Dossier Spécial Guerre de Corée
Par Frédéric Ortolland


Mitrailleuse

 

III- Le périmètre de Pusan (3ème partie) :
La 1ère bataille du saillant du Naktong

3ème Partie : La reconquête du saillant (14-19 août 1950)

1- Echec(s) de la Task Force Hill

Le 14 août

La contre-attaque de la TF Hill prévue pour 6h30 le matin du 14 août avait pour objectif une puissante poussée jusqu’au Naktong, détruisant de fait la pénétration nord-coréenne et éliminant la tête de pont établie. Selon l’ordre d’opérations N°5 toutes les unités du front devaient participer à cet assaut, même si l’on attendait plus de certianes unités que d’autres. Sur le flanc droit le 1/19 devait pousser jusqu’à Sinam-Ni tandis que le 2ème bataillon devait tenir ses positions sur les berges du fleuve.
Le 9ème RI devait pousser au centre à partir de Tugok de chaque côté de la route qui menait droit au Naktong. Le 1/9 devait prendre une série de collines en commencçant par une extension de la côte 165, appelée Cloverleaf du fait de sa forme de trêfle. Le 2/9 devait de son côté s’assurer des hauteurs au-dessus de Tugok. Puis il devait longer la route du côté Sud et s’emparer de la partie Nord d’une longue crête appelée Obong-Ni. La prise de la partie Sud de cette crête relevait de la responsabilité du 1/34. Cloverleaf et Obong-Ni étaient depuis plusieurs jours aux mains de l’APC et les observations aériennes y avaient révélé la présence de fortifications de campagnes. Le 1/21 devait lui contourner le 1/34 et prendre les Nord-Coréens sur leurs flanc droit.

Bien qu’elles aient été sur la défensive pendant la durée de la coupure de la PLR, les unités de la TF Hill n’étaient pas reposées, loin s’en faut. Les féroces combats de la semaine passée ainsi que la moite chaleur de l’été coréen avait prélevé leur part d’un effectif déjà bien entamé. Les attaques de nuit destinées à tester les défenses américaines avaient épuisé les GI's. Le flux des remplacements étant au plus bas, les compagnies n’étaient plus que de grosses sections de fantassins dans la plupart des régiments. Les 19ème et 34ème RI étaient particulièrement touchés et même la plus forte des unités de la TF, le 9ème RI voyait ses effectifs diminuer jour après jour. Sachant cela les concepteurs du plan d’assaut espéraient compenser la faiblesse de l’effectif humain par l’usage massif de l’artillerie et de l’aviation. Quatre batteries complètes d’obusiers de 105mm et une de 155mm étaient positionnées en soutien, la plus grande partie étant destinée au seul 9ème RI. Il était attendu davantage encore du soutien aérien. La TF Hill avait exceptionnellement obtenu la priorité en termes de soutien aérien, situation encore jamais vue sur le front et destinée à être des plus éphémères. Cela sous-entendait une centaine d’avions, des F51s et des F80s sous contrôle du PC de la TF.

Malheureusement, ce plan soigneusement établi fut soumis aux caprices de la météo. Entre 3 et 4h00 la pluie tomba à torrent et un vent violent se mit à souffler. Ces éléments combinés à un plafond bas nécessitèrent l’annulation du bombardement aérien de préparation. La préparation d’artillerie de 10mn prévue débuta cependant à l’heure. Les hommes quittèrent leurs tranchées noyées d’eau et se mirent en route sous la pluie. L’attaque prévue comme coordonée perdit très rapidement toute cohésion. Certaines unités progressaient alors que d’autres peinaient à quitter leurs lignes de départ. Le 1er rapport de Hill à Church avait été optimiste, le 2/9 ayant atteint son 1er objectif, les hauteurs surplombant Tugok. Les rapports suivants se révélèrent beaucoup moins encourageants. Ce qui devait être une rapide avancée tournait en un difficle combat pour quelques centaines de mètres de terrain boueux.

Ainsi qu’il en avait été trop souvent le cas, la contre-attaque commença à se dissoudre par les flancs, où avaient été placées les unités les plus faibles. Le 1/34, après avoir pris les petites collines immédiatement devant lui fut violemment arrêté par les Nord-Coréens retranchés sur Obong-Ni. L’estimation de la capacité de combat du bataillon ne dépassait pas les 20%, jugement apparemment juste car le 1/34 fut tout simplement totalement stoppé. Sur sa gauche le 1/21 ni fit guère mieux. Il ne put prendre de flanc l’ennemi, arrêté avant d’avoir atteint ce but par une forte résistance.
Sur la droite de la TF, la situation était pire encore. Le 2/19, réduit à quelques poignées de combattants après les combats des derniers jours ne quitta même pas sa base départ. Le 1/19 qui avait un rôle-clef dans le soutien du 1/9, refusa de quitter ses lignes tant que ce dernier n’aurait pas sécurisé la côte 165 et resta figé sur place toute la matinée.
Cette incapacité tenir le plan prévu freina considérablement les efforts du 1/9 pour prendre Cloverleaf. Libres de concentrer leurs forces sur le bataillon, les Nord-Coréens lui infligèrent plus de 60 pertes en moins d’une heure.
La non-participation du 1er bataillon à la contre-attaque poussa le commandant du 19
ème RI, le col. Ned Moore à aller juger de la situation par lui-même. Cette intervention finit par pousser la Cie A (40 hommes) à se mettre en marche en milieu d’après-midi, soutenue par le feu de la Cie B sur sa droite. Les GI's progressèrent dans les collines au nord du hameau de Maekkok.

Dans l’après-midi la pluie cessa de tomber, malgré la persistance d’un plafond bas. L’aviation put cependant effectuer quelques missions. L’artillerie ne cessa pas de bombarder les concentrations ennemies. Bien que fortement appréciable, cette aide arrivait trop tard. En fin d’après-midi la progression de la TF était stoppée à peu près partout, à part la Cie A du 19ème RI au nord de Maekkok et une partie du 9ème RI le long des pentes de Cloverleaf. Ailleurs les hommes creusaient la terre détrempée en prévision de l’inévitable contre-attaque Nord-Coréenne. La progression moyenne de la journée était de 500m. Si les 34ème et 21ème RI avaient fait légèrement mieux, la plus grande partie du 19e RI n’avait pas avancé d’un mètre. Partout les Nord-Coréens avaient habilement défendu les collines accidentées depuis leurs positions creusées à contre-pente. Ils avaient subi de lourdes pertes, particulièrement du fait de l’aviation et de l’artillerie mais n’avaient cédé que peu de terrain et infligé des pertes aussi importantes à la Task Force.

Un développement inquiétant de cette journée de combats fut la première intervention de blindés nord-coréens à l’est du Naktong. Quelques chars avaient été précédemment repérés (et avaient même tiré quelques obus sur les positions du 21ème RI) mais aucun de ce côté du fleuve. C’est le 19ème RI qui en fit le premier rapport à 10h45. L’intervention de l’aviation et de l’artillerie se révéla sans effet. A 16h00 il tirait sur la Cie B. L’artillerie ne fut pas plus efficace. A 18h00 il réapparaissait contre la Cie A. L’aviation et un barrage de mortiers eurent la même absence d’effet que précédemment. A la nuit tombée la Cie A, désormais réduite à 25 hommes put entendre les hommes de l’APC se masser à contre-pente en vue d’une prochaine attaque. Sous le couvert de l’obscurité, ces derniers s’infiltrèrent dans l’espace existent entre les positions avancées de la Cie A et celles de la B plus en arrière sur la droite. Peu avant 22h00 l’assaut fut lancé contre la Cie isolée qui dut retraiter plus au sud, dans la zone du 9ème RI, avant d’être clouée au sol par des tirs de blindé. Cette manœuvre marqua la fin et l’échec et de la contre-attaque de la TF Hill.

Ailleurs dans le secteur de la division la situation n’évolua pas. Les 289 renforts arrivés ce jour furent envoyés au 21ème RI afin de prévenir toute action en provenance de la tête de pont de Hyonp’ung, pourtant étonnamment calme.
Church émit l’ordre N°23 à minuit, indiquant que la TF Hill devait renouveler son assaut le lendemain.


Le 15 août

En dehors de l’ordre donné au 1/21 de s’enterrer et de tenir ses positions, le plan du 15 août était similaire à celui de la veille. Mais même tenir ses positions se révéla impossible pour les hommes du ltc Smith qui furent pris de vitesse par une contre-attaque ennemie peu après minuit. Très rapidement le bataillon se trouva harcelé de 3 côtés. A 2h30, alors que l’on comptait déjà plus de 20 blessés, Smith appela Hill et demanda la permission de quitter ses lignes, permission qui lui fut accordée à 3h00 et qui nécessita la mise en avant du 3/34 pour protéger la retraite.

Les Nord-Coréens lancèrent plusieurs attaques contre différentes unités de la TF. Le 1/19 fut pris sous des tirs quasi à bout portant. La Cie C fut bombardée par des tirs de char d’assaut. Plus grave, vers 3h00 quatre T-34s surgirent des ténèbres aux alentours du village de Tugok, prirent la route de Yongsan et se déchaînèrent contre les arrières du 2/9, détruisant une jeep et plusieurs points de ravitaillement. S’ils avaient continué leur chemin plus à l’est les blindés seraient entrés en contact avec plusieurs PCs, y compris celui de la TF, et plusieurs batteries d’artillerie. Heureusement l’obscurité, la méconnaissance du terrain et le temps passé à détruire les dépôts du 2/9 entrava leur progression.
Le cpl Robert C. Carroll, Cie H, 9
ème RI fit alors ce qui lui valut la Distinguished Service Cross. S’emparant d’un lance-roquettes de 3.5 pouces il s’approcha à moins de 50m du blindé de tête et l’immobilisa en un coup. Les autres chars s’enfuirent vers l’ouest mais le tank resté sur place tirait encore de toutes ses armes dans toutes les directions. Carroll chargea l’engin à la grenade à main. Utilisant une hache trouvée sur le flanc du T-34 il s’attaqua à la tourelle avant d’être repoussé par un tankiste. Imperturbable, Carroll récupéra bidon d’essence abandonné et en arrosa largement l’engin avant d’y mettre le feu. Aucun des tankistes ne tenta de sortie…

Au moment ou Carroll détruisait finalement le T-34 ennemi à 8h27 la TF Hill avait déjà tenté de reprendre sa contre-attaque. Cette fois le temps était bien meilleur mais puisque le secteur de la 24ème DI était devenu priorité N°2, beaucoup moins de missions de vol étaient disponibles. Tout le long du front les contre-attaques firent peu d’étincelles avant de s’éteindre. Sur la droite, le 19ème RI ne fit de nouveau aucun progrès. La Cie A fut réorganisée sous le commandement d’un sergent mais demeura dans la zone du 9ème RI la plus grande partie de la journée. Plutôt que d’aller de l’avant, le 2ème bataillon de Moore tenta de mettre sur pied une réserve à même de combler l’espace laissé vacant par la retraite de la Cie A. Le 9ème RI ne fit pas mieux et se contenta de s’enterrer pour consolider les maigres gains de la veille. Plus au sud, le déjà réduit 1/34 fit tout d’abord quelques gains en repoussant une attaque nord-coréenne avant l’aube. Le bataillon attaqua en colonnes. En avant, la Cie A prit immédiatement la crête située en face d’elle avant d’être soudainement prise sous le feu depuis chacun de ses flancs. Souffrant de nombreuses pertes, la Cie battit en retraite avec seulement 40 hommes valides. La Cie B prit le relais et appela une intervention aérienne qui se trompa de cible et bombarda la Cie elle-même qui finit par regagner ses positions de départ. Les Nord-Coréens attaquèrent à leur tour mais furent rapidement dispersés par l’artillerie.

Ulcéré par le manque de progrès de la 24ème DI, le général Walker, en visite au PC de Church dans la matinée, prit la décision de lui attacher les Marines. D’après Church, Walker aurait dit « je vais vous donner la brigade des Marines. Je veux que ce problème soit résolu, et vite! ». Cette promesse de renforts incita Church à autoriser la demande faite par Hill à 11h30 de passer à la défensive au regard de la dégradation de la situation, particulièrement au sud.
Toute la journée les assauts nord-coréens se succédèrent sur des positions américaines désormais sur la défensive. Les unes après les autres les compagnies de la 4
ème DI attaquèrent, repoussées la plupart du temps à l’aide de l’artillerie. Cette dernière effectua 3540 tirs en 128 missions le 15 août, contre 2222 tirs en 91 missions la veille.
Sur le front nord, Church reçut l’autorisation d’utiliser le 1/23, alors affecté à la défense de la PLR pour renforcer le 3e Génie du ltc Hyzer aux environs de Hyonp’ung. Bien que la zone elle-même soit devenue une sorte de no-man’s-land patrouillé par les forces de chaque armée, Church estima plus sûr d’en renforcer le glacis. L’ennemi semblait concentré sur la côte 409. Le bataillon reçut l’ordre de déplacement pour le lendemain à 4h30 vers 22h45.

Bien que la journée n’ait marqué aucun réel progrès de la 24ème DI, quelques signes semblaient indiquer que la 4ème DI de l’APC commençait elle aussi à se ressentir de 10 jours de combats sans interruption. Le plus évident était le nombre de prisonniers capturés et leurs indications concernant un moral et un niveau de munitions et de ravitaillement très faibles. Si ces affirmations se trouvaient avérées, la prochaine contre-attaque pourrait bien se révéler être la bonne pour Church et ses hommes.

2- Intervention des Marines

Le 16 août

Church et Hill étaient d’accord avec les commandants de brigade et de régiment des Marines Craig et Murray que toute attaque devait se faire avec le soutien des Corsairs de ces derniers. Les navires Badoeng Strait et Sicily ne pouvaient être en place avant le 17, décidant ainsi de la date de l’assaut.
La journée du 16 août devait donc permettre aux Marines de se mettre en place sur le terrain et à l’état-major de mettre en place la coordination nécessaire entre les différents éléments impliqués. Mais l’APC était bien décidée à maintenir la pression et à conserver l’initiative. Une attaque générale par vagues débuta avant l’aube, sur toute la ligne de la TF Hill. Les flancs américains reculèrent mais le centre tint bon.

Sur le flanc gauche, les Cies B et C du 1/34 s’étaient enterrées sur la côte 91, à environ 1000m à l’est d’Obong-Ni. A 4h30 les Nord-Coréens attaquèrent la côte, soutenus par des mitrailleuses et des canons auto-moteurs de 76mm. Après 30mn de combats les 2 Cies durent abandonner leurs positions et partirent sur la prochaine hauteur leur permettant de se regrouper, à 1.5km au N-E. Elles furent rejointes par la Cie A qui, voyant son flanc gauche à découvert n’eut d’autre choix que celui de suivre le mouvement.

A l’autre bout de la ligne de front, le 2/19 tenait depuis plusieurs jours plusieurs crêtes près du fleuve et faisant face aux positions ennemies sur Ohang Hill. Les Cies E et F, réduites, défendaient la crête la plus proche du fleuve tandis que la Cie G était sur une ligne située de l’autre côté d’une étroite vallée, au S-E. Là, les Nord-Coréens utilisèrent un barrage d’artillerie et de mortiers, que les GIs prirent tout d’abord pour une erreur de l’artillerie américaine. A 7h00 l’infanterie se rua à l’assaut. Petit à petit, les 2 Cies durent céder du terrain sous la pression, en reculant vers le nord. Moore envoya en catastrophe 2 sections du 19ème RI en renfort qui permirent de stabiliser la ligne après 600m de repli. Les troupes se réorganisèrent et montèrent une contre-attaque à 15h00 qui, grâce à l’élément de surprise et le soutien de flanc de la Cie G, leur permirent de reprendre le terrain perdu avec une surprenante facilité.

Au centre le 9ème RI subit sans reculer d’un pouce de nombreuses attaques tout au long de la matinée. Celles-ci débutèrent avant l’aube sur les positions du 2ème bataillon situées de part et d’autre de la route Yongsan-Naktong, près du village de Tugok. Précédées de tirs d’artillerie, de mortiers et de mitrailleuses lourdes, elles se déroulèrent selon l’habituel schéma des vagues humaines. Les assauts se succédèrent en diminuant d’intensité avant de complètement s’éteindre. Les batteries du 15ème d’AdC jouèrent un rôle important dans cette défense. Un peu plus au nord, là où le 1er bataillon s’attachait aux pentes de Cloverleaf et de Maekkok, l’artillerie quadrilla le terrain attaqué par les vagues nord-coréennes. Les Cies B et C furent cependant bousculées au point d’en venir au corps à corps dans les trous d’hommes américains. L’ennemi fut cependant repoussé et même dispersé par l’aviation. A midi toute velléité de poursuivre le combat semblait avoir quitté l’APC.

En un seul point du front les Nord-Coréens furent mis sur la défensive. Le 1/23, conformément aux ordres de la veille, se mit en position au sud de la côte 409 à 4h30. La matinée fut passée en patrouilles et prise d’avant-postes situés en avant de la masse rocheuse. La Cie C se prépara à grimper la colline à 14h00 après un bombardement aérien. Rapidement plusieurs hommes tombèrent de fatigue sous l’intense chaleur avant que la Cie ne soit prise sous un intense feu d’armes automatiques en provenance d’un village voisin et ne retraite. Une nouvelle tentative à 16h00 avec le soutien de 4 Sherman M-4 apporta aboutit au même résultat. Voyant que l’APC ne semblait pas vouloir reprendre l’offensive, le ltc Stephens repoussa l’opération au lendemain. Il était cependant mécontent de la faible performance du bataillon, plus particulièrement de son incapacité à coordonner ses soutiens de mortier et d’artillerie.

A 14h00 la TF Hill était officiellement dissoute, ses composants revenant sous l’autorité directe de la Division. La 1st provisional marine brigade devait relever le 34ème RI sur le flanc sud en fin de journée. Ce dernier devait alors à son tour relever le 1/19, lui-même entrant désormais dans la zone tenue par le 2/19. Toutes les unités devaient se préparer à un assaut général pour le 17 août, 8h00.

Préparation

Les problèmes de logistique commencèrent à entraver la bonne marche du plan avant même son départ. A peine la moitié des 144 véhicules nécessaires au transport des Marines depuis Miryang où ils étaient placés en réserve étaient disponibles. A minuit, 2 bataillons seulement avaient été amenés sur zone. La relève du 34ème RI s’en trouva décalée et tout ce qui en découlait.
Peu après minuit la Cie G du 3/5 du ltc Robert Taplett relevait le 3/34, sur les hauteurs à 1.5km de la route Yongsan-Naktong pendant que la Cie H relevait quant à elle le 1/34 sur sa ligne de crêtes derrière le 9
ème RI. Church avait spécifiquement ordonné l’occupation de ses positions et Craig, estimant le 1/21 bien trop loin pour protéger son flanc, s’était bien gardé de l’en dissuader. Ainsi un tiers de la force d’assaut était destiné à protéger les unités restantes. A 4h00 le 3/5 était en position avec plusieurs heures de retard et l’heure H prévue dans moins de 4h.
Derrière le 3/5, le 2
ème bataillon du ltc Harold Roise arrivaient de Yongsan à pied, du fait du manque de moyens de transport. Bien qu’épuisés, les hommes prirent tout de même la relève de la Cie F du 9ème RI qui partit vers le nord faire la jonction avec ses Cies sœurs du 2e bataillon.
Quant au 1/5 du ltc George Newton, il se trouvait toujours à Miryang, attendant d’être transporté. Les camions n’arrivèrent pas avant 6h15 et le bataillon n’atteignit la ligne de front qu’en milieu de matinée.

Le 1er objectif du 5ème Régiment de Marines du col. Murray était Obong-Ni. Graduellement incurvé vers le S-E sur plus d’1.5km, la crête comportait 6 hauteurs identifiables du nord au sud : les côtes 102, 109, 117, 143, 147 et 153. Les Nord-Coréens utilisaient Obong-Ni pour couvrir leurs mouvements vers le S-E et des observations aériennes avaient repéré des tranchées ennemies dès le 13 août. Ce fait était connu de l’état-major des Marines, mais pour quelque raison elle n’était pas parvenue à Murray qui était persuadé qu’Obong-Ni n’était pas la clef de la défense adverse, rôle qu’il réservait à la côte 207, son second objectif. Murray demanda alors un changement de plan. Considérant la crête d’Obong-Ni comme sa véritable base de départ, il demanda à la prendre et à la sécuriser avant que le 9e RI ne tente de reprendre Cloverleaf. Hill et Murray étant d’accord sur ce point, malgré quelques réticences, Church autorisa le changement de plan. Craig ne fut pas mis au courant.
Puisqu’autorisé à suivre son idée, Murray mit au point son plan. Puisque la moitié sud d’Obong-Ni était la plus élevée et que le terrain situé au sud était extrêmement rude, il décida d’attaquer frontalement la moitié nord. Le 2
ème bataillon devait être engagé le premier, suivi du 1er bataillon ; le 3ème devait sécuriser le flanc gauche et l’arrière. Une section de 4 tanks de la Cie A du 1st Tank Batalion devait apporter le soutien de ses canons de 90mm. Les mortiers de la section lourde du 2/5 était elle aussi en soutien, ainsi que 3 batteries d’obusiers de 105mm du 11th Marine Regiment. Le support aérien devait être disponible si besoin. A 7h30, tout était en place à part le 1er bataillon, toujours en route depuis Miryang.

Le 17 août : Actions des Marines

A 7h30 une courte préparation d’artillerie de 5mn débuta à l’heure prévue. Dix huit Corsairs des Marines lui succédèrent à coup de bombes et de napalm. De loin les effets parurent dévastateurs, mais comme le démontra la suite, les Nord-Coréens solidement retranchés à contre-pente n’avaient pas été significativement touchés. L’artillerie repartit pour un second plan de feu mais pour quelque raisons quasiment aucun obus ne toucha la crête. L’ennemi eut ainsi l’occasion de se ressaisir avant le départ du 2/5 à 8h00.
La Cie D s’élança sur la droite avec 2 sections, la 3e en réserve sur la ligne de départ. La Cie E partit sur la gauche vers le village d’Obong-Ni proprement dit, niché au pied de la crête entre les côtes 117 et 143. Retardée par les avant-postes placés dans le village, elle fut dépassé par la Cie D. Cette dernière avança tout d’abord sans difficulté entre les côtes 102 et 109 mais à mesure qu’elle grimpait la pente elle fut assaillie par des tirs en provenance de chacun de ses flancs et du sommet de la crête. Les tirs en provenance du flanc gauche s’affaiblirent quand la Cie E se mit elle aussi à progresser de nouveau mais ceux du flanc droit labouraient les sections des Marines. Ces tirs provenaient principalement de Tugok, village demeuré aux mains de l’ennemi du fait même de l’accord conclu entre Murray et Hill.
Malgré le renfort de la 3e section de réserve la Cie D ne parvint pas à progresser. A un moment seulement les Marines prirent pied sur la crête. Un goulet formé par les pluies permit au 2nd lieutant Shinka de mettre une partie de ses hommes à couvert. Shinka et 20 de ses Marines parvinrent finalement au sommet. Là, les trous d’hommes creusés par les Nord-Coréens étaient vides. Mais pas ceux de la contre-pente, quelques mètres plus bas. Après avoir reçu plusieurs grenades, Shinka ordonna la retraite. Les hommes valides prirent les 5 hommes blessés lors du grenadage sur leurs ponchos et quittèrent la crête. La Cie E n’était pas mieux lotie et se trouva accrochée aux 2/3 de la pente.

La situation nécessitait le renfort de sections lourdes mais la Cie E avait perdu le contact avec ses mortiers et ceux de la Cie D ne parvinrent pas à chasser les mitrailleurs nord-coréens de leurs positions. L’observateur avancé attaché à la Cie E ne parvint pas lui non plus à entrer en contact avec l’artillerie du 11th Marines. Celui attaché à la Cie D indiqua les coordonnées de tirs nécessaires mais quelqu’un remarque très vite que le plan de feu en question tombait dans le secteur du 9ème RI et ce dernier fut donc avorté avant de produire le moindre effet. Seuls les tanks furent d’un quelconque soutien, encore qu’ils durent concentrer leurs tirs sur les canons anti-chars retranchés à Obong-Ni. Les 4 tanks furent touchés 23 fois, sans qu’aucun tir ne parvînt à percer leur blindage. Ils ne purent diriger leurs canons sur Tugok du fait des collines intercalées entre eux et le village. Quant à l’aviation elle fut dirigée au sud et à l’ouest d’Obong-Ni.

En Fin de matinée il apparut évident que le 2ème bataillon n’irait pas plus loin sans assistance. Les 2 compagnies reculèrent de manière à permettre à un Pershing M-26 de bombarder la crête. Ce qui fut fait sans aucun résultat notable. Deux bombes au napalm seulement furent largués. La première manqua la cible et la seconde n’explosa pas. Les 2 compagnies repartirent à l’assaut, sans plus de résultat. A midi le bataillon avait perdu 23 tués et 119 blessés, dont 5 officiers. Plusieurs sections se trouvaient réduites à une quinzaine d’hommes. Craig commençait à s’inquiéter de ce manque de résultat, tout autant du manque d’activité du 9ème RI. C’est là qu’il apprit le changement de plan décidé la veille. Murray s’était aperçu de son erreur d’appréciation et voulait désormais à tout pris engager le 9ème RI en soutien de son assaut mais les mauvaises communications l’empêchaient d’entrer en contact avec Hill. Sans autre ressources, il se résolut à engager son 1er bataillon, finalement débarqué en milieu de matinée.
A 13h30 le ltc Newton reçut l’ordre de passer à travers le 2/5 et de poursuivre l’assaut. Les Cies A et B, soutenues par les mortiers et les mitrailleuses de leur section lourde, ainsi que par les 4 tanks toujours présents, s’élancèrent à 15h00, traversèrent les rangs du 2e bataillon et commencèrent à grimper les fortes pentes de la crête. Finalement, à 17h10 la 1ère section de la Cie B prit la côte 102. Peu après, la 1ère section de la Cie A s’emparait de la côte 117. Incapable de progresser vers la côte 143 du fait de l’intensité des tirs nord-coréens, la section du même refluer du sommet de la côte elle-même. Les efforts de la 2e section de la Cie A pour prendre la côte 143 n’eurent pas plus d’effet. La Cie B cependant put sécuriser les côtes 102 et 109. A la nuit tombée, seuls ces 2 points étaient aux mains des Marines. A partir de là le front descendait de la côte 117 vers la ligne de départ du matin.

Au crépuscule, alors qu’ils s’enterraient pour la nuit, les hommes situés sur la côte 102 aperçurent 4 T-34 en provenance de l’Ouest. Le chef de section en informa immédiatement le PC par radio. Trois Pershing M-26 de la section blindée partis se ravitailler furent rappelés en urgence pendant que la section anti-tank préparait une embuscade : Les canons sans recul de 75mm contrôlaient déjà le débouché de la passe, 4 équipes de lance-roquettes de 3.5 pouces se positionnèrent au nord de la route. Un mitraillage des blindés ennemis par 3 P-51 de l’Air Force parut sans effet.
Un lance-roquette tira le premier, à 100m, dans les chenilles. Le tank réagit en ouvrant le feu de toutes ses armes. La seconde roquette explosa en même temps qu’un tir du 75 sans recul qui perçait la coque. Le T-34 s’arrêta mais continua de tirer. Le Pershing de tête arriva à ce moment là et lui donna le coup de grâce à 100m. Le T-34 partit en fumée. Un membre de l’équipage tenta de s’enfuir mais fut abattu par des tirs d’armes automatiques. Le 2
ème blindé encaissa plusieurs de tirs de roquettes et de 75mm qui le firent décheniller et l’envoyèrent dans le bas-côté où lui aussi continua de tirer malgré son immobilisation. Le second Pershing s’aligna à côté du 1er . Les tirs combinés des canons de 90mm pulvérisèrent le blindé ennemi. Le 3e engin s’approchait de la courbe de la route et connut un sort similaire sous les tirs de 2 M-26. Dix minutes à peine s’étaient écoulées. Le quatrième n’atteignit quant à lui jamais la passe, détruit par des Corsairs(1) qui en profitèrent pour disperser l’infanterie de soutien.
Les Marines avaient perdu un total de 205 hommes : 23 tués, 2 morts suite de leurs blessures, 180 blessés.

Le 17 août : Actions de l’Armée

Au nord de la route Yongsan-Naktong le 9ème RI finit par lancer son propre assaut vers 13h00. Menés par les Cies F et G, le 2/9 avança lentement vers Tugok. Au cours d’un combat qui dura toute l’après-midi, le bataillon nettoya graduellement le village et partit en direction de la crête située au-delà. Plusieurs attaques furent repoussées mais juste avant la tombée de la nuit les 2 Cies prirent la ligne de crêtes et se retranchèrent pour la nuit. La Cie E restait en réserve sur la ligne de départ.
Toujours plus au nord le 1/9 resta sur les positions qu’il occupait depuis plusieurs jours. En atteignant cette simple ligne de crête, le 9
ème RI avait atteint son objectif. Il est cependant probable que si l’attaque avait été coordonnée avec celle des Marines, les 2 unités auraient pu atteindre chacune leur objectif beaucoup plus rapidement avec moins de pertes.

Les retards logistiques de la nuit quant au transfert des Marines avaient considérablement retardé les mouvements des autres unités. Relevé vers 4h00 le 34ème RI n’atteignit la zone qui lui avait été assignée que vers 9h00 lorsque le 3ème bataillon s’installa sur les positions précédemment occupées par le 1/19. Le 1/34 s’installa 500m en arrière. Le plan prévoyait que le régiment devait soutenir le 1/19 avant de s’occuper de ses propres objectifs.

Le col. Moore pensait pouvoir regrouper son 1er bataillon en un temps relativement court, ce en quoi il eût tort. Ce dernier ne parvint sur sa ligne de départ que vers 13h30. L’assaut fut finalement prévu pour 17h00. Aucun avion n’était disponible pour effectuer un bombardement préalable de Ohang Hill. Le soutien était assuré par plusieurs batteries d’artillerie, la section régimentaire de mortiers lourds et la section lourde du bataillon. A 17h00 Le 1/19 se mit en marche, la Cie B sur la droite, la Cie C sur la gauche, la Cie A en réserve.
La progression se passa bien jusqu’à ce que les différentes sections se trouvent plus ou moins placées dans la ligne de tir de leur propre section lourde alors contrainte à l’arrêt. C’est alors que les Nord-Coréens déclenchèrent un feu d’enfer qui cloua les GIs au sol. Un sergent de la 2
ème section chargea seul et parvint à mettre hors de combat une position de mitrailleuse sur la crête. Il appela alors son peloton pour qu’il le rejoigne. Bien que tentant une manœuvre par la droite, le reste de la Cie restait cloué au sol. Quand la 3ème Cie, alors maintenue en réserve, s’élança à son tour elle fut elle aussi très rapidement stoppée par les tirs ennemis. La situation fut de nouveau débloquée grâce au commandant de Cie qui recula, manœuvra par la gauche et vint en renfort de la 1ère Cie. L’effet de soutien joua à plein et la 1ère Cie parvint à prendre la crête. Après avoir repoussé une contre-attaque, les hommes nettoyèrent le terrain des mitrailleuses qui bloquaient l’avance de la 2ème Cie qui put alors les rejoindre.
Sur la pointe sud d’Ohang Hill la Cie C, forte de 144 hommes, eut les mêmes difficultés à gagner le sommet de la crête. D’abord tenus de garder un profil bas du fait de la couverture de mitrailleuses de la section lourde, les Nord-Coréens bondirent à l’attaque dès que les Américains se trouvèrent dans la ligne de mire de leurs propres appuis-feux. La 1ère section sur la gauche et une partie de la 3
ème sur la droite furent cloués au sol par les tirs ennemis et la pluie de grenades qui leur était jetée dessus. La partie de la 3ème section qui n’était pas sous le feu direct ennemi se déplaça sur la droite et 2 hommes parvinrent à gravir la pente jusqu’au sommet. Là ils ne trouvèrent qu’une mitrailleuse et ses servants qu’ils éliminèrent. Cette diminution des tirs permit aux autres sections de terminer leur ascension. Refusant d’abandonner les hauteurs les Nord-Coréens contre-attaquèrent avec une vingtaine d’hommes aisément repoussés. A l’approche de la nuit la Cie C fit la jonction avec la Cie B sur la droite et les 65 hommes de la Cie A sur la gauche. Après une heure de bombardement par des mortiers de 120mm les GI's s’installèrent pour la nuit. Quand l’obscurité fut totale les Nord-Coréens tentèrent une nouvelle contre-attaque avec une centaine d’hommes qui fut elle aussi repoussée. Finalement le calme s’installa sur Ohang Hill.

Bien que la majorité des combats de la journée eurent lieu dans le saillant même, d’autres éléments de la 24ème DI eurent maille à partir avec l’ennemi. Le 21ème RI et le 3ème bataillon du Génie s’opposèrent à des patrouilles nord-coréennes avant l’aube. Plusieurs unités reportèrent l’infiltration de petits groupes ennemis sur les arrières, l’un d’eux attaquant même un détachement médical du 21ème RI. Ce groupe fut repoussé dans les collines mais pas détruit par 2 sections américaines et la police sud-coréenne. Autour de la côte 409 le 1/23 continua de tester les positions tenues par le 29ème RI coréen. Soutenue par l’aviation et l’artillerie la Cie A patrouilla précautionneusement les abords de la colline. La réponse fut limitée à des tirs d’armes légères, mitrailleuses et mortiers légers. Un prisonnier révéla que son unité commençait à manquer de munitions, ce qui explique sans doute le peu de mordant du régiment.

Les résultats de la contre-attaque de la journée, bien qu’inférieurs à ceux espérés, se révélèrent satisfaisants aux yeux du général Church. Les objectifs initiaux des Marines et des 9e et 19e RI avaient tous été atteints, avec des gains d’à peu près 1000m dans chaque secteur. Les pertes avaient été élevées pour les Marines, avec 142 pertes rien que dans le 2ème bataillon. En comparaison le 9ème RI avait subi 73 pertes et le 19ème RI 10 seulement. Comme cela avait été souvent le cas l’attaque si parfaitement coordonnée sur la carte s’était déroulée séquentiellement sur le terrain. Il y eut aussi certains problèmes de communication, les tanks des Marines ayant par inadvertance coupé les lignes reliant à la division à Kyungyo en montant en ligne. Ce problème ne fut cependant pas surmontable dans la mesure où un PC divisionnaire avancé s’était installé à Yongsan. Le contrôle aérien coordonnant les interventions avait montré certaines carences et plusieurs unités au sol avaient été mitraillées par erreur par des avions américains. Quoi qu’il en soit Church était persuadé que l’ennemi avait perdu l’initiative et ordonna la reprise de la contre-attaque pour le lendemain à l’aube.

3- La prise d’Obong-Ni

Le 18 août

Peu désireux de redonner l’initiative à leurs adversaires, les Nord-Coréens montèrent une série de contre-attaques limitées durant la nuit. Celles-ci se concentrèrent sur les gains obtenus par les Américains dans la journée le long de l’axe de la route Yongsan-Naktong. A 3h35 la Cie F/9ème RI repoussèrent un assaut contre ses positions sur la colline située à l’ouest de Tugok mais seulement après avoir reculé d’une centaine de mètres. Au sud de la route, sur la crête d’Obong-Ni une contre-attaque partit de la côte 117 et coupa la Cie A/5ème Marines en 2. Du fait des conditions de la bataille de la veille la Cie s’était retrouvée très mal retranchée sur les entre le bas de la pente de la côte 117 et le creux situé entre cette dernière et la côte suivante. Quand les Nord-Coréens se mirent à charger derrière un rideau de balles et de grenades ils percèrent le centre de la Cie, allant jusqu’à chasser son commandant de son PC. Les sections situées à gauche et à droite s’accrochèrent au terrain mais le restant de celle située au centre furent repoussés jusqu’au bas de la crête. Au moment où la situation des Marines paraissait le plus désespérée les Nord-Coréens commencèrent à faiblir avant de reculer. Aucune tentative n’avait été faite pour exploiter le flanc gauche ouvert de la Cie ou même pour détruire sa section isolée. Ce comportement inhabituel fut interprété non comme une contre-attaque sérieuse mais comme un leurre destiné à couvrir une retraite.
La tactique d’assaut de l’APC était la suivante : Une escouade se levait de terre, jetait des grenades sur ses opposants et avançait sur une courte distance en tirant de front et de flanc avant de se jeter de nouveau sur le sol. Si elle réussit avec la Cie A, cette méthode échoua face à la B qui parvint à repousser l’assaut après 45mn de durs combats. Avant l’aube les Nord-Coréens se replièrent vers la côte 117. Au moins 183 cadavres furent dénombrés autour des positions des Cies A et B. Les Marines avaient eux aussi beaucoup souffert : A avait perdu 95 hommes sur 185 et B 80 sur 195.


A l’aube la Cie A se regroupa et lança un nouvel assaut contre la côte 117. Cette fois les feux de soutien avaient été mieux coordonnés que la veille. Les mortiers et les mitrailleuses balayaient la crête tandis que la Cie B apportait sont appui depuis la côte 109 au nord. Comme la résistance ennemie ne paraissait pas vouloir faiblir le commandant de Cie appela l’aviation en renfort. Un Corsair isolé largua une bombe de 250kg à 75m des positions des Marines. L’énorme explosion détruisit plusieurs nids de mitrailleuses mais tua aussi un Marine. Pour limitée qu’elle fût cette seule intervention supprima toute résistance sur la côte 117. Trois minutes plus tard la 3
ème section s’emparait de la position.
Le prochain objectif était la côte 143. Bombardée sans merci par les mortiers de 81mm et de 4.2 pouces ainsi que par une nouvelle intervention aérienne, elle tomba rapidement aux mains de la Cie A. Les 2 positions suivantes, les côtes 147 et 153 eurent droit au même traitement de la part des unités de soutien des Marines. A 9h00, depuis la côte 143, les hommes de la Cie A pouvaient observer les Nord-Coréens retraiter à travers la vallée vers les collines situées au-delà. La journée progressa à coups de réduction de poches de résistance. L’ennemi avait abandonné 43 mitrailleuses, 63 fusils et mitraillettes, 8 fusils anti-tanks et 150 morts.

Une fois qu’il apparut évident qu’Obong-Ni était définitivement aux mais des Marines le col. Murray appela son 3ème bataillon pour se préparer à prendre d’assaut son 2ème objectif : la côte 207. A 9h45 les hommes du ltc Taplett passèrent au travers de ceux du 1er bataillon et commencèrent leur attaque.
Les mortiers lourds, l’artillerie et l’aviation bombardèrent activement la crête et les 2 compagnies du 3/5 partirent en avant ; la Cie G du cpt Bob Bohn sur la droite, la Cie H du cpt Joe Fegan sur la gauche. Les hommes grimpèrent les pentes à grande vitesse, l’ennemi en fuite devant eux. Le lt John Williams (Cie H) reporta même avoir débordé un PC régimentaire (celui du 18e RI). Lorsqu’une quarantaine de Nord-Coréens tentèrent de prendre de flanc les 2 Cies ils furent rapidement débandés par les tirs des Pershings placés en soutien à 300m. A 11h30 la Cie H avait atteint le sommet de la côte 207. Une heure plus tard la Cie G la rejoignait.
Les Nord-Coréens fuyaient dans le plus grand désordre, sous les tirs impitoyables de l’artillerie de l’aviation et des tanks. Certains étaient dans un tel état de panique qu’ils abandonnaient leurs armes et leur équipement sur place avant de s’enfuir en courant. Certains de ceux qui tentèrent de traverser le fleuve sous la protection de ses eaux ne furent pas épargnés, certains obus tirés par l’artillerie se trouvant être à retardement. Les Nord-Coréens, qui s’étaient battus si férocement pas plus tard que la veille, semblaient avoir perdu toute cohésion et tout désir de résistance. La dernière ligne de crête avant le Naktong était désormais celle de la côte 311.
L’attaque débuta de la même manière, la Cie G à droite, la H à gauche. Le peu de résistance des premiers mètres céda la place à un feu de barrage de plus en plus soutenu qui finit par clouer les hommes de Fegan au sol, à 200m de l’objectif. Fegan lui-même fut blessé à la cuisse par une mitrailleuse de .50 capturée et dû être évacué. C’est le 2nd lieutnant Thomas P. Lennon qui fut nommé à la tête de la Cie pour mener l’assaut à son terme.
La Cie G eut plus de chance et avant le coucher du soleil avait atteint la pointe Sud de son objectif. Bohn tenta d’envelopper la crête pour relever la pression sur les hommes de Lennon mais ne parvint pas à faire de gains significatifs. Les Marines se retranchèrent pour une nuit qui fut étonnamment calme.

Pendant que les Marines chassaient les Nord-Coréens de la côte 207 les unités de la 24ème DI progressaient de façon similaire au nord de la route Yongsan-Naktong. Les 2 bataillons du 9ème RI n’avaient pas d’objectif pour la journée du 18, étant supposés être "débordées" par les bataillons progressant sur leurs flancs. Ils soutinrent néanmoins les unités adjacentes de leurs feux.
Plus au nord les 34
ème et 19ème RI devaient lancer un assaut coordonné sur la côte 240. Cet assaut, comme les précédents ne se passa pas comme prévu. Le 34ème RI de Beauchamps démarra à l’heure H, mais pas le 19ème RI de Moore. Le 1/19, désormais à plusieurs km de la route la plus proche avait les plus grandes difficultés pour se réapprovisionner en munitions. Ce ne fut terminé bien après le lever du jour, retardant le bataillon d’autant. A 6h30 les Cies K et L du 3/34 se mirent en route vers leur objectif final, la pointe gauche (côte 240) d’une ligne de crêtes orientée N-O à 2,5km du fleuve. Le 19ème avait en charge le reste de la crête et la côte 223. La Cie K à gauche et la L à droite progressèrent tout d’abord devant une faible résistance. La Cie I n’était pas disponible en soutien, ayant été détachée pour garder les berges du Naktong au nord du 19ème RI. Ce soutien ne sembla tout d’abord pas nécessaire, jusqu’à ce la Cie L ait à subir une violente contre-attaque frontale et sur son flanc droit dégarni aux environs de 9h00. Attaquée d’une direction inattendue, celle qui aurait dû être sous le contrôle du 19ème RI, la Cie fut repoussée de plusieurs centaines de mètres. Elle subit plus de 20 pertes en quelques minutes. La Cie K tenta de réduire la pression mais l’attaque principale ne pouvait être menée que par le 1/19.
C’est alors qu’elle finit par arriver sur sa zone d’intervention. Descendant lentement les pentes d’Ohang Hill les Cies A et C souffrirent peu des tirs Nord-Coréens, ceux-ci étant concentrés sur l’infortunée Cie L. Soutenue par la Cie B elles se mirent à grimper la pente raide menant à la ligne de crêtes. A 10h00 elles avaient gravi un tiers de la pente et se trouvait quasiment aux côtés de la Cie L désormais soumise à des tirs de mortiers. Les 61 hommes de la Cie A continuèrent leur ascension et atteignirent le sommet de la crête sans réelles difficultés. Plus proche de la rivière la Cie C se heurta à une plus forte résistance, des tirs de mitrailleuses stoppant brutalement les 2 sections de tête. Un sergent chargea les positions ennemies armé d’une mitrailleuse de 30 et réduisit le barrage, ouvrant la voie au reste de la Cie. A 11h45 le 1/19 tenait fermement ses positions sur la côte 223 tandis que la Cie L rejoignait la Cie K sur la côte 240. A 12h00 tous pouvaient observer des centaines de Nord-Coréens fuyant vers le fleuve. Tout comme du côté des Marines, l’artillerie et l’aviation intervinrent avec une efficacité meurtrière.

Après une pause destinée à permettre le ravitaillement en nourriture et munitions, l’avance américaine reprit. Chaque unité avançait sans souci de coordination mais la 4ème DI de l’APC était tellement en déroute qu’aucune ligne de front ne pouvait être réellement définie. Des poches de résistance subsistaient néanmoins, empêchant le 1/34 de totalement sécuriser son périmètre (une série de collines à l’ouest de la côte 240) avant la tombée de la nuit.

4- Destruction de la tête de pont ennemie

Le 19 août

Au soir du 18 août la tête de pont nord-coréenne était virtuellement détruite. Partout l’ennemi retrait en pleine panique. Les collines étaient jonchées de pièces d’équipement de toutes sortes. Avant la tombée de la nuit des observations aériennes reportèrent des rassemblements de plusieurs centaines de Nord-Coréens à divers endroits le long du fleuve. L’aviation et l’artillerie les bombardèrent sans merci jusqu’à ce que la nuit mette fin au massacre. Seul le secteur nord de la division semblait poser quelques soucis à l’Etat-Major. Le 1/23 avait continué ses patrouilles aux environs de la côte 409 et la Cie B avait subi plus de 16 pertes dans l’action. Pourtant, même là, l’ennemi ne montra aucune inclinaison à tenter le moindre percée.

Durant la nuit, alors que l’artillerie pilonnait les différents points de passage connus au niveau du fleuve, l’état-major de la 24ème DI planifiait la reconquête définitive du saillant du Naktong. Les Marines devaient sécuriser la côte 311, patrouiller les berges puis se regrouper à l’arrière du saillant comme réserve de la Division. Après avoir consolidé leurs positions les 34e et 19e RI devaient eux aussi avancer et se préparer à défendre leur nouveau secteur. Le 9ème RI et le 1/21 devaient quant à eux nettoyer le terrain au sud des Marines et sécuriser la zone sud, entre Namji-Ri et la pointe du saillant. Le 21ème RI, le 3ème bataillon du Génie et le 1/23 devaient tenir leurs positions et surveiller la côte 409. La 24ème Recon assurait toujours les arrières de la Division.

A 6h17 le 3/5 Marines lança l’assaut final sur les positions de plus en plus réduites de la 4ème DI à l’est du fleuve. En une heure la côte 311 était sécurisée. A 8h45 une patrouille fit la jonction avec des éléments du 34ème RI sur sa droite. Toute la matinée GI's et Marines ratissèrent les contreforts qui menaient au Naktong.

En fin d’après-midi le nettoyage des environs était terminé. La 8e Armée détacha la brigade des Marines de la 24ème DI. Elle fut placée en réserve et se rassembla à Changwon, à l’Est de Masan, et y demeura jusqu’au 1er septembre.

La 4ème DI avait été vaincue. La bataille du saillant du Naktong était terminée.


5- Bilan

La 4ème DI perdit la quasi-totalité de son équipement lourd durant cette bataille. Les Marines récupérèrent 34 pièces d’artillerie de divers calibres (allant jusqu’au 122mm), détruites ou abandonnées.
La 24
ème DI enterra 1200 Nord-Coréens. D’après les prisonniers les restes des régiments de la division ne comptaient plus que 300 à 400 hommes chacun après qu’ils aient retraversé le fleuve. Ils affirmèrent aussi que près de la moitié de leurs blessés étaient morts faute de soins médicaux. Le 19 août la division ne totalisait plus que 3500 hommes.
Dix-huit mitrailleuses lourdes, russes ou américaines, 25 mitrailleuses légères, 63 mitraillettes, russes ou américaines, 8 fusils anti-chars, 1 lance-roquette de 3.5 pouces et de larges quantités de munitions et de grenades furent récupérés. On trouva même une radio de l’armée américaine, un poste SCR 300 en parfait état de marche, branchée sur la fréquence des Marines. Cela supposait que l’ennemi avait intercepté les communications radio échangées entre les Cies A et B dans la nuit du 17 au 18 août et qu’il connaissait parfaitement leurs positions.

La 4ème DI venait de subir le plus dur revers infligé à l’armée nord-coréenne à ce jour. Elle eut les plus grandes difficultés à se reconstituer, chose qu’elle ne fit pleinement qu’après l’intervention chinoise dans le cours du conflit. Ironiquement c’est le 19 août qu’elle reçut le titre de "Division de la Garde" suite à ses exploits lors de la chute de Taejon.


(1) Robertson parle d’une destruction du dernier T-34 par un lance-roquette de F/9ème RI. Appleman et Champs de bataille parlent quant à eux d’une destruction dûe à une intervention aérienne. J’ai choisi cette version.

Sources :
- Roy E. Appleman : South to the Naktong, North to the Yalu / Center for Military Research
- William G. Robertson : Counterattack on the Naktong, 1950 / Combat Studies Institute (US Army Command And General Staff College, Fort Leavenworth, Kansas)
- Robert D. Taplett : Dark Horse 6 / Philipps Publications
- Champs de Bataille N°10

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