Quartier Maître Mécanicien de 1ère Classe Georges Pochet
Par Roger Lenevette, son beau-frère, et Daniel Laurent

Georges Pochet

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Né le 16 janvier 1920 à Brest (Finistère).

Rentré comme arpète dans la marine, Georges Pochet a été chef  mécanicien sur le sous-marin "Orphée" pendant toute la durée de la Deuxième Guerre Mondiale.

Apprenti mécanicien du 07/04/36 au 01/04/38 à l'Arsenal de    Lorient.

Mécanicien du 01/04/38 au 13/06/45 sur le sous-marin Orphée.

Croix de Guerre avec Etoile de Vermeil le 15 mai 1940.
Croix de Guerre avec Etoile de Bronze le 10 janvier 1944.
Carte de Combattant N° 140104.

Décédé le 2 août 1989.

Nos sous-marins en mer du Nord

Au début de l’année 40, devant l’accroissement de la menace allemande, l’Amiral de la Flotte avait offert à l’Amirauté britannique le concours de nos sous-marins des 2’, 13’ et 16’ divisions qui, a partir de ports anglais, allèrent opérer en mer du nord, sous le commandement tactique du VA(S), le vice-amiral Horton, commandant les sous-marins britanniques.

Partis en février de leur base de Toulon pour Bizerte, les quatre 600 t de la Be DSM, Doris (CC Favreul, commandant la division), Thetis, Circae et Calypso, durent interrompre leur entraînement et transiter vers l’Atlantique pour rallier Brest afin de s’y ravitailler et tenter aussi de pallier de nombreuses défaillances d’équipements ; puis ce fut, après de trop sommaires réparations, leur appareillage en compagnie de l’Orphee, pour Harwich ou se trouvaient déjà les autres 600 t de la 16’ DSM, Antiope, Sibylle et Amazone, ainsi que le ravitailleur Jules Verne, portant la marque du CV de Belot, chef du groupe.

Déployée donc en Mer du Nord, l'Orphée participe a la guerre de 39-40 avec a son bord l’officier de liaison britannique Peter Banister. L’Orphée coule un U-Boat en avril 1940. Georges Pochet a reçu la croix de guerre a cette occasion et, selon une source britannique, Peter Banister également.

Apres l’armistice, rejoint le Maroc pour y être désarmé d'avril 1941 à mars 1942.

L’Orphée avec la Marine Francaise qui venait de se placer sous les ordres de la France Libre :

Confronté à l'opération Torch (débarquement en Afrique du Nord), l'Orphée rejoint le camp de la France Libre le 13 novembre 1942 et effectue des missions spéciales en Méditerranée jusqu'en avril 1944, notamment en participant au ravitaillement en armes, en munitions et en nourriture de la Corse en train d’être libérée.

Lors d'une mission en Méditerranée alors qu'il était en plongée, il a eu une avarie de moteur. L'une des bielles d’un moteur diesel chauffant terriblement, il n'était pas question de continuer sans risquer de la couler. Ce n'est pas le genre de moteur qu'on peut mettre sous le capot d'une voiture et ses dimensions sont à la proportion du sous-marin. C'est vrai pour ses pièces, c'est vrai pour les outils nécessaires. Débloquer un écrou se fait à la masse sur une clé adaptée.

Pas question pour le sous-marin de remonter à la surface. Les Allemands et les Italiens sont présents et en force. Il faut donc réparer sur place et en plongée.

C'est un travail assez long et les réserves en oxygène sont limitées. On demande alors à tous les matelots de se coucher sur le sol et de ne pas bouger pour laisser au mécanicien le maximum de possibilités de mener à bien la réparation. Et cela, Georges l'a réussi, terminant à bout de force, ce qui a permis à l'Orphée de rejoindre Casablanca ensuite.

Durant l'une de ces missions, l'Orphée coule le Patrouilleur armé Faucon le 7 décembre 1943 dans la Méditerranée, ce qui vaut à Georges Pochet l’étoile de bronze sur sa croix de guerre.

A partir de mi-44, l'Orphée servira l’école d'écoute à Casablanca. Il est décommissionné le 15 avril 1944. Certaines sources, non confirmées, mentionnent une explosion de l’Orphée le 1 mars 1946 qui aurait fait 2 morts.

 

Retour à la Vie Civile :
Par Roger Lenevette

Après Guerre, c'est lui qui est venu démonter tous les moteurs diesel de la Centrale de la Mine de Brais, et qui est allé ensuite les installer et les faire fonctionner dans les entreprises qui les achetaient. (Voir témoignage du FTP Roger quant à la mine de Brais).
La Société pour laquelle il travaillait les achetait pour les remettre en état et les revendre ensuite. C'est ainsi qu'il était en train d'en remonter un chez Woold Mine et qu'il a pu m'y faire embaucher après mon retour d'Indochine.

C'est d'ailleurs en venant les démonter à la Centrale de la Mine qu'il a fait la connaissance de ma sœur. Comme je l'ai déjà dit, mes parents tenaient un commerce d'épicerie, café, restaurant à Brais. Célibataire, il venait y manger et c'est ma sœur qui faisait le service. Ils tombèrent amoureux, l'un de l'autre et décidèrent de se marier.
Mais pour ce faire, ils décidèrent d'attendre mon retour d'Indochine.

A cette époque, il était locataire de la chambre de la rue du Colonel Fabien à Paris, chambre qu'il céda à son frère et qui devint également la mienne le temps que je m'en trouve une rue André Joineau au Pré St Gervais.
Pour se marier, il avait réussi à se trouver un studio à Clichy Sous Bois (1 chambre et 1 cuisine). Georges et Mado ne disposaient pas dune fortune mais c'était bien pour démarrer leur ménage. Un cosy fit l'affaire pour dormir, une petite cuisinière à charbons permit le chauffage et la cuisine avec une poêle et une casserole faitout. Pour manger deux assiettes et deux couverts. Pour l'invité que j'étais toutes les semaines, on mangeait tous les trois dans le faitout et c'était la bonne humeur. Trois verres pour une bonne bouteille complétaient le service. Après le repas, nous allions danser dans les guinches qu'il y avait tous prés aux "Quatre Iles" à cette époque. Pour nous trois, c'est classé dans la boutique des "bons souvenirs". Après cela, il trouva un travail avec logement à la "Compagnie fluviale des Bleus" à Conflans Saint Honorine. Le logement était un pavillon de trois pièces cuisine sur sous-sol au bord de la Marne. C'était le luxe à cette époque.
Son travail consistait à réparer les péniches qui naviguaient sur la Seine, l'Oise ou la Marne et qui venaient s'y faire réparer en passant. Il consistait en l'installation de moteur diesel neuf ou d'occasion. Son atelier était d'un côté et son logement de l'autre, il allait de l'un ou à l'autre à la godille avec un canot de sa compagnie. A cet endroit également j'ai passé un certain nombre de week-end.
J'ai même assisté et participé au premier et seul accouchement de ma vie. En effet, ma sœur Madeleine étant enceinte avait fait l'erreur de se faire suivre par une "Sage Femme" qui ne s'était pas aperçue à temps d'une mauvaise position de l'enfant. Ensuite, trop tard, elle fit venir un médecin qui ne put constater qu'elle était intransportable. Il fallait faire l'accouchement sur place dans les trois heures qui suivaient pour avoir une chance de garder la maman et l'enfant vivant.

Avec Georges, pour préparer l'événement, nous avons scie des madriers pour remonter le lit et avons fait un plancher pour mettre sommier. Tout cela fut fait en deux heures. Comme par hasard, j'étais là ce jour là...
Puis l'accouchement aux fers commença, avec la sage femme à genoux sur le lit pour faire "de l’expression" en poussant avec ses poings l'enfant vers la sortie. Georges d'un côté du lit, et moi de l'autre, nous faisions en sorte que le lit ne tombe pas de l'échafaudage que nous avions réalisé.
L'accouchement dura presque une heure, et nous étions tous en sueur. Georges et moi évidemment les plus malades du spectacle, lorsque enfin l'enfant fut présent. Je revois encore le médecin couper le cordon qui le reliait à la mère, le prendre par les pieds et lui donner quelques petites tapes sur les fesses jusqu'à son premier cri.
Puis le médecin lui refaçonna le visage déformé par les fers, et le sourire revint sur tous les visages.

Après coup, le médecin s'enferma dans la cuisine avec la sage femme pendant quelques minutes, mais nous ne fumes pas mis dans la confidence de ce qui fut dit, et la sage femme ne semblait pas très ravie en sortant.
L'enfant a vécu, il fut même un très bel enfant, il se porte toujours bien et s'appelle Christian.
Quelques années plus tard, un autre enfant est né : Jacques.
Après cela il a travaillé comme Maître Mécanicien sur des Pétroliers qui allaient chercher le pétrole dans le Golfe Persique et pour le ramener en Europe. Il est même allé en Norvège pour certaines compagnies chercher des pétroliers neufs et les ramener sur les ports qui lui étaient désignés.

Il avait de plus un don qu'il tenait de son enfance : "La Peinture"
Issus d'ouvriers qui avaient peu de moyens pour vivre, il faisait les poubelles lorsqu’il avait entre 7 à huit ans pour trouver des vieilles boîtes de peinture et barbouiller quelque part. C'est ainsi qu'un professeur de peinture en renom de Brest le découvrit et l'invita chez lui, pour lui enseigner les premiers rudiments.
J'ignore combien de temps cela a duré, mais ce qui est certain, c'est qu'il a su en garder quelque chose.
Je ne suis pas connaisseur en peinture, mais ce que je sais c'est que pour mon épouse et pour moi, ses tableaux sont les plus beaux et que je ne décrocherais pour rien au monde ceux qui sont accrochés sur les murs de ma maison. Mais toujours ou presque toujours, c'était des tableaux au sujet de la mer, des îles en mer ou la mer démontée.
C'était son "Violon d'Ingre". Lorsqu'il naviguait sur les pétroliers, il en réalisait de nouveaux et à chaque fois, lorsqu'il débarquait, il passait par Paris, atterrissait à la maison, me les faisait découvrir et m'en laissait un.
Nous passions la nuit ensemble, vidions une bonne bouteille, et je l'emmenais au matin à la gare de Lyon, où il prenait le train pour rejoindre sa femme et ses enfants à Port de Bouc dans les Bouches du Rhône.

Lorsqu'il venait à la maison dans le Morbihan, dés qu'il pouvait, c'était partir dans un endroit ou un autre sur les bords du golfe avec son chevalet et faire une aquarelle. Quelques-unes décorent ma maison.
Voilà qui était Georges. Pour moi, c'était un frère de cœur.

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