Le système concentrationnaire Nazi et les Konzentrations Lager.
Par Marc Blindauer
Débats autour de cet article-->ICI

Josef Mengele

I) De 1933 à 1939

Dès l’arrivée au pouvoir des Nazis en 1933 avec Hitler comme chancelier puis comme Reichsführer après la mort d’Hindenburg en 1934, le NSDAP a cherché à se débarrasser de ses opposants comme tout gouvernement totalitaire depuis la nuit des temps.
A cette époque l’Allemagne, en pleine crise économique avec 6 millions de chômeurs, s’est rapprochée des partis extrémistes et une violente lutte entre NSDAP et Communistes va se dérouler. Hitler voue une haine viscérale à l’extrême gauche et va tout faire pour s’en débarrasser afin de consolider son régime et ainsi pouvoir appliquer les objectifs qu’il s’est fixés à plus ou moins long terme. N’oublions pas qu’il avait prévu un Reich de 1000 ans.
Dès le début des "camps sauvages" destinés à contrôler tous les opposants politiques et à faire leur "rééducation" sont créés. Ces camps n’ont pas encore de structure bien définie et tout endroit clos peut être transformé en camp de détention. Ce sont les SA qui assurent la "sécurité" de ces lieux même si occasionnellement elle peut l’être par les SS voire la police, ce qui démontre l’implication formelle du régime.

Avec la création de Dachau en mars 1933 le système s’organise et voit la création officielle des camps de concentration d’état (Staattliche Konzentrationslager). Il faut davantage les considérer comme un univers carcéral que comme un univers concentrationnaire. Les conditions y sont très difficiles et la brutalité des gardiens y est omniprésente mais, comme dit plus haut, le but étant la rééducation, ces camps possèdent par exemple une bibliothèque avec les ouvrages appropriés et seuls des prisonniers de droit commun et des prisonniers politiques y sont internés.

A compter de 1934, le régime élargi son champ de cibles sous l’égide de la Gestapo qui en est nommée responsable et qui décide qui doit être interné sous la surveillance unique des SS. Les homosexuels qui sont accusés de déviance, les Tziganes, de paresse, les différents asociaux et les membres de certaines sectes sont à leur tour victimes du système.
Les K.L, officiellement, sont chargés de "protéger les opposants, placés "en détention de protection", contre "la colère des bons citoyens", de les isoler et de rééduquer ceux dont la libération est envisageable. En outre leur existence, connue mais chargée de mystères, se doit de terroriser la population allemande.

A compter de 1936 et l’ouverture de plusieurs autre camps comme Ravensbrück, Mauthausen et Buchenwald, les Nazis associent la sécurité et l’économie en les installant près d’entreprises à qui ils fournissent de la main d’œuvre gratuite, taillable et corvéable à merci.

Après la nuit de cristal (Reichskristallnacht) le 9 novembre 1938 le cas de la communauté juive va se dégrader.
A l’occasion de cette mise en scène orchestrée par les SA en tant qu’agitateurs publics, les Nazis voulaient donner l’impression d’un soulèvement populaire contre les profiteurs. De nombreux lieux appartenant à la communauté juive sont saccagés et brûlés et les SA en profitent pour s’en prendre physiquement aux personnes. Plusieurs années après un bilan de 400 victimes est avancé. Plus de 30 000 hommes seront déportés sur Dachau, Buchenwald et Sachsenhausen. Beaucoup vont être fusillés dès leur arrivé, les autres mourront d’épuisement. Les réactions parmi la population à l’étranger furent nombreuses et virulentes mais les gouvernements occidentaux se contentèrent de vagues protestations sans effet sur le régime. Avec cet évènement, l’Allemagne rentre définitivement dans le processus d’aryanisation voulu par le régime afin de créer une race dite supérieure en épurant de la population tous ceux jugés comme des sous-hommes.

II) Pendant la Seconde Guerre Mondiale (1939-1945)

Avec la déclaration de guerre en septembre 1939, le Blitzkrieg à l’Ouest et les durs combats dans les pays de l’Est pendant plus de 5 ans, la diversité de population dans les KL va s’accroître de façon fulgurante. Français, Anglais, Polonais, Soviétiques et bien d’autres, en tant que prisonniers de guerre ou ennemis du Reich vont connaître ce milieu. Alors qu’avant 1939 la population des camps se chiffrait à quelques milliers de prisonniers, au plus fort de la guerre elle atteint le chiffre astronomique de 500 000 détenus répartis dans tout le pays y compris les pays sous gouvernement fantoche. Ce chiffre s’explique par le fait qu’en tenant les Aryens pour une race de seigneurs, les Nazis avaient besoin de place pour leur expansion et voulaient créer à tout prix le Lebensraum ou espace vital en épurant tout ceux considérés comme inférieurs ou indignes de vivre.
Cette augmentation de personnes entraîne une détérioration des conditions d’internement et une élévation du taux de mortalité. Devant le problème d’élimination des corps, à partir de l’année 41, la majorité des KL seront équipés de leur centre de crémation et pour certains d’une chambre à gaz afin d’accélérer le processus.
Le but des camps pendant cette période n’est plus le même. Il s’agit de rentabiliser au maximum cette armée d’esclaves en les louant, au profit de la SS, auprès des entreprises allemandes (Siemens, IG Farben, Krupp…) qui manquaient cruellement de main d’œuvre pour soutenir l’effort de guerre, mais sans pour autant la maintenir en vie.

Après leur arrestation, les futurs déportés sont interrogés puis mis en prison plus ou moins longtemps. Ils sont ensuite transportés dans des wagons à bestiaux jusqu’au camp ou à marche forcée….en surnombre dans le premier cas, à une allure soutenue dans le second. Une première sélection s’opérait dès lors, les plus faibles n’y résistant pas.
Accueillis à coups de nerf de bœuf par les SS, ils doivent se déshabiller afin d’être douchés et rasés sur tout le corps puis ils touchent leurs uniformes, amas de tissus sales et en mauvais état ayant déjà été portés par un autre. On leur attribue un numéro et un triangle suivant les différentes catégories afin de les dévaloriser un peu plus en les rayant du genre humain. Triangle vert pour les droits communs (pointe vers le haut pour les récidivistes), noir pour les asociaux, rouge pour les politiques, violet pour les Témoins de Jéhovah, rose pour les homosexuels et une étoile de David pour les juifs. De plus, une lettre avec le pays d’origine complète le tout. (F pour la France). Une dernière catégorie, les NN (Nacht und Nebel), sont condamnés à disparaître rapidement sans que quiconque ne sache ce qu’ils sont devenus.

La journée du déporté s’organise presque toujours de la même manière. Entre 4 et 5h, réveil et distribution d’un ersatz de café puis l’appel du matin qui peut durer plusieurs heures. Vient ensuite la journée de travail épuisante et meurtrière entrecoupée à midi par la distribution d’une vague soupe claire. Les SS et les Kapos font preuve d’une grande cruauté envers les déportés en les frappant ou en jetant leurs chiens dessus. Vers 18h c’est le retour au camp avec l’appel du soir qui peut lui aussi s’éterniser pendant de longues heures suivi de la soupe. Puis les prisonniers peuvent aller dormir si un des gardes ne leur fait pas faire d’exercices.
Les conditions d’hygiène dans les camps sont horribles et beaucoup de détenus meurent du typhus ou de la dysenterie. Le peu de nourriture qui leur est donnée n’arrange évidemment pas les choses. Aller à l’infirmerie, c’est se savoir condamné. Les médecins ne sont pas là pour soigner mais pour tuer tant par le manque de soins que aussi par de pseudos expériences médicales sur les déportés transformés en cobayes humains. L'altitude, l'eau de mer, le froid, les injections d'air, la stérilisation, les maladies infectieuses, les poisons, les gaz de combat, les sulfamides sont des sujets d’expérimentations assez courants et exécutés de façon barbare. Un des plus célèbres et des plus cruels de ces "docteurs" fut Josef Mengele qui opérait à Auschwitz.

Après la conférence de Wannsee le 20 Janvier 1942, la "solution finale" chère à Himmler et à Hitler, solution qui vise à éliminer les juifs du Reich, est définitivement instaurée. Les camps d’exterminations (Vernichtungslager) qui sont des usines équipées de plusieurs fours crématoires et chambres à gaz tournent à plein régime afin de faire disparaître le maximum de monde dans un minimum de temps. Les sélections se font dès les descentes des trains et beaucoup seront éliminés avant de vivre l’enfer des camps proprement dit.

A partir des premières déconvenues sur le front de l’est puis de l’avance alliée sur le front ouest après les deux débarquements, le régime sent le vent tourner et ordonne une évacuation des camps les plus proches de la ligne de front en faisant disparaître un maximum de preuves des crimes commis. Ainsi, lorsque le 24 juillet 1944 les troupes soviétiques libèrent le camp de Majdanek près de Lublin, elle découvrent un camp jonché de cadavres et en partie détruit. Himmler avait donné l’ordre dès le mois de juin de faire évacuer les camps des pays baltes qui étaient les plus menacés. A chaque évacuation les déportés sont déplacés sur des camps plus à l’intérieur du Reich lors de longues marches de la mort ou beaucoup périssent soit de par leur mauvais état de santé, soit par la brutalité des SS. D’autres étant évacués plus loin faisaient les trajets en trains. La surpopulation après chaque nouvel arrivage des camps entraîna une hausse du taux de mortalité car rien n’était prévu pour y faire face. Les détenus étaient encore plus entassés les uns sur les autres et beaucoup furent exécutés avant l’arrivée des armées alliées. Majdanek ne comptera qu’un millier de survivants environ et Auschwitz, qui cessera de fonctionner en novembre 1944, à peine plus de 7000 lors de sa libération le 27 janvier 1945. Des épidémies de typhus et de dysenterie se déclenchèrent dans pratiquement tous les lieux de détentions. Lors des libérations, les armées qui avançaient vers l’intérieur du Reich étaient confrontées à des visions d’horreur vu les amoncellements de cadavres mais aussi par l’état des quelques survivants. Un grave problème de logistique se posa alors : rien n’était prévu pour s’occuper de tout ce monde là. La plupart des découvertes de camp furent fortuites puisque officiellement personne n’était au courant. Certains déportés fraîchement libérés moururent par ingestion d’une alimentation trop riche. Le 29 avril, les Américains libérèrent Dachau, un des derniers camps tout juste évacués et assassinèrent tous les gardes SS présents. Ce crime de guerre fut passé sous le coup de l’émotion. Le dernier camp libéré fut celui de Mauthausen le 5 mai 1945.

Libération de Buchenwald


Libération de Dachau


III) Le Konzentrationslager Natzweiler-Struthof

Seul camp sur le territoire métropolitain français, le camp de concentration du Struthof n’échappera à aucune des règles des autres camps éparpillés dans tout le Reich. Le mont Louise sur lequel il est bâti est une ancienne station de ski très prisée depuis le début du 20ème siècle. Lorsqu’Albert Speer, "l’architecte du Reich" lance ses différents chantiers il envoie prospecter des géologues afin d’ouvrir des carrières de pierres. En Septembre 1940, le colonel SS Blumberg, alors employé par la DEST (Deutsche Erd und Steinwerke, entreprise créée par Himmler en 1938), localise un filon de granit rose qui servira pour l’édification du grand stade de Nuremberg.

Le premier contingent de déportés arrive vers le 21 mai 1941 en provenance du camp de Sachsenhausen pour commencer l’édification du camp qui ne sera totalement terminé qu’en octobre 1943. Etant érigé sur des flancs assez escarpés, les prisonniers devenus de plus en plus faibles auront beaucoup de mal pour monter les nombreuses marches entre le bas du camp et le centre puis la carrière, située à quelques centaines de mètres à l’extérieur.
"Être prisonnier à Natzweiler-Struthof revient ainsi à monter sans arrêt des marches, lesquelles sont particulièrement hautes. Sachant qu'au bout d'un certain temps, les prisonniers n'ont plus suffisamment de force pour lever normalement les jambes, ils finissent bientôt par adopter une démarche curieuse : devant chaque marche, ils prennent leur élan, placent les mains sous un genou et le soulèvent pour poser le pied sur la marche suivante. Après avoir posé l'autre pied, ils recommencent, et ainsi de suite jusqu'au block" a écrit le déporté norvégien Kristian Ottosen.

L’origine des déportés est aussi variée qu’ailleurs : juifs, politiques, asociaux, prisonniers de guerre…
En juin 1943 apparaissent les premiers déportés NN Français arrêtés comme résistants ou opposants à la force d’occupation allemande. L’admission des déportés se fait de la manière suivante : arrivée des convois à la gare de Rothau située à 8km puis montée par la route à pied ou en camions, enregistrement sous un numéro matricule, dépouillement de toute identité et affaires personnelles, épouillage, désinfection et distribution de tenues dépareillées et parfois rayées.
Le quotidien est rythmé suivant les horaires donnés en II. Le travail dans la carrière se fait en Kommando par n’importe quel temps sans protection spéciale. Les hommes sont tout autant sous-alimentés que dans les autres camps et sous la surveillance constante des SS ou des Kapos qui ne manquent aucune occasion pour ajouter à leur douleur.
Le site de travail se décompose en une carrière de pierre et une autre de gravier. A partir de 1942 certains réparent des moteurs d’avions et mi-1943, les NN commencent la construction de la Kartoffelkeller (cave à pommes de terre) qui est un bâtiment à moitié enterré vers les baraquements des SS . Personne ne connaît la véritable utilité de ce lieu long de 70 m avec plusieurs alvéoles.
Les prisonniers peuvent subir différents châtiments allant des coups de fouet sur le chevalet de bastonnade dont ils doivent compter les coups jusqu’a la mort par pendaison en passant par les peines de prison.
Le camp comprend les blocks des déportés, les baraquements des SS, la villa du commandant, un block cuisine, une prison, un four crématoire avec dans le même lieu les salles pour les "expériences médicales" et une chambre à gaz située un peu à l’extérieur de l’enceinte. Les trois médecins du camp avaient chacun leur spécialité : August Hirt, professeur d’anatomie, procède à des expériences sur le gaz moutarde et veut constituer une collection de squelettes. Otto Bickenbach, professeur de médecine, mène des expérimentations sur le gaz phosgène. Eugen Haagen, virologiste, poursuit ses travaux sur le typhus dont il a découvert un vaccin en 1936.

Le KL Natzweiler comptera jusqu'à 70 camps annexes situés en Allemagne mais aussi en France occupée. Ils servent en majorités à construire et entretenir des écoles et camps d’instructions pour la SS mais profitent également à l’effort de guerre de l’industrie allemande. Ils sont pour beaucoup enterrés dans des mines ou des tunnels afin d’être à l’abri des bombardements alliés, ce qui aggrave encore les conditions de travail. Le taux de mortalité peut monter jusqu'à 80%. Parmi ces annexes je ne citerai que le camp de Metz-Queuleu.
(http://www.memotransfront.uni-saarland.de/htm/3x13.htm) ou celui de Thil (http://www.outoftime.de/thil/).

Début septembre 1944, les Alliés ont dépassés Paris et arrivent en Champagne. Devant cette avance, les Nazis décident l’évacuation du camp principal vers Dachau. Le 23 novembre, le camp est libéré par les Américains. Plus de 20 000 personnes sont mortes sur les 52 000 déportés qui ont transité par ce lieu entre 1941 et 1944.

En 1945 les Alliés organiseront des procès pour chaque responsable de camp donc Josef Kramer, ancien commandant du camp qui sera jugé par les Britanniques pour sa participation à Bergen-Belsen. Les autres responsables identifiés seront quant à eux jugés aux procès de Wuppertal, de Rastatt et de Metz.

Entrée du Struthof

De 1945 à 1949, le Struthof devient un lieu d'internement administratif pour les personnes ayant collaboré avec les nazis, puis il sert de centre de détention pour des détenus de droit commun. À la fin de l'année 1949, le camp est confié au ministère des anciens combattants et victimes de guerre. L'architecte en chef des Monuments historiques, Bertrand Monnet, est chargé d'un projet de conservation. Le sol du site de l'ancien camp est classé Monument historique en 1950, et le bâtiment de la chambre à gaz, l'année suivante. En 1953, un décret permet l'ouverture d'une souscription nationale et établit un "Comité national pour l'érection d'un mémorial de la déportation au Struthof". Une commission exécutive est créée, composée d'anciens internés, Résistants, déportés de Natzweiler ou d'autres camps.

"Chambre" au Struthof

Crématoire du Struthof

En 1954, pour des raisons essentiellement d'ordre sanitaire, le préfet du Bas-Rhin, Paul Demange, lui même ancien déporté à Neuengamme, décide de faire détruire la plupart des baraques, qui sont donc brûlées. Une baraque de logement des déportés, l'ancienne baraque des cuisines, le bloc cellulaire et le bâtiment du four crématoire sont conservés pour la mémoire du camp.

Le 23 juillet 1960, le Mémorial "Aux martyrs et héros de la Déportation" est inauguré par le général de Gaulle, Président de la République, entouré de deux ministres anciens déportés : Edmond Michelet, rescapé de Dachau et Pierre Sudreau, rescapé de Buchenwald.

 

Camps vampire de la Wehrmacht

 

Le Struthof - bas

Agrandir

Le Struthof - haut

Agrandir

Cimetière américain de Saint Avold

Agrandir

Cimetière américain de Saint Avold

Cimetière américain de Saint Avold

Cimetière américain de Saint Avold

Cimetière américain de Saint Avold

Cimetière américain de Saint Avold

Sources : http://www.defense.gouv.fr/sites/commemorations_du_60e/les_commemorations_2005/ la_liberation_des_camps/chronologie/la_liberation_des_camps/
http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/page/afficheLieu.php?idLang=fr&idLieu=981
http://www.lescamps.org/photo.htm
http://www.fndirp.asso.fr/systemeconcentrationnaire.htm

Menu