La guerre d’indépendance du Texas (1835-1836)
Par Frédéric Ortolland


David Crockett

La colonisation du Texas

Les origines de la guerre d’indépendance du Texas sont directement liées à celle du Mexique en 1821. Les différentes tentatives espagnoles de colonisation de la province du nord-est appelée Tejas ont toutes échoué.
Avant 1820, seules 3 colonies existent : Nacogdoches, San Antonio de Bexar et Goliad, pour une population avoisinant les 2500 Tejanos (habitants d’origine hispanique ou latino-américaine). La solution semble être l’ouverture aux colons nord-américains. Criblé de dettes, Moses Austin entre en négociation avec la vice-royauté de Nouvelle-Espagne qui lui octroie 211000 acres (850km²) pour 300 colons le 17 janvier 1821. Ayant contracté une pneumonie, Austin meurt peu après mais fait promettre à son fils Stephen de mener à bien son projet. Le Mexique proclame son indépendance le 28 septembre 1821. Les bouleversements et différentes révolutions de palais qui s’ensuivent rendent par 2 fois caduc le contrat de Moses Austin.
En avril 1823, Stephen Austin convainc le congrès mexicain de lui accorder un nouveau contrat permettant de faire venir 300 familles. Austin devient un empresario, un agent promoteur de l’immigration. En 1824 la république fédérale du Mexique adopte sa première constitution. Elle regroupe les différents districts espagnols en Etats formant une Union où le Texas n’est plus qu’une province de l’Etat de Coahuila y Tejas. Sa frontière se trouve ramenée au Rio Nueces au lieu du Rio Grande. Cependant, le Texas pourra obtenir le statut d’Etat une fois qu’il aura atteint un certain niveau de population.
En 1824 toujours, le congrès fait passer une loi autorisant les Etats à ouvrir les terres du domaine public à l’immigration. Semi-désertique et particulièrement pauvre, le Coahuila y Tejas se montre généreux envers les migrants nord-américains.
En contrepartie les colons doivent être loyaux envers le gouvernement mexicain, utiliser l’Espagnol comme langue administrative, se convertir au catholicisme. Ces conditions sont globalement d’autant plus ignorées qu’elles sont difficiles à contrôler tant est loin le pouvoir central. De plus en plus d’empresarios apparaissent et en 1831 les colons et leurs esclaves dépassent les 20000 têtes, très largement supérieurs aux autochtones. En moins de 10 ans, Stephen Austin a accompli ce qu’un siècle de colonisation espagnole n’a jamais réussi à faire. Mais cette croissance rapide de la population commence à inquiéter les populations mexicaines. Les Anglos importent leur manière de vivre, incluant la croyance que les droits qu’ils avaient lorsqu’ils vivaient aux Etats-Unis sont accordés par Dieu et transposables au Mexique. Largement protestants, peu parlent espagnol et globalement ne se sentent tenus par aucun sentiment de loyauté envers le Mexique.


Montée des tensions

En 1828, une étude demandée par le président Guadalupe Victoria menée par le général Manuel de Mier y Teran fait ressortir ces attitudes en opposition à ce qui était prévu. De plus, le flux migratoire fait que l’on découvre régulièrement de nouveaux colons installés de facto sur des terres dont il est difficile d’établir la propriété. L’année suivante Mier y Teran fait un rapport comportant 14 recommandations visant à contrôler l’immigration nord-américaine. Il préconise entre autres le renforcement des garnisons existantes, le positionnement de troupes le long du Rio Nueces, le contrôle du couloir d’entrée des immigrants américains (le fleuve Sabine) et l’arrêt de l’introduction d’esclaves. Ses recommandations sont appliquées avec zèle et même au-delà par le nouveau président, Anastacio Bustamente qui édicte la loi du « 6 avril 1830» dont l’article 11 interdit tout nouveau flux migratoire entrant. L’application de cette loi, outre le tarissement de l’immigration légale qui prive le Texas de l’accession au statut d’Etat, aboutit à rendre de nombreux contrats d’empresarios caducs, coûtant à de nombreux colons leurs économies et ralentissant celles des colonies existantes. L’année précédente l’esclavage a été aboli, mesure extrêmement impopulaire parmi les Texans qui considèrent leurs esclaves comme leur propriété privée sans droit de regard du gouvernement. Habitués à une large autonomie, les Texans vivent mal ces mesures jugées inutiles et vexatoires. Leur colère monte d’un cran lorsque 2 Anglos, George Fisher et John Davis Bradburn sont appointés pour faire appliquer la loi, notamment la nouvelle loi fiscale. L’exemption de taxes jusque-là accordée a expiré et le gouvernement compte sur ces nouveaux revenus pour installer 6 nouvelles garnisons destinées à garder les points d’accès au Texas. Les colons l’ignorent tant et si bien que Bradburn finit par instaurer la loi martiale. Au printemps1832, il arrête 2 agitateurs, dont l’avocat William Barret Travis. La réponse texane se traduit par l’envoi de 200 miliciens (alors que Bradburn a moins de 300 hommes sous son commandement à Anahuac et Velasco) à Anahuac. Ils capturent 19 cavaliers le 9 juin avant d’investir la bourgade le lendemain. La tension est à son paroxysme lorsque Bradburn fait mettre les 2 otages en joue par ses hommes.
Prêt à aller jusqu’au drame, Travis crie aux Texans de tirer malgré tout. La raison l’emporte et les miliciens acceptent de se retirer pour entamer des négociations. Ils se regroupent à Turtle Bayou et relâchent les 19 prisonniers. Apprenant que certains « insurgés » n’ont pas quitté la ville, Bradburn refuse de relâcher les siens. Une bataille d’escarmouche s’engage et les Texans décident de se replier et d’attendre de l’artillerie (1 canon) en provenance de Brazos. Les renforts sont surpris en route par les hommes du colonel Domingo de Ugartechea à Velasco. Une courte bataille s’ensuit opposant plus d’une centaine d’hommes de part et d’autre. Elle aboutit à la reddition d’Ugartechea après épuisement de ses munitions.
Les Texans ont 10 morts, 11 blessés, les Mexicains 5 morts, 16 blessés. Le col. Jose de las Piedras, se met en marche depuis Nacogdoches mais, craignant d’être en sous-effectifs, il choisit de rencontrer les Texans. Après négociations, il ordonne à Bradburn de libérer les otages. Ugartechea et ses hommes sont libérés. Les tensions s’apaisent pour un temps.
En 1833 le général Antonio Lopez de Santa Anna est élu président du Mexique. Il s’oppose à la montée du centralisme étatique et prône le retour au fédéralisme. Les Texans organisent une convention pour lui exprimer leurs doléances. Stephen Austin est désigné pour en amener les propositions à Mexico. Après un intense lobbying, il obtient plusieurs concessions, dont l’abrogation de la loi du 6 avril mais pas la qualification d’Etat pour le Texas. Lors de son retour, il est arrêté à Saltillo comme « insurgé ». La lettre qu’il a écrite au conseil municipal de Bexar l’informant des plans des colons pour atteindre le statut d’Etat a été interprétée comme un appel à la révolte. Il est emprisonné à Mexico jusqu’en juillet 1835.
En 1834, Santa Anna, dont les orientations politiques semblent à géométrie variable, décide que le Mexique n’est pas prêt pour la démocratie et s’oriente vers le centralisme autocratique. Il limoge le vice-président fédéraliste, dissout le congrès et le parlement, ordonne la confiscation des armes et démet l’ensemble des ministres. La constitution de 1824 est modifiée. La révolte éclate un peu partout, plus violemment dans le Zacatecas et le Coahuila. Santa Anna envoie le général de division Martin Perfecto de Cos faire le ménage dans le second et décide de s’occuper personnellement du premier. Le 12 mai 1835, après avoir fait 3000 prisonniers, il laisse ses hommes mettre à sac la capitale de l’Etat pendant 48h. Les Texans restent sur la réserve. Le 21 septembre Cos pénètre au Texas à Copano Bay et se dirige vers Goliad puis Bexar.


Octobre-Novembre 1835 : Victoires militaires…

La colonie de Gonzales a toujours été calme. Jamais elle n’a été un foyer de rébellion comme San Felipe ou Anahuac.        
Mais avec l’ordre de désarmement des milices et l’arrivée de Cos, le climat change, d’autant que la colonie détient un canon espagnol en bronze de 6 pounds « prêté » à la ville en 1831 pour se défendre contre les Indiens. Si bien que lorsque le col. Ugartechea ordonne la restitution du canon, la communauté refuse purement et simplement Conscient de la tension et soucieux d’éviter le déclenchement des hostilités, il ordonne au lieutenant Francisco Castaneda et à ses 100 dragons d’aller le récupérer, par la force si nécessaire, mais en évitant tout conflit ouvert si possible. Castaneda installe son camp près de la ville le 1er octobre. Mais les Texans aussi se sont mis en marche. Ils attaquent le campement le 2 au matin. Le lieutenant fait reculer ses hommes sur une petite hauteur et demande à parlementer. Pour les Texans il est hors de question de rendre le canon, en batterie 200m en arrière. « Il est là, venez-donc le prendre » lui est-il rétorqué.
Le combat reprend. En sous-effectif et probablement peu enclin à s’investir outre mesure dans une action en laquelle il ne croit pas, Castaneda se replie vers Bexar. Bien qu’une simple escarmouche, la bataille de Gonzales marque le point de rupture entre les Texans et Mexico.
Après cette « victoire », près de 500 miliciens et volontaires se regroupent à Gonzales. Austin accepte de prendre le commandement de « l’Armée du Peuple ». Son objectif est la ville de Bexar. Le 9 octobre Cos arrive en ville, portant la garnison à 750 hommes qui se préparent à la bataille. Le même jour, le planteur George Collingsworth et les 50 hommes qu’il a personnellement levés s’emparent de la garnison de Goliad en 30mn. La prise apporte armes et vivres aux insurgés et Bexar est désormais coupé du golfe du Mexique.
Le premier engagement d’importance a lieu le 28 octobre à la mission Concepción, à 3km au sud de la ville. Les colons, sous le commandement de James Bowie et James Fannin adoptent une position défensive dans un coude du fleuve San Antonio. Les Centralistes, menés par Ugartechea attaquent avec 275 hommes. Ils en perdent une cinquantaine et 1 canon en 3 charges vaines avant de battre en retraite.
Le 8 novembre Travis prend par surprise un enclos de 300 chevaux aux Mexicains. Simple nuisance, mais nouvelle victoire aux yeux des Texans qui commencent à sérieusement douter de la puissance des soldados.
L’hiver approche. Les escarmouches se suivent et se ressemblent. L’ennui s’empare peu à peu des assiégeants dont une partie s’en retourne chez elle, remplacée par des volontaires en provenance des Etats-Unis (ici les New-Orleans Greys). Austin, en voyage diplomatique aux USA a été remplacé par Edward Burleson. Début décembre, Burleson songe à partir à Gonzales prendre ses quartiers d’hiver. Ben Milam, qui a participé à la capture de Goliad, galvanise les troupes et lance « Qui ira avec le vieux Ben Milam à San Antonio ? ». 300 hommes se joignent à lui et Frank W. Johnson pour lancer l’assaut qui débute à 3h00 le lendemain. L’artillerie de James C. Neill fait diversion en bombardant l’ancienne mission d’Alamo, reconvertie en fort. Burleson et les 400 hommes qui lui restent protège le camp et maintient la pression sur Cos, l’obligeant à diviser ses forces entre Alamo et la ville. La bataille dure 5 jours de terribles combats de rue, maison après maison.
Les Texans perdent une trentaine d’hommes (dont Milam qui devient ainsi le premier « martyr » texan) et les Mexicains environ 150. Cos se rend le 9 décembre. Les soldados sont relâchés à la condition de ne plus jamais prendre les armes contre les Texans et peuvent quitter la ville avec les honneurs militaires.


…Et défaite politique

Le 1er novembre, les délégués texans se rassemblent pour la « Consultation », réunie pour donner la direction du combat des colons contre les Centralistes. Il faut justifier les actions du Texas auprès du reste du monde et convaincre les Fédéralistes que la province ne souhaite rien d’autre que revenir à la constitution de 1824. Mais cette Consultation ne représente essentiellement que les zones en guerre (Bexar, Goliad, Refugio, Victoria, San Patricio). Seuls 58 des 85 représentants élus sont présents. Une grande partie des supporters de d’Austin, alors à Bexar, sont absents. La faction opposée, menée par Henry Smith, rassemble autant de soutiens. Le 7 novembre une déclaration en 8 parties, adoptée dans la douleur et malgré l’opposition de nombreux membres, stipule que les Texans ont pris les armes pour défendre leurs droits, leur liberté et les principes républicains de la constitution de 1824. Le 13 est votée la « Loi Organique » qui reflète essentiellement le compromis et l’hésitation des délégués, avec en définitive peu de pouvoirs réels. Un gouvernement provisoire est mis en place, formé de représentants des différentes municipalités, censés assister le gouverneur. En fait, les 2 partagent essentiellement les mêmes pouvoirs (encore que limités), partant de l’idée qu’ils vont travailler ensemble.
Or, la majorité des membres du conseil sont du Parti de la Paix, opposés à une déclaration d’indépendance immédiate et donc à Smith. Or, Smith a été préféré à Austin par 30 voix contre 22. Sa faction est favorable à une armée régulière, disciplinée et soumise au contrôle du gouvernement civil. De fait, la Consultation organise les milices et une armée régulière calquée sur celle des USA sur la base d’un engagement de 2 ans. Sam Houston en est élu le commandant en chef à l’unanimité mais la Consultation ne fait rien pour faire appliquer cette nomination auprès des corps de volontaires déjà existants et ayant déjà élus leurs officiers (Cf. encadré). En conséquence l’armée régulière n’a d’existence que sur le papier. Les compromis ont permis à la Consultation d’exister mais ont laissé le Texas dans le flou en termes de leadership, d’objectifs, de structure de gouvernement ou d’autorité militaire.


Décembre 1835-Mars 1836 : Le temps du chaos et des défaites

L’expédition de Matamoros

Chez les militaires, la situation n’est guère plus brillante. L’hiver est là et les factions se créent. D’aucuns pensent que la guerre est terminée. D’autres que rien n’est à craindre avant le printemps. D’autres encore veulent pénétrer plus loin dans le territoire mexicain. Ainsi le projet de s’emparer du port de Matamoros à l’embouchure du Rio Grande va faire éclater la crise, mettre fin au gouvernement provisoire et mener à la quasi-destruction de l’armée texane. Envisagée dès l’automne 1835, la prise de Matamoros apporterait une manne financière bienvenue pour l’effort de guerre et permettrait d’exporter la guerre hors du Texas. De plus, de par sa position stratégique, elle paralyserait les mouvements de l’adversaire et empêcherait le ravitaillement des troupes de Cos à Bexar. On espère aussi rallier en route les fédéralistes mexicains. L’échec de l’expédition de Tampico à la mi-novembre 1835 (Cf. encadré) convainc Houston et Austin qu’une opération similaire à Matamoros serait vouée au même échec. Mais après la prise de Bexar l’armée texane, maintenant principalement constituée de volontaires nord-américains, tend à vouloir se débander. Elle a besoin d’objectifs. Smith demande à Houston, qui compte sur Bowie, d’organiser l’expédition. Mais Frank W. Johnson et son partenaire James Grant, tous 2 impliqués dans des spéculations foncières douteuses dans le secteur, décident de monter leur propre expédition. Pendant que Johnson part chercher l’approbation du conseil général à San Felipe, Grant s’autoproclame « Commandant en chef de l’Armée Fédérale des Volontaires ». Il embrigade 200 des 300 hommes destinés à la garnison de Bexar et se sert largement dans ses réserves, privant la zone de moyens de défense adéquats en cas d’offensive centraliste. Il se dirige ensuite vers Goliad, où il outrepasse une nouvelle fois son autorité en dépouillant la garnison de son équipement et de ses vivres, créant une tension des plus vives avec les soldats locaux. Le Conseil Général valide l’expédition et désigne Johnson comme commandant le 14 janvier 1836. Mais le 7, pressé d’en finir, il a aussi nommé James Fannin comme « agent » de l’expédition des volontaires. Ce dernier a déjà commencé à recruter de son côté. Avant même d’avoir commencée, l’expédition a déjà 3 commandants en chef, chacun travaillant indépendamment des 2 autres !
Houston sait que Santa Anna déplace des troupes dans le secteur. Il est soucieux des tensions créées par Grant à Bexar et Goliad. Il pense aussi que le Conseil a outrepassé son autorité en autorisant l’expédition qui est, selon lui, mal conçue et militairement dangereuse. Il fait part à Smith de ses doutes et remonte les nombreux reproches fait à l’encontre de Grant dont Smith doute de la loyauté, à l’instar de celle de Johnson. Furieux, Smith dissout le Conseil Général le 10 janvier.
En retour celui-ci lui oppose un impeachment et reconnaît James W. Robinson comme nouveau gouverneur. Smith refuse néanmoins de renoncer à sa charge. En cette période critique, le Texas est donc doté de 2 organes de gouvernement qui s’affrontent et ne gouvernent finalement pas grand chose.
Le 15, Houston se rend à Goliad pour tenter de stopper l’expédition. Grant refuse et se rend à Refugio accompagné de Houston. Il doit y retrouver Johnson et recevoir des renforts et du ravitaillement. Johnson arrive avec l’approbation du Conseil Général. Houston est furieux mais impuissant. Il parvient cependant à convaincre la majorité des hommes d’attendre les renforts de Fannin sur place avant de rentrer. Sans armée à commander, il est envoyé par Smith traiter avec les Indiens Cherokees afin de sécuriser ses arrières . Johnson et Grant, toujours persuadés du soutien des fédéralistes mexicains, regroupent la soixantaine d’hommes restants et se mettent en route vers San Patricio.

Dès le 27 octobre, Santa Anna a commencé à organiser l’Armée du Nord pour mater la rébellion. En décembre, elle est regroupée à San Luis Potosi. Santa Anna, qui a eu vent de l’expédition de Matamoros, la scinde en 2 colonnes. La première, qu’il commande lui-même, suit el camino reale, défendu par Bexar et Alamo. La deuxième, commandée par le général de brigade José Cosme de Urrea se dirige le long de la côte et à travers le Rio Grande vers Matamoros. Ce sont 6000 soldados qui forment les pinces de ce mouvement enveloppant destiné à écraser toute résistance sur son passage. Nouveaux conscrits mal entraînés pour la plupart, ils s’engagent dans une marche épuisante. Souvent accompagnés de leurs familles, ils souffrent de la faim, du froid , de la dysenterie, des raids d’Indiens et leurs rangs s’éclaircissent à mesure de leur progression.
En cours de route Urrea exploite les vraies visées des Texans, soit l’indépendance, pour briser les éventuels soutiens des fédéralistes sur lesquels comptent tant Johnson, Grant et Fannin. Propageant ainsi la bonne parole il arrive à Matamoros le 31 janvier.
Fannin, qui a recruté sa propre armée de volontaires est parti de Velasco le 24 janvier.Il débarque à Copano le 2 février avec environ 200 hommes avant de se diriger vers Refugio. Le 7 février, son optimisme est ébranlé : Il apprend que les forces de Gonzales sont totalement dispersées, que les forces centralistes regroupées à Matamoros dépassent le millier d’hommes, que Santa Anna prévoit de détruire la rébellion à Bexar, Goliad et Matamoros et qu’aucun soutien n’est à attendre des Mexicains qui se sentent trahis par les Texans. Comprenant enfin la gravité de la situation il décide de se retirer sur Goliad le 12 février.
Ni Johnson ni Grant n’ont alors apparemment connaissance de la présence des troupes d’Urrea dans le secteur, alors que le général mexicain est parfaitement au courant de leurs mouvements grâce à ses éclaireurs montés et aux rancheros locaux. Ainsi, le 27 février, il surprend Johnson de retour d’un raid pour capturer des chevaux à San Patricio Une poignée de Texans (dont Johnson) parvient à s’enfuir vers Refugio laissant sur place 20 morts et 32 prisonniers. Le 2 mars, avec 60 cavaliers, Urrea tend une embuscade à Grant et 2 douzaines de volontaires à Agua Dulce Creek. 6 sont faits prisonniers, 6 parviennent à s’enfuir. Tous les autres dont Grant sont tués. L’expédition de Matamoros est définitivement terminée.

Fort Alamo

San Antonio de Bexar et Fort Alamo sont à l’intersection d’el camino reale menant jusqu’au fleuve Sabine et la Louisiane et de la route menant à Goliad et Fort Defiance (anciennement Presidio La Bahia) puis la route côtière. De nombreux Texans étant retournés dans leurs foyers pour l’hiver, la garnison est principalement constituée de volontaires en provenance des USA. Il y a 21 canons de tous calibres à Bexar et c’est à cause de son expérience d’artilleur que James C. Neill y a été nommé commandant en chef. Durant tout le mois de janvier, il fait de son mieux pour renforcer l’ancienne mission. Le 14, il écrit à Houston que sans renforts et ravitaillement, la position ne tiendra pas en cas d’attaque. Alors à Goliad, Houston lui détache James Bowie et une vingtaine d’hommes pour démilitariser la garnison et rapatrier tout ce qui est possible à Gonzales. Il en fait la demande officielle à Smith qui refuse. Sur place le 19, Bowie est rapidement convaincu par Neill de l’importance stratégique de la place, dernier bastion avant les colonies anglos. Le 2 février les 2 hommes envoient une lettre dans ce sens à Smith. Le lendemain William Travis, désormais lieutenant-colonel, arrive avec 29 hommes. Lui aussi considère rapidement Alamo comme la clef du Texas. Le 8 arrivent les Tennessee Mounted Volunteers. Dans leurs rangs un simple 2ème classe, ancien membre du congrès américain : David Crockett. Les défenseurs d’Alamo sont alors 140, comprenant une dizaine de Tejanos et 2 ou 3 hommes de couleur.
Le 14 février Neill part, à la fois pour retrouver sa famille et tenter de rameuter des renforts. Travis et Bowie sont alors libres de se disputer le commandement. Finalement un compromis est trouvé : Travis commandera les réguliers, Bowie, les volontaires.

Travis n’imagine pas que Santa Anna puisse atteindre Bexar avant la mi-mars, mais le 12 février les Mexicains ont traversé le fleuve à Presidio del Rio Grande. Depuis le 16, la rumeur de l’arrivée des Centralistes court mais il n’en tient pas compte.
Le 22, alors que la garnison est à Bexar pour fêter l’anniversaire de George Washington, Santa Anna, qui n’est plus qu’à 40km, envoie le général Juan Ramirez y Sesma s’emparer du fort sans protection mais des pluies torrentielles l’en empêchent. Le siège peut commencer.
Travis est stupéfait d’apprendre le 23 que les habitants de Bexar commencent à fuir la ville. Il poste des sentinelles dans le clocher de l’église de San Fernando et envoie des patrouilles montées. A midi, le régiment Dolores est repéré à moins de 3km. Travis ordonne le repli. Totalement pris au dépourvu, les hommes emportent tout le ravitaillement qu’ils peuvent trouver avant de gagner Alamo qui comporte alors près de 170 défenseurs dont plus d’une douzaine de malades. Bowie et Travis comprennent très bien que sans renforts ils sont perdus. Leur sort dépend désormais du soutien de Fannin et de tous les volontaires qui pourraient leur porter assistance. Travis fait envoyer des messagers à Gonzales et à Goliad.
A 16h30, 1500 Mexicains occupent Bexar. Un drapeau rouge est dressé au sommet de l’église.
Il signifie « Pas de quartier ». Travis réplique en faisant tirer au canon.
Le lendemain les Mexicains prennent leurs marques. Ils installent 2 batteries de canons à environ 300m des murs sud et est. Une troisième est positionnée au sud-est. En une semaine, les Texans recevront 200 boulets à l’intérieur des murs. Beaucoup seront récupérés et retournés à l’envoyeur jusqu’à ce que Travis ne fasse économiser la poudre. A la fin de la journée, 600 soldados arrivent en renfort. Le général Gaona et la 1ère brigade sont encore à plusieurs jours de marche. D’autres renforts et de l’artillerie sont prisonniers de la boue au sud de la ville. Malade (pneumonie ? Fièvre typhoïde ?), Bowie abandonne le commandement à Travis.
Le 25, 200 à 300 cazadores du bataillon Matamoros s’approchent à moins de 100m des murs. Ils veulent installer de nouveaux canons. Une poignée de Texans fait une sortie, couverts par l’artillerie et Crockett et ses hommes. Au bout de 2 heures, les Mexicains sont repoussés. Dans la nuit, une nouvelle batterie est malgré tout mise en position.
Le 26, un terrible vent du nord se met à souffler. La température tombe à 4°. Aucune des 2 armées n’y est préparée.     Lors d’une tentative d’approvisionnement en eau et en bois une nouvelle escarmouche à lieu. A Goliad Fannin a reçu l’appel à l’aide que Travis. Il envoie une colonne de secours de 300 hommes et 4 canons. Mais l’opération terriblement est mal conçue. Les hommes ne sont pas habillés pour affronter le climat et ils n’ont qu’une journée de rations alors qu’ils ont 150km à parcourir ! Peu après le départ un conseil de guerre tenu par les officiers vote le retour à Goliad et Fort Defiance pour en compléter les fortifications, à l’approche des troupes d’Urrea.
Le 27, les Mexicains construisent un barrage en amont du San Antonio. Les défenseurs n’ont plus que leur puits pour s’abreuver.
Le 1er mars, les assiégés reçoivent le renfort de 32 hommes de la Ranging Company of Mounted Volunteers en provenance de Gonzales.
Le 2 mars, sans que les assiégés n’en sachent rien, les délégués texans rédigent la proclamation d’indépendance du Texas lors de la Convention Nationale (Cf. encadré).
Le 3 mars, l’avant-garde de Gaona est en vue (Pionniers, bat. Aldama et Toluca). Leur arrivée est bruyamment fêtée en même temps que l’annonce de la défaite de Johnson à San Patricio. Ce sont désormais 2400 hommes qui entourent Fort Alamo.
Le 4 mars Santa Anna convoque un conseil de guerre. La majorité des officiers veulent attendre l’arrivée (prévue le 7) de Gaona et de ses 2 canons de 12-pdrs capables d’abattre les murs d’Alamo. Mais Santa Anna opte pour l’assaut général pour le 6 au matin . L’ordre de bataille est le suivant:
Bat. Aldama, San Luis Potosi (3 Cies) : Gén. Perfecto de Cos (350 hommes, assaut par le nord-ouest)
Bat. Toluca, San Luis Potosi (5 Cies) : Col. Francisco Duque (400/nord-est)
Fusileros des Bat. Matamoros et Jiménez : Col. Jose Maria Romero (400/est))
Cazadores des Bat. Matamoros, San Luis et Jiménez : Col. Juan Morales (125/sud-ouest)
Artillerie
Réserve (400): granaderos de chaque bataillon, pionniers, cavalerie : Gén. Santa Anna.
A minuit les hommes se mettent en position avant de prendre un repos très relatif. Il leur a été interdit, malgré le froid, de prendre de pèlerines ou de couvertures pour ne pas entraver leurs mouvements.

A 5h30, les troupes se mettent en marche silencieusement. Les 3 sentinelles texanes postées en dehors des murs sont tuées dans leur sommeil. Incapables d’attendre plus longtemps, les hommes s’élancent au cri de « Viva Santa Anna ! Viva la republica !» et au son du clairon. Pris au dépourvu, et maintenant que l’effet de surprise est éventé, Santa Anna fait donner l’artillerie et jouer le degüello (littéralement « couper la gorge » soit, « pas de quartier »). Réveillés, les Texans répliquent immédiatement avec leurs canons et leurs mousquets. Les premiers rangs mexicains paient chèrement leur patriotisme bruyant. Dunque est blessé et remplacé par le général Castrillon. Les soldados ne parviennent pas à grimper sur leurs échelles d’assaut et sont systématiquement repoussés. Travis est tué en défendant le mur nord.
Les Mexicains se regroupent pour un second assaut qui est de nouveau repoussé. Quinze minutes plus tard, un 3e assaut est lancé. Les tirs en enfilade des batteries est forcent la colonne de Romero à obliquer vers le nord et à rejoindre la 2e.. Celle de Cos fait de même. Les soldados se trouvent regroupés en une masse confuse, directement sous le feu des canons texans qui, faute de munitions, sont chargés de tous les objets métalliques possibles (gonds de porte, clous, fers à cheval…)
Craignant une déroute, Santa Anna ordonne à la réserve de se lancer à l’assaut pour redonner à ses troupes un peu d’élan. En quelques minutes, le mur est escaladé à la main grâce aux différentes brèches et aspérités qui le constituent. La poterne est ouverte et les soldados se ruent dans l’enceinte. Les artilleurs du mur sud retournent leurs canons vers les assaillants. Désormais sans protection, il est rapidement grimpé par les Mexicains et les artilleurs tués sur place. Les murs est et ouest sont à leur tour franchis. La bataille a désormais lieu à l’intérieur du fort. Les Texans qui le peuvent se retranchent dans les bâtiments. Crockett et ses hommes défendent la chapelle. A courts de munitions ils retournent leurs fusils ou sortent leurs couteaux. La majorité d’entre eux est abattue ou passée au fil de la baïonnette. Dans la panique les canons n’ont pas été sabotés et les Mexicains les utilisent contre les baraquements. Les combats se terminent au corps-à-corps et même Bowie, pourtant alité, n’est pas épargné. Un groupe d’hommes tente de s’échapper par la route de Gonzales avant d’être mis en pièces par la cavalerie. A 6h30, tout est fini. Les 7 survivants sont exécutés . Santa Anna va encore plus loin dans l’humiliation en faisant brûler leurs cadavres le long de la route de Gonzales. Les non-combattants relâchés. Ce sont principalement des Tejanas et leurs enfants et quelques esclaves Santa Anna se comporte avec femmes et enfants avec une extrême galanterie. Il leur donne un sauf-conduit, une couverture et 2 dollars en argent. Les plus célèbres sont Susanna Dickinson, dont le mari vient d’être tué, et sa fille.
Il les fait défiler devant les survivants de son armée rassemblés comme à la parade sur la route de Gonzales pour aller propager la nouvelle de la chute d’Alamo.
Les 182 (certains historiens vont jusqu’à 257) défenseurs d’Alamo ont causé entre 400 et 600 tués et blessés aux 2400 Mexicains qui les ont assiégés pendant 12 jours. Ce délai a permis de déclarer l’indépendance du Texas, de former un gouvernement révolutionnaire et de jeter les bases d’une constitution. Si Santa Anna avait attaqué immédiatement les colonies texanes, peut-être aurait-il pu l’empêcher et rejeter les insurgés au-delà du Sabine.

Fort Alamo

Dans les jours qui suivent la bataille les renforts de Gaona arrivent à Bexar. Le 8, les bataillons Queretaro, Guanajuato et 6 canons sont sur place. Le 9, le général Filisola, commandant en second de l’Armée du Nord arrive à son tour. Le reste de la cavalerie arrive le 10. Santa Anna organise la poursuite du reste des forces texanes et la suppression des centres politiques. Urrea longe la côte et va bientôt arriver au contact avec les troupes de Fannin. Le 11 mars Morales emmène les bataillons Jiménez et San Luis Potosi pour le renforcer. Le même jour Sesma marche sur la capitale du Texas, San Felipe de Austin, avec les régiments Dolores et Tampico, ainsi que les bataillons Aldama, Matamoros, Toluca et 2 canons. Le 16 il est suivi par la brigade du général Tolsa (bataillons Ciudad Mexico (activo) et Guererro). Toujours le 16, le col. Montoya part avec les bataillons Tres Villas et Queretaro pour Copano, près de Goliad. Le 24 la 1ère brigade de Gaona part pour Nacogdoches avec les bataillons Morelos et Guanajuato, 6 canons et quelques escadrons de presidiales. Santa Anna suit Sesma le 31 mars.
Le général-président a divisé ses forces en 3 : Gaona vers le nord-est, avec 700 soldados, Urrea au sud (1300) et Sesma qui marche plein centre (1400). A part Fannin à Goliad, il n’existe alors plus au Texas aucune force organisée capable de l’arrêter.


Le massacre de Goliad

Pendant ce temps, les 600 hommes du général Urrea (bataillon Yucatan (activo), régiments Cuautla et Tampico, un escadron du régiment de Durango et un canon de 4-pdr) marchent vers le nord, le long de la route côtière. Ils se dirigent vers Refugio, à environ 40km au sud de Goliad. Les colons demandent de l’aide pour évacuer la ville. Fannin leur envoie une compagnie du Georgia Battalion (28 hommes commandés par Amos B. King) et tous les moyens de transports de la garnison. Le 12 mars elle est sur place et s’oppose à l’avant-garde d’Urrea (80 rancheros). Débordée, elle se retranche dans la mission et demande des renforts. Fannin envoie le reste du bataillon (lt-col William Ward, 120 hommes) qui arrive le 13 et repousse les assiégeants. Dès lors, King et Ward se disputent le commandement. King part à la poursuite des rancheros, pendant que Ward reste à la mission. C’est alors, Urrea et son armée arrivent. Toute la journée du 14 les Georgiens repoussent plusieurs assauts mais ils manquent d’eau, de vivres et de munitions. Quelques volontaires sont laissés sur place avec les blessés et les familles. Le reste des hommes profite de la nuit et d’une tempête pour s’enfuir. King, qui n’a pas pu rejoindre Ward, tente la même manœuvre pour s’échapper après avoir résisté contre l’arrière-garde d’Urrea une partie de la journée dans un bois près de la Mission River. Il n’y parvient pas et est fait prisonnier le 15. Le lendemain, tous sont fusillés, ainsi que les volontaires de Ward demeurés à la mission.
Le 13 mars Houston donne enfin à Fannin l’ordre qu’il attend depuis longtemps d’abandonner sa position mais il se refuse à tout mouvement sans nouvelles de Refugio. De toute façon, il n’a plus de chariots, il en attend de Victoria. Ils arrivent le 16 mars. Fort Defiance regroupe alors 330 volontaires. Le 17 mars, Fannin apprend finalement le sort de Ward et King. Le 18 se passe en escarmouches entre l’avant-garde mexicaine et la cavalerie texane. Le départ est prévu pour le lendemain 9h00.
Fannin a commis une erreur majeure en divisant ses forces. Il s’est privé de 150 hommes dont il ne peut se passer.
En attendant désespérément des nouvelles du Georgia Battalion, il a perdu un temps précieux pour évacuer Goliad.
Tout aussi grave, tous les messagers qu’il envoyés à Refugio ont été capturés. Urrea est parfaitement au courant de sa situation alors que lui-même ignore tout de la position de son ennemi.
Les hommes quittent le fort dans un épais brouillard. Fannin a insisté pour s’encombrer d’artillerie et de 1000 mousquets mais il n’a pris de la nourriture que pour quelques repas. Les chariots sont pleins à craquer et tirés par des bœufs épuisés qu’on a oublié de nourrir la veille. La progression est terriblement lente. Urrea, prêt à assiéger la place, n’est averti que vers 11h00. Mais les Texans perdent une heure de leur précieuse avance lorsque qu’un chariot se brise en traversant le San Antonio. Une autre heure est perdue lorsque Fannin fait mettre les bœufs en pâture. Certains protestent devant cet arrêt intempestif mais Fannin (et de nombreux autres) méprise les Mexicains et est persuadé qu’Urrea n’osera pas le suivre.
Or, Urrea a quitté Goliad en toute urgence avec seulement 360 fantassins et 80 cavaliers. Il repère la colonne et renvoie 100 hommes sécuriser Fort Defiance et ramener l’artillerie. L’arrière-garde texane, endormie, ne le repère pas. Un autre chariot se brise et l’on en transfère le contenu. A 13h30, Urrea ordonne à sa cavalerie de couper la route de Fannin vers Coleto Creek où il pourrait trouver refuge dans les bois. Fannin réagit en faisant mettre ses hommes en carré mouvant en direction des bosquets plus proches de Perdido Creek, à un peu plus d’1km. En tentant de gagner un peu de hauteur, le chariot de munitions se brise à son tour. Fannin réunit un conseil de guerre pour déterminer s’il est possible de les récupérer. Urrea saisit l’opportunité qui s’offre à lui et se lance à l’attaque.
A découvert dans une prairie aux herbes haute qui gêne toute visibilité les Texans préparent leur défense. Le carré fait 3 rangs de profondeurs. Chaque homme reçoit 3 ou 4 mousquets. Baïonnettes, fusils, pistolets et munitions complètent l’arsenal. Les San Antonio Greys et les Red Rovers forment la première ligne. Les Mustangs de Duval et diverses unités forment l’arrière. Le flanc gauche est tenu par les Réguliers de Westover, le droit par les Mobile Greys. L’artillerie est postée aux coins. Fannin se met au coin arrière droit. Un avant-poste de tireurs d’élite se met en place autour du chariot-hôpital, immobilisé depuis qu’un bœuf a été tué par un tir mexicain.
Les compagnies de fusileros (Morales) attaquent le flanc gauche, les granaderos et une partie du bataillon San Luis (Urrea) attaquent le droit. Le Bataillon Jimenez (col. Mariano) attaque le front, la cavalerie (col. Nunez) attaque l’arrière. Les Texans sont 300, et il est probable que les Mexicains sont entre 300 et 500.
La bataille dure jusqu’au coucher du soleil, après 3 charges mexicaines. Les Texans, excellents tireurs, font bon usage de leurs multiples mousquets et de leurs 9 canons. Le carré ne se brise pas. 7 hommes sont tués, 60 blessés, dont Fannin. Urrea se retire par manque de munitions. Lui aussi a perdu beaucoup d’hommes (100 à 200 selon les sources)
Les Texans ne se sentent pas vaincus et attendent anxieusement les renforts que la cavalerie d’Horton est allé chercher à Victoria. Mais Horton ne réussit pas à percer. Ward et le reste du Georgia bataillon sont assez près pour entendre le bruit des combats mais ils sont fatigués et affamés. De plus, Urrea qui sait que le point de rendez-vous est à Victoria, utilise les rancheros de Carlos de la Garza pour les maintenir isolés jusqu’à ce qu’ils se rendent. Il fait encercler le carré et maintien la tension toute la nuit avec de faux appels de clairon.
La nuit est terrible pour les hommes de Fannin. Le manque d’eau et l’impossibilité d’allumer des feux empêchent de traiter les blessés dont les cris démoralisent la troupe. La nuit est froide et pluvieuse. Sans eau, les canons ne pourront pas être refroidis ; ils seront inutiles le lendemain. Qui plus est, le stock de munitions est bas. Fannin tient un conseil dont la conclusion est l’impossibilité de recommencer une bataille le lendemain. Après vote, les hommes refusent de tenter une percée en abandonnant les blessés dont beaucoup sont de leur famille. Ils se mettent à creuser des tranchées, à ériger des barricades de chariots et de cadavres d’animaux. Entretemps, les Mexicains on reçu des renforts, des munitions, de l’artillerie. Ils se regroupent pour l’assaut à 6h15. Après 1 ou 2 coups de canons, Fannin est convaincu de la futilité de résister. Après un nouveau conseil, il demande une reddition honorable mais Urrea ne peut que promettre d’intercéder auprès de Santa Anna. Les Texans valides sont escortés vers Goliad tandis qu’Urrea poursuit sa route vers Victoria. Il écrit une lettre à Santa Anna demandant sa clémence. Le 27, Santa Anna le court-circuite en ordonnant au col. Jose Nicolas de la Portilla d’appliquer le décret du 30 décembre. 342 hommes (dont ceux de Ward) sont exécutés. 28 réchappent miraculeusement au peloton d’exécution, 20 sont épargnés car médecins, mécaniciens ou interprètes. Après l’exécution les cadavres sont exposés aux 4 vents jusqu’au 3 juin, quand le général texan Rusk les enterre avec les honneurs militaires.


Mars-Avril 1836 : De la fuite en avant à la victoire inattendue

La « grande fuite »

Alamo et Goliad retardent considérablement Santa Anna dans sa progression vers le cœur des terres. Houston en profite pour se réorganiser. Il arrive à Gonzales le 11 mars, avec une armée de papier à commander. Il organise les milices existantes en un 1st Regiment of Texas Volunteers commandés par Sidney Sherman. Le 13, Susanna Dickinson arrive d’Alamo. La nouvelle de la fin de la garnison terrifie la population. Houston quitte immédiatement Gonzales et entame une longue retraite vers l’est Au fur et à mesure des volontaires en provenance des USA et des colonies de l’est et de la côte arrivent, portant son armée à environ 1200 hommes. Après la nouvelle de la défaite de Fannin, le nombre des soldats diminue ; les hommes veulent protéger leurs familles. Le 29, Houston arrive à Groce’s Plantation où il reste une quinzaine de jours. Il y organise un 2nd Infantry Volunteers. Ainsi qu’1 bataillon à 4 compagnies, embryon des Texas Regulars. Le 11 avril, 2 canons de 6-pdr, don des habitants de Cincinatti et surnommés les « Twin sisters » (les « sœurs jumelles ») arrivent, avec de nouveaux volontaires. Avec de l’artillerie, 60 cavaliers et 1000 fantassins, l’armée texane commence à prendre forme.
Le 12 avril la Texian Republican Army repart vers l’est. A mesure que la frontière des USA se rapproche, l’image de Houston, qui ne semble pas décidé à se battre, est de plus en plus écornée. Ses hommes et ses officiers n’ont plus confiance en lui.
A l’instar de leur armée, des milliers de Texans fuient vers l’est et le refuge éventuel de la Louisiane. Cet exode massif et meurtrier (froid, faim, maladie, pillards…) sera appelé « The runaway scrape » (la grande fuite).

Santa Anna suit Houston à la trace. Le 9 avril, il est à San Felipe où il apprend que le gouvernement texan est à Harrisburg. Déterminé à écraser la rébellion en un coup audacieux, il part le 14 avec 700 hommes et 1 canon. Urrea est à Matagorda avec 1200 hommes, Gaona est entre Bastrop et San Felipe (725), Sesma à Fort Bend (1000) et Filisola entre San Felipe et Fort Bend (1800). A chaque fois Santa Anna manque le gouvernement de peu. A Harrisburg, qu’il brûle le 15, à New Washington le 19. Là, il apprend que Houston est près de la Lynchburg pass, avec 800 hommes et 2 canons. Il ordonne alors à Cos et 500 soldados de le rejoindre au plus tôt et part affronter son ennemi.

Le 17 avril, après la capture d’un messager et pour la plus grande joie de ses hommes, Houston arrête sa progression vers l’est et prend la direction d’Harrisburg. Santa Anna s’est coupé du principal de son armée et Houston voit là une occasion à ne pas manquer. Le 18, il est à White Oak Bayou que Santa Anna longe par l’ouest, parallèlement au fleuve San Jacinto. Les Mexicains doivent traverser Vince’s Bayou par le seul pont existant, à l’aller comme au retour. Au matin du 19, Houston prépare ses hommes à l’action et leur rappelle les massacres d’Alamo et de Goliad. Le soir, la troupe traverse Buffalo Bayou, laissant sur place 248 hommes, blessés ou inefficients. Le lendemain, les Texans s’installent à 2km au sud de Lynch’s Ferry. Sherman, en reconnaissance avec un petit détachement de cavalerie tombe sur l’armée de Santa Anna. S’ensuit une violente escarmouche qui manque de se terminer en bataille rangée. Au cours de cette action, Mirabeau B. Lamar, simple soldat, se distingue tellement qu’il est nommé colonel en charge de la cavalerie
Sûr de sa victoire prochaine, Santa Anna établit son camp au pied de hauteurs situées à moins d’1km de celui de Houston et fait ériger des barricades de fortune.



San Jacinto

Le champ de bataille est bordé à l’est par le San Jacinto, au sud par le Peggy’s Lake et au nord par le Buffalo Bayou. Toute la zone est entourée de marais. Les 2 armées sont séparées par un large terrain en pente couvert d’hautes herbes.
A 9h00 le 21 avril, prêts à en découdre, les Texan apprennent que Cos est arrivé via Vince’s Bridge, avec 540 hommes, portant à plus de 1200 le total des forces ennemies. Houston demande à Erastus « Deaf » Smith de détruire le pont pour éviter tout nouveaux renforts, et par là-même toute retraite vers Harrisburg pour chacun des belligérants.
A 15h30, il fait mettre son armée en ordre de bataille ; de gauche à droite : le 2nd Volunteers (Sherman), le 1st Volunteers (Burleson), l’artillerie (Hockley, qui remplace Neill, blessé la veille), les Regulars (Millard) et enfin la cavalerie (Lamar). L’armée est déployée en ligne, compagnies en colonnes. Ces mouvements sont protégés par une ligne d’arbres et une légère une montée de terrain. Dans le camp mexicain, tout est calme : c’est l’heure de la sieste. Erreur fatale, Santa Anna n’a pas jugé utile de détacher des observateurs avancés. La troupe se met en marche. A 16h30 Smith revient ;. Vince’s bridge est détruit. A quelques dizaines de mètres des lignes mexicaines, c’est la charge. Sherman ouvre le bal en tombant droit sur les 3 compagnies de cazadores du flanc droit mexicain en hurlant « Souvenez-vous d’Alamo ! Souvenez-vous de Goliad ! ».
Les Twin Sisters entrent en action à 200m. Dans les rangs mexicains, c’est la panique. Après des jours de marche forcée, les soldados sont épuisés. Les armes sont en faisceaux, les cavaliers sont démontés et font boire leurs chevaux. Une ou 2 brèves volées sont tirées avant que les Texans n’investissent le camp. L’artillerie est prise d’assaut. Le général Castrillon tente de rallier les troupes avant d’être tué. Désemparé, Santa Anna voit ses hommes commencer à battre en retraite.
Il tente de les regrouper, en vain, avant de s’enfuir.
Le campement mexicain est ravagé en 18mn. Ivres de vengeance, les Texans se montrent impitoyables et massacrent des dizaines de soldats, au fusil, à la baïonnette, au gourdin. 630 Mexicains sont tués, 208 blessés, 730 prisonniers. Sur les 910 Texans engagés, 9 ont été tués, 30 blessés (dont Houston qui a reçu une balle dans la cheville).
Santa Anna est capturé déguisé en simple soldat le lendemain. Comme ses hommes, il n’a pas pu passer le Vince’s Bridge.


La fin de la guerre et ses conséquences


Santa Anna accepte de mettre fin à la campagne. Avant même que ses ordres ne parviennent à Filisola, ce dernier a déjà commencé à battre en retraite vers Mexico. De nombreux officiers protestent, particulièrement Urrea car seul Santa Anna a été battu, pas l’Armée du Nord. Il reste 3 à 4 000 hommes aux Mexicains et Houston en a moins de 1000. Malgré tout, l’Armée du Nord se replie le 26 avril sous des pluies torrentielles qui transforment rapidement le terrain en une boue où l’on s’enfonce jusqu’aux genoux. Les hommes commencent à se débarrasser d’une partie de leur équipement, voire de leurs armes. Plusieurs périssent de la dysenterie. Le moral, déjà bas, finit de sombrer.
Les Texans forcent Santa Anna à signer le traité de Velasco le 14 mai. Ce traité, s’il met fin aux hostilités, ne reconnaît pas formellement l’indépendance du Texas. Dans une clause secrète, Santa Anna doit user de son influence pour pousser dans cette voie. Il doit repartir pour Mexico dans ce but mais l’Armée le garde 6 mois comme prisonnier de guerre avant qu’il ne soit emmené à Washington D.C. pour garantir l’indépendance auprès d’Andrew Jackson. Mais le gouvernement mexicain l’a déposé in absentia. Santa Anna n’a donc plus aucun pouvoir pour représenter son pays qui ne ratifie pas le traité.
Les relations avec le Mexique restent tendues, notamment au sujet de limites de territoires. En tout état de cause, plusieurs escarmouches d’importance variable (les Mexicains iront jusqu’à (re)prendre Bexar en 1842) auront lieu durant 9 ans.

A l’automne 1836 Sam Houston est nommé président de la République. La nouvelle administration envoie rapidement un représentant à Washington où Andrew Jackson croit à l’intégration dans l’Union mais se refuse à agir, de crainte des conséquences politiques. Les représentants des Etats du Nord refusent l’entrée de tout nouvel état esclavagiste. Le dernier jour de sa présidence, il reconnaît cependant le Texas comme une nation indépendante. Son successeur, Martin Van Buren, est opposé à l’extension des Etats esclavagistes et craint une guerre avec le Mexique. Les Texans se rapprochent donc d’autres pays, notamment la Grande-Bretagne. Celle-ci est fort intéressée par le coton quoique repoussée par la pratique de l’esclavage.
Pendant 9 ans le Texas demeure indépendant, reconnu par de nombreux pays mais pas le Mexique, Par contre, la République est choyée par la Grande-Bretagne et la France, qui voient là un moyen de contrebalancer la présence des Etats-Unis sur le continent. En 1844-1845 l’opinion publique américaine est prête à l’annexion. John Tyler, président sortant et James K. Polk, son futur successeur, en sont tous 2 partisans. Les USA craignent de plus en plus la menace britannique d’un protectorat qui remettrait en cause leur expansion (et celui de l’esclavage). La Grande-Bretagne et la France ne parviennent pas à convaincre le Mexique d’enfin reconnaître l’indépendance du Texas avant qu’il ne soit trop tard. Tyler fait passer une résolution jointe le 26 février 1845, ratifiée le 1er mars. Le 6, le Mexique coupe ses relations diplomatiques avec Washington. Le 4 juillet, le congrès texan se déclare favorable à l’annexion, suivi par les Texans eux-mêmes en octobre. Le 29 décembre, Polk fait entrer le Texas comme le 28e Etat de l’Union. Dans 4 mois, une nouvelle guerre va éclater.

NOTES :
1 Pour l’occasion les Texans ont même fait confectionner un drapeau représentant sur fond blanc une étoile noire, le canon et la phrase  « Come and take it ». Le slogan est désormais utilisé par les défenseurs du droit au port d’armes
2 Procédure permettant au pouvoir législatif de destituer un haut fonctionnaire du gouvernement
3 Les raids d’indiens sont une nuisance permanente depuis des années et le seront pendant encore longtemps.
Durant la guerre, 3 compagnies de 56 Texas Rangers seront chargées de protéger les colonies de ces raids.
4 De nombreux conscrits viennent des régions tropicales du Yucatan et ne sont pas habitués à l’hiver (particulièrement froid en 1836) du nord du pays. En février, il tombe jusqu’à 40cm de neige et plusieurs d’entre eux mourront d’hypothermie.
5 Ces mêmes officiers soutiendront au contraire que c’est Fannin seul qui décida d’abandonner l’opération.
6 Il est possible que Santa Anna ait eu vent d’une possible reddition des assiégés. La perspective d’une victoire sans gloire l’aurait poussé à précipiter l’assaut.
7 Les historiens sont divisés quant à savoir si Crockett en faisait partie ou non
8 Lamar sera même élu plus tard président de la République du Texas (1838-1841)

Sources :
The Texas war of independence 1835-1836, Alan C. Huffines, Osprey Essential Histories N°50
The Alamo and the war of texan independence 1835-36, Phillip Hayhornthwaite, Osprey Men-At-Arms N°173
The handbook of Texas online : précieuse collection d’articles de la Texas State Historical Association : http://www.tshaonline.org/handbook/online/

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