Opération « Vittles » Le blocus de Berlin et son pont aérien
Juin 1948 – Septembre 1949
324 jours qui changeront le monde

Par Pierre Phliponeau


Staline

Parmi les plus grandes opérations logisitiques de tous les temps, le débarquement de Normandie et le pont aérien visant à briser le blocus de Berlin établi en juin 1948 par les soviétiques figurent en bonne place.

Mais avant de s’émerveiller sur les prouesses techniques de l’époque, qui conduisirent à livrer, avec des avions à hélices, jusqu’à 13.000 tonnes de marchandises par jour à une ville assiégée, il convient de se souvenir que toute opération d’envergure se paye au prix fort.

 

Durant ce manège infernal, dans le ciel serein de l’été comme dans les brouillards de l’hiver, 17 avions américains sur plus de 500 engagés et 8 avions britanniques, sur environ 150 engagés, s’écrasèrent au sol ou dans des immeubles d’habitation berlinois, tuant 101 personnes dont 30 civils.

Un monument sur l’aéroport de Berlin rappelle l’opération et ses sacrifices.
Par ailleurs, seul un ravitaillement minimum de la ville pu être assuré et l’opération n’aurait pas réussi sans un soutien sans faille des Berlinois qui ont enduré des conditions alimentaires minimalistes et ne se sont chauffés qu’avec un charbon strictement rationné pendant toute une année dont un long et rude hiver.

Le contexte politique de la crise

A l’issue de la guerre, l’Allemagne est découpée en quatre zones d'occupation et Berlin en quatre secteurs, les secteurs occidentaux étant, tels une île, profondément enclavés dans la zone d'occupation soviétique. Alors que les alliés cherchent à établir une économie stable en Allemagne, Staline au contraire préfère tenir l’économie du pays en état de faiblesse.
Le Reichsmark introduit à l’issue de la guerre se trouvait ainsi fortement dévalué par les émissions soviétiques massives de cette monnaie, au point que les règlements courants entre allemands se faisaient en cigarettes pour les petites sommes, ou en troc directement. En février 1948, américains et anglais avaient proposé une nouvelle monnaie pour remplacer le Reichsmark dévalué. Les soviétiques tergiversant et ayant leur propre projet de monnaie, l’Ostmark, les Etats-Unis, l’Angleterre et la France annoncèrent le 21 juin l’introduction du nouveau Deutsche Mark. Les soviétiques interdirent immédiatement son utilisation à Berlin et, dès le lendemain, bloquèrent les voies ferrées et les routes. Forcer militairement le passage était trop risqué car, déjà, chacun comprenait bien qu’une confrontation directe Etats-Unis/URSS pouvait devenir incontrôlable.
De plus les forces en présence étaient très déséquilibrées avec l’armée soviétique disposant autour de Berlin d’un million et demi d’hommes tandis que les alliés n’avaient dans Berlin que 9000 soldats américains, 7600 britanniques et 6100 français. Mais une parade fut vite trouvée. Le Général Clay, gouverneur militaire américain, donna l'ordre de lancer un gigantesque pont aérien (qui durera 324 jours) pour ravitailler la ville assiégée. Berlin n’a alors que 35 jours de stock de nourriture et 45 jours de stock de charbon. Le pont aérien va nourrir les 2.5 millions de Berlinois de l’Ouest pendant presque une année.
Les soviétiques ne pensaient pas l’opération possible. La défaite allemande devant Stalingrad au début de l’année 1943 avait été accélérée notamment par de très grandes difficultés de maintenance sur les 400 Junkers Ju52/3m engagés, qui n’étaient pas équipés pour les conditions hivernales extrêmes, limitant le ravitaillement de l’armée assiégée à 90 tonnes par jour là où 300 auraient été nécessaires. Forts de cette expérience, on peut penser que les soviétiques tenaient pour acquis qu’il serait impossible de ravitailler la ville de Berlin coupée du monde.

Les besoins d’une ville de deux millions cinq cent mille habitants

Sur la base d’apporter 1700 calories par jour par personne, les premières estimations faites (qui s’avérèrent très proches de la réalité) montraient le besoin de livrer quotidiennement à Berlin 650t de farine et de blé, 125t de céréales, 64t de graisse, 109t de viande et de poisson, 180t de pommes de terre déshydratées, 180t de sucre, 11t de café, 19t de lait en poudre, 5t de lait entier pour les enfants, 3t de levure, 144t de légumes déshydratés, 38t de sel et 10t de fromage, soit plus de 1500t chaque jour auxquelles il fallait ajouter 3500t d’essence et de charbon (jusqu’à 6000t en hiver). Mais ce n’est pas tout, il fallait aussi subvenir aux besoins propres de la logistique du pont aérien puisque les pistes furent entretenues, agrandies voire construites avec des matériaux venus par les airs. Certaines commodités posaient des problèmes spécifiques.
Au début, le charbon en sac fut largué depuis les soutes à bombes de forteresses volantes B29. Mais la nuit, à la lueur des projecteurs, les équipes au sol ne ramassaient que des sacs éventrés et de la poussière de charbon. Des tentatives de transport en vrac ne donnèrent pas de meilleurs résultats et finalement la solution retenue fut le transport intégral en sac.
Malgré tout le charbon, qui constitua 65% du tonnage transporté par les Douglas C54 Skymasters, restait un matériau lourd, sale et poussiéreux qui endommageait les câbles électriques et grippait les câbles de commande. Les équipages se plaignaient aussi beaucoup de problèmes respiratoires. Une autre commodité posant des problèmes spécifiques était le sel qui corrodait tout.
Pour cette raison, les 30t de sel quotidiennes furent affectées à une flotte de 10 Short Sunderland, un hydravion qui par conception résistait mieux à l’agression du sel et qui pouvait se poser sur le lac de Tegel-Havel, près de la piste et de sa logistique au sol.

Les aérodromes

Quand le pont aérien commença, il n’y avait que deux aérodromes à Berlin : Tempelhof dans la zone U.S. et Gatow dans la zone britannique, chacun équipé d’une piste unique. Deux pistes supplémentaires furent construites à Tempelhof durant le blocus. Un troisième aérodrome se révéla très vite nécessaire et les français proposèrent un terrain dans leur secteur, au bord du lac Tegel.
L’aéroport y fut construit en 90 jours seulement à partir des gravats d’immeubles dévastés pendant la guerre et tout arriva par les airs : bulldozers, niveleuses, rouleaux compresseurs, goudron…

 

 


La photo ci-contre montre quelques uns des 10.000 barils de goudron qui furent amenés pour goudronner la piste du nouvel aérodrome de Tegel. Pour éviter les accidents les 3 corridors existants pour l’accès à Berlin furent mis en sens unique, le corridor central servant au retour des avions.
Car davantage que les pistes les moyens matériels et humain pour gérer le trafic aérien (le Ground Controlled Approach Radar System ou GCA) fut un véritable défi compte tenu de la nouveauté des technologies mises en jeu. La couverture des premières pistes en plaques PSP qui, elles aussi avaient été amenées par les airs, souffrait beaucoup des atterrissages incessants. Sur une piste, à tout moment, 225 hommes s’affairaient au beau milieu des décollages et des atterrissages pour signaler les mauvaises zones en y fichant des drapeaux. Trois couleurs signalaient le niveau de danger pour les avions. En même temps, ils réparaient comme ils pouvaient, entre deux avions…

 

Ci-contre : une cargaison de plaques PSP (Pierced Steel Plates) destinées à l’équipement et à l’entretien des pistes de Berlin. Des centaines de tonnes de ces plaques furent ainsi amenées, essentiellement à bord de Douglas C47 Skytrain et de Douglas DC3.

 

 

 

L’encombrement du ciel était tel et les conditions d’approche de Tempelhof si difficiles avec son entourage proche d’immeubles élevés que tout avion qui manquait son opportunité d’atterrissage pour quelque raison que ce soit devait retourner à sa base. Un Douglas C54 Skymaster parti de Rhein-Main chargé de charbon arrive à Tempelhof en plein orage, on l’engage donc à prendre le couloir de retour. Mais entre temps la météo s’est aussi dégradée sur son aérodrome de retour, il se posera finalement à Marseille avec ses 10t de charbon !

« Easter Parade » (la Parade de Pâques)

En avril 49, le pont aérien ronronnait et le commandement souhaita une opération d’envergure capable de marquer les esprits, russes comme alliés, et de regonfler le moral des troupes. Il fût décidé que tous les records précédents seraient battus le jour de Pâques. De fait, 1383 vols assurèrent sur 24h la livraison de 12.941t de charbon, c’était environ un vol par minute ! Pour simplifier la logistique du jour en effet, il avait été décidé de ne transporter qu’un seul type de marchandise. L’enthousiasme suscité fut durable au point que quelques jours plus tard le rythme quotidien des livraisons aériennes dépassait les tonnages livrés par rail avant le blocus.

Les avions qui participèrent (« Rosinenbomber » ou les bombardiers de raisins secs)

Les avions furent incontestablement les vedettes de l’opération même s’ils ne constituaient que la partie la plus visible et la plus spectaculaire d’une colossale opération logistique qui commençait dans les raffineries outre-Atlantique et qui passait par toutes les opérations au sol de préparation des colisages, avec leur pesée très stricte en fonction des avions et de leur capacité d’emport, puis toute la chaîne de distribution au sol qui n’était mécanisée qu’au niveau du transport par camions. Charger correctement les avions était une des difficultés majeures compte tenu de la fréquence des rotations et de la diversité des appareils utilisés.
Pour cette raison, l’opération se rationalisa petit à petit, Rhein-Main devenant une base exclusive pour les Douglas C54 Skymasters tandis que Wiesbaden se chargeait de ces mêmes avions mais aussi des Douglas C47 Skytrain.
Au total, 692 avions furent engagés dans l’opération, 542 US et 150 anglais, essentiellement :
- des Douglas C54 Skymaster. 300 engagés dont 200 étaient en rotation, 25 en maintenance sur place et 75 en maintenance à Great Falls dans le Montana). 4 moteurs Pratt & Whitney R-2000-9 de 1450 cv, capacité d’emport de 10t.
- des Douglas C47 Skytrain et Douglas DC3 (jusqu’en octobre 49), 150 engagés. 2 moteurs Pratt & Whitney R-1830-92 de 1200cv, capacité d’emport de 3,5t..


Ces avions, véritables héros de l’aventure dont ils furent les piliers,
sont aujourd’hui en exposition permanente sur l’aérodrome de Berlin-Tempelhof.

D’autres avions, certains très marginalement, ont aussi participé à l’opération :
- Avro Lancaster, bombardier lourd quadrimoteur connu notamment pour sa participation à l’opération “Chastise” (les briseurs de barrages de la Ruhr)
- Avro York, quadrimoteur de ligne
- Avro Tudor, quadrimoteur de ligne
- Boeing C97 Stratofreighter (avion cargo quadrimoteur extrapolé du B29)
- Bristol 170 Freighter reconnaissable à son gros nez rond ouvrant intégralement
- B24 Liberator célèbre bombardier lourd quadrimoteur
- Consolidated PBY « Catalina » (hydravion) ("PB" pour Patrol Boat, "Y" étant la désignation de la société Consolidated, son constructeur)
- Douglas C74 Globemaster (Emport : 30t, 4 Pratt & Whitney R-4360-49 de 3250cv, très apprécié pour le transport des lourds moteurs de rechange)
- Fairchild C82 Packet, surnommé “Flying boxcar” (le wagon de marchandise volant). 5 seulement furent engagés. Ils étaient très appréciés pour leur architecture générale bi-poutre avec une grande porte arrière, mais souffraient d’une sousmotorisation pour leur emport de 10t avec leurs 2 moteur Pratt & Whitney R-2800 d’une Puissance unitaire de 2500cv
- Handley Page Hastings (un air de Dakota mais en quadrimoteur)
- Handley Page Halifax (bombardier lourd quadrimoteur)
- Short Sunderland (hydravion)
- Vickers VC1 Viking (fort ressemblant au Dakota)
- Junker Ju52/3m Français (trimoteur, très peu nombreux, très peu de temps).

La gestion des pièces de rechange

Une logistique très importante avait dû être mise en place pour la maintenance des avions. Par exemple, alors que tournait la ronde incessante des avions sur Berlin, deux Douglas C74 Globemaster spécialement modifiés (photo ci-dessus) se rendaient au Texas chaque semaine pour ramener chacun 14 moteurs Pratt & Whitney R-2000 Twin Wasp (moteurs qui équipaient les Douglas C54 Skymaster).

De son côté, la RAF utilisait la base de Croydon dans le Surry pour assurer le reconditionnement des Pratt & Whitney R-1830-92 Twin Wasp qui équipaient les Douglas C47 Skytrain. Par ailleurs, toute la maintenance courante était assurée par les bases locales, telle Rhein-Main par exemple. Les manutentions lourdes liées à la maintenance des avions étaient à peu près les seules à être mécanisées. Cidessous, un camion grue Thew-Lorain MC4 a engagé sa flèche à l’intérieur de la carlingue d’un Fairchild C82 Packet.

 

 


On remarquera aussi sur cette photo (qui semble être prise à Tempelhof) trois Jeep et un GMC caisse technique.

Le camion grue Thew-Lorain MC4, avec son architecture à demicabine avancée, préfigure ce que seront ces engins pour les 30 ans à venir.
Il n’est plus constitué comme l’ensemble « Brockway C666-Quikway E55 » d’une grue rapportée sur un camion mais il est un engin rationnel conçu dès le départ pour sa fonction spécifique.

 


L’entraînement des pilotes, les techniques de vol

En juillet 48, le Major General William Turner (qui avait déjà organisé un pont aérien par dessus l’Himalaya pour soutenir les Chinois en lutte contre les Japonais) crée le CALTF (Combined Air Lift Task Force) pour controller le traffic de l’US Air Force et de la Royal Air force avec un commandement unique et centralisé.
Ce commandement unique devint effectif à la mi-octobre. L'acheminement de ces énormes quantités fut possible grâce à un système efficace : les trois couloirs aériens autorisés furent utilisés en sens unique, les vols vers Berlin se faisant dans ceux situés au nord et au sud tandis que celui du centre servait aux vols de retour. Chaque pilote n'avait droit qu'à une seule tentative d'atterrissage.
S'il échouait, il devait revenir avec son chargement. Grâce à ce système, il était possible de faire atterrir un avion toutes les trois minutes en moyenne, de jour comme de nuit. Le stationnement au sol dans Berlin-Ouest fut réduit à une demi-heure, contraignant à des déchargements qui devaient être expéditifs.
Quant aux équipages, n’ayant pas le temps de rejoindre l’aérodrome pour un rafraîchissement, ce sont les rafraîchissements qui venaient à eux dans des bars ambulants

Les pilotes assuraient jusqu’à 3 vols par jour quand la météo le permettait.
Dans les couloirs aériens, les vols étaient organisés de telle sorte à limiter le plus possible les risques d’accident, mais avec la difficulté d’y faire cohabiter des avions aux performances parfois trèsdifférentes.
Quand un avion partait, le suivant devait voler (à trois minutes) 1000’ (300m) plus haut, cela à partir de 5000’ (1600m).
5 avions étaient séquencés ainsi jusqu’à 10.000’ (3000m), puis le sixième reprenait à 1000’ et ainsi de suite. Les pilotes parlaient d’emprunter « l’échelle » (the ladder).

La formation des pilotes était assurée aux Etats-Unis à la Military Air Transport Service, en Californie d’abord, puis à Great Falls (Montana) ensuite, dans un centre de formation avec des équipements dédiés. Ci-contre : une machine utilisée pendant la guerre pour entraîner les pilotes de bombardiers et qui a été adaptée pour former les pilotes à l’approche de Berlin par tous les temps. On y distingue bien les 3 corridors autorisés.

 

 

 

 

Les véhicules au sol

17.000 berlinois travaillent au sol pour assurer la logistique la moins spectaculaire. De véritables exploits sont accomplis comme cette équipe de 12 hommes qui réussit à décharger d’un avion 180 sacs de marin remplis de charbon en quatre minutes et demi !Les avions restant au sol trente minutes, il fallait que le ballet des camions fût impeccablement réglé. Sitôt les moteurs de l’avion arrêtés, ils arrivaient et on peut constater sur les photos d’époque une grande variété de véhicules anglais et américains. Certains sont omniprésents sur les photos :
- tracteur International H542 avec sa semi-remorque « Fiche 75 » à ridelles bois
- Autocar U7144T (aussi produit par White)
- Federal 94x53 (construit selon les mêmes spécifications que l’Autocar)
- Mack NR
- GMC CCKW 353 cargo


La ronde des International H542 autour des Douglas C47 Skytrain à Tempelhof.


International H542 et GMC citerne au service d’un Douglas C54 Skymaster.

Le chargement d’un camion à partir d’un avion dont le plancher est très incliné n’est pas chose aisée. Pour cette raison et leur faible emport (3,5t) les Douglas C47 Skytrain ne participeront plus au-delà de l’automne 1948.

 

 

 


Mack NR déchargeant un Handley Page Hastings, probablement à Gatow.


International H542 déchargeant l’un des 5 Fairchild C82 Packet engagés.
La commodité de chargement-déchargement est évidente comparé au plancher incliné de certains avions.


Dodge T110 D60L5 à Tempelhof (remarquer son pushbar à l’avant) – Douglas C47 en arrière plan.


Au premier plan, un bel Autocar U7144T qui pourrait aussi bien être un White 444T ou un Federal, tous ces véhicules ayant répondu aux même spécifications.
A l’arrière plan un International H542 (reconnaissable à son capot moteur un peu plus long)
.


Alignement de GMC et quelques ensembles « fiche 75 » en attente à Tempelhof.


Autocar à la manœuvre pour venir accoster un Douglas C54 Skymaster. La Jeep « follow me » est encore là.


Très belle photo, image d’Epinal du blocus de Berlin : International H542 avec sa Fiche 75 déchargeant un Douglas C47 Skytrain à Tempelhof. Remarquer que le seul moyen de manutention est l’huile de coude.


Autre image d’Epinal du début du blocus de Berlin : la ronde des Douglas C47 Skytrain qui restent 30 minutes au sol et des camions de déchargement (ou de rechargement des marchandises « exportées »), ici une série d’International H542 avec leurs « Fiche 75 ».


A Rhein-Main, beaucoup de camions en attente auprès d’un Douglas C47 Skytrain et d’un Douglas C54 Skymaster.


Encore une photo magnifique où les principaux acteurs sont tous réunis : C47, C54, International H542 et « Fiches 75 ».


Vue rapprochée sur la marchandise débarquée. Pas de palettes et tout à l’huile de coude !


Bedford OXC-Scammel avitaillant un Avro Lancastrian, probablement à Gatow.


Un camion anglais qui semble bien être un Thornycroft.


Une série d’Avro York avec un Ford 598T au déchargement Ford F60L ou Chevrolet C60L et Ford WOT6 en arrière plan.

Uncle wiggy wings

Gail Halvorsen, pilote de l’US Air Force, eut le premier l’idée de larguer des chocolats et des chewing-gums à l’intention des enfants de Berlin. Pour que les enfants sachent le reconnaître parmi le flot incessant des avions et soit donc vigilants à récupérer le précieux trésor, il leur avait fait savoir que son avion serait celui qui oscillerait ses ailes.
D’abord désapprouvé par ses supérieurs, les courriers des enfants adressés à la base à « Uncle wiggy wings » furent si nombreux que non seulement il put reprendre ses larguages mais l’opération fut étendue à d’autres avions. Cette opération envers les enfants, qui s’organisait officiellement au sein de l’opération Vittles, prit le nom d’opération « little vittles ».

La ville assiégée s’offre le luxe d’exporter ses fabrications locales

Quand on parle du blocus de Berlin, on évoque toujours ce qu’il fallait apporter à la ville assiégée, mais on oublie trop souvent ce qui en sortait. Car les avions ne repartaient pas toujours à vide !Il fallut d’abord évacuer environ 10.000 personnes : enfants, vieillards, malades, pour lesquelles les priorités furent déterminées par le Berlin City Health Department (Département de la Santé). Par ailleurs la production industrielle continua et ce sont en tout 83.000 tonnes de produits manufacturés qui furent « exportés » : des appareils photos, des haut-parleurs, mais aussi des gros moteurs électriques utilisés dans les mines. Par fierté et en signe de détermination, tous ces produits exportés étaient estampillés « Made in blocaded Berlin » !

La consommation d’essence

277.804 vols furent assures, 2,5 millions de tonnes de marchandises furent livrées, une moyenne de 800 vols par jour fut assurée, soit un toutes les deux minutes, les avions parcoururent en tout 200.220.415km. Pour alimenter cette noria 24h sur 24 l’essence avion fut apportée des Etats-Unis par 20 tankers de l’US Navy. Arrivée au port de Bremerhaven, l’essence était convoyée sur les aérodromes par pipeline et par voie ferrée. Ce sont en tout 450.000 tonnes de « Grade 100 octane Avgas » qui furent utilisées durant l’opération.


Bedford QLC à l’œuvre durant le blocus (le C désigne le châssis nu, tel que transféré aux sous-traitants pour l’équipement en avitailleur).








AEC 854 (2500 gallons) à l’œuvre durant le blocus, probablement à Gatow.

 

 

 


AEC 854 ravitaillant (ou déchargeant ?) un bombardier lourd Avro Lancaster
(il n’est pas certain que cette photo ait été prise durant le blocus de Berlin).

Les enseignements pour une logistique moderne

Bien avant la fin de l’opération les alliés s’étaient organisés sur une hypothèse de maintien pendant 10 ans du pont aérien : la mécanique était devenue parfaitement réglée et il est probable que ce sont plutôt les populations civiles de Berlin qui n’auraient pas pu endurer un tel régime.
Au fur et à mesure de la mise en place du pont aérien et durant sa mise en œuvre de nombreux enseignements ont pu être tirés pour une logistique moderne. La manipulation du carburant à Berlin par exemple était un vrai problème au début car elle se faisait avec des fûts métalliques de 55 gallons qu’il fallait nettoyer à la vapeur avant de les renvoyer par avion pour un nouveau remplissage.
Une flotte d’Avro Lancaster avitailleurs fut rapidement dédiée à la tâche avec une capacité de livraison de 560 tonnes par jour. La palettisation et la mise en œuvre à grande échelle de conteneurs avec les moyens de manutention dédiés sont des évolutions directement dérivées du blocus de Berlin où toutes les opérations de déchargement étaient manuelles, excepté pour les pièces lourdes.
Il est certain que la grossière erreur d’appréciation de Staline a conduit à une opération sans équivalent à ce jour et qui a changé profondément le monde occidental. Le pont aérien a transformé une Allemagne ennemie et vaincue qui considérait les Etats-Unis comme une puissance hostile d’occupation en un nouvel allié occidental. Il a aussi contribué à montrer Staline sous son vrai visage d’agresseur prêt à déclencher des hostilités incontrôlables sur un coup de poker. Enfin, ne négligeons pas le fait que cette opération a sauvé de l’oubli un mot complètement tombé en désuétude : « Vittles » (victuailles) !...

Le blocus de Berlin

Bibliographie
Berlin Airlift, by Arthur Pearcy, Airlife Publishing Ltd, England DVD “Berlin airlift” (www.militaryvideo.com) (uniquement en langue anglaise)


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