
le médecin capitaine Fleury lutte pour traiter tous les blessés,
les malades et les hommes avec des membres gelés. Après
une semaine, le 1er bataillon est presque disloqué et doit être
remplacé. Les lieutenants Dupont et Tenaille, des commandants de
pelotons réputés, ont été tués par
le même obus d'artillerie, le capitaine Lacroix est grièvement
blessé.
Angelo
(à gauche) Noël 1942
Plus au Nord, le
deuxième bataillon est moins affligé par la bataille, mais
autant par les conditions climatiques. Tandis que la 7ème division
d'infanterie demeure sur la ligne de front, la totalité du régiment
638 est retiré les 6 et 9 décembre.
Il a perdu 65 morts, 120 blessés, plus de 300 malades ou avec les
membres gelés. Angelo est parmi les gelés. Dans le wagon
des blessés, 30 volontaires, mais après 2 jours de chemin
de fer, 8 seulement survivront, Angelo est encore là.
Il sera soigné en Pologne, a Bréslau au Lazaret Hôpital
Son rétablissement demandera un an, et c’est un Angelo en
meilleure forme qui fête la Noël 1942 dans un autre établissement
hospitalier, vraisemblablement en France.
Angelo sera décoré de la Croix de Fer. Les arcanes administratives
en tant de guerre étant ce qu’elles sont, il la recevra en
février 1944. De manière tout à fait étonnante
et rare, le document officiel fut signé en France par Karl Heinrich
von Stulpnagel qui à cette époque était le Militärbefehlshaber
en France.
Histoire
de la Croix de Fer
Croix de Fer de 2ème Classe d'Angelo et son certificat
signé de la main
de Karl Heinrich von Stulpnagel
Désormais
déclaré inapte au combat, Angelo repart en Allemagne à
titre de travailleur à Leipzig aux usines aéronautiques
Junker. Là, il fait la connaissance de sa femme Florentine qu’il
épouse civilement en 1944.
L’Armée Rouge s’approchant de Leipzig printemps 1945,
Angelo quitte la ville. Retour en France puis c’est le camp de rassemblement
pour étrangers à Remagen, sur le Rhin près de Bonn,
interrogatoires etc. Arrêté en 1945 a Valenciennes, Angelo
passera quelques mois en prison à Fresnes. Défendu par Maître
Isorni, Angelo est acquitté. Il doit d’avoir été
défendu par ce prestigieux avocat au plus grand des hasards : Maître
Isorni était client d’un restaurant où travaillait
la mère d’Angelo.
Son épouse Florentine, de Leipzig, réussit à le rejoindre
en France en 1947, un amour sans frontières, comme la deuxième
guerre mondiale en a généré de nombreux, et Angelo
se "refait une vie".
Ils se remarient une seconde fois civilement en France et fondent leur
famille.
Mais le Front de l’Est ne l’avait pas oublié : ses
talons de jambes gangrenant, il fut opéré de nouveau en
1967/68 et amputé de la jambe gauche, puis en 1985 de la droite
au-dessous des genoux.
Comme la plupart des anciens volontaires handicapés, Angelo reçu
de la République Fédérale Allemande des prothèses
adaptées a son cas.
Angelo est décédé en 2005 à l’âge
de 84 ans et repose en paix sur le sol français.
Que la Paix des braves soit avec lui.
Nous nous contenterons, à notre modeste niveau, de l’ajouter
à l’infernale liste des victimes de la Deuxième Guerre
Mondiale.
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