La
cité d'Aix-la-Chapelle (Aachen en allemand-par commodité
j'emploie ce terme dans le récit) est située au nord-ouest
de l'Allemagne, à quelques kilomètres seulement de la
frontière avec la Belgique et les Pays-Bas. Elle est à
cheval sur un des deux axes historiques d'avancée entre la France
et l'Allemagne. Pendant la Seconde guerre mondiale, Aix-la-Chapelle
fut la première grande ville allemande à être directement
attaquée par les forces terrestres alliées. La ville n'était
pas, pourtant, d'une importance capitale pour la défaite de l'Allemagne
nazie. C'est seulement par hasard, pourrait-on dire, que les soldats
alliés se retrouvèrent impliqués eux-mêmes
dans des combats de rues à l'intérieur de cette vieille
cité.
La
campagne qui mena à Aachen commença avec le débarquement
en Normandie du 6 juin 1944, l'opération Overlord. La mission
de cette force multinationale sous le commandement du général
Dwight D. Eisenhower était "d'entreprendre les opérations
visant le coeur de l'Allemagne et la destruction de ses forces armées"
.
La
progression initiale visant cet objectif fut lente, en raison des efforts
frénétiques des Allemands pour contenir, voire éliminer
la tête de pont alliée en France. Après une bataille
d'attrition prolongée en Normandie, les Alliés lancèrent
le 25 juillet l'opération Cobra, un assaut délibéré
pour percer hors du secteur où ils étaient confinés.
Les Allemands, qui avaient prévu partout un cordon défensif,
manquèrent de moyens pour prévenir cette percée
qui se transforma en poursuite. Durant le mois d'août, les forces
sous le commandement d'Eisenhower libérèrent la plus grande
partie du nord-ouest de la France, la Belgique et le Luxembourg. Le
plan d'Eisenhower pour la nouvelle phase de la campagne prévoyait
une double percée, avec le 21ème groupe d'armées
britannique sur la gauche et le 12ème groupe d'armées
américain sur la droite. Ce dernier, commandé par le Lieutenant
General Omar Bradley, devait débouler de France en Allemagne
par le biais du "corridor de Metz", en Lorraine. Le groupe
d'armées britannique, sous les ordres du Field Marshal Bernard
Law Montgomery, fournirait l'effort principal. Les plans préparés
avant l'invasion prévoyaient que ce groupe devait passer de Liège
à Cologne à travers le « corridor d'Aachen ».
Il pourrait ainsi traverser le Rhin et s'emparer de la région
vitale de la Ruhr, capture qui détruirait de manière effective
toute capacité allemande de poursuivre la guerre. L'axe d'Aachen
ne constituait pas la route la plus directe entre la Normandie et la
Ruhr, mais il avait l'avantage de se trouver dans le rayon d'action
des bases aériennes en Angleterre et d'être à proximité
des ports britanniques sur la Manche. Si les Alliés avaient respecté
à ce plan, Aachen se serait trouvée sur le chemin des
Britanniques, et non des Américains.
Les
circonstances de la guerre bouleversent souvent les plans les plus établis,
et la campagne contre l'Allemagne n'échappe pas à la règle.
La rapidité de l'avance alliée à travers la France
devança la création d'une base de support logistique systématique,
rendant essentiel le fait que les Alliés capturent rapidement
les ports le long des côtes de la Manche en France et en Belgique.
Une autre demande imprévue fut la capture de ces mêmes
secteurs côtiers, d'où les Allemands procédaient
au lancement de bombes volantes sans pilotes, connues sous le nom de
V-1, contre la Grande-Bretagne. En accord avec cette stratégie,
les forces alliés traversèrent d'abord la Seine, et Eisenhower
déplaça la zone de progression du 12ème groupe
d'armées plus au nord. Pour maintenir le contact avec les forces
britanniques, Eisenhower divisa le groupe d'armées en deux, et
la 1st US Army passa au nord des Ardennes, en couverture du flanc droit
des Britanniques. La 3rd US Army progressait seule en Lorraine. Cette
décision plaçait Aachen dans la zone d'opérations
de la 1st US Army du Lieutenant General Courtney H. Hodges.
Un
des développements ultérieurs de cette poursuite dictée
par les circonstances serait que les Américains se retrouveraient
eux-mêmes impliqués en combat dans Aachen. La 1st US Army
avançait au nord-est de la Seine avec trois corps -le XIXème
à gauche, le Vème au centre et le VIIème à
droite. Le VII Corps, commandé par le Major General J. Lawton
Collins, était en avance par rapport à ses deux homologues
situés à sa gauche. Comme la poursuite s'étirait,
un grand corps de troupes allemandes se retrouva devant les XIX et V
Corps. Ces troupes étaient les restes des 7ème et 15ème
armées allemandes qui refluaient en désordre vers l'Allemagne.
Le 1er septembre, Hodges ordonna à Collins de faire pivoter son
corps d'armée de 90° sur la gauche dans une tentative pour
piéger les troupes allemandes ramassées le long des deux
autres corps américains. Sur ce principe, le VII Corps fit mouvement
vers le nord, atteignit Mons en Belgique et le 3 septembre s'installa
pour barrer la route aux ennemis en retraite. Après la course
des derniers jours, des éléments d'une vingtaine de divisions
allemandes foncèrent tête baissée dans le piège.
La "poche de Mons" donna aux Alliés quelques 25 000
prisonniers allemands. En exécutant son mouvement vers le nord,
le VII Corps bouscula son voisin, le V Corps, et devint le corps central
de la 1st US Army. Lorsque l'avance vers l'est reprit, le VII Corps
se trouva lui-même sur la route d'Aachen.
Le
VII Corps de Collins traversa la frontière allemande le 12 septembre.
Aachen, située seulement à 16 km, était virtuellement
ville ouverte. Pourtant, la ville n'était alors pas encore un
objectif. Assumant le fait que l'armée allemande était
battue, et que la poursuite à l'intérieur de la France
et de la Belgique se poursuivrait en Allemagne, la 1st US Army devait
contourner Aachen dans le but d'atteindre le Rhin, à une cinquantaine
de km. En fait, la poursuite était tout ce dont la 1st US Army
était capable avant d'atteindre le point de rupture. Elle était
entrée en Allemagne 233 jours avant les plans établis
pour le soutien logistique. L'équipement et les ravitaillements
étaient proches de l'épuisement. Au sein du VII Corps,
la 3rd US Armored Division était tombée au tiers de son
équipement normal de 230 chars moyens. Le ravitaillement pour
l'armée devait être acheminé par des camions roulant
depuis la Normandie, une procédure qui avait largement cessé
d'être efficace (les camions transportant le ravitaillement pour
le 12th US Army Group consommaient autant d'essence qu'une des deux
armées de campagne). Au sein de la 1st US Army, le XIX Corps
fut à court d'essence dès le 9 septembre et resta en arrière
dans la course vers la frontière. En ce jour où le VII
Corps entrait en Allemagne, la 1st US Army devait compter uniquement
sur des rations capturées pour nourrir les troupes. Avec une
priorité mise sur l'acheminement du carburant afin de continuer
la poursuite, la 1st US Army se trouvait contrainte de rationner les
munitions jusqu'à la mi-octobre. La crise logistique fut un peu
atténuée lorsque le service du chemin de fer se mit en
place à Liège, en Belgique, le 18 septembre, mais il se
passera encore des mois avant que la situation de l'approvisionnement
ne soit complètement résolue.
De
plus, la 1st US Army était dangereusement étirée.
Elle avait atteint la frontière allemande sur un front de près
de 130 km, à l'intérieur duquel le VII Corps en tenait
plus de 30. La doctrine de l'époque prescrivait un front de 8
à 16 km pour une unité de la taille du VII Corps. La 1st
US Army n'avait aucune réserve. Des lignes de front si étendues
avaient pu être un avantage durant la phase de poursuite, mais
les Alliés étaient sur le point de comprendre que celle-ci
touchait à sa fin. L'armée allemande, toujours mordante,
était en voie de reconstitution après sa défaite
en France. Déterminés à défendre leur patrie,
les soldats allemands pouvaient se réjouir de compter sur une
ligne fortifiée, le Westwall, connu par les Alliés sous
le nom de Ligne Siegfried.
Le
Westwall était un ensemble de quelques 3 000 pillboxes, bunkers,
et postes d'observation s'appuyant mutuellement et couvrant toute la
frontière occidentale de l'Allemagne. Sa construction avait débuté
en 1936, après que la Wehrmacht eut réoccupée la
Rhénanie, en violation du traité de Versailles censé
mettre fin à la Grande guerre. L'effort de construction s'intensifia
en 1938 avec la crise de Munich. Après la conquête allemande
de la France, en 1940, le Westwall avait été laissé
à l'abandon et son état se détériora rapidement.
Pourtant, il fut un atout supplémentaire dans les combats, pour
les défenseurs.
Les
Allemands n'ont jamais cru que le Westwall pourrait stopper à
lui seul un envahisseur. Son but était de retarder l'attaquant
jusqu'à ce qu'une force mobile de contre-attaque puisse intervenir.
Dans un sens, c'est ce qu'espérait Adolf Hitler en 1944. Il ordonna
que les Alliés soient contenus sur le Westwall le temps nécessaire
pour amasser des forces suffisantes afin de lancer une contre-offensive
majeure à travers les Ardennes. Cette offensive, appelée
par les Américains Battle of the Bulge (bataille du Saillant),
eut finalement lieu au mois de décembre.
Aachen
était, pour des raisons pratiques, une constituante du Westwall.
La cité était tapie entre deux ceintures de bunkers et
d'obstacles, l'une à l'ouest, l'autre à l'est. Le secteur
d'Aachen était en fait une des portions les plus lourdement fortifiées
du Westwall. Aachen elle-même, pourtant, n'était pas fortifiée.
Il n'y avait rien à dire pour recommander d'en faire un champ
de bataille, selon les perspectives allemande ou américaine.
En tant que position défensive, Aachen était vulnérable
par le fait qu'elle reposait dans une dépression environnée
de hauteurs sur tous les côtés. Du point de vue américain,
Aachen n'était pas un objectif de valeur. Le maillage routier
existant rendait parfaitement faisable le contournement de l'ensemble
de la zone urbaine. Bien qu'Aachen recèle quelques industries
et des mines de charbon, elle n'était nullement vitale à
l'effort de guerre allemand. De plus, des raids aériens alliés
massifs avaient déjà endommagé ou détruit
la moitié des constructions de la ville. Sa population d'avant-guerre
de 165 000 personnes était tombé à moins de 20
000 en septembre 1944. Une évacuation mandatée des civils,
ordonnée par Hitler lui-même, déplaça l'essentiel
du reliquat. A la lumière de ce qui s'est finalement passé,
il semble ironique que le jour où le VII Corps entrait en Allemagne,
les Américains prévoyaient de contourner Aachen, alors
que le commandant allemand de la place, quant à lui, escomptait
céder la ville sans combat.
Mais
Adolf Hitler avait de toutes autres intentions. Il ne voulait laisser
aucune ville allemande à l'ennemi, particulièrement celle
d'Aachen chargé d'un tel poids symbolique. L'histoire d'Aachen
remontait à l'époque romaine, où elle était
connue sous le nom latin d'Aquisgranum. Le nom romain dérivait
des nombreuses sources thermales minérales situées là,
que les Romains transformèrent en thermes. Les qualités
médicinales supposées des bains d'Aachen continuèrent
d'attirer des visiteurs jusqu'au XXème siècle. En plus
de cela, Aachen était la capitale de l'empire européen
de Charlemagne au début du Moyen-Age et lieu de couronnement
officiel du Saint Empire Romain Germanique de 813 à 1531. Hitler,
qui avait baptisé son régime du nom de IIIème Reich,
considérait le Saint Empire fondé par Charlemagne comme
le Ier Reich. Il n'était pas question d'abandonner Aachen à
l'envahisseur.
En
tant que champ de bataille, la cité d'Aachen comportait en 1944
trois types de terrains urbains. Le coeur de la cité regroupait
les restes du Moyen-Age, avec des rues sinueuses et des bâtiments
très resserrés. Les constructions en maçonnerie
étaient prépondérantes. Plus au nord, sur un terrain
en hauteur, on trouvait les sources minérales et les hôtels
attenants construits alentour. Ici les rues étaient plus larges
et plus rectilignes et le gros de la zone consistait en parcs boisés
à côté des lieux de villégiature. Entourant
le centre-ville et le secteur "balnéaire" se trouvait
une zone industrielle avec des usines, des mines de charbon et des zones
résidentielles. Les soldats américains qui combattirent
en définitive à l'intérieur d'Aachen eurent l'avantage
de bénéficier d'excellentes cartes (obtenues en France)
et grâce à la supériorité aérienne
alliée, de photos aériennes. Bien que champ de bataille
complexe, Aachen n'en était pas un mystérieux.
La
bataille d'Aix-la-Chapelle commença le 12 septembre avec de chaque
côté, le désir de s'emparer ou de tenir la cité
elle-même. A cette date, le VII Corps commença une pénétration
du Westwall au sud de la ville dans l'espoir de percer rapidement à
travers la plaine de Cologne et au-delà. Au 15 septembre, des
éléments des 1st US I.D. et 3rd Armored Division avaient
achevé la pénétration, mais la progression était
lente et les pertes conséquentes. Même tenues par des troupes
de seconde ligne, les fortifications du Westwall représentaient
un formidable rempart. Le mauvais temps entrava en outre le rush américain.
Le terrain gorgé d'eau limitait les possibilités de mouvement
en dehors des routes, et le temps nuageux fournit aux Allemands l'opportunité
de renforcer le secteur d'Aachen sans interférence de l'aviation
alliée. Les officiers du renseignement américain notèrent
l'arrivée des premiers renforts dès le 14 septembre. Le
17, les Allemands étaient assez forts pour commencer à
monter des contre-attaques.
Le 16 septembre
1944, un M4 Sherman franchit les dents de dragon de la ligne Siegried
près
d'Aix-la-Chapelle.
Avec
une progression freinée par la résistance allemande, le
mauvais temps, et les problèmes logistiques, le haut-commandement
américain reconnut que la poursuite était terminée.
Le 22 septembre, la 1st US Army passa sur la défensive. Le 24,
le Rhin cessa d'être un objectif immédiat. A la place,
la 1st US Army jugea nécessaire de réduire Aachen, qui
constituait désormais un dangereux saillant sur le flanc gauche
du VII Corps et de sa percée dans le Westwall.
Lorsque
la 1st US Army reprit sa marche une semaine plus tard, la première
tâche fut d'encercler Aachen. Le 2 octobre, le XIX Corps lança
un assaut délibéré sur le Westwall au nord de la
ville. 26 bataillons d'artillerie et 432 appareils d'appui tactique
pilonnèrent les positions allemandes, à la suite de quoi
la 30th I.D. attaqua vers l'est, forçant un passage sur la rivière
Wurm et entrant dans le Westwall. Ni les préparations d'artillerie
ou celle aérienne n'eurent d'impact sur les constructions du
Westwall, et l'infanterie, tronçonnée en petites équipes,
dut donc réduire un par un les bunkers à la grenade, à
la charge explosive et au lance-flammes. La 2nd US Armored Division
commença de passer dans la tête de pont lentement élargie
le 3 octobre. Au 6 octobre, la 30th US I.D. avait investi le Westwall
et obliqué vers le sud, avec la 2nd US Armored Division faisant
face à l'est pour couvrir son flanc gauche. La réaction
allemande à cette incursion fut vigoureuse mais désordonnée.
Des contre-attaques violentes et décousues commencèrent
le 4 octobre. Parmi les unités envoyées contre la 30th
US I.D. se trouvait un régiment de grenadiers amoindri retiré
de la garnison d'Aachen.
Le
7 octobre, la 1st US Army ordonna à la 1st US I.D. d'attaquer
au nord en direction de sa collègue la 30th I.D, formant ainsi
la mâchoire sud de la tenaille. Le 18th Infantry Regiment, qui
mena l'assaut, assaillit latéralement le Westwall à travers
un terrain industriel et suburbain. L'unité forma des équipes
anti-pillboxes disposant de lance-flammes, de torpilles Bangalores et
de charges de démolition. Le régiment fut renforcé
par une batterie de canons autopropulsés de 155 mm, une compagnie
de Tank Destroyers et une autre de M4 Sherman. Un officier de liaison
avec l'aviation accompagnait chaque bataillon. 11 bataillons d'artillerie
et une compagnie de mortiers de 4,2 inches appuyèrent l'assaut.
La mission du 18th était d'avancer d'environ 5 km et de s'emparer
de trois collines qui se succédaient sur sa route. La première
d'entre elles, Verlautenheide, tomba lors d'une attaque avant l'aube
le 8 octobre qui suivit de près un intense bombardement à
l'artillerie lourde. Dans l'après-midi du même jour, le
18th s'empara de la deuxième hauteur, baptisée Crucifix
Hill, avec la même tactique : attaque suivant de près la
fin de la préparation d'artillerie. Pour l'attaque de la troisième
et dernière colline, le 18th changea de tactique. Dans la nuit
du 9 octobre, deux compagnies infiltrèrent les lignes ennemies
à travers les pillboxes et prirent position sur Ravel's Hill
sans tirer un coup de feu. Après un nettoyage effectué
en contournant les positions ennemies, le 18th se retrancha et attendit
l'arrivée de la 30th I.D. venant du nord.
Avec
les Américains soigneusement perchés sur Ravel's Hill,
le fossé entre la 1st I.D. au sud et la 30th I.D. au nord était
large de moins de 2 km. Pourtant, des renforts allemands continuaient
d'affluer. Le LXXXI. Korps du général Friedrich J. Koechling,
défendant le secteur d'Aachen, commença à recevoir
des troupes du I. SS-Panzerkorps qui comprenait l'incomplète
3. Panzergrenadier Division et la 116. Panzerdivision. La mission de
Koechling était d'annihiler les infiltrations américaines
dans le Westwall. Pourtant, la pression des événements
le força à lancer les unités arrivées par
petits paquets, de manière saccadée, plutôt que
de les regrouper en vue d'une plus grande contre-offensive. En conséquence,
les deux divisions d'infanterie américaines étaient capables
de repousser toutes les attaques et de supporter les tirs d'artillerie,
mais seulement si elles pouvaient compter sur un appui-feu terrestre
et aérien solide. La 30th I.D. mit une semaine pour combler l'écart
la séparant de sa soeur.
A
la suite de cette jonction, la 1st US Army décida de procéder
à la réduction d'Aachen elle-même, bien que l'encerclement
fut incomplet. La 1st US Army en arriva à cette décision
non pas par désir de s'emparer de la ville, mais à cause
d'un besoin de raccourcir les lignes et pour libérer les troupes
encerclant la ville afin de les employer à contrer les forces
allemandes arrivant de l'est. Dans l'essence, la réduction d'Aachen
était un objectif secondaire. Le principal effort de la 1st US
Army était la bataille d'encerclement à l'est de la cité.
Cela étant le cas, les seules forces disponibles pour s'emparer
immédiatement d'Aachen étaient deux bataillons de la 1st
I.D. .
Heureusement
pour les Américains, la défense du centre-ville d'Aachen
était également une priorité secondaire pour les
Allemands, qui se sentaient plus concernés par l'élimination
des percées américaines dans le Westwall au nord et au
sud de la ville. La garnison d'Aachen proprement dite consistait avant
tout en la 246. Volksgrenadier Division, amputée de 4 de ses
7 bataillons d'infanterie. Les Volksgrenadier Divisionen, qui apparurent
pour la première fois dans l'ordre de bataille allemand à
l'automne 1944, étaient des divisions hâtivement constituées,
pour la plupart avec des survivants d'unités brisées dans
diverses batailles. Ces unités n'avaient pas une dotation standard
complète en artillerie, mais étaient abondamment pourvues,
à titre de compensation, en armes automatiques. Le commandant
de la 246. V.G. D. était le colonel Gerhard Wilck. Ce dernier
avait également sous ses ordres deux bataillons de forteresse
(troupes statiques formées avec du personnel de seconde ligne),
quelques éléments de personnels au sol de la Luftwaffe
et 125 policiers locaux. Pour appuyer son infanterie, Wilck disposait
aussi de 5 Panzer IV armés d'un canon à haute vélocité
de 75 mm, et de 32 pièces d'artillerie de calibres compris entre
75 et 150 mm. L'arme la plus dangereuse dans l'arsenal de Wilck était
sans doute le Panzerfaust, une arme antichar sans recul délivrant
un obus à charge creuse capable de percer 20 cm de blindage.
Le principal défaut du Panzerfaust était sa faible portée
-30 à 80 m- mais dans un combat urbain rapproché, il pouvait
se révéler mortel.
Wilck
prit le commandement à Aachen le 12 octobre, un jour seulement
avant l'assaut sur la ville. Il établit son QG dans le luxueux
hôtel Quellenhof, situé dans la zone de villégiature
du côté nord de la ville. La position de Wilck n'était
pas très enviable. Hitler lui avait ordonné de défendre
Aachen jusqu'à la dernière extrémité, et
Wilck était conscient que les soldats qui failliraient à
leur devoir verraient leurs familles poursuivies par la Gestapo. Pourtant,
ces forces groupaient seulement 5 000 hommes de qualité inégale,
si l'on excepte les renforts pouvant arriver au cours de la bataille.
Bien
qu'il ne le sache pas, Wilck surclassait les Américains en nombre
dans un rapport de 3 à 4 contre 1. De plus, les deux bataillons
de la 1st I.D. chargés de réduire la ville d'Aachen n'avaient
aucune expérience du combat urbain. Au mieux, ils avaient entendu
des récits de combats urbains livrés par d'autres unités
dans le bouche-à-oreille, et ce n'était guère rassurant.
La
doctrine officielle s'avérait de peu de secours pour ces hommes.
Le mieux que fournissait les manuels de campagne existants était
quelques pages sur le combat urbain dans les villes et les villages.
Il n'y avait aucune référence pour les grandes agglomérations.
De plus, ces manuels indiquaient clairement que l'attaque frontale était
la moins bonne des solutions en regard de cet objectif. Ils recommandaient
d'envelopper la ville ou de l'éviter.
D'un
autre côté, la doctrine officielle présentait une
bien pâle figure du type de défense que l'on pouvait rencontrer
dans une zone bâtie. Les manuels proclamaient que l'ennemi défendrait
la ville en profondeur, et que les bâtiments et en particulier
les greniers seraient fortifiés pour en faire des points forts
capables de riposter à une attaque tous azimuts. Peut-être
le passage le plus utile de ces manuels était celui avertissant
que les rues seraient balayées par les tirs, et que le meilleur
moyen de progresser pour l'infanterie était de sauter de bâtiment
en bâtiment en perçant des trous dans les murs.
Comme
les tactiques employées de nos jours, les manuels évoquaient
des procédures méthodiques et intensives d'appui-feu.
Les opérations étaient par nécessité décentralisées,
vu le manque d'observation. Les unités devaient avancer par bonds,
réduisant un par un les points forts par des bombardements d'artillerie
suivis de près par des assauts de l'infanterie. De fréquentes
haltes le long des lignes de phase (les rues principales) seraient nécessaires
pour restaurer le contact entre unités adjacentes. Pour les tanks,
la doctrine suggérait de manière inutile que "des
opportunités se présenteront d'elles-mêmes fréquemment
où le soutien des chars s'avérera crucia" .
Certains
arguent que la doctrine de l'US Army était exacte sur les grandes
lignes, mais il était clair que les troupes américaines
assaillant Aachen auraient à apprendre leur tâche sur le
tas. Un facteur travaillant en faveur des Américains était
que l'unité chargée de cette opération était
une des plus expérimentées de toute l'armée américaine.
Le 26th Infantry Regiment de la 1st I.D., commandé par le colonel
John F.R. Seitz, était au front depuis le débarquement
en Afrique du Nord du 8 novembre 1942. Deux des trois bataillons du
régiment étaient disponibles pour la réduction
d'Aachen : le 2nd, commandé par le lieutenant-colonel Derrill
M. Daniel, et le 3rd du lieutenant-colonel John D. Torley. Partant du
principe que les défenses allemandes d'Aachen seraient orientées
au sud, où les Américains étaient en position depuis
plus d'un mois, le commandant de la 1st I.D., le Major General Clarence
R. Huebner décida de déplacer ces deux bataillons vers
l'est et de les faire attaquer sur un axe est-ouest. Le 1106th Engineer
Combat Group, constitué de deux bataillons, reçut pour
mission de tenir le périmètre au sud d'Aachen tandis que
l'attaque traverserait son front.
Le colonel Seitz assigna au 2/26 le nettoyage du coeur d'Aachen. A sa
droite, le 3/26 était chargé de l'effort principal, devant
prendre les hauteurs de la face nord de la cité, le Salvatorberg
et le Lousberg. Les deux bataillons reçurent des ordres pour
déplacer tous les civils rencontrés.
Les Américains espéraient qu'aucun Allemand, civil ou
militaire, ne resterait derrière leurs lignes et ils avancèrent
à travers la ville.
Du
8 au 12 octobre, les deux bataillons se frayèrent un chemin pour
atteindre leurs positions à l'est et au sud-est d'Aachen, saisissant
l'opportunité pour se familiariser avec les techniques et les
tactiques du combat urbain pendant leur avance. A la tombée de
la nuit, le 12 octobre, le 2/26 arriva au pied du remblai de la ligne
de chemin de fer Aachen-Cologne. A sa droite, le 3/26 occupa ses positions
de départ dans la zone industrielle juste à l'est d'Aachen
proprement dite.
Dans
le même temps, le 10 octobre, Huebner envoya un ultimatum à
la garnison d'Aachen, lui donnant 24h pour se rendre. Lorsque celui-ci
expira le 11, les Américains débutèrent un bombardement
préparatoire de deux jours sur la cité. 12 bataillons
d'artillerie du VII Corps et de la 1st I.D. expédièrent
4 800 obus sur la ville le premier jour, tandis que 4 groupes aériens
du IXth Tactical Air Command, totalisant quelques 300 chasseurs-bombardiers,
larguèrent 62 t de bombes. Le 12, ce furent 5 000 coups et 99
t de bombes qui tombèrent sur Aachen. Il est improbable que cette
démonstration de puissance de feu ait eu un quelconque impact
sur les défenseurs, qui s'étaient de longue date réfugiés
dans les sous-sols, les bunkers, les abris anti-aériens et autres
positions sûres.
Le
1106th Engineer Combat Group, surplombant Aachen de ses lignes en hauteur
au sud de la ville, fit sa propre contribution, unique en son genre,
au tir de préparation. Les sapeurs bourrèrent des tramways
avec des explosifs capturés, leur attachèrent des fusées
à retardement, et les jetèrent du haut de la colline sur
les pentes menant au centre-ville. Le 1106th fabriqua trois de ces engins,
qu'ils affublèrent du titre de "V-13". Le premier explosa
prématurément, et le second dérailla en butant
sur l'épave du premier. Après qu'une patrouille ait nettoyé
avec succès les rails, le troisième engin fut lancé
dans la cité, explosa de manière retentissante, sans dommage
pour la garnison semble-t-il.
Dans
l'analyse de la réduction d'Aachen elle-même, il est important
de souligner que les deux bataillons américains impliqués
firent face à différents défis et menèrent
différentes batailles. Pour des buts analytiques, il est plus
logique de traiter chacun séparément.
Le
2/26, ayant mission de nettoyer la partie la plus dense de la vieille
ville, conduisit une opération urbaine méthodique et spécialisée.
Par chance, le Lt Col. Daniel, commandant du bataillon, écrivit
un récit détaillé après les guerre des méthodes
employées. Ses préparatifs commencèrent avec une
reconfiguration de son bataillon qui intégra les armes de combat
d'unités de faible ampleur. Chaque compagnie de fusiliers devint
une Task Force. En plus des trois sections de fusiliers et de la section
de soutien (mitrailleuses légères et mortiers de 60 mm)
organiques de la compagnie, Daniel ajouta 3 chars ou TD que la compagnie
dispatchait ensuite au sein des sections. Les tanks M4 Sherman pesaient
environ 35 t, étaient équipés d'un canon de 75
mm pouvant tirer des obus AP, HE et au phosphore. Les TD étaient
les M10, basés sur le M4, embarquant une pièce à
haute vélocité de 76 mm largement estimée pour
son habilité à percer murs et fortifications. Il est à
noter que M4 et M10, longs d'environ 6 m et larges de 2,70 m, étaient
assez petits pour évoluer même dans un environnement urbain
assez étroit. Daniel attribua également à chaque
compagnie de fusiliers deux canons antichars de 57 mm, tirés
de la compagnie antichar régimentaire, deux équipes de
bazookas, un lance-flammes, et deux mitrailleuses lourdes (cal. 30 à
refroidissement par eau, capables de tirer en continu).
Chacune
des compagnies du 2/26 était assignée à une zone
de progression, au sein de laquelle chaque section, accompagnée
de son char ou de son TD, recevait une rue précise à nettoyer.
Utilisant les cartes détaillées à sa disposition,
Daniel planifia "e système de la rougeole" (sic) dans
lequel toutes les intersections et les bâtiments éminents
étaient dénombrés pour accélérer
les communications et assurer la coordination entre les éléments
du bataillon. Daniel ordonna par la suite qu'une liaison sûre
et constante devait être maintenue entre les unités adjacentes
en permanence. Lorsque les unités avançaient, Daniel définissait
des arrêts à des check-points désignés pour
le rétablissement du contact sur toute la ligne. Les opérations
offensives s'arrêtaient au crépuscule le long des lignes
de phase prévues (les rues principales) pour éviter la
confusion et la perte d'observation inhérentes au combat nocturne.
La
logistique posa des problèmes particuliers pour le 2/26. Anticipant
d'importantes dépenses de munitions, Daniel improvisa un bataillon
mobile de dépôt de munitions qui gardait l'allure de ses
compagnies de pointe.
Pour
faciliter les évacuations médicales dans les rues encombrées
de gravats, Daniel débaucha quelques transporteurs M29, appelés
"Weasels". Ces petits véhicules polyvalents étaient
entièrement chenillés et mesuraient 3,50 m de long et
1,65 m de large, mais pouvaient transporter une charge de près
de 550 kg.
Le
13 octobre commença la réduction d'Aachen, avec deux bataillons
faisant mouvement de manière simultanée mais attaquant
séparément.
Le premier obstacle auquel fut confronté le 2/26 fut le remblai
de la voie de chemin de fer, de 3 à 6 m de hauteur qui courait
du sud-ouest au nord-est le long du front du bataillon. 3 bataillons
d'artillerie délivrèrent un tir de préparation
de 23 minutes sur l'autre bord du remblai, mais la zone en question
étaient laissée sans défense. Le remblai demeurait,
pourtant, un problème pour le passage des chars et des autres
véhicules. Deux blindés parvinrent malgré tout
à le franchir, quand on découvrit que les véhicules
pouvaient rouler tout droit à travers une station de chemin de
fer construite sur le remblai, une fois que quelques murs eurent été
mis à bas. Après le nettoyage du remblai, les deux compagnies
d'assaut pivotèrent à gauche et firent face vers l'ouest.
La 3ème compagnie du 2/26 suivait derrière, prête
à prendre sa place dans la ligne.
Avec
un front de quelques 2 000 m (deux à quatre fois la longueur
recommandée par la doctrine officielle) et aucune réserve,
le 2/26 comptait sur sa patience, sa minutie et sa puissance de feu
pour maintenir son avance. Le leitmotiv du bataillon dans cette opération
était "Knock'em all down". Il n'y avait aucune tentative
pour éviter les dommages collatéraux ; en fait, les troupes
montraient un grand degré d'enthousiasme en ruinant une ville
allemande. De manière plus pragmatique, Daniel pensait que les
Allemands ne pourraient pas espérer combattre efficacement avec
un tintamarre d'immeubles s'affaissant en permanence près de
leurs oreilles. De manière générale, la procédure
de Daniel était d'utiliser toute la puissance de feu disponible
pour clouer au sol les défenseurs et les refouler dans les greniers,
où l'infanterie les attaquait et les éliminait à
la baïonnette et à la grenade.
"Knock'em
all down" débutait avec un barrage d'artillerie. L'artillerie
lourde mettait à mal les lignes de communication allemandes pour
isoler le champ de bataille. L'artillerie moyenne et les mortiers pilonnaient
l'arrière immédiat du front. Les artilleurs employaient
des fusées à retard pour s'assurer que les obus pénètrent
les bâtiments avant d'exploser. L'artillerie de corps et de division
était déployée au sud de la ville, autorisant celle-ci
à appuyer l'avance des troupes de manière parallèle
au front. Avec le danger de « friendly fire » ainsi diminué,
les artilleurs étaient capables d'ajuster leurs tirs à
quelques mètres près des lignes de l'infanterie. Pourtant,
depuis que la bataille d'encerclement faisait rage, les forces combattant
dans Aachen ne purent pas compter sur un soutien d'artillerie permanent.
Les
chars et TD assignés aux sections étaient, d'un autre
côté, des sources toujours présentes d'appui-feu
mobile. Les troupes américaines, bien conscientes du danger que
représentait les Panzerfaüsts en combat urbain, développèrent
des tactiques d'armes combinées dans lesquelles l'infanterie
protégeait les chars des Panzerfaüste tandis que les chars
engageaient les points fortifiés qui entravaient l'infanterie.
Les sections maintenaient généralement leur char une rue
en arrière de celle en train d'être sécurisée.
Le char ou le TD s'avançait prudemment autour du coin de rue
et fournissait un tir sur un bâtiment précis. Ainsi l'infanterie
pouvait investir le bâtiment tandis que le blindé reportait
son tir sur celui jouxtant le premier. Une fois que le bloc avait été
systématiquement ratissé, toutes les armes disponibles
faisaient feu sur les positions éventuelles visibles de tireurs
au Panzerfaust, pendant que le blindé se ruait en avant dans
la rue juste nettoyée.
En
ce qui concerne l'infanterie, les sections de fusiliers restaient dans
les rues le moins longtemps possible. Les mitrailleuses lourdes fournissaient
un feu continu dans les rues tout au long de l'avance, gênant
ainsi les mouvements allemands latéraux, tandis que l'infanterie
américaine passait de bâtiment en bâtiment en pratiquant
des brèches dans les murs mitoyens avec des bazookas et des charges
de démolition. Le mode préféré pour nettoyer
les immeubles étaient de progresser du haut vers le bas, la grenade
étant alors une arme de choix.
Le
2/26 élimina chaque position allemande rencontrée, n'en
contournant intentionnellement aucune. Toutes les bouches à égout
furent scellées pour prévenir la réoccupation de
positions derrière les lignes américaines. En accord avec
les ordres donnés par le haut-commandement, tous les civils rencontrés
furent évacués de la ville.
Comme
le combat progressait le 14 octobre, le 2/26 reçut un renfort
supplémentaire du VII Corps sous la forme d'un canon autopropulsé
de 155 mm (il en fut de même pour le 3/26 à cette date).
Cette arme tirait un projectile perforant de 43 kg à une vitesse
initiale de 840 m par seconde -une énergie cinétique suffisante
pour pénétrer tout un bloc de bâtiment. Daniel fut
averti de prendre soin de cet atout.
A
la fin de la journée, le 2/26 atteignit sa ligne de phase désignée
mais un écart subsistait entre son flanc droit et la gauche du
3/26 plus au nord. Daniel blâma le 3/26 de s'ancrer sur une mauvaise
position sur sa gauche. Heureusement, les Allemands n'exploitèrent
pas ce point faible, bien que le 2/26 perdit un de ses canons antichars
de 57 mm par un tir venu de ce trou dans la ligne.
Le
2/26 poursuivit son avance méthodique le 15 octobre. Il acheva
la liaison avec le 3/26, sécurisant ainsi son flanc droit. La
G Company, sur le flanc gauche, rencontra une structure massive de trois
étages fortifiée, qui se révéla être
un gigantesque abri anti-aérien au-dessus du sol.
Un tir de semonce du lance-flammes de la compagnie provoqua la reddition
de 200 soldats et de 1 000 civils allemands abrités derrière
la structure, aux murs épais de 5 m.
Une mitrailleuse
cal.30 dans les rues d'Aix-la-Chapelle, 15 octobre 1944, secteur du
2nd Battalion, 26th US Infantry Regiment. Photo US Signal Corps.
Au
crépuscule, les Allemands lancèrent une contre-attaque
avec une compagnie, et un soutien blindé, le long de la Hindenburg
Strasse. Le 2/26 mit deux heures à contenir l'attaque et à
restaurer sa ligne. Cette action coûta aux Américains un
TD, un canon antichar et une mitrailleuse lourde. Les Allemands laissèrent
dans l'affaire un de leurs chars et l'équivalent d'une section
d'infanterie. Ce combat se révélerait être le plus
important de ceux livrés par le 2/26 pendant la réduction
d'Aachen.
Le
matin suivant, les 1st et 30th I.D. firent enfin leur jonction à
l'est de la ville, encerclant ainsi complètement Aachen. Les
Allemands répondirent par de violentes contre-attaques, forçant
la 1st I.D. à suspendre les opérations offensives dans
la ville par mesure de précaution. Le 2/26 profita de cette pause
pour sécuriser sa position. Sur le flanc gauche du bataillon,
le 1106th Engineer fit pivoter son aile droite en avant de ses lignes
au sud de la ville pour s'aligner avec le 2/26. Le bataillon décida
aussi de s'occuper d'une pillbox repérée au bout de la
Hindenburg Strasse. Daniel amena à pied d'oeuvre son canon autopropulsé
de 155 mm dans ce but. Pour le protéger, il ordonna à
ses TD de tirer sur les rues des carrefours intermédiaires. Pour
couvrir les TD, l'infanterie sécurisa les bâtiments où
ceux-ci pouvaient être à la portée de Panzerfäuste.
Une fois en place, le 155 détruisit complètement la "pillbox",
qui s'avéra plus tard être en fait un tank camouflé.
Le
2/26 continua son avance méthodique les 17 et 18 octobre. Le
1106th Engineer Group continua de se déplacer en avant pour couvrir
le flanc du bataillon. Tandis qu'il avançait, le front du 2/26
s'élargissait au fur et à mesure. La 1st I.D. attacha
la C Company (1/26) sous les ordres de Daniel, où elle assuma
la responsabilité d'une zone sur le flanc droit.
Pendant
cette période, le 2/26 fut assailli lui-même sur ses arrières,
en dépit de toutes les précautions prises pour qu'aucun
Allemand n'ait été laissé derrière les assaillants.
Après une recherche méticuleuse, les Américains
découvrirent que le feu provenait d'un clocher d'église,
renforcé avec du béton et transformé en poste d'observation.
Cette position était protégée des tirs d'armes
légères de l'infanterie et même de ceux des canons
de 76 des TD ; Daniel rappela donc à nouveau sa pièce
automouvante de 155 mm. Un seul obus fit effondrer toute la structure
dans la rue adjacente. Cette utilisation d'un canon de 155 comme arme
anti-sniper est peut-être l'incarnation-type de "Knock'em
all down".
Le
front du 2/26 continua à s'élargir lorsqu'il pénétra
dans la partie occidentale de la ville à partir du 19 octobre.
Un autre bataillon, le 2/110 (28th I.D.), fut mis à disponibilité
"uniquement pour des missions défensives" . Cette force,
qui avait été engagée dans un combat plus précoce,
occupa un trou qui émergeait entre le 2/26 et le 1106th Engineer.
Le même jour, en opérant en coopération avec le
3/26 sur la droite, des éléments du 2/26 s'emparèrent
des basses pentes du Salvatorberg.
Le
20 octobre, l'aile droite du bataillon fut impliquée dans une
violente bataille pour l'Ecole Technique (fait inconnu des Américains,
le QG allemand d'Aachen était situé quelques pâtés
de maisons plus loin dans la zone du 3/26). Inversement, la résistance
s'effondra à la gauche du bataillon près de la lisière
occidentale de la ville. L'Ecole Technique tomba le 21 octobre, livrant
plusieurs centaines de prisonniers. Ce fut la dernière résistance
organisée rencontrée par le 2/26. Le bataillon traversa
un remblai de chemin de fer à la limite ouest de la cité
avec un barrage de grenades répété de la même
manière que lorsqu'il était entré dans Aachen.
Il était en train de sécuriser le terrain au-delà
de ce remblai, quand un message arriva annonçant que le commandant
allemand, le colonel Wilck, s'était rendu au 3/26.
Tandis
que les actions du 2/26 dans Aachen furent largement des opérations
de nettoyage face à des défenseurs faiblement organisés,
le 3/26 fit plutôt l'expérience d'une bataille rangée.
Son environnement de combat était aussi différent. A l'inverse
du terrain fortement urbanisé sur lequel combattit le 2/26, le
3/26 rencontra d'abord une zone industrielle, puis avança ensuite
dans les parcs et les lieux de villégiature qui recouvraient
les collines sur la face nord de la ville. Le contrôle de ces
hauteurs, qui surplombaient le centre-ville, était la clé
de la prise d'Aachen, un fait connu dans les deux camps. Le colonel
Wilck plaça le meilleur de ses troupes sur le chemin du 3/26.
Le
3/26 lança son attaque le 13 octobre à travers les usines
et les hôtels au nord-est d'Aachen. Bien que son front soit considérablement
plus étroit que celui du 2/26, le 3/26 avança avec ses
deux flancs dégagés. Après une progression en ligne
droite le long de la Juelicher Strasse pendant plusieurs heures, le
bataillon fut arrêté par un tir de canon de 20 mm forçant
l'infanterie à évacuer la rue, laissant ainsi deux blindés
à la merci de tirs de Panzerfaust. Un des deux fut détruit
et le second, endommagé, fut abandonné par son équipage.
Plus tard, des fantassins réussiront à faire redémarrer
le char endommagé.
Le
14 octobre, le 3/26 concentra deux de ses trois compagnies dans la réduction
d'un point fortifié allemand à l'église Ste-Elizabeth.
A la fin de la journée, des éléments avançaient
au coin de Farwick Park, à quelques îlots seulement du
QG de Wilck à l'hôtel Quellenhof. En réponse, Wilck
transporta son PC dans un abri anti-aérien à 1 200 m à
l'ouest du bâtiment. Le soir même, Wilck reçut les
seuls renforts qui lui parviendront de toute la bataille. Le bataillon
SS Rink, une force mixte d'infanterie et de 8 canons d'assaut, atteignit
la position de Wilck après s'être taillée un chemin
à travers la 30th I.D. . Bien que cette force soit déjà
sérieusement entamée, en tant qu'unité SS elle
regroupait les meilleurs hommes et les plus fanatiques que l'Allemagne
pouvait alors offrir. Wilck assigna à ce bataillon la tâche
de stopper le 3/26.
Le
jour suivant débuta bien pour le 3/26. Le bataillon acheva la
jonction avec le 2/26 sur sa gauche, sécurisant ainsi un de ses
flancs. L'attaque contre Farwick Park progressa de manière continue,
avec l'appui de mortiers de 4.2 inches fournis par le QG de la division.
Avançant à travers des pelouses et des jardins luxueux,
le 3/26 atteignit le voisinage de l'hôtel Quellenhof, l'ancien
QG de Wilck, lorsque le bataillon SS Rink contre-attaqua en force. La
contre-attaque repoussa les Américains de Farwick Park en désordre.
Il fallut attendre 17h pour que le 3/26 contienne finalement l'attaque
et stabilise ses lignes.
A
la suite de ce repli, le 3/26 resta sur la défensive pendant
deux jours. Les forces américaines à l'extérieur
de la cité complétèrent l'encerclement le 16 octobre,
face à de sérieuses contre-attaques allemandes. Le 3/26
mit à profit cette pause pour panser ses blessures et attendre
des renforts du VII Corps. Du côté allemand, Wilck savait
que ses 4 392 soldats disponibles le 16 ne seraient probablement plus
jamais renforcés.
Le
3/26 reprit l'offensive le 18 octobre. Une patrouille envoyée
au-delà du flanc droit prit contact avec la 30th I.D., offrant
ainsi un degré de sécurité dans cette direction.
Le bataillon renouvela son attaque sur Farwick Park, regagnant le terrain
perdu le 15, et assaillit l'hôtel Quellenhof. Après des
combats acharnés à l'intérieur des majestueuses
chambres de l'édifice, les Américains repoussèrent
leurs adversaires dans les sous-sols et les submergèrent avec
des grenades et des tirs de mitrailleuses dirigés directement
à travers les fenêtres. Le 3/26 contrôlait Farwick
Park à la fin de la journée. Le terrain pris le 18 mettait
le 3/26 en position pour attaquer le Salvatorberg et le Lousberg, objectifs
décisifs pour la bataille d'Aachen. Plus important, la bataille
de l'hôtel Quellenhof semble avoir disloqué le bataillon
SS Rink et ainsi la défense allemande en général.
Pour
l'assaut final, le VII Corps renforça le 3/26 avec la Task Force
Hogan, composée d'un bataillon d'infanterie mécanisée
et d'un bataillon de chars (moins une compagnie), de la 3rdUS Armored
Division. L'attaque, coordonnée par le QG de la 1st I.D., démarra
à 7h30 le 19 octobre. La TF Hogan, avançant à droite,
passa derrière le Lousberg et attaqua du nord-ouest tandis que
le 3/26 attaquait de l'est. Les deux pointes avancèrent fermement
face à une résistance affaiblie. Le 3/26 s'empara du Salvatorberg
et fit mouvement sur les pentes du Lousberg proprement dit. L'avance
de la TF Hogan coupa la dernière voie de repli pour les forces
allemandes d'Aachen et à 12h02, elle établit le contact
avec le 3/26 sur le Lousberg.
Avec
le spectre de la défaite sous les yeux, Wilck communiqua à
ses troupes un ordre de ses supérieurs de se battre jusqu'au
dernier homme et jusqu'à la dernière cartouche. On ne
sait pas combien de soldats allemands le reçurent, mais la résistance
était clairement en voie de décomposition. Le 20 octobre,
lorsque la TF Hogan et le 3/26 nettoyèrent le Lousberg, l'issue
ne faisait plus de doutes.
La
fin du drame survint le 21 octobre, lorsque des éléments
du 3/26 se rapprochèrent d'un bunker anti-aérien au sud
du Lousberg, sans savoir que c'était le QG de Wilck. Le lieutenant-colonel
Corley, commandant du bataillon, dépêcha sa pièce
de 155 mm automotrice pour réduire la position. Avant que la
pièce n'ait ouvert le feu, Wilck envoya un drapeau blanc porté
par quelques prisonniers américains retenus dans le bunker. Il
diffusa un dernier message radio proclamant sa loyauté envers
le Führer et envers l'Allemagne avant de se rendre au 3/26. La
reddition de la garnison d'Aachen prit effet à 12h05.
Le
système de communications allemand ayant été détruit
quelques temps auparavant, Wilck n'avait aucun moyen de donner l'ordre
de se rendre au gros de ses troupes.
Les Américains jugèrent bon de conduire un officier de
l'état-major de Wilck dans un véhicule blindé pour
faire le tour des positions où les Allemands tenaient encore.
Les deux bataillons du 26th Infantry, le 1106th Engineer et la TF Hogan
récupérèrent 1 600 prisonniers après la
reddition de Wilck, portant le total des prisonniers durant la réduction
d'Aachen à 3 473 exactement.
A 16h15, le 26th Infantry rapporta "mission ici terminée
désormais, avec la TF Hogan" . Le régiment patrouilla
encore deux jours dans Aachen, avant d'être relevé par
un bataillon d'artillerie de campagne. Aachen était sécurisé,
mais pour le 26th Infantry la guerre n'était pas encore terminée.
Le lendemain il prit position sur la ligne de front à l'est,
en face de l'Allemagne.
La
garnison militaire d'Aix-la-Chapelle ne constituait pas la seule opposition
allemande que les Américains durent affronter. Quelques 7 000
civils habitaient encore la ville lorsque la réduction débuta,
et tous devaient être évacués et recensés.
Deux agences étaient chargées de s'occuper des civils.
Le Counter Intelligence Corps fichait les évacués, débusquait
les espions, les éventuels saboteurs et les officiels de haut-rang.
Les espions suspectés étaient envoyés à
la 1st Army Military Commission pour être jugés. Les déserteurs
allemands étaient délégués au Provost Marshal
en tant que prisonniers de guerre. Le travail du Counter Intelligence
Corps était grandement facilité par l'obsession nazie
de la documentation -tous les Allemands avaient des papiers d'identité.
Après le processus de filtrage, le personnel du Gouvernement
Militaire enregistrait les évacués et leur fournissait
vivres et abris.
Sur
les 7 000 civils d'Aachen, près de 6 000 furent déplacés
au cours des combats. Au départ, les évacués étaient
simplement regroupés dans un champ pour un filtrage par le Counter
Intelligence Corps avant d'être d'être acheminés
dans des camps de personnes déplacées derrière
les lignes alliées. Comme la réduction d'Aachen se poursuivait
à bon train et que le nombre de réfugiés augmentait,
le Gouvernement Militaire réquisitionna quelques baraquements
à Brand, à 6 ou 7 km d'Aachen. Là, les évacués
étaient mis à l'abri (et derrière des clôtures)
pendant que le filtrage et le recensement s'effectuaient.