Mai 1940 - les civils belges sur les routes
Par Prosper Vandenbroucke

L'exode des Belges

 

Le 8 février 1940, le Roi Léopold III reçoit le Ministre de la Santé publique, Marcel-Henri Jaspar. L'entretien roule sur le problème des réfugiés. Il a fait l'objet d'échanges de vues entre autorités civiles et militaires.
Des conclusions s'en sont dégagées, qu'il est temps de traduire en directives. Le 14 février, le Ministre l'explique à la Chambre. Son propos est sans équivoque: « Le devoir de chacun, si l'attaque brusquée devait se produire, est de rester sur place ».

Civils durant l’exode (DR)

LE POIDS DES SOUVENIRS.
Le gouvernement s'est incliné devant des arguments techniques. Il penchait pour une évacuation méthodique et progressive des populations menacées. Les études ont montrées la vanité du projet. Soustraire à l'invasion les habitants les plus exposés demandait des délais. On tablait sur 450.000 personnes dans un premier temps.
Les replier exigeait quatre jours. Or, dans le cas le plus probable d'une attaque brusquée, ces quatre jours risquaient de manquer. Ne restait, dès lors, qu'à donner instruction aux gens de rester chez eux. Les lâcher sur les routes au dernier moment, c'était les livrer aux bombardements et aux mitraillages de l'aviation ennemie et entraver les mouvements des colonnes militaires amies. Bref, c'était prendre, envers le pays, des responsabilités infiniment plus lourdes. N'auraient donc à quitter leur foyer que les évacués obligatoires, auxquels le commandement donnerait l'ordre de partir en raison des opérations.
La presse a fait écho à la consigne. La radio l'a diffusée. Mais plus par routine que par conviction. Liège connaît même une poussée d'émotion « principautaire ». Fait défaut une campagne orchestrée. Tant et si bien qu'au moment de l'attaque brusquée, le conseil du 14 février a sombré dans l'oubli. Le 10 mai se produit alors ce qui devait se produire. Prend naissance, grossit et très vite déferle une énorme migration.
Le gouvernement ne tente rien pour l'enrayer. Au contraire, sans le vouloir, il l'étend. Il ordonne l'évacuation de la réserve de recrutement. Commence ainsi l'équipée des « 16 à 35 ans ». Elle fait boule de neige. L'avance des Allemands accélère la contagion. De fil en aiguille, c'est près de la moitié de la population qui se lance sur les chemins de l'exode, les uns en voiture, d'autres en charrette, à vélo, voire tout bonnement à pied, et parfois, dans les campagnes, avec le bétail. Sur les grands axes, l'encombrement est indescriptible. Les voies secondaires sont à peine moins envahies. Les autorités militaires s'en inquiètent.

Non pas que le désordre dans les arrières soit la cause des revers. Ils se sont produits sur le front. Au canal Albert pour les Belges. Sur la Meuse, du côté de Dinant et surtout à Sedan, pour les Français. Mais à la cohue des civils succède le reflux des armées.
Les deux courants en arrivent à se rejoindre puis à se mêler. L'aviation allemande tape dans le tas.
La retraite devient un casse-tête. Les mouvements de rocade se heurtent aux bouchons de circulation.
Le général français Gaston Billotte, qui désespère de diriger encore la bataille, s'en plaint auprès du Roi.
Celui-ci fait part du reproche au Premier Ministre, le 16 mai. Hubert Pierlot rétorque qu'il ne veut pas prendre la responsabilité d'arrêter le flot. Ce serait livrer la population aux atrocités allemandes.

Partir juste un peu plus loin, peu importe. Partir est question de survie. (DR)

L'ombre d'août 1914 plane sur mai 1940. Le souvenir des massacres est vivace. S'y ajoute la hantise de la guerre aérienne. Le cinéma a fait voir Barcelone, Varsovie, Helsinki sous les bombes. Une littérature d'épouvante a fleurie. L'effet qu'elle attribue aux explosifs, aux gaz toxiques et aux bactéries inspire une vision de fin du monde.
Les rumeurs que les réfugiés colportent font encore monter l'angoisse. Le 14 mai, un bon témoin note: « L'exode est général. Bruxelles a un visage hideux de peur ». La peur joue un rôle. C'est certain. Elle explique la vague d'abandons de poste. Mais l'espoir aussi intervient. Une manière d'optimisme pousse à partir. Les gens espèrent que le front se stabilisera. Ils veulent être du côté ami, à l'abri de l'occupation, de ses contraintes et de ses pièges.
Des entreprises ont prévu de contribuer à l'effort commun. Elles organisent le repli de leur personnel.
Des hommes partent enfin, décidés à se joindre à la lutte.


VERS LA FRANCE.
Pour beaucoup, le havre est la France. Encore faut-il y entrer. Ce n'est pas tout de suite chose aisée.
Les trains passent sans gros problèmes. Les difficultés surgissent dans un second temps: lignes coupées, communications rompues. Par la route, les contrôles à la frontière restent d'abord sévères. Des négociations entre Bruxelles et Paris en atténuent la rigueur. C'est alors la ruée. Elle prend de l'élan le 13 et grossit de jour en jour. Mais, à partir du 15, les Allemands exploitent leur percée sur la Meuse et foncent vers la Manche.
L'accès vers la France commence alors à se rétrécir. Des premiers fugitifs en sont réduits à rebrousser chemin.
Les besoins de la bataille provoquent d'autres fermetures de la frontière. Des troupes françaises, ramenées de Hollande, sont lancées au devant de l'avance allemande. Elles ont évidemment la priorité. Au soir du 20, une pointe blindée allemande atteint néanmoins Abbeville. Une autre est à Montreuil-sur-Canche au milieu de la nuit. La « Poche des Flandres » est coupée dès lors du coeur de la France. Le Ministre des Communications, Antoine Delfosse, est au nombre des civils pris dans la nasse. Il tentait de débloquer des trains à destination du sud de la Somme.
De Picardie et d'Artois, des forces allemandes remontent vers le nord. D'autres, qui traversent la Belgique, poussent vers l'ouest. Entre les deux, l'espace où les réfugiés trouvent encore abri se réduit inexorablement.
Le 28 mai, au bord de l'effondrement, l'armée belge cesse le combat. Le Roi Léopold III s'y est résigné, notamment pour épargner les centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants refoulés vers la mer.
Le 4 juin, Dunkerque tombe à son tour. C'en est fini de la « Poche des Flandres ». Les civils n'ont plus qu'à rentrer chez eux. Leur espoir d'échapper à l'occupation est brisé. Avant eux, beaucoup d'autres ont déjà dû prendre le chemin du retour. L'exode de certains a été des plus brefs. Partis trop tard, ils ont été très vite dépassés. L'ensemble, pris ainsi, à un moment ou à un autre, en Belgique et dans le nord de la France, n'a jamais été dénombré. Le total de ceux qui ont vécus cette part de l'exode, ne fût-ce qu'un jour, doit être considérable.
Le chiffre de deux millions n'est probablement pas excessif. On songe à la phrase du fabuliste: « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ».
Pour ceux qui ont réussi à passer au sud de la Somme, on est mieux fixé. L'évaluation oscille entre un million cinq cent mille et deux millions. Ils sont passés avant l'arrivée des Allemands à la côte. Ils l'ont fait parfois de justesse.
C'est le cas de la plupart des ministres. Ils s'arrêtent à Sainte-Adresse, aux portes du Havre. Ils croyaient y rester.
Il leur faut très vite replier bagage. A partir du 23, ils se regroupent à Poitiers. La ville prend figure de capitale provisoire de la Belgique. Une capitale toute relative. Quand les quatre ministres restés à Bruges auprès du Roi rejoignent leurs collègues le 26, on pourrait croire le gouvernement à nouveau réuni. En réalité, sans compter Delfosse coincé en Belgique, il est rarement au complet. Un noyau a bien pris ses quartiers à Poitiers.
Mais le Ministre des Colonies est à Bordeaux. Celui de la Santé publique à Cahors. Leur collègue des Finances, plus souvent à Paris ou à Londres.
La capitale de la France retient fréquemment le Premier Ministre et le Ministre des Affaires étrangères.
Celui des Affaires économiques y vient aussi pour négocier. Géographiquement, c'est donc un gouvernement éclaté.
En outre les séquelles politiques de la capitulation viennent en tête de ses soucis.

Pour cette voiture belge mitraillée par la Luftwaffe, la route s'arrête dans le nord de la France (DR)

LES BOCHES DU NORD.
Des initiatives sont prises en faveur des réfugiés dès le début de l'invasion. Le Ministre de la Santé publique fait ce qu'il peut. Encore à Bruxelles, il installe une antenne à Paris. L'avocat Alex Salkin la dirige. L'Ambassade de Belgique se dépense également. Des volontaires renforcent ses maigres moyens. A partir du 13 mai, les trains déversent un flot croissant de réfugiés. Le déferlement atteint un sommet le 17. Ensuite, c'est la décrue.
Les lignes directes sont coupées. L'organisation de l'accueil et de l'assistance repose sur les autorités françaises locales.
Elles seules en ont la possibilité. Les ressources belges sur place ne sauraient suffire aux besoins.
Elles sont parfois dérisoires. Bordeaux en fournit un exemple. A Ostende, où il a cru rester, le gouvernement apprend qu'il y a des problèmes dans la cité des Girondins. Il dépêche un diplomate en disponibilité, Raymond Herremans.
Pour toute richesse, il n'a d'abord que son propre argent. Un homme d'affaires, replié de Bruxelles, le tire heureusement d'embarras. Le dépannage officiel ne vient que dans un second temps. Dans l'intervalle, les ministres font eux aussi l'expérience de l'exode. Des jours se passent avant qu'un petit état-major de la Santé Publique ne se fixe et commence à fonctionner dans le chef-lieu du Lot. Les bonnes volontés réalisent à l'occasion de petites merveilles. Mais ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'immensité du nécessaire. La débrouillardise individuelle pare au plus pressé. L'hospitalité française assure le reste, tout le reste.
La situation des autorités belges est ingrate. Elles sont débordées. En chemin, il leur est difficile d'intervenir.
Au terme de leurs pérégrinations, elles se trouvent en terre étrangère. Elles n'y ont pas les mains libres.
Leur pouvoir doit s'intercaler dans la souveraineté du pays d'accueil. Cela se négocie. Il faut du temps.
Or les problèmes sont immédiats et de chaque jour. Par-dessus le marché, la gravité des événements militaires secoue le gouvernement français. La valse des ministres ne facilite pas les contacts pris par les responsables belges.
Les difficultés ne font, d'ailleurs, que croître. La marée de quelque deux millions de Belges se gonfle de 50.000 Hollandais, de 70.000 Luxembourgeois et, bientôt, de trois millions de Français. Les mauvaises nouvelles du front aidant, la psychose de la « cinquième colonne » se répand.
Le Ministre français de l'Intérieur, Georges Mandel, fait sentir sa poigne. Il est décidé à étouffer dans l'oeuf la moindre tentative d'action subversive. L’Auditeur Général belge, Walter Ganshof van der Meersch, a fort à faire pour le détourner d'arrestations massives parmi les réfugiés. Les Flamands sont les plus visés. Leur langue est prise pour de l'allemand. Voir en eux des agents de l’ennemi est une tentation à laquelle les autorités françaises résistent mal. La chasse aux sorcières est néanmoins enrayée.
L’afflux de populations en quête d'un point de chute pose des problèmes de sécurité. La réaction est d'imposer des zones de résidence obligatoires. Un tour de vis supplémentaire est donné le 24 mai. Les six départements d'abord impartis aux Belges sont réduits à trois: Haute-Garonne, Ardèche, Hérault. Mais il y a parfois loin de la théorie à la pratique. Le poids du nombre est plus fort que toutes les volontés de contrôle. Le flot tend toujours à se déverser au petit bonheur la chance. En outre, il advient aux directives d'être contradictoires. Un ordre cloue les gens où ils sont. Les voitures doivent être parquées sous surveillance. Plus question de bouger, fût-ce pour gagner un des départements désignés. Les mesures ont des relents policiers. Elles sont antérieures à la capitulation. Elles dénotent l'inquiétude qui monte en haut lieu. Il ne reste qu’en fin de compte, que des réfugiés belges, il y en a un peu partout. Leur écoulement s'est arrêté, par la force des choses, quand ils ont trouvé à se caser. La capitulation n'améliore évidemment pas le climat. Le discours du Président du Conseil français, Paul Reynaud, au matin du 28 mai, provoque une poussée de fièvre. Pour les Belges, c'est le temps des insultes et des avanies. La flambée est toutefois brève. Elle n'est pas non plus générale. La décision du cabinet Pierlot de continuer la lutte circonscrit la fureur française.
Le bouc émissaire est le Roi Léopold III. Et puis, le cours des événements se poursuit. D'autres préoccupations surgissent.


L'ATTENTE.
Petit à petit, la vie des réfugiés s'organise. Leur statut aussi prend forme. Dans l'ensemble, les autorités françaises déploient un effort considérable et se montrent accueillantes. L'observation vaut également pour la population. Sans doute, la règle souffre-t-elle des exceptions. Il y a parfois des abus. Mais, connus, ils sont réprimés. Les réfugiés ne sont pas tous non plus à l'abri de reproches. Il en est qui développent une mentalité d'assistés. Les difficultés procèdent encore d'autres causes. La France profonde n'est pas faite que de régions opulentes. Des Belges en font la découverte en même temps que des puces et d'une hygiène rudimentaire.
L'expérience la plus pénible est celle des requis de la réserve de recrutement, encadrés vaille que vaille et parqués dans des camps sordides, où règnent l'insalubrité, le dénuement, la faim et le cafard. A l'inverse, des privilégiés de la fortune ou du sort vivent de grandes vacances.
Le dépaysement n'empêche pas des projets de naître. Il faut vivre et, pour vivre, il faut produire.
Des activités industrielles et commerciales s'ébauchent. On se croit en 1914. Il s'agit de mettre sur pied une économie belge.
Le gouvernement ne raisonne pas autrement. Lui aussi dresse des plans d'avenir. Mais vient l'effondrement de la France. Le 17 juin, le maréchal Pétain s’adresse aux allemands. Il demande d'ouvrir des négociations. Les ministres tombent de haut. C'est un coup de hache dans leurs espoirs. Réunis à Bordeaux, le 18 juin, la plupart d'entre eux décident d'aligner leur position sur celle du gouvernement français. Marcel-Henri Jaspar, qui n'est pas d'accord, les quitte à la sauvette entre deux séances. Il gagne Londres, et, le 23, lance à la B.B.C. un appel à la poursuite de la lutte. Ses collègues le désavouent et la Santé Publique est confiée au Ministre de l'Intérieur, Arthur Vanderpoorten.
Le 25 juin, les armes se taisent. L'armistice franco-allemand entre en vigueur. Le gouvernement n'a, dès lors, plus qu'une idée: organiser le retour en Belgique. Du jour au lendemain, telle est aussi l'aspiration des réfugiés.
Le premier mouvement est de rappliquer dare-dare, fût-ce en pagaille.
Le gouvernement donne l'exemple, si l'on ose dire. Il procède à la liquidation totale des administrations repliées en France. Des colonnes de fonctionnaires prennent la route dès le 30 juin. Le passage de la ligne de démarcation ne se fait toutefois que le 10 juillet. La hâte est mauvaise conseillère. Les communications sont loin d'être rétablies.
Le nombre des ponts détruits est considérable. Les Allemands ont la maîtrise du terrain. Pour passer, leur aval est nécessaire. Ils refusent un reflux en cohue. Les autorités françaises aussi s'évertuent à maintenir l'ordre.
La presse multiplie les appels à la patience. Celle-ci n'est pas le trait dominant des réfugiés. Le mécontentement gronde. Les ministres belges sont accusés de retarder le rapatriement. Impopulaires, ils le deviennent en France presque autant qu'en Belgique. Pourtant, ils ont alors pour les réfugiés plus d'attentions, sans doute, que jamais auparavant.


RETOUR.
Le 7 juillet, Raymond Herremans, qui siège à Bordeaux, est nommé Haut-Commissaire aux Réfugiés dans la partie occupée de la France. Le même jour, le feu vert est donné aux réfugiés qui disposent d'un moyen de locomotion.
Les routes sont rouvertes. Le rétablissement des transports par voie ferrée est plus lent. Le premier train quitte Bordeaux le 30 juillet; le dernier, le 22 août. Pour la zone non occupée - domaine du régime de Vichy - Georges Hannecart dirige et organise les retours. Choisi par les ministres, il a également la confiance des autorités restées dans le pays. Le rôle du gouvernement va diminuant. La direction des affaires lui échappe. Les regards se tournent vers Bruxelles. Des missions arrivent de Belgique pour nouer les contacts. Le rapatriement s'opère graduellement, du plus proche au plus distant. A Paris, Félix Karcher officie à la tête d'une petite équipe dévouée. L'Ile de France et ses alentours se vident en premier. Suit l'Ouest, des Charentes aux Pyrénées. La zone non occupée vient après.
Le premier train part de Toulouse le 12 août; de Marseille, le 26. Pendant ce seul mois, la Croix-Rouge organise 206 convois. A ce qui rentre par le rail, il faut ajouter tout ce qui s'écoule par la route: voitures, charrettes, vélos.
A partir du 15 septembre, il n'y a plus de trains de réfugiés. Ne restent que des gens occupés à diverses fonctions ou ne désirant pas rentrer. L'exode proprement dit est terminé.
Le retour au bercail est très différent de la fuite à l'aller. Certes, il y a encore des problèmes, voire des incidents ou des accidents. Mais leur gravité ne supporte pas la comparaison avec ce qui s'est passé au mois de mai.
Les opérations militaires ont cessé. Il n'y a plus ni bombardements ni mitraillades. La peur, qui prend aux tripes, a disparu. Demeure une sourde interrogation : que va-t-on retrouver ? A cette réserve près, la destination est en terre connue. On rentre chez soi. Le passage en pays occupé se fait en douceur. L'armée allemande triomphante veille à offrir le spectacle de l'ordre, de l'efficacité et de la correction. La propagande également affiche l'assurance du gagnant.
La dimension latente de l'immense migration est toutefois ailleurs. Elle est dans ses conséquences psychologiques, voire politiques. Le trait qui émerge du tumulte des jours est l'impuissance du pouvoir ancien, suivie de son effacement. Que le grief soit justifié est autre chose. Les gens sont sensibles à ce qu'ils vivent. Or, ce qui s'est donné à voir a rarement été édifiant. Trop de détenteurs de fonctions publiques ont mis la clef sous le paillasson.
Leur devoir était pourtant de rester sur place. Dans un livre percutant, le père R.L. Bruckberger a des phrases impitoyables : « Nos chefs ... fuyaient pour fuir, la frousse aux tripes, et ce qu'ils désertaient en premier, c'était leurs responsabilités ». Le dominicain de choc réagit en Français à ce qu'il a vu en France.
Il parle avec indignation de « cette immense abdication de 1940 ». Le tableau s'applique aussi à la Belgique.
Les premiers à l'avoir constaté sont les Belges qui n'ont pas quitté leur foyer. Ils ont vu avec consternation, puis avec révolte le vide se faire autour d'eux, les autorités disparaître, les services cesser de fonctionner.
Le scandale est tellement grand, tellement évident qu'il entre pour beaucoup, les mois suivants, dans la désaffection à l'égard de tout ce qui rappelle l'ordre écroulé.
Pour revenir à plus d'indulgence, pour en arriver même à l'oubli des défaillances, il faudra la dureté de quatre années d'occupation et la redécouverte, parce qu'on en est privé, des avantages du régime d'antan.
La démocratie ne paraîtra peut-être jamais aussi belle que sous le règne déclinant de l'« Ordre Nouveau ».


Source : Jean Vanwelkenhuyzen ‘’Le grand exode’’ in ‘’ Jours de Guerre ‘’ n° 5 édité par le CréditCommunal de Belgique.
Crédit photographique : Le Lynx, et GEGES – Photos Dubois
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