Les Corps-Francs
Par Alexandre Sanguedolce

Freikorps Rossbach

 

La création des Freikorps et la naissance de la République allemande

LES PREMIERES MUTINERIES

Depuis la bataille de Jutland, la Hochseeflotte est bloquée dans les ports militaires de Kiel, Hambourg, Whilemshaven...
L'Etat-Major est conscient que la partie est perdue et qu'il faut commencer à négocier la paix. Le 3 novembre 1918 Max de Bade est nommé chancelier et est décidé à mettre un terme au conflit.
L'Amirauté veut frapper un dernier coup en engageant ses vaisseaux contre la Home Fleet pour un dernier baroud. Les vaisseaux doivent se tenir prêt à appareiller, le 29 octobre. Les marins réunis en conseils refusent de faire tourner les moteurs et commencent à se retourner contre leurs officiers.

Débarqués à terre, ils pillent les dépôts de munitions et forment à Kiel, la Volksmarine Division sous les ordres du matelot Dorrenbach. Un peu partout commencent à apparaître en Allemagne des soviets de soldats à l'image de ce qui s'est produit un an plus tôt en Russie.
Les marins mutinés commencent à affluer vers Berlin en train.


L’ABDICATION DU KAYSER ET LA PROCLAMATION DE LA REPUBLIQUE

Le 9 novembre, pendant qu'à Berlin se produisent les premières manifestations, à Spa au Grand Quartier-Général, le Quartier-Maitre général Gröner demande à l'empereur Guillaume II d’abdiquer.
A l'annonce de l'abdication, les premières émeutes débutent à Berlin. Les forces Spartakistes pensent reproduire ce qui s'est passé avec le Tsar un an plus tôt en Russie.
Max de Bade démissionne de son poste de Chancelier et le socialiste (SPD) Ebert en hérite.
Le député socialiste Scheidemann annonce alors la création de la République allemande devançant les Spartkistes qui proclament « la République socialiste libre d’Allemagne »

Les troupes commencent à revenir du front et sont encasernées. Pour beaucoup, la guerre est finie et il est temps de retourner au foyer, d'autres, désoeuvrés, n'ayant connus que la vie des tranchées, restent entre camarades et enfin, pour les autres, c'est le moment d'imiter les soviets et créés des conseils de soldats.
La discipline se relâche, les officiers sont battus voire assassinés.
Le 11 décembre, les troupes conduites ,par le général Lequis, défilent dans Berlin
Les soviets de soldats imposent la dissolution de l'armée impériale, la fermeture des écoles de Cadets (dont la célèbre Kadettenschule de Lichterfeld), Gröner, le chef d’état-major fait pression sur Ebert pour atténuer les exigences des soviets (qui sont celles de l'Entente aussi).
Ebert "doit ménager la chèvre et le chou", il ne peut accepter le désordres des troupes spartakistes mais il ne veut pas aussi avoir les mains liées avec les militaires.
Cependant, il va être obligé de demander l'aide de l'Etat-Major lorsque la Volskmarine division s’empare de la Kommandantur de Berlin et investit le Palais Royal, le 24 décembre 1918. Gröner, qui attendait ce moment, envoie la Garde à cheval, commandée pat le capitaine Pabst. Celui-ci lance un ultimatum au chef des marins, Dorrenbach, qui le rejette. Le canon tonne, la foule attirée par le bruit, commence à s'agglutiner. Refusant de tirer sur les civils, les Gardes échappent de peu à la mort, grâce à l'intervention d'Ebert. Cela constitue un échec, ,l'armée n'est pas en mesure d'affronter des civils dans des combats de rue.
Dans les casernes, malgré le relâchement de la discipline, des officiers, s/officiers et soldats refusent que l'Allemagne ne connaisse le sort de la Russie. Dans celle du 2e Régiment de la Garde, l'adjudant Suppe rassemble les vétérans et organise le premier corps franc (Freikorps) qui est renommé 14e dépôt de la Reichswehr.
Il sera rattaché au Freikorps de Reinhard.
Cette idée sera reprise par le général Märker (214. Inf.Div.) en l'améliorant sous forme de Landesjägerkorps.
Des FK se généralisent dans toute l'Allemagne, à la frontière Polonaise, le lieutenant Gerhrad Rossbach du 175 Artillerie Regiment forme un FK qui porte son nom et qui va marquer l'histoire de ses formations : le Freiwillige Sturmabteilung Rossbach.


Le général Märker organise les FK en petites unités adaptées aux combats urbains, les volontaires sont engagés pour 1 mois et perçoivent une solde de 4 Marcks.
Afin d'harmoniser les tenus, souvent disparates, et les dépôts ayant été pillés ou détruits, les FK sont rééquipés au camp de Zossen au sud de Berlin.
Quelques FK de la région de Berlin :
FK Postdam : major von Stephani
FK Reinhard : oberst Reinhard
Garde Kav. Div : Gal von Hoffman (dont le capitaine Pabst qui a affronté la Volksmarine Div à Berlin le 24 Décembre)

Aux vétérans s'ajoutent de nombreux étudiants, attirés par une gloire qu'ils n'ont pu acquérir dans les tranchées ou aussi par désoeuvrement.

LES AFFRONTEMENTS DE BERLIN

Le 30 décembre 1918, les Spartkistes font scission avec le USPD (Unabhängige SozialDemokratische Partei Deutschlands) = partis socialiste indépendant pour créer le KPD (Parti communiste allemand) avec Karl Liebknecht, Rosa Luxemburg, Klara Zetkin.
La capitale est aux mains des Spartakistes qui contrôlent tous les point-clefs : gares, postes, journaux...
Pour Gustav Noske, l'ordre doit régner dans la ville et il demande aux FK de sécuriser et reprendre en main une situation qui vire à la révolution. Le FK Suppe est chargé de veiller sur la Chancellerie, pendant ce temps, Noske, fuyant Berlin, organise la mise au pas des milices rouges. Ebert ne sera pas le Kerenski allemand et Liebknecht n’a pas l’étoffe d’un Trotsky.
Noske fait venir de Kiel son propre FK Eiserne Brigade (brigade de Fer), réuni le FK Potsdam (major von Stephani), le FK Held (Gal Held),et tous ceux situés autour de Berlin, soit 8 groupes armés qui vont se diriger vers la capitale pour mettre un terme à la vague rouge. 2 objectifs leur sont impartis : éviter que les révolutionnaires ne mettent la main sur les dépôts d'armes et s'emparer des immeubles de la presse.
Le 10 janvier, les FK convergent vers la capitale, von Stephani réussit à s'emparer du Vorwärts (organe de presse des Spartakistes), l'hôtel de ville est aux mains du FK Reinhard. La défection de le Volksmarine Division est un coup dur pour les séditieux, la cause est perdue.
Pendant 4 jours les FK vont quadriller la ville à la recherche des caches d'armes.
Le 14 janvier, Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg, cachés dans une banlieue berlinoise sont dénoncés.
Arrêtés par Waldemar Pabst (Garde Kav.div.), celui qui avait échoué devant le Palais Impérial face à la Volksmarine Div.), ils sont assassinés lors d'une mise en scène de tentative d'évasion.
Ainsi s'achève la "commune" de Berlin.

L'ordre peut régner à nouveau dans Berlin, les Freikorpstruppen fouillent maisons par maisons pour dénicher les caches d'armes. Noske décide de leur retrait de Berlin, circonspect sur leur loyauté. Il ne maintient que le FK Reinhard.
Craignant d'être à nouveau à porté de la populace , Ebert et Noske décident de transférer les pouvoirs de l'Assemblée à Weimar, à partir du 6 février, sous la protection du FK Reinhard.
C’est tout un symbole, Berlin la prussienne est abandonnée pour Weimar, ville d’art et de Goethe
Le 11 février, Ebert (SPD =social-démocrate) est élu président du Reich devenu une république et Scheidemann, Chancelier.

Cependant le péril rouge gronde dans les villes portuaires du nord de l'Allemagne : Brême, Hambourg, Cuxhaven et aussi Halle où le général Märker et FK Freiwillige landesjäger a toutes les peines à reprendre la ville.
Les villes-états sécessionistes sont reprises, la grève dans la Ruhr lancée par les communistes est brisée.
Partout de nouveaux FK apparaissent, prenant le nom de le ville ou de son führer (FK Suppe, FK Reinhard...)

LES 10 JOURS SANGLANTS DE BERLIN


A Berlin, les Spartakistes n'ont pas dit leur dernier mot malgré l'assassinat de Liebknecht et Rosa Luxembourg.
Le 1er mars, une grève générale est lancée, Noske met en alerte les FK qui commencent à converger vers la capitale.
Le 4 mars, une foule nombreuse s'amasse autour de l'Alexanderplatz, et les grands moyens sont utilisés : les chars d'assaut dispersent la foule dans un bain de sang.
Les matrosen de la VolskmarineDivision, unité emblématique des Spartakistes sont anéantis dans la Marstall, leur quartier général depuis novembre 1918. Pour s'en emparer, le FK Reinhard a utilisé les lance-flammes, l'artillerie et la participation de l'aviation.
Le 10 mars, Noske fait instaurer la loi martiale accompagnée d'exécutions sommaires.
Le 13 mars, la révolution spartakiste a échoué dans le sol, les pavés berlinois rougis par le sang de 1200 morts.

LA REICHSWEHR PROVISOIRE

Pour mieux contrôler ces forces et faire l'amalgame avec l'ancienne armée impériale, une Reichswehr provisoire est créé le 6 mars 1919.
En fonction de leur tailles, les FK deviennent des brigades (la Freiwilliger Landersjägerkorps du général Märker devient la XVI Brigade, le FK von Epp : la XXI Brigade ...), des régiments ou des compagnies.
La Reichswehr provisoire comprend 24 brigades. Sur 400000 hommes, 15000 proviennent des FK. Beaucoup de FK refuseront de fusionner dans cette Reichswehr qui suite au traité de Versailles , verra son potentiel réduit à 100000 hommes

L'odyssée des Corps-Francs en Baltique

LA SITUATION EN LETTONIE EN 1919

I Rappel historique

-Le Drang nach Osten-
Terre païenne à convertir, la Baltique vit apparaitre les premiers croisés germaniques sous la bannière des Chevaliers Porte-Glaive vers 1200, croisade cautionnée par une bulle pontificale d'Innocent III. Battus par une armée lithuanienne, les colons font appel au puissant Ordre des Chevaliers Teutoniques. Guerriers et batisseurs, l'ordre ne cesse de s'étendre afin de créer un espace vital aux colons allemands.
En 1410, la bataille de Tannenberg met un terme à son expansion.
En 1525, l'Ordre passe avec armes et bagages à la Réforme et se sécularise. La branche livonienne se place sous la suzeraineté des rois de Pologne puis sous celle des Tsars.
Dans les pays baltes coexistent alors les barons germaniques, propriétaires fonciers de 80% des terres et les populations ethniques locales qui y travaillent.

II La Première Guerre Mondiale

Après le désastre de Tannenberg,les armées tsaristes refluent et le front se stabilise en Lettonie.
En septembre 1917, la VIIIe armee du général von Hutier s'empare de Riga en employant une nouvelle méthode d'assaut mise au point par von Hutier.
Le traité de Brest-Litvosk en février 1918 est un espoir pour les milieux nationalistes de s'affranchir définitivement de la tutelle russe, mais la noblesse balte voit là l'occasion de créer un royaume associé au II Reich.

III L'arrivée des Bolchéviques

L'armistice du 11 novembre 1918 contraint les Allemands à quitter la région. Au sein de la VIII armee des conseils de soldats se forment, à l'instar de ce qui s'est passé l'année précedente chez les Russes, les officiers sont désarmés. Le vide laissé par l'armée allemande est comblé par l'arrivée des bolchéviques provenant de Petrograd.
La population est dans un premier temps favorable à leurs thèses, dans l'espoir de se débarasser de l'oppressante présence de la noblesse balte. Beaucoup des Lettons servent dans l'armée bolchévique.
En février 1919, 3/4 du territoire letton est entre leurs mains. Un gouvernement provisoire nationaliste dirigé par Karl Ulmanis tente de mettre sur pied une petite armée commandée par le colonel Ballodis, appelée ballods.
De leur côté, les Baltes organisent une milice : der Baltische Landeswehr commandée par le major Fletscher avec en son sein une Stosstruppe dirigée par un officier emblématique de la noblesse balte: le baron von Manteuffeln.
L'armée nationale lettone et la Landeswehr, luttant séparément, avec le concours d'un Freikorps issu des soldats de la VIII armee : la Division de Fer (Eiserne Division) du Major Bishoff, ne peuvent endiguer l'avancée bolchévique.
Une armée Blanche est également présente sur le sol letton commandée par le prince Lieven.

Ulmanis se tourne vers l'Entente pour trouver de l'aide et qui lui propose de se tourner vers l'Allemagne et trouver un accord pour l'envoi d'un corps expéditionnaire .Ulmanis négocie une vague promesse d'accorder la nationalité lettone et des terres en échange de l'aide militaire.
Le 1er ministre letton est réticent à cette idée mais avant tout le plus urgent est de parer à la menace bolchévique.

Pour préparer les opérations militaires, un organisme est créé : l'AOK Nord (Armee Oberkommando Nord) sous les ordres du général von Quast. Le général Rüduger von der Goltz est choisi pour diriger ce corps expéditionnaire nommé VI-Reserve Korps

LES COMBATS EN LETTONIE

I De Libau à Riga (1er fevrier-22 mai 1919)

Von der Goltz débarque à Libau. Il a sous ses ordres le VI reserve Korps, fort de 22000 hommes répartis en 3 unités principales :
- La Landeswher balte du major Fletscher, composée de baltes germaniques dont la stormtruppe du baron von Manteuffel;
-La Eiserne Brigade (puis division) du major Fletscher, formée par les anciens soldats de la VIIIe Armee ;
-La 1ere Division de Réserve de la Garde commandée par le major-général Tiede.

1- De Libau à Mitau

Le front forme un arc-de-cercle, paratnt de la mer Baltique (Pavilosta), suit le cours de la Windgrau (Venta en letton) jusqu'à Kovno (Kaunas). E n préliminaire, la Landeswehr balte s'empare des villes de Kuldiga et Ventpils courant février, ainsi la partie occidentale c'est-à-dire la Courlande est sous le contrôle allemand.
L'offensive général démarre le 3 mars le long de l'axe ferroviaire Libau-Mouraievo-Mitau.
Le 5 mars, Libau est pris, le 18 c'est au tour de Mitau à être libérée. Lorsque les Allemands entrent dans la ville, ils y découvrent l'ampleur des massacres commis par les Bolchviques à l'encontre de la population germanique, viols, mutilations, sépultures profanées, prisonniers ligotés à des chevaux dont on peut suivre la trace sanglante...

2-La pause

A ce stade des opérations rondement menées, von der Goltz décide de faire une pause. Il désire d'abord assurer ses arrières et à Libau, le seul port accessible, les soviets des soldats de l'ex VIII Armee doivent être mis au pas.
Le 3 avril, les meneurs sont emprisonnés, jugés et condamnés. Quelques exécutions refroidissent les "sédicieux".
Mais cette pause est expliquée par une autre raison : la présence allemande est justifiée par l'occupation bolchévique et à l'inviatation d'Ulmanis. Mettre un terme trop rapidement à la campagne signifie le retour en Allemagne des volontaires, alors que von der Goltz projette de marcher sur Petrograd après avoir instauré en Lettonie un gouvernement favorable, pro-allemand, de distribuer des terres aux nouveaux croisés au détriment de la population autochtone. Ces intentions sont secrètes, même le gouvernement allemand n'est pas au courant.
Le 16 avril, les hommes de von Manteuffel arrêtent l'état-major letton, puis les membres du gouvernement. Ulmanis proteste auprès de von der Goltz, vainement et s'enfuie à bord du navire Saratov sous la protection britannique.
Ce putsch amène au pouvoir un homme-lige, le pasteur Needra, pro-balte.
Pour les Alliés, les desseins de von der Goltz commencent à être clairs, mais demander le retrait des troupes allemandes, arrivées à la demande urgente d'Ulmanis, obligerait leur remplacement par les troupes alliées ce dont elles ne veulent pas.

3-La reprise de l'offensive le 21 mai.

Les Estoniens qui se sont déja débarrassés des bolchéviques, désirent repousser définitivement la menace d'un retour des Rouges et avec l'aide de la brigade lettone du nord du colonel Semitan, entreprennent de se lancer sur Riga. Von der Goltz veut les prendre de vitesse et engage l'offensive sur Riga le 23 mai 1919. Le VIe Reseve Korps est diminué par le départ de la I.Division de Réserve de la Garde partie lutter contre les Polonais. En pointe, la Landeswehr balte avec la stormtruppe de von Manteffeul engage une lutte feroce sur les rives de la Düna pour prendre le pont ferroviaire. Manteuffel est tué alors qu'il est sur le point d'entrer dans Riga ,prise le 23 mai. Comme à Mitau, les Bolchéviques ont assassiné la population balte, commis des exactions provoquant l'écoeurement du lieutenat-colonel du Parquet, appartenant à la Commission Militaire Interalliée de Lettonie.
Les forces bolchéviques refluent vers l'est et se maintiennent en position défensive. Succédant à la terreur rouge, la terreur blanche exercée par l'armée allemande la rend impopulaire auprès de la population autochtone, la considérant non comme des libérateurs mais comme une armée d'occupation.
A Limbazi, plus au nord, la brigade de Ballodis fait la jonction avec ses frères d'arme de la brigade lettone de Semitan. En tout, les forces lettones représentent une force d'environ 5000 hommes.

La guerre contre l'Estonie

Les Estoniens sont préoccupés par l'avance allemande, car après s'être débarassés des bolchéviques, elle ne verrait pas d'un bon oeil, l'installation d'un gouvernement pro-allemand comme en Lettonie . Von der Goltz, dont le projet est d'attaquer Petrograd, doit passer par l'Estonie, ce que refusent les Estoniens. Fin mai 1919, l'armée estonienne se met en route sur une ligne Limbazie-Valmeira-Smiltene-Gulbene.

La bataille de Wenden-22 juin 1919

En route pour Petrograd, von der Goltz lance en pointe la Landeswehr balte et la Eiserne Division.
A hauteur de Wenden (Cesis en letton et Vönnü en estonien), la 3e Division estonienne porte une attaque sur les flancs des troupes germano-baltes et à partir du 22 juin, von der Goltz doit se résoudre à retraiter. L'absence de renforts demandés à Berlin et le retrait de plusieurs troupes pour défendre les frontières orientales de l'Allemagne ainsi qu'une attaque bolchévique au sud-est, profitant de la situation, rend la position de von der Goltz de plus en plus précaire ; ce qui n'est pas pour déplaire aux Alliés.
Cette situation arrange Ulmanis qui débarque à Libau, fait arrêter Needra. Mais l'arrivée des Estoniens n'arrange pas Ulmanis qui redoute une nouvelle occupation du territoire letton. L'armée nationale lettone est rééquipée par les Anglais.

L'armistice du 3 juillet

Von der Goltz n'a pas le choix que d'accepter un armistice signé à Strazdumiuza (Strassenhof). Il doit faire évacuer Riga. La Landeswehr est expurgée de ses éléments germaniques, prise en charge par le colonel Alexander (le futur maréchal). Le 28 juin, le traité de Versailles est signé, et le VI Reserve Korps reçoit l'ordre de quitter la Courlande et de rentrer en Prusse-Orientale. Noske ne veut pas voir ces troupes arriver à Berlin, redoutant un putsch militaire.

L'armée russe occidentale du Prince Bermondt-Avaloff

Durant le conflit entre les Allemands et les troupes estoniennes, les Russes Blancs du général Lieven restèrent à l'écart, inactifs. En fait, peu favorables aux Lettons, ils pensent qu'un jour la Lettonie rentrera à nouveau dans l'orbite russe. Le général Lieven qui est à leur tête reçoit l'ordre d'embarquer pour soutenir Youdenitch à Narva. Une partie des troupes refusent de répondre à l'ordre, à leur tête, un individu considéré comme un aventurier :
le prince Bermondt-Avaloff.
Le 24 août, la Eiserne Division rappelée à Berlin, s'apprête à partir en train quand son chef, le major Bischoff lance : "J'interdis le départ de la Eiserne Division !" Ce n'est rien de moins que de la mutinerie. Comme les Allemands doivent quitter la Courlande, pour contrecarrer cette sommation ils se font naturaliser russe le 21 septembre.
Ernst von Salomon décrit dans Les Réprouvés l'atmosphère régnant :
"Nous arborâmes la cocarde russe...Ne pouvant plus être Allemands, nous étions devenus des Russes"

Organisation de l'armée russe-occidentale.
1er Corps de l'Ouest : colonel Polocki
2e Corps de l'Ouest : colonel Virgolitch
Eiserne Division : major Bischoff
Deutsch Legion : Capitaine de Vaisseau Sievert.

Les Alliés, exaspérés des machinations, compromis et parjures ordonnent au gouvernement allemand le retrait des troupes définitif. Mais puisqu'elles ont la nationalité russe, elles ne dépendent plus de Berlin !

Reprise des combats.

Le 8 octobre 1919, l'armée russe occidentale attaque Mitau. Le colonel Ballodis retire hâtivement des troupes du front russe. Von der Goltz espère que la Landwehr balte va rejoindre ses rangs, mais les Baltes se résignent à accepter à cohabiter désormais avec les Lettons.
Riga est sous le feu des canons de l'armée germano-russe, les navires allliés se retirent du golfe de Riga pour éviter de déclencher un nouveau conflit. Mais un casus belli provoqué par une méprises des artilleurs allemands sera le prétexte de bombarder leurs positions. Revigorés par ce renfort inespéré, les Lettons, retranchés, contre-attaquent le 11 novembre, un an après l'armistice, enthousiasmés par le combat qu'ils livrent pour leur indépendance.
A marche forcée, malgré l'interdiction de Noske, le Corps-Francs de Rossbach traverse le Reich, triplant ses effectifs,mais ne peut empêcher la défaite de Thorensberg, néanmoins son intervention évitera à la Eiserne Division une destruction complète. Les Allemands battent en retraite, pillant et massacrant.

 

 

Epilogue

Le 30 novembre, la Courlande est évacuée. Les restes de l'armée franchit la frontière lituanienne, suivie à distance par l'armée locale. Arrivés à Memel, les survivants au nombre de 20000 ont désarmés et dispersés.
Certains, refusant de se séparer comme le Freikorps Rossbach, se transforment en ouvriers agricoles, d'autres entrent dans la clandestinité.


Sources :
Dominique Venner : Les Corps-Francs de la Baltique
Osprey : The German Freikorps 1918-1923
Que sais-je ? : La République de Weimar
Serge Bernstein et Pierre Milza : L’Allemagne de 1870 à nos jours
Les Corps-Francs de la Baltique, de Dominique Venner. Le Livre de Poche
Histoire de l'Armée Allemande, tome II, Jacques Benoist-Méchin.Albin Michel
The German Freikorps 1918-23, Osprey Elite 76
Les Réprouvés, Ernst von Salomon

LES CORPS-FRANCS EN HAUTE-SILESIE 1920-1922

Abréviations contenues dans ce dossier
CIGP : Commission Interalliée de Gouvernement et Plébiscite
POW : Polska Organizacja Wojskowa : Organisation Armée Polonaise

Si pour le défunt Reich allemand les frontières occidentales son clairement définies avec le retour de l'Alsace et la Lorraine à la France et le rattachement des cantons d'Eupen et Malmédy à la Belgique,  à l'Est, elles restent encore à définir.
Pour la Haute-Silésie (Oberschlesien en allemand/Górny Śląsk en polonais), équivalent oriental de la Ruhr, l’entremêlement des populations allemandes et polonaises rend difficile l'application des principes wilsoniens.

Bref historique de la Silésie 
La Silésie fut conquise en 999 par le roi Bolesbas et rattachée au royaume de Pologne.  En 1139, elle accède à l'indépendance. Les commerçants germaniques commencèrent à s'installer à Breslau, signal de la prépondérance de l'influence allemande avant que les armées mongoles ne s'abattent et livrent une bataille sanglante à Liegnitz, écrasant la coalition germano-polonaise conduite par Henri le Pieux, le 9 avril 1241. Puis elle passa sous l'aile des Habsbourg, devenant de fait autrichienne. Au traité de Berlin, l'impératrice Marie-Thérèse la céda à la Prusse. La découverte de minerais (houille, fer, zinc...) transforma radicalement la province avec la construction de hauts-fourneaux, voies ferrées, canaux... Le besoin de main-d’œuvre fit affluer un grand nombre de Polonais, tandis que tous les leviers de commande demeuraient aux mains des Allemands. Ces 2 populations que tout opposait  (langue, religion) cohabitaient sans se mélanger.

Début des affrontements
Dès l'annonce de l'armistice du 11 novembre 1918, des soviets d'ouvriers se constituent dans la province et proclament la grève générale. Des éléments du POW infiltrent ces soviets et transforment le mouvement social en soulèvement national. Voulant mettre les Alliés sur le fait accompli avant la signature du traité de Versailles, les insurgés polonais veulent faire reconnaître une ligne de démarcation en leur avantage qui deviendrait la future frontière.
La nouvelle république de Weimar (voir dossier sur les Freikorps) n'entend pas perdre une région stratégique considérée par les Alliés comme une possible reconstitution d'usines d'armements en prévision d'une revanche. Pour les Allemands, les mines sont indispensables pour payer les colossales indemnités de guerre prévue par le traité.

Le premier soulèvement polonais (16 /17 août 1919)
Les Allemands  du VIe Kreis de Breslau contre-attaquent avec les Corps-Francs qui affluent en masse et dès le 21, les Polonais sont chassés des villes dont ils avaient pris le contrôle.
Dans la nuit du 16 au 17 août 1919, le POW occupe tout le sud-est de la province, prenant possession du parc d'artillerie allemand, et se rendent maîtres d'importantes agglomérations comme Kattowitz. Le gouvernement de Weimar proclame l'état de siège. Des combats sanglants ont lieu à Beuthen, objectif principal des Freikorps (FK Dohna, FK Oberschlesiches Freiwilligenkorps…), dans le secteur nord.  Parmi ces FK il faut noter la présence de la puissante brigade de marine Ehrardt ( qui participera au putsch de Kapp). Insuffisamment armés et moins bien préparés que les FK, les insurgés cessent le combat le 24 août


Présentation du drapeau des Freikorps

Mise en place de la CIGP
Le 10 janvier 1920, le traité de Versailles entre en vigueur, la Commission Interalliée de Gouvernement et Plébiscite, gouvernement d'occupation chargé de régler les problèmes administratifs et de faire respecter l’ordre en attendant le résultat du plébiscite, est mise en place. Elle est présidée par le général le Rond, polyglotte (il parle allemand, italien, anglais, russe et polonais) assisté du général de Marinis pour les Italiens et du général Percival pour les Anglais.
A partir du 31 janvier 1920, conformément aux dispositions du traité de Versailles, les troupes allemandes évacuent la province et sont remplacées par un contingent italo-français (3000 Italiens, 9000 Français de la 46e DI du général Gratier) chargé de maintenir l'ordre et de la surveillance des points stratégiques (ponts, gares...). Les Britanniques enverront ultérieurement 4 bataillons.

Le 2ème soulèvement polonais – août 1920  -
Le président Wilson qui refuse la proposition de Clémenceau de céder la province entière aux Polonais, décide qu'un plébiscite permettra de régler le contentieux entre les deux peuples.
Pour participer au plébiscite il faut être né dans la zone soumise au vote ou y avoir vécu. La zone sera administrée par une commission interalliée. Les Polonais pensent que le plébiscite peut leur être défavorable et vont mettre sur pied un soulèvement, convaincus que les Alliés favorables à leur cause n'interviendront pas.

Wojciech Korfanty, ancien député polonais élu au Reichtag prépare minutieusement un second soulèvement (des caches d'armes sont camouflées dans les campagnes) et déclenche une grève générale le 10 mai 1920. Des heurts locaux entre Allemands et Polonais à Kattowitz dégénèrent en combats entre la Sicherheist Polizei et le POW. Le 2 septembre 1920, un accord est conclu à Beuhten, les Polonais acceptent qu’un plébiscite puisse avoir lieu.

Le plébiscite du 21 mars 1921
Après l'arrivée en renfort de 4 bataillons anglais, la tension  demeure mais seuls des troubles mineurs agitent la province. D'Allemagne, des trains acheminent des émigrés (185000) pour voter et le 21 mars c'est un oui pour le maintien de la province dans le Reich qui sort des urnes.
706471 voix pour l'Allemagne (59,4%)
479277 voix pour la Pologne (40,6 %)
A Varsovie, c'est la consternation alors qu'à Berlin c'est un « grand jour comme il y a 50 ans lors de la création du 2eme Reich »
Korfanty rassemble les chefs polonais pour préparer une nouvelle insurrection. Les stocks d'armes sont amassés en bordure de la frontière allemande. Des soldats de l'armée de Haller, équipés par la France, vont prêter main-forte aux insurgés.

Le 3ème soulèvement polonais (mai 1921)
La population allemande s’organisme en selbstschutz pour se protéger en cas de nouveaux affrontements.
A nouveau, en prélude du soulèvement, une grève est déclenchée le 2 mai 1921.  Korfanty, démis de ses fonctions de commissaire au plébiscite fait placarder des affiches pour encourager la révolte dans toute la province. Les troupes de la Commission ne peuvent qu'être témoins passifs de ces événements, les Italiens du général de Marinis qui tentent de s'opposer au déferlement des troupes de Korfanty déploreront 40 morts et 200 blessés. Les insurgés occupent la zone plébiscitaire de Landsberg à Krapwitz, le long du cours de l'Oder.
Toute intrusion de la Reichswehr constituant une violation du traité de Versailles, ce seront les volontaires des FK qui vont franchir la frontière avec dans leurs bagages des mitrailleuses, des grenades, des canons démontés. Parmi ces volontaires, un « réprouvé » : Ernst von Salomon. Seuls ou par groupes, ils convergent vers la Haute-Silésie, anciens des FK Oberland, de la Baltique ou du célèbre FK Rossbach qui avait chassé les milices polonaises de  Culmsee en Prusse-Orientale en janvier 1919 avant d'aller rejoindre la Division de Fer en Lettonie. (Voir dossier sur les Freikorps)
Début mai, en prélude à l’insurrection, les Polonais font sauter 12 ponts de chemin de fer.

Dès le 9 mai, les Polonais établissent des têtes de pont de l'autre côté de l'Oder et en seront délogés le 15. Au sein de la Commission, des divergences commencent à poindre : les Italiens veulent l'arrestation de Korfanty, les Anglais reprochant aux Français d’être trop favorables aux Polonais. 
Le général Karl Höfer, (choisi comme chef par les FK) vétéran des rudes combats des Flandres et qui vient d’être mis à la retraite organise le Oberschlesischen Selbstschutz en 2 corps :

  • Le groupe nord, commandé par le lieutenant-colonel Grütaner qui comptera jusqu’à 13000 hommes ;
  • Le groupe sud, commandé par le général von Hülsen (22000 hommes) avec le plus important des FreiKorps : Le FK Oberland dont faisait partie Sepp Dietrich.

Les insurgés polonais peuvent compter sur 20000 hommes avec des renforts provenant de Pologne.
Les combats sont très violents, Königshutte change de main à plusieurs reprises, Kattowitz est sous contrôle polonais.
Le 21 mai débute la contre-offensive allemande, avec l’utilisation de l’artillerie et des minenwerfer
La bataille de l’Annaberg
Le général Hülsen a un plan très audacieux : s’emparer d’une colline appelée Annaberg (montagne Saint-Anne, avec un monastère à son sommet, lieu de pèlerinage, haute de 300 m).
La ville de Leischnitz au pied de l’Annaberg est prise, prélude à l’assaut final.
Le lendemain, 22 mai, les volontaires du FK Oberland commencent l’escalade de l’Annaberg, hissant les canons à dos d’homme et sur les crêtes escarpées, les 2 canons sont mis en batterie et tirent sur les sommets, un commando de 8 hommes, partant dans le dos des assiégés fait croire aux Polonais qu’ils sont encerclés et battent en retraite. A midi, le pavillon impérial (noir blanc rouge) et non celui de la république de Weimar est hissé au sommet du clocher du monastère. En plus, 28 villages sont repris. Cette victoire est considérée « comme la première victoire allemande depuis le 11 novembre 1918 »
La journée du lendemain est consacrée à la consolidation des positions récemment conquises.
A Berlin, le gouvernement décide sous la pression des Alliés d’interdire le recrutement de nouveau Freikampfer.
La Commission Interalliée entreprend des négociations afin de faire respecter les résultats du plébiscite. Mais le général von Hülsen ne l’entend pas ainsi, le tir de batteries polonaises sur Cosel va donner l’occasion de mettre un plan audacieux :

  • En franchissant les lignes polonaises, une colonne s’enfoncera en territoire ennemi et atteindra le village de Slawentzitz
  • Exécution d’un mouvement tournant dans le dos des insurgés, longer le canal de Klodnitz  pour regagner l’Oder au niveau de Cosel où elle fera la jonction avec le reste des forces allemandes.

Le 4 juin, le FK Oberland atteint comme prévu Slawentzitz mais demeure sur place sans continuer la progression comme prévue. Il s’agit d’une erreur d’interprétation du chef du FK le colonel graf von Magnis. Les hommes redoublent d’effort pour refermer la nasse en faisant la jonction avec le selbstschütz le long du canal du Klodnitz. (voir carte).
Le 20 juin, les insurgés polonais ont quitté Ratibor. La Commission Interalliée finit par aboutir un accord et les troupes allemandes et polonaises évacuent la zone soumise à plébiscite, pour les Freikampfer, il va de soi que l’ordre provenant de Berlin ne fait qu’accentuer leur haine contre le gouvernement social-démocrate.

Le partage de la zone plébiscitaire

Le comte Sforza, ministre italien des Affaires Etrangères propose une ligne de partage , mais les populations sont imbriquées les unes dans les autres : les Allemands dans les villes les Polonais dans les campagnes et il est difficile de tracer une frontière sans accident naturel.
C’est la SDN qui va finalement au découpage du bassin industriel : pour les Allemands ils conservent 2/3 de la zone plébiscité avec les districts de Beuthen, Gleiwitz et Zabrze et les Polonais récupèrent les districts de Kattowitz et Königshütte (villes à majorité allemande). Le 20 octobre 1921, la nouvelle frontière est finalement entérinée.
L’intervention des Freikorps a été déterminante mais ils doivent désormais être dissous, pour beaucoup, c’est une désillusion et vont former des « communautés de travail », dissimulant leurs armes, et travaillant  dans des grands domaines afin de conserver leur esprit de corps.

Bibliographie
Histoire de l’armée allemande, Benoit-Méchin, éditeur Albin Michel
Les Réprouvés, Ernst von Salomon, editeur Bartillat
Haute-Silésie 1920-1922, laboratoire des « leçons oubliées » de l’armée française, Rémy Porte, éditions Riveneuves

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