L’Armée polonaise en 1939
Par Antoine Merlin

Vickers Mk.E britannique

 

Entre 1936 et 1939, le budget de l'armée fut significativement augmenté afin d'organiser une défense efficace tant face à l'Union Soviétique à l'Est et face à l'Allemagne à l'Ouest, bien que la plupart des projets et plans auraient été remplis qu'en 1941-42 ... l'invasion allemande a donc pris "de court" la modernisation de l'Armée polonaise et la construction de ses défenses, ainsi que nombre de projets, tant terrestres qu'aériens.
Au début de l'année 1939, la France mit en place une aide financière de 2.6 milliards de francs-or pour la Pologne, budget qui se serait étalé sur une période de 5 ans, offrant une appréciable augmentation de 12% sur le budget militaire annuel de 1938-39.


La plupart servent dans les écoles ou pour l'entraînement, mais plusieurs seront utilisés pour la défense de localités, Varsovie notamment. Ce cliché semble attesté la présence de FT-17 "Canon" (un SA-18 de 37mm à faible vitesse initiale)... un char obsolète en 1939, mais encore capable, sous cette version, de rendre quelques services défensifs.

Pour compenser l'important budget militaire, le gouvernement polonais misait également beaucoup sur les ventes de son matériel militaire ; tankettes, appareils ou encore canons antichars eurent quelques succès commerciaux, notamment des contrats avec la Grèce, la Turquie et la Roumanie pour le chasseur léger PZL P.24, ou les commandes du bombardier PZL.37, prises de court par l'invasion nazie.

En 1939, l'Armée polonaise peut compter sur 1 million de soldats, mais seule la moitié peut être réellement mobilisée dans l'immédiat, et seuls 300 000 soldats sont entièrement équipés et sur leur positions assignées lors du déclenchement de la guerre. Au total, 39 divisions peuvent être, en théorie, levées, en plus de 16 brigades indépendantes.


Notez l'équipement standard ; le casque wz.31, le fusil wz.98 ou wz.29.

L'armement :

L'armement individuel du soldat polonais était assez classique mais tout à fait correct, composé essentiellement du "Poln M29" , version du Mauser K1898 produite localement, ce dernier étant également en service au sein de l'armée polonise, ainsi que le Mosin-Nagant 91. La plupart des armes de poings, tel le wz.35 Vis, sont produites localement également.
La Pologne acheta une licence en 1928 à la Fabrique Nationale belge pour produire localement une version de la BAR Browning américaine, dont FN a acheté la license en 1925, la wz.28.
Côté mitrailleuse, la Pologne produit une variante de la mitrailleuse américaine Browning M1917, la Ckm wz.30, globalement identique mais tirant, comme la wz.38 ci-dessus, des balles de calibre 7.92x57mm Mauser, le calibre standard polonais (qui permis, au passage, la ré-utilisation aisée d'armes polonaises par les allemands et leurs alliés). D'autres mitrailleuses étaient alignées en petits nombres, tel la Hotchkiss Mdle 1914 française, ou encore la Schwarzlose M.07.


Le Vickers Mk.E britannique servira comme base pour la conception du 7TP, mais qui sera acheté à 38 exemplaires par l'Armée polonaise. Ils furent reversées à la 10ème Brigade de Cavalerie Motorisée, la seule Brigade entièrement motorisée de l'Armée polonaise.

En 1939, l'armée polonaise alignait un certain nombre de fusils antichars, les Karabin przeciwpancerny wzor.35, tirant une balle conçue localement, de calibre 7.92x107mm, aux capacités antichars correctes pour l'époque, puisque capable de percer 33mm de blindage à 100 mètres, donc largement suffisant pour trouer la cuirasse des chars germaniques de l'époque.
Le canon antichar polonais standard était l'excellent Bofors de 37mm, aligné par de nombreux états, et produit sous licence en Pologne, sous l'appelation wz.37 (la version suédoise importée étant dénommée wz.36).
Ce canon, disponible en nombre (plus de 1380), se révèla mortel pour tous les véhicules allemands aux distances usuelles de combat, et équipait, sous des versions spécifiques, les principaux blindés polonais.


Ce véhicule de transport construit à 150 exemplaires et basé sur le chassîs du char 7TP, offrant donc des performances tous-terraines élevées par rapport aux tracteurs classiques semi-chenillés ou à roues.

Forces Blindées :

Justement, côté forces mécanisées, la Pologne fit de grands efforts à la fin des années 30 pour constituer une force blindée moderne et efficace, et construite sur le sol polonais ; cependant, la plupart des projets de modernisation du parc blindé n'auraient été terminés que courant 1941-42, où la production en série aurait débutée, mais l'Histoire en voulu autrement, et en septembre 1939, le principal char de combat est le 7TP, un véhicule basé sur le Vickers Mk.E (acheté à raison de 38 machines à Vickers avant l'achat de la licence). Le 7TP est globalement semblable au Mk.E de Vickers, mais comporte un moteur diesel plus puissant, une meilleure protection, et quelques modifications. 132 sont produits en série : 108 mono-tourelles, avec un canon wz.37 de 37mm (copie du Bofors), et 24 comportant deux-tourelles munies de deux mitrailleuse Ckm wz.30.
Les 7TP à armement antichar furent répartis en deux Régiments de Chars, à raison de 49 exemplaires chacun : alors que la 1er Régiment est placé en réserve stratégique au nord, le second régiment fait partie de l'Armée Lodz (les derniers éléments de cette unité franchissent la frontière roumaine le 17 septembre, alors que les reste du 1er Régiment se rend aux forces allemandes le 21 après avoir détruit son matériel). Deux Compagnies de Chars sont formées pour la défense de Varsovie, la première comportant 11 chars à deux tourelles (qui subiront de lourdes pertes de part l'absence d'armement antichar), la seconde 11 chars monotourelles.
Ces unités tentèrent de forcer un passage jusqu'à l'Armée Poznan, encerclée après la bataille de Bzura, et subirent de lourdes pertes, essentiellement dûes aux attaques aériennes, mais parvirent à bloquer plusieurs attaques allemandes et à forcer le passage face à celles-ci. Durant la campagne, le 7TP se montra, grâce à son excellent canon, capable de prendre à parti tous les chars allemands, Panzer IV compris, mais son blindage trop faible le rendit vulnérable aux fusils antichars allemands et aux bombardements aériens.
Les tankistes polonais réussirent plusieurs fois à casser l'avancée allemande, et montrèrent un courage indéniable face à la Wehrmacht et son matériel, nettement plus nombreux et mieux organisé. Les derniers 7TP furent sabordés le 27 septembre lors de la reddition de Varsovie.
En 1938, afin de pallier à la faible production du 7TP, et surtout, des travaux 10TP et 17TP, futurs chars moyens standards, encore en cours et loin d'être prêts, l'Armée polonaise décida d'acheter des blindés à la France, partenaire militaire et alignant à l'époque une grande variété de blindés de qualité. 2 Renault R-35 furent achetés à des fins d'essais, mais furent jugés trop lents, et inaqéquats pour équiper des bataillons de Chars ; cependant, la France refusant de vendre le SOMUA S-35, la Pologne fut contrainte d'acheter 100 R-35, ainsi que 3 Hotchkiss H-35 (à des fin d'essais). Seuls 49 R-35 parvinrent en Pologne à temps, où ils furent ventilés entre le 21ème Bataillon de Chars et la 10ème Compagnie Mécanisée ; lors de l'invasion soviétiques, ils furent coupés du reste de l'Armée, et 30 R-35 traversèrent la frontière pour se réfugier en Roumanie, le reste des chars tentant de s'opposer à la marche soviétique.
La seconde livrée de R-35 n'arriva jamais en Pologne.
En date du 1er septembre 1939, 102 FT-17 étaient encore en service, ainsi qu'un certain nombre d'automitrailleuses datant du Premier conflit Mondial et de la Guerre russo-polonaise de 1920.


Automitrailleuse wz.34, armée d'un canon de 37mm SA-18 Puteaux et d'une mitrailleuse Hotchkiss.
Ces autos, aux performances routières et, surtout, tous-terraines limitées, subiront de lourdes pertes face aux automitrailleuses allemandes telle la SdKfz 231, plus lourdes, plus véloces, et surtout, armées de canons de 20mm à tir rapide.

En plus de ces véhicules blindés, l'Armée polonaise alignait une centaine d'automitrailleuses de reconnaissance, modèles wz.34 et wz.29, munis de mitrailleuses Hotchkiss et un canon court SA-18 Puteaux de 37mm ; si l'armement et protection de ces autoblindées s'avèrent suffisants (pour un véhicule de reconaissance bien sur), la mobilité, notamment en tout-terrain, était très mauvaise, et les mécaniques peu fiables.
Cependant, les ateliers polonais mirent au point une tankette nationale basée sur la Carden-Lloyd Carrier britannique, la tankette TK, blindée faiblement (8mm) et armé d'une mitrailleuse Hotchkiss. Une version améliorée, la TKS, fut rapidement mise au point, et sur le total de 575 chenillettes produites (TK et TKS confondues), seules 24 furent armées avec des canons antichars légers de 20mm.
Ces chenillettes constituent la principale force blindée de l'armée polonaise en 1939. Avec un blindage faible et une seule mitrailleuse comme armement, tout combat antichar est interdit aux TK/TKS, bien que le ré-armement avec la pièce de 20mm, aux performances antichars respectables, aurait pu rétablir un certain équilibre. Affrontant des blindés allemands mieux armés, les unités dotées de ce type de chenillettes subirent de lourdes pertes. Néanmoins, les chenillettes TK se révélèrent efficaces en tant que véhicule de reconnaissance, ou de soutien d'infanterie, à condition bien sur que l'ennemi n'aligne pas de pièces antichars.
Au total, l'armée polonaise aligne 322 blindés le 1er septembre 1939 (dont 102 FT-17 obsolètes), entre 90 et 95 automitrailleuses récentes, et 575 chenillettes. Rajoutons à cela les tracteurs chenillés C2P (196 exemplaires), produits sur châssis de TKS, et C7P (151 exemplaires), produits sur châssis de char 7TP ; ces deux tracteurs offrent de très bonnes capacités pour 1939, et permettent de motoriser une partie de l'artillerie et le Génie polonais.


En mai 1940, plus de 80 000 soldats polonais (dont certains reviennent des opérations en Scandinavie) sont stationnés en France, formant 3 divisions complètes.

La cavalerie prend une place important au sein de l'armée, et aligne un matériel nombreux, et des milliers de cavaliers, qui se révélèrent bien plus efficaces que l'ont ne pourrait le croire ; ce corps d'élite entraîné parvint à plusieurs reprises à repousser l'infanterie allemande à découvert lors de rares charges.
Pouvant être rajouté au chapitre des blindés, l'armée polonaise possède une dizaine de trains blindés en septembre 1939, des trains qui se révèleront être de véritables "plaies" pour les forces allemandes puisque négligés par les stratèges germaniques : s'ils se révèlent assez sensibles aux attaques de la Luftwaffe, ces trains seront très difficiles à détruire au sol, et harcelèrent les troupes allemandes, notamment durant la Bataille de Morza, où pas loin d'une vingtaine de chars allemands et autant de véhicules seront mis hors de combat par un seul train blindé (composé d'une locomotive blindée, deux wagons d'artillerie et un wagon d'infanterie) arrivé en renfort.


...ou a alors été dynamité par des sapeurs d'un des deux camps ... en tout cas, il reste peu de cette machine, la plus puissante de l'arsenal allemand à cette époque. Malgré la vitesse de la campagne de Pologne, ce ne fut pas une promenade de santé, notamment pour les blindés, qui étaient le fer de lance allemand !

L'artillerie :

Côté artillerie, la majeure partie du matériel aligné est d'origine française ou tchèque, consistant notamment en près de 1350 pièces de 75mm, dénommé wz.97 localement, 254 pièces Schneider de 105mm (wz.13), 340 pièces de 155mm (wz.17), et 43 pièces De Bange de 120mm ; d'origine tchèque, plus de 900 pièces Skoda de 100mm sont alignées, ainsi que 24 pièces lourdes Skoda de 220mm.
466 canons de 75mm Mdle 1902 russes sont disponibles, ainsi que 24 canons de montagne de 65mm (wz.07), équipant les troupes de montagne polonaises.


Armes rassemblées après la reddition de la place forte de Varsovie (le Gouvernement polonais s'exila en Roumanie le 17 septembre, la ville tombe le 28), parmi lesquels des fusils, mitrailleuses, casques, canons AC ...

Pour l'époque, l'Armée polonaise dispose d'un armement anti-aérien assez conséquent, bien qu'il n'ait pas pu montrer son potentiel sur le terrain ; 314 pièces de 40mm Bofors sont disponibles (construites sous licence), ainsi que 84 pièces Schneider de 75mm 97/25 et 72 pièces de 75mm wz.37ST
En outre, 12 pièces AA Schneider de 75 sont installées sur châssis De Dion-Bouton, la seule force AA auto-propulsée de l'arsenal polonais.
Le mortier d'infanterie standard est le Granatnik wz.36 de calibre 46mm et d'une portée de 100 à 800 mètres.
Rajoutons que 21 pièces de 37mm wz.38 furent produites par les arsenaux polonais : il s'agit d'une variante "forteresse" du wz.37 (copie du Bofors sous licence), dont au moins plusieurs exemplaires furent installés.


Le casque réglementaire wz.31 (visible sur les autres clichés) se révèla trop "lourd" pour les troupes mécanisées, qui lui préférèrent, en mesure temporaire, le casque M1918 Stahlhelme allemand du Premier conflit mondial, encore disponible dans certains stocks. Ici, une équipe de servant de canon AC de 37mm de la 10ème Brigade de Cavalerie Motorisée.

Notons, afin de conclure, que l'armée polonaise, à l'orée du second conflit mondial, aligne un matériel moderne, bien que limité en nombre, et parfois par des tactiques dépassées, mais contraintes, les grands projets novateurs des ateliers polonais étant brusquement arrêtés par l'invasion allemande. Signalons notamment le projet 10TP (posté dédié dans la section véhicule du forum), puis 14TP, deux projets prometteurs de chars moyens, bien armés et blindés, avec une suspension Christie, ou encore le pistolet-mitrailleur Mors, dont seulement 39 exemplaires seront produits avant la chute de Varsovie.


Les forces armées polonaises étant en déroute, certaines unités, isolées du reste de l'Armée et ayant été informées de l'attaque soviétique tentèrent de passer la frontière roumaine afin d'échapper à la capture, la Roumanie étant le seul état limitrophe "neutre" pour la Pologne, la Slovaquie étant aux côtés des Allemands. Plusieurs unités y parvirent, mais à partir du 20 septembre, les forces russes tentent et parviennent, malgré une résistance forte, à bloquer les grands accès à la frontière.

L'armée polonaise aligne une certaine quantité de matériel d'origine étrangère, mais dont la majorité est produit localement, grâce à l'achat de licences auprès de Bofors, Browning, la Fabrique Nationale .. etc.
Les versions polonaises sous-licence des armements cités ne diffèrent peu voir pas du tout, tout en étant alignées en nombres à l'orée de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, la Pologne cherche réellement à acquérir une autonomie, une "indépendance" vis-à-vis des fabriquants étrangers, ce qui peut être considéré comme chose faite en 1939. Les avantages d'une économie militaire auto-suffisante sont nombreux, mais également coûteux ; pour rentabiliser les achats de licences, la Pologne va chercher à exporter son matériel militaire, au même titre que la Tchécoslovaquie voisine. Avec les nombreux projets de l'armée polonaise, peut-être que celle-ci aurait été prête à affronter ses voisins quelques années plus tard, non pas en 1939 mais en 1942 !

Sources :
http://www.ww2incolor.com

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