Les
Anglais à Bure |
Piat
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Cette
évocation de la Bataille de Bure est en fait un témoignage
du Major Jack Watson du 13 ème Bataillon Parachutiste (Lancashire)
de l'Armée Anglaise. Nous avons préparé
rapidement notre équipement, puis nous avons embarqué sur
le train à Salisbury la veille de Noël. Nous nous sommes rendus
immédiatement à Douvres d'où nous avons fait la traversée
en bateau vers Calais, où nous étions attendus par le transport
du Royal Army Supply Corps. Nous avons eu notre repas de Noël
au « Château des Ardennes », ce qui était une
manière très agréable de fêter Noël.;
il y avait beaucoup de neige autour de nous, ce qui créait une
ambiance de fête. La mise en place était Compagnie
A sur la gauche, Compagnie B sur la droite, et Compagnie C en réserve.
Nous nous sommes mis en place le long de la ligne de départ et nous avons regardé du haut le village silencieux et tranquille. Les Allemands savaient que nous étions là; ils nous attendaient et dès que nous avons quitté le couvert, j'ai regardé vers le haut et j'ai vu à environ trente centimètres de ma tête les branches des arbres qui volaient en éclats sous les coups des tirs de mitrailleuses et de mortiers intenses. Il était évident que leurs tirs étaient dirigés sur des lignes fixes, et ils nous avaient identifiés avant même que nous quittions la ligne de départ. C'était la première fois que je commandais l'attaque d'une compagnie, et en quelques minutes, j'avais perdu environ un tiers de mes hommes. Je pouvais entendre les hommes du peloton à ma gauche appeler les infirmiers. Nous fûmes cloués sur place environ 15 minutes à cause des blessés et des morts qui nous entouraient, mais nous devions avancer. Nous étions à environ 400 mètres de Bure, et dès que j'ai pu, j'ai rassemblé ma compagnie et j'ai donné l'ordre d'avancer. Nous devions nous mettre à l'abri du feu et pénétrer dans le village aussi vite que possible. En chemin, j'ai encore perdu des hommes dont mon ordonnance. Un homme avait été touché par une balle qui avait mis le feu aux bombes au phosphore qu'il transportait. Il me demandait en criant de l'abattre. Il mourut plus tard. Nous nous sommes emparés des premières maisons, et j'ai pénétré dans l'une d'elles avec mon état-major de compagnie. Ce que je ne savais pas, c'est que la Compagnie B avait également fort souffert pendant l'attaque. Leur commandant de compagnie, le Major Bill Grantham avait été tué sur la ligne de départ avec un de ses chefs de peloton, le Lieutenant Tim Winser. Son Sergent major de compagnie Moss avait été blessé mortellement. Les autres officiers étaient blessés, à l'exception du Lieutenant Alf Largeren. Il dirigeat la compagnie fort affaiblie vers son objectif, et fut tué plus tard le premier jour, en essayant avec des grenades à main de dégager une maison tenue par un poste de mitrailleuse allemand. Une fois que je fus entré dans le village, il était devenu difficile de savoir ce qui se passait. Je fis ranger mes chefs de peloton pour m'assurer qu'ils étaient en sécurité et pour entamer la marche vers l'avant. C'était inquiétant. Nous nous trouvions dans une maison, moi-même au rez-de-chaussée, et mon radio me signalant que des Allemands se trouvaient à l'étage, et une autre fois ils se trouvaient en basn, et nous en haut. C'était une bataille vraiment inhabituelle. Nos rangs s'appauvrissaient fort lorsque nous avancions de maison en maison. J'arrivai finalement au carrefour du village près de la vieille église. Entre temps, j'avais informé exactement mon CO (Commanding Officer) de la situation, et il a décidé d'envoyer la Compagnie C, qui était en réserve, pour me venir en aide. Sur ces entrefaites, leurs chars Tigre de 60 tonnes (*) commançaient à se diriger vers nous. C'était la première fois que je voyais des Tigres, et ils tiraient sans viser en démolissant les maisons. Je me déplaçais d'un côté à l'autre de la rue attirant délibérément le feu. Un char fit feu sur moi, et la première chose que je remarquai fut le mur qui s'écroulait derrière moi. Mais une équipe de PIAT (**) arriva en courant, se mit en place à 50 mètres du char, ouvrit le feu et détruisit les chenilles du char. Ils étaient très courageux. Il en fut ainsi tout au long de la journée--ils contre-attaquaient mais nous parvenions à les arrêter. Ils nous repoussaient--nous avancions à nouveau. Il était devenu difficile
de tenir les hommes éveillés, et nous n'avions pas de nourriture
chaude. Tout au long de la première nuit, les Allemands ont tiré
sur nous et nous ont bombardés, et nous avons tiré sur eux. Je me rappellerai toujours le Col. Sergent Harry Watkins. Je ne sais pas comment il est parvenu à nous trouver, mais il y est parvenu. Nous étions encore éparpillés dans les maisons le long de la route principale dans le centre du village. Il nous a apporté un ragoût qui était bon et chaud, et nous sommes parvenus à rassembler les hommes en petites équipes pour manger et puis reprendre leurs positions dans les maisons. A un moment, au cours de la bataille,
le Sergent Scott RAMC (Royal Army Medical Corps) s'avança en ambulance
pour ramasser des blessés. Un Tigre allemand qui nous avait combattu
toute la journée s'avança à ses côtés.
Et le chef de char, le voyant sans crainte, lui dit « emportez les
blessés cette fois-ci, mais ne revenez pas, c'est dangereux ». Nous avons encore subit cinq contre-attaques
supportées par des chars Tigre le jour suivant. Vers 19H00 le 5 janvier, nous tenions
tout le village, et ma compagnie élimina le dernier poste ennemi. C'est ainsi que très tôt le 6 janvier, juste après minuit, je rassemblai toute ma compagnie et nous nous retirâmes sur Tellin très mouillés, très fatigués et non rasés. Le bataillon avait perdu environ 68 tués, dont la moitié appartenaient à ma compagnie. Ils furent enterrés dans un champ à Bure par notre padre, Whitfield Foy, quelques jours plus tard. »
** Le PIAT (Projector Infantry Anti-Tank) était l'arme anti-char employée par les Anglais durant la seconde guerre mondiale. Il était en quelque sorte le pendant au Bazooka américain où au Panzerschreck allemand. |