Reinhard
Tristan Eugen Heydrich naquit le 7 mars 1904 à Halle. Ses parents
étaient professeurs de musique au Conservatoire de la ville.
Heydrich fît des études très brillantes. Il possédait
des facultés intellectuelles très au-dessus de la moyenne.
Il était un excellent violoniste et l'une des lames les plus
redoutables d'Allemagne en escrime.
En 1922, il entre comme élève officier dans la marine.
Neuf ans plus tard, il est chassé de celle-ci "pour cause
d'indignité", à cause d'une histoire de femme. Heydrich
était déjà un obsédé sexuel.
Pendant ce temps, Himmler bâtissait son Ordre et désirait
créer un service de sécurité et de renseignements
de la SS.
Au chômage et poussé par sa femme Lina, une nazie fanatique,
Heydrich rencontra Himmler le 14 juin 1931 par l'entremise du baron
von Eberstein.
Himmler fut subjugué par l'intelligence d'Heydrich et décida
de le prendre dans son service. C'est ainsi que naquit le redoutable
service de Sécurité et de renseignements de la SS (Sicherheitsdienst
ou SD). Heydrich avait posé le pied sur le premier échelon
qui allait le mener à une puissance inimaginable au point qu'il
apparaîtra, dans le courant de l'année 1941, comme le "dauphin
du Führer".
Il allait gravir les échelons à une vitesse vertigineuse.
Un mois après son entrée à la SS, il est nommé
Untersturmfüher en juillet 1931, puis Sturmbannführer en 1932,
puis Oberführer en 1933 et enfin Obergruppenführer en 1941.
En 1932, sa carrière faillit s'arrêter net. Gregor Strasser,
chef du bureau central et fondateur du parti, apprit que Heydrich avait
une ascendance juive. Une enquête discrétionnaire fut menée
et conclua que l'allégation était fausse. Mais l'arbre
généalogique de Heydrich était truqué. Les
documents avaient disparus des registres civils, la pierre tombale de
la grand-mère paternelle fut remplacée. Hitler et Himmler
furent mis au courant, mais décidèrent de maintenir Heydrich
à son poste car son ascendance non-aryenne constituait un moyen
de chantage.
Heydrich connaissaît la vérité, mais il était
né catholique.
Ce fait n'en vaudrait pas d'être mentionné si Heydrich
n'était devenu, en 1939, le chef d'une violente campagne contre
l'Eglise romaine. A la tête du SD, Heydrich recruta de jeunes
juristes (Schellenberg, Behrends, Knochen), de brillants économistes
(Ohlendorf, Six), des ingénieurs (Skorzeny), mais aussi toute
une faune d'escrocs, faussaires, tueurs à gages, etc.
Heydrich fut, avec Himmler et Goering, l'un des instigateurs de la "Nuit
des longs couteaux." Il profita de ce moment pour se débarasser
de certains personnes qui lui avait nui ou pouvaient le nuire. C'est
ainsi qu'il ordonna d'exécuter Gregor Strasser en recommandant
de "laissez saigner ce porc."
Plus tard, certaines personnes émirent des doutes sur l'"aryenneté"
d'Heydrich. Elles disparurent corps et biens dans les camps de concentration.
En 1936, il propose à Hitler de monter "dossier truqué"
qui mouillerait des officiers allemands et soviétiques. Ce fut
le colossal maquillage et la réalisation d'un volumineux dossier
compromettant qui coûterat la vie au Maréchal Toukhatchevsky,
le chef de l'Armée Rouge. Dans la foulée, 36 000 officiers
soviétiques furent fusillés sur l'ordre de Staline.
En 1938, Il monte de toutes pièces des dossiers contre le Maréchal
Blomberg et le général Fritsch. Tous deux devront démissionner,
ce qui permit à Hitler de prendre le commandement de l'Armée.
La même année, il nomme Adolf Eichmann comme responsable
de la politique juive.
En août 1939, il met au point la provocation de Gleiwitz, réalisée
le 31 août par ses services et la Gestapo. Le 1er septembre, les
troupes allemandes envahissaient la pologne.
Il avait créé les Einsatzgruppen qui suivirent les troupes
de la Werhmarch en Pologne.
Le 20 septembre 1939, Himmler décide de regrouper tous les services
de police et de sécurité au sein d'un organisme central
: le R.S.H.A. (Reichssicherheitshauptant ou Service central de sûreté
nationale.
Himmler confia la direction de ce service à Heydrich.
Heydrich avait un objectif bien précis, celui de réunir
entre ses mains tous les services de police et de sécurité
du Reich. Ce fut chose faite en septembre 1939. A la tête du RSHA,
Heydrich va pouvoir enfin assouvir sa soif de pouvoir, de puissance.
Bien qu'officiellement subordonné au commandement suprême
des SS (Himmler) en même temps qu'au ministère de l'intérieur
(Frick), le RSHA devint rapidement l'empire organisé et personnel
de Heydrich.
Avant de continuer la suite de la carrière de Heydrich, il me
paraît intéressant d'aborder les différents rouages
qui composaient le RSHA afin de mieux se rendre compte de l'immensité
des pouvoirs de Heydrich.
Le RSHA était divisé en 7 Amters (services), indépendants
les uns des autres, mais tous soumis à la même autorité
suprême : Heydrich.
AMT I : Personnel et organisation. Ce service était responsable
du recrutement et des affectations pour tout le RSHA
AMT II : Gestion et finances (salaires et soutien logistique)
- II A : locaux, entretien, soldes, comptabilité, passeports
- II B : questions économiques, détenus hors des camps,
transport des détenus.
- II C : administration matérielle des services actifs
- II D : groupe technique (service auto).
AMT III : SD Intérieur
- III A : Questions relatives au droit et à la structure du Reich
-- III A4 : service établissant des rapports réguliers
sur l'opinion générale et l'attitude de la population
du Reich
- III B : Problèmes relatifs aux minorités ethniques du
Reich, race, santé publique
- III C : questions culturelles (sciences, arts, presse) et renseignements
dans les milieux religieux
- III D : questions économiques, surveillance de l'industrie
et des industriels, ravitaillement, main-d'oeuvre, espionnage de la
"Haute Société".
AMT IV : GESTAPO
- IV A : Adversaires du nazisme
-- IV A1 : communistes
-- IV A2 : sabotages
-- IV A3 : Réactionnaires, libéraux
-- IV A4 : Assassinats
- IV B : Sectes et Eglises
-- IV B1 : catholiques
-- IV B2 : Protestants
-- IV B3 : Francs-maçons, sectes religieuses
-- IV B4 : Juifs (l'empire d'Eichmann)
- IV C : Internements de protection, détentions préventives,
presse, affaires du Parti, constitution des dossiers, fichage
- IV D : Territoires occupés : adversaires du régime,
travailleurs étrangers en Allemagne
- IV E : Contre-Espionnage
-- IV E1 : contre-espionnage dans les usines du Reich
-- IV E2 : Problèmes économiques généraux,
formation politique
-- IV E3 : Pays de l'Ouest
-- IV E4 : Pays nordiques
-- IV E5 : Pays de l'Est
-- IV E6 : Pays du Sud
- IV F : police des frontières, passeports, cartes d'identités.
AMT V : KRIPO (police criminelle)
- V A : police criminelle et mesures préventives
- V B : Crimes et délits
- V C : Identification et recherche
- V D : Institut technique criminel de la SIPO (Gestapo + Kripo)
AMT VI : SD EXTERIEUR (renseignement à l'étranger)
- VI A : organisation générale du Service de renseignement,
contrôle du travail des sections du SD
- VI B : Direction du travaol d'espionnage en Europe occidentale
- VI C : Espionnage dans la zone d'inflence Russe
- VI D : espionnage dans la zone d'influence américaine
- VI E : espionnage en Europe orientale
- VI F : Moyens techniques nécessaires à l'ensemble du
service
AMT VII : Recherches idéologiques chez les adversaires du régimes,
archivage.
Comme nous pouvons le constater, le RSHA était présent
partout, dans et hors du Reich.
Le personnel du RSHA était entièrement intégré
à la SS. Tous les agents et fonctionnaires, de n'importe quel
service, devaient porter sur leur uniforme l'insigne du SD.
Le RSHA était une monstruosité bureaucratique, dans laquelle,
Heydrich nageait comme un poisson dans l'eau. Ce ne fut pas le cas pour
ses deux successeurs (Himmler et Kaltenbrunner).
De plus, Heydrich avait la haute main sur les Einsatzgruppen (formés
avec du personnel de la gestapo, kripo, SD, waffen SS).
S'il ne disposait pas du contrôle des camps de concentrations
et des unités chargées de la garde de ces camps, Heydrich
était le pourvoyeur de ces camps. Il pouvait ordonner l'exécution
des personnes internées dans les camps.
On le voit, les pouvoirs de Heydrich étaient immenses. Mais il
en voulait encore plus.
Heydrich était un parfait technocrate qui n'avait qu'un dieu
: la puissance pour la puissance.
Laissant Himmler divaguer dans ses bavardages pseudo-philosophiques
et comme Frick ne s'intérressait plus beaucoup au RSHA, Heydrich
en profita pour asseoir son pouvoir.
Ceux qui doutaient de sa puissance l'apprirent à leurs dépends.
Ainsi, Gisevius, qu'il détestait, s'entendit dire "sachez
que je peux poursuivre tous mes ennemis, même dans la tombe."
Heydrich faisait montre d'une cruauté absolue. Les plus féroces
tortionnaires de la Gestapo apprirent à le connaître et
tremblèrent devant lui. Cette brute effeminée battit les
pires tueurs sur leur propre terrain.
Bien que Hitler avait interdit toute enquête sur les dirigeants
nazis, Heydrich entreprit de réunir des documents sur un bon
nombre de ces dirigeants, y compris Hitler et Himmler.
Dans ses services, ses subordonnés ne prononçaient jamais
son nom, mais l'appelaient "C", drôle de diminutif ou
pseudo. Heydrich était incapable de regarder ses interlocuteurs
dans les yeux. Malgré ses instincts de fauve, il était
incapable de frapper ses adversaires de face.
Mais il était spécialiste de l'intrigue.
Deux mots pourraient définir Heydrich, ce redoutable solitaire
: l'Ambition et la cruauté.
En novembre 1939, Naujocks, homme de main de Heydrich, organise l'enlèvement,
à Venlo, de deux responsables de l'Intelligence Service, Best
et Stevens. Quelques semaines plus tard, des avions britanniques saupoudrèrent
l'Allemagne du nord de fausses cartes d'alimentation.
En représailles, Heydrich ordonna d'innonder l'Angleterre de
faux billets de livres sterling pour porter atteinte à la monnaie
britannique. Des centaines de milliers de ces "vrais" faux
billets circulèrent sur les marchés financiers.
En septembre 1941, Heydrich est nommé "Reichsprötektor"
de la Bohême-Moravie en remplacement du faible baron von Neurath.
Il va se partager entre Berlin et Prague. La terreur arrivait en Tchécoslovaquie.
Le 20 janvier 1942, dans un hôtel bordant le lac de Wannsee, à
la demande de Goering, Heydrich organise une réunion au sommet
concernant "la solution finale du problème juif". Le
sort de 11 000 000 de juifs vient d'être décidé.
Eichmann en est chargé de son organisation et de son exécution.
Le 18 mai 1942, une réunion au sommet est organisée à
Prague entre les services de l'Abwehr (Canaris) et le SD au sujet de
l'affaire Thümmel. Thümmel était un allemand du Reich,
qui depuis 1939, était le chef de l'Abwehr à Prague et
trahissaot au profit du SR Tchèque. Un accord devait être
finalisé le 27 mai 1942, à Prague, accord qui permettait
au SD de s'accaparer les services de l'Abwehr. Canaris avait perdu.
Cet accord ne fut jamais signé et pour cause. Le 27 mai 1942,
Heydrich est victime d'un attentat dans les rues de Prague.
Le Reichsprötektor meurt le 4 juin 1942.
Dès l'annonce du décès, Himmler se rendit directement
à l'hôpital de Prague.
La première chose qu'il demanda à une infirmière
était : "où sont les vêtements de Heydrich".
Himmler fouilla la veste et y prit un petit trousseau de clefs qu'il
mit dans sa poche. C'étaient les clefs du coffre fort personnel
d'Heydrich, coffre qu'il n'avait jamais ouvert devant quelqu'un.
Heydrich eut des funérailles nationales au son de la musique
de Wagner.
Hitler fit l'éloge du disparu : "Il était un des
plus grands soutien de notre idéal. C'était vraiment un
homme au coeur de fer".
Heydrich fut bien l'homme le plus redoutable du IIIème Reich.
Nul doute que s'il avait été pris par les alliés,
il aurait figuré à la première place de la liste
des criminels de guerre.