La chute de Mussolini
Par Laurent Huchard

Mussolini

Le 25 juillet 1943, le roi Victor Emmanuel III nomme le maréchal Badoglio chef du gouvernement avec les pleins pouvoirs militaires. Mussolini apprend la décision lors d’une réunion avec le roi, il est arrêté à l’issue de cette entrevue.
La fin de Mussolini se fit dans l’indifférence générale même auprès des fascistes les plus durs. La majorité des Italiens lassés de la guerre souhaitent sortir du conflit par n’importe quel moyen, la confiance envers Mussolini et le régime était en chute libre. Les Italiens étaient convaincus que les puissances de l’Axe ne pourraient plus gagner et que le territoire national serait bientôt envahit par les alliés. Des grèves en mars 43 ouvrent une crise sociale qui montre l’assise de la propagande anti-fasciste. Ces grèves n’ont rien changés, au contraire la situation s’aggravait et la répression se fit plus dure, pourtant il était clair que des grèves pourraient éclater de nouveau dans les zones industrielles et gagner les zones rurales.
La bourgeoisie industrielle prit peur de ces grèves, la menace d’une reprise de la lutte des classes se faisait sentir. L’industrie avait fait de gros profit en ces mois de guerre mais en raison de la gravité de la situation économique l’argent ne rentrait plus aussi facilement. Les capitaines d’industrie et de la finance prennent leurs distances avec le régime et souhaitent une paix séparée. Ceux qui mènent la Confindustria (l’équivalent de notre medef) contribuent à créer une atmosphère favorable à un coup d’état.

Déjà à la fin de 42, des groupes de dirigeants politiques et militaires veulent l’élimination de Mussolini au pouvoir, ils étaient convaincus que la guerre menée au côté de l’Allemagne conduisait à la catastrophe.
L’armée bien que dispersé sur plusieurs fronts d’occupations reste tout de même une force suffisante pour mettre en œuvre un coup d’état et de faire face aux organisations paramilitaires fascistes. La majorité de l’armée, sous influence de la propagande fasciste, est restée fidèle au roi et n’est plus confiante dans la guerre conduite par Mussolini. Notons les responsabilités qu’ils eurent lors de la déclaration de guerre en juin 40 et qu’ils n’ont émis que quelques réserves lors de l’attaque de la Grèce et de la Russie et ils se présenteront que comme des exécuteurs techniques.
La situation la plus embarrassante est celle su roi qui avait favorisé l’ascension des fascistes au pouvoir, il a partagé la décision avec Mussolini d’attaquer la France, l’Albanie, la Grèce et la Russie alors qu’il était pour la non intervention pendant la période de non belligérance.

En 42-43, Badoglio fait les premiers pas vers les alliés pour obtenir un appui en cas de coup d’état par l’intermédiaire de deux membres de la maison royal, il rentre également en contact avec le futur pape Paul VI. Le Vatican se rendait compte que le peuple italien désirait la paix mais aussi que cette paix ne pourrait être négocié par des hommes du régime comme Ciano, plus préoccupés de sauver leur peau en abandonnant Mussolini. Le consul italien à Genève chargé par Aimone de Savoia, duc d’Aoste de rencontrer le vice consul britannique à Genève Victor Farrel et propose la préparation d’un coup d’état militaire pour renverser Mussolini en échange d’un appui anglo-américain en faveur du maintient de la monarchie. Le ministre des affaires étrangères Eden accueille favorablement le projet, celui-ci veut faire sortir l’Italie de la guerre pour signé une paix séparée et que l’Allemagne occupe le pays et que les alliés y ouvrent un front.
Pendant ce temps à Casablanca, Churchill et Roosevelt affirme vouloir continuer la lutte jusqu’à la reddition sans condition des forces de l’Axe. Pourtant Churchill avait pourtant toujours déclaré que l’entrée en guerre de l’Italie n’était du qu’à « un seul homme, un homme seul », il pensait donc que l’Italie méritait un traitement de faveur, soit une paix séparée faites par un gouvernement où serait exclu Mussolini. Roosevelt se faisait aussi la même idée ménageant ainsi les italo-américains et des catholiques en vue des élections de 1944. Ike quant à lui, désire chasser l’Axe de l’Afrique du nord et occuper la Sicile qui assurerait la position alliée en Méditerranée puis transférer le gros de ses troupes en Angleterre pour l’ouverture du second. Ainsi, les décisions politiques et stratégiques étaient prises sans que la question d’un débarquement en Italie continentale soit envisagée. La formule de reddition sans condition encourageait tout ceux qui en Italie espéraient une paix séparée, ce qui est contradictoire dans un sens puisque des conditions plus ou moins pesantes pourraient être dictées par les vainqueurs. La décision prise à Casablanca ne fermait pas au gouvernement italien la possibilité d’établir des contacts en vue d’une négociation.

Du côté de l’Axe, Mussolini demande à Hitler des renforts allemands pour défendre la Tunisie et il affirme qu’il ne pourra tenir en Afrique sans moyen et que les alliées pourront agir à leur guise sur les rives de la Méditerranée. Hitler lui fournira quelques renforts, insuffisant cependant pour tenir la Tunisie.

Après la reddition des troupes de l’Axe en Tunisie, l’opinion estime que le roi détenait le pouvoir légal mais aussi l’autorité morale pour révoquer Mussolini et sans intervention allemande, les institutions crées par les fascistes ne pourraient résister à un coup d’état. Vers la fin du mois de juin, le roi semblait ne pas vouloir agir pour le moment bien que les militaires fussent près à agir rapidement. L’attente du roi s’explique par l’habitude complaisante avec un régime autoritaire depuis 20 ans et il avait peur des anti-fascistes, modérés comme révolutionnaires ; il craignait d’être perçu comme un complice du fascisme, ainsi que responsable des défaites militaires. Il repoussa donc la proposition de Bonomi, la formation d’un gouvernement anti-fasciste. Le 24 juin, Mussolini prononça lors de la dernière réunion du parti le discours passé à la postérité sous le nom de « discorso del bagnasciuga », il y évoque les activités anti-fascistes, la lutte contre le marché noir, il juge les anglo-américains et leur conduite de la guerre. Il reconnaît en fait le désastre dans lequel se trouve l’Italie et admet qu’un débarquement local en Italie n’est pas impossible. Il déclare ces fameuses phrases : « le peuple italien est désormais convaincu que c’est un question de vie ou de mort. Il faut qu’à peine ces gens tenteront de débarquer, ils soient immobilisés sur la ligne que mes marins appelle « bagnasciuga », la ligne de sable… (Mussolini se rompe son « bagnasciuga » veut dire ligne de flottaison ) Et si par aventure ils y pénètre, il faut que les réserves se précipitent sur ces individus et les anéantissent jusqu’au dernier homme. De façon que l’on puisse dire qu’ils ont occupé un pan de notre patrie, mais ils l’ont occupé en position horizontale, non en position verticale ». Ces affirmations seront démenties lors du débarquement de Sicile.

Les principaux dirigeants fascistes De Bono, De Vecchi, Farinacci, Giurati, Teruzzi, Bottai, Acerbo, Bastianini, De Cicco, Cianetti et Biggini obtiennent le 16 juillet une réunion prévue le 24. Avant d’agir, ils attendent l’entrevue de Feltre entre le Duce et Hitler, ils espèrent que Mussolini fera part à Hitler que l’Italie ne peut continuer la lutte, il n’en est rien, Hitler assure qu’il enverra de nouveaux renforts et se plaint du manque de combativité des Italiens. Pendant ce temps, Dino Grandi préparait l’ordre du jour pour la réunion du 24 qui exigeait la fin des pouvoirs de Mussolini ;
Le samedi 24 juillet à 17h15 débute la réunion du grand conseil. Mussolini ouvre la séance en évoquant la situation militaire et tire la conclusion qu’il faut poursuivre la guerre, puis les ordres du jour sont présentés, celui de Farinacci d’abord puis celui de Grandi qui est mis au voix : 19 voix contre 7 et une abstention. Mussolini s’est montré étrangement passif lors de la réunion, il n’avait pas le choix, un coup de force de sa part contre les 19 dissidents aurait déchaîné les réactions du roi et des militaires, ce qui aurait été une humiliation aux yeux de Mussolini.
Il ne pouvait plus que se rendre chez le roi et lui demander de ne pas prendre en compte le vote du grand conseil et choisir une solution de compromis. Au matin du 25 juillet, Mussolini demande audience au roi qui aura lieu à 17h. D’autre part, Badoglio reçu dans la matinée sa nomination de chef du gouvernement.
Mussolini se rend donc à la Villa Savoia pour son entretien avec le roi. L’entrevue fut brève, Victor Emmanuel annonce à Mussolini qu’il sera remplacé par Badoglio et repousse toute les protestations de Mussolini. A peine sorti de la villa, Mussolini est arrêté par les carabiniers et n’oppose pas de résistance.
A 22h45 la radio transmet le communiqué suivant : « sa majesté le roi et empereur a accepté la démission du chef du gouvernement, premier ministre, secrétaire d’état, de son excellence le cavalier Benito Mussolini et a nommé chef du gouvernement, premier ministre, secrétaire d’état, le cavalier Maréchal d’Italie Pietro Badoglio ». Il est annoncé ensuite que la guerre continue.


Après l’éviction de Mussolini, la radio annonçait la nomination de Badoglio à la tête du gouvernement. Les anti-fascistes laissent leur joie exploser, ils acclament le roi et Badoglio mais ils demandent aussi la paix alors que le Maréchal avait annoncé que la guerre continuait.
Les sièges locaux du parti fasciste furent dévastés, les bustes de Mussolini et les symboles du régime jetés en pâtures sur la voie publique, les fascistes et les miliciens n’eurent aucunes réactions.
L’inaction des organisations fascistes lors du coup d’état et des manifestations populaires démontre que le PNF (Partito Nazionale Fascista : Parti National Fascite) avait cessé d’exister. Le gouvernement Badoglio décida dès sa première réunion de dissoudre le PNF ainsi que les organisations qui en dépendaient. D’autre part, le nouveau gouvernement pris peur des manifestations populaires, il craignait une insurrection qui pourrait être dirigée par les communistes ou les républicains. Des mesures répressives furent appliquées par l’armée, 83 civils sont tués, 208 blessés et 1 554 arrêtés pendant les cinq premiers jours qui suivirent le 25 juillet.

Les partis anti-fascistes devinrent semi clandestins après le 25 juillet, continuant à recueillir des adhérents de toutes les classes sociales mais ne furent pas légalisés, ils ne pouvaient pas organiser de manifestations publiques, ni ouvrir de siège, ni publier des journaux ou tracts. La presse anti-fasciste continua donc son action clandestinement. D’autre part, pendant la période des 45 jours les dirigeants du parti communiste comme Lungo, Secchia et Scoccimarro, les socialistes Nenni, Pertini, Morandini et Saragat et encore Bauer, La Malfa et Lusso pour le Partito d’Azione rentrent de l’exil et commencent à former le futur CLN (Comitato di Liberazione Nazionale, Comité de Libération Nationale). Les divergences des partis firent leurs apparitions dès le début surtout sur le sujet du changement d’alliance. Une délégation comité composée de Bonomi, De Gasperi, Salvatorelli, Ruini et Amendola rendit visite à Badoglio dans le but de cesser les hostilités. Badoglio ne donna pas suite à l’entrevue. Pendant ce temps, les alliés bombardaient Naples, Turin, Milan, Gênes et Rome causant d’innombrables destructions qui rendait la vie plus difficile à la population civile déjà pessimiste en raison de la situation économique, de l’afflux des renforts allemands et de l’attente des négociations de paix espérées. A la moitié du mois d’août, des grèves éclatent à Turin, Milan et dans les autres grands centres industriels, le gouvernement craint une insurrection mais les mouvements grévistes se calment. Il est clair que la situation interne du pays est à la limite de la rupture et montre que le nouveau gouvernement n’arrive pas à gérer la situation.

Le roi et Badoglio essayent de maintenir la monarchie au pouvoir craignant une montée du communisme ou de tout mouvement s’appuyant sur les mouvements ouvriers et les milieux populaires. Les collaborateurs du nouveau gouvernement ont été fascisé soit par conviction soit par intérêt et donc peu sensible aux exigences démocratiques et à l’argumentation des anti-fascistes et souhaitent maintenir un régime autoritaire le plus longtemps possible. Pourtant le roi, lui aimerait abdiquer en faveur de son fils, Badoglio est favorable à l’entrée des anti-fascistes au gouvernement. Les buts fondamentaux du gouvernement Badoglio doivent être pris en compte pour comprendre le processus de négociation de l’armistice.
Badoglio avait annoncé que la guerre continuait car il avait peur de la réaction allemande et des fascistes endurcis, il renvoyait à plus tard la décision qui s’imposerait. Cette décision était difficile à prendre. A la date du 25 juillet, les alliés contrôlaient les deux tiers de la Sicile, avaient la maîtrise des mers et une nette supériorité aérienne et personne ne savait ce qu’envisageraient les alliés après l’occupation totale de l’île, un débarquement en Italie continentale n’était pas à exclure mais ce débarquement pouvait avoir lieu ailleurs en Méditerranée. L’incertitude des intentions alliées jouait en défaveur de Badoglio.

Les Allemands disposaient au 25 juillet en Italie de 8 divisions incomplètes dont 4 en Sicile, une en Sardaigne, deux en Italie méridionale et une blindée près du lac de Bolzano. Le commandement suprême allemand avait prévu une opération nommée Alaric qui devait contrer une tentative alliée de débarquement, dont l’un des premiers objectifs était d’occuper l’Italie du nord pour en faire un bastion défensif de la forteresse europe.
Par ailleurs, les forces italiennes présentes dans la péninsule pouvaient empêcher la retraite des troupes allemandes en Sicile si le gouvernement avait signé un arrêt des hostilités avec les alliés mais ni le roi ni Badoglio n’ont envisagé cette possibilité, ils ont préféré utiliser les troupes pour réprimer les mouvement de foules. Ils ont aussi été prudent avec les Allemands pour gagner du temps, ce qui s’est révélé être une erreur, pour négocier avec les alliés. On peut ajouter qu’il aurait été difficile de s’opposer aux Allemands avec une armée plutôt faible et endoctrinée par une propagande anti-anglaise et philo allemande. Les Allemands pouvaient faire défaire les 33 divisions italiennes présentent en Yougoslavie, Albanie, Grèce et les 9 divisions en France, les 300 000 travailleurs Italiens en Allemagne ne pouvaient fuir. En somme, l’occupation de l’Italie du nord par les troupes allemandes ne pouvait être empêchée dès les premiers jours qui suivirent le 25 juillet.

La nouvelle de la réunion du Grand Conseil parvint à Berlin entre le 25 et le 26, les informations étaient confuses, les Allemands se rendirent compte de la situation dans la soirée du 26, Hitler pestait contre la destitution de Mussolini et ordonna que ses troupes arrêtent les « traîtres » (le roi, Badoglio et les auteurs du coup d’état) et puissent remettre Mussolini au pouvoir. Sur les conseils de Jodl, Hitler renonça à passer à l’action pour maintenir des relations avec le nouveau gouvernement pour gagner du temps et renforcer ses forces en Italie.
A la demande de Badoglio, Hitler reçu l’attaché militaire à Berlin, le général Marras mais refusa de rencontrer le roi. En revanche il autorisa une rencontre entre Guariglia et ambrosio et Keitel et Ribbentrop. Ce dernier était convaincu à l’issu de la rencontre que les Italiens allaient passer du côté des alliés.
Une autre entrevue eu lieu sur la demande des Allemands à Bologne entre les généraux d’état-major Rossi et Roatta et les Allemands Rommel et Jodl ; il y fut question de la défense du territoire italien mais la méfiance était omniprésente des deux côtés.
De ces rencontres militaires les Allemands ont réussi à renforcer leur dispositif militaire en Italie sans rencontrer d’opposition et les Italiens ont cru à tort avoir gagné du temps.

La nouvelle du coup d’état parvint aussi à Churchill, Roosevelt et Eisenhower, ils estimaient possible cette crise depuis un moment. Suite à cette annonce, Ike fit préparer un armistice entre ses troupes et celles italiennes.
Cette armistice imposait au gouvernement italien une cessation des hostilités, la fin de l’entre aide avec les Allemands, le retour des prisonniers de guerre alliés, le transfert de la flotte et de l’aviation sous commandement alliés et la liberté d’usage du territoire italien pour poursuivre le but de guerre anglo-américain. Le document restera secret jusqu’à l’envoi d’un émissaire italien.
Une conférence se déroula entre le 14 et le 24 août au Québec, les chefs d’état-major Marshall, Brooke, le ministre des affaires étrangères Eden et le secrétaire d’état Hull sont présents pour cette conférence où ils débattent de leur attitude qu’ils auront envers l’Italie et sur la proposition d’un débarquement en septembre en Italie proposé par Ike.

La première tentative de contact avec les alliés fut accomplie par Alberto Pirelli qui se rendit à Berne pour demander la médiation du gouvernement suisse. La Suisse déclina l’offre car la médiation dans un conflit armé n’entre pas dans les prérogative d’un état neutre,et aussi ne souhaite pas s’exposer à des représailles allemandes. Les mêmes raisons écartent également le Vatican. Badoglio et Guariglia décide donc d’utiliser un diplomate envoyé à l’ambassade d’Italie au Portugal. Le marquis Blasco Lanza d’Ajeta, ancien chef de cabinet de Ciano puis ambassadeur auprès du Vatican fut choisi pour cette mission. Il rencontra le 4 août l’ambassadeur britannique au Portugal Campbell, Lanza d’Ajeta proposa de préparer un accord entre les alliés et l’Italie, conseilla aux alliés d’alléger la pression en Italie et de tenter un débarquement ailleurs en Méditerranée, qu’une intensification des bombardements pourrait déclencher une insurrection communiste et fit savoir qu’une rencontre a eu lieu entre Guariglia et Ribbentrop. Le rapport de Campbell fut envoyé à Churchill et Roosevelt qui émirent des doutes sur la volonté italienne de se débarrasser de son allié allemand.
L’échec de cette mission (ainsi qu’une autre prise de contact de moindre importance) n’est pas du à l’émissaire mais à la mission élaborée par Badoglio qui croit obtenir une aide alliée avant même se rendre ou cesser les hostilités. Le seul point positif de l’entrevue d’Ajeta c’est la nouvelle du désir des alliés : ils veulent prendre contact avec un général pour lui communiquer les conditions d’armistice.

Badoglio accepta en partie la requête, il envoya à Lisbonne un général pour discuter d’un débarquement alliés mais pas des conditions d’armistice. Le général Giovanni Castellano, homme de confiance de Ambrosio, fut choisi pour accomplir cette mission. Accompagné d’un diplomate, Montanari, il rencontre le 19 à l’ambassade britannique le général américain Bedell Smith, chef d’état-major de Ike et le général britannique Kenneth W.D. Strong ainsi que les ambassadeurs Campbell et l’américain Kennan. Smith commença par lire à Castellano le texte d’armistice, ce dernier rétorqua qu’il n’est pas habilité à traiter de l’armistice et soutien que Rome demande une aide militaire qui sera suivie par la signature de l’armistice. Smith déclare que les Italiens doivent dire s’ils acceptent ou non les conditions, pas en discuter. Smith divulgue la signature de l’accord entre Churchill et Roosevelt, accord qui entend aider les Italiens dans la mesure où ceux-ci participent à la lutte contre les nazis. Smith affirme que Ike communiquera l’entrée en vigueur de l’armistice six heures avant le débarquement. Castellano arrivera à Rome le 27 avec le texte d’armistice et la déclaration de Québec, il est surprenant que le gouvernement prenne connaissance aussi tardivement des conditions d’armistice mais la prudence était la principale conseillère de Badoglio.
Rome décida d’envoyer une autre mission avant le retour de Castellano. Le général Zanussi arriva à Lisbonne le 25, l’envoi d’un deuxième émissaire suscita des soupçons aux diplomates et militaires alliés, certains pensèrent même qu’il s’agissait d’un espion. Etrangement Eden envoya le texte d’armistice à Campbell pour que ce dernier le consigne à Zanussi ce qui provoqua la colère de Ike, il chargea Campbell d’amener Zanussi à Alger. Le général italien y fut interrogé pendant trois jours et prouva sa bonne foi.

Eisenhower préoccupé en raison de l’approche de la date du débarquement demande au gouvernement de Rome quelle est sa décision. Les Italiens sont perplexes, ce qui les embarrassent c’est l’obligation de proclamer l’armistice quand Ike le voudra et devront ordonner collaboration avec les forces alliées et la résistance aux forces allemandes. Badoglio aurait souhaité annoncer l’armistice après le débarquement et qui à sa préférence devrait se dérouler au nord de Rome. Badoglio et Guariglia décident que Castellano reprendra les négociations avec une note qui stipule que le gouvernement italien ne peut déclarer l’armistice si le débarquement n’est pas effectué.
Castellano rencontra donc Bedell Smith le 31 août en Sicile à Cassabile près de Syracuse. Pour hâter les discussions les alliées prétendent vouloir parachuter une division dans les alentour de Rome ce qui bien sûr intéresse les Italiens mais ils surestiment aussi leurs propres troupes impliquées dans l’opération Avalanche, les américains nommeront les pourparlers « le grand bluff ».
Le lendemain, Castellano fait part de la réunion à Badoglio, Guariglia, Acquarone et Carboni ; il est décidé d’accepter l’armistice. Castellano fut envoyé à nouveau à Cassabile, quand il dut signer l’armistice il déclara que Rome ne l’a pas accrédité à signer le document. Il est probable que se soit une négligence mais il ne faut pas conclure à une dernière astuce. Un échange de messages radio entre le commandement alliés et Rome permette de trouver une solution.
Le 3 septembre à 17h à Cassabile, en présence de Eisenhower, Smith et Castellano signe l’armistice.

Représentants des Alliés et le général Castellano


Les conséquences immédiates de l’armistice :


les Italiens attendent pour annoncer l’armistice le débarquement prévu par les alliés le 9 septembre mais ceux-ci avertissent le gouvernement Badoglio que chaque jour après le 7 sera peut-être celui où l’annonce ce fera. Les alliés restent flous quant au secteur du débarquement, ils évoquent une zone entre Naples et Salerne. Par ailleurs, deux divisions britanniques ont franchi le détroit de Messine et continuent leur avance en Calabre.
Pour le gouvernement Badoglio, l’armistice a un effet positif et négatif. Le premier confirme le gouvernement comme légitime et la continuité de l’état ainsi que de la monarchie pour un temps. Le second sanctionne la politique du gouvernement à partir du 25 juillet qui voulait un renversement d’alliance plutôt que signer un armistice et surtout un débarquement en Italie centrale avec des forces imposantes pour que les troupes italiennes n’interviennent pas.
Tout cela implique l’abandon de la position attentiste à l’égard des allemands. Au moment de l’annonce de l’armistice le gouvernement et le roi devront choisir entre la résistance à la réaction allemande ou le renoncement, ce qui veut dire fuir vers le sud où les allemands ne sont pas présents.

Plaque commémorative


Le fait que Badoglio ne fait pas prendre de mesure particulière au commandement militaire au sujet de la préparation à la réaction allemande rend difficile la résistance. C’est l’effet le plus grave de cette politique attentiste qui est due à la peur des dirigeants, ils ne veulent pas éventer le secret de l’armistice. L’armée sera informée le 3 septembre seulement, le jour où l’armistice est signé et ne sont donc pas prêt à réagir contre les allemands. On constate que la possibilité de résister aux Allemands n’est pas prise au sérieux et que le gouvernement à déjà décider de fuir. Badoglio et le roi préfère jouer la carte du mensonge, alors que l’armistice est signé ils assurent leur fidélité à l’ambassadeur allemand. Dans la soirée du 7, deux officiers américains arrivent discrètement à Rome, le général Taylor et le colonel Gardiner sont reçus par Badoglio qui leur demande de retarder l’annonce de l’armistice, ce que refusent les deux américains.
En conséquent, Badoglio fait savoir à Ike qu’il ne peut accepter l’annonce en raison de la présence allemande à Rome.
La volonté de retarder cette annonce apparaît comme la volonté de remédier aux erreurs commises, à savoir comment lutter contre les Allemands.

Eisenhower et Badoglio


L’armistice est annoncé le 8 septembre à 19h45 à la radio, la fin de l’allocution dictée par Ike conclue « tout les Italiens qui agissent maintenant et qui combattent et chassent l’agresseur allemand du territoire italien auront l’assistance et l’aide des Nations Unies ». Badoglio ne donnera aucun ordre à l’armée mais on ne peut affirmer que c’est la seule cause de la débâcle finale de l’armée de sa majesté. La situation des troupes italiennes en France et dans les Balkans est extrêmement précaire, les troupes certes ne sont pas philo germanique mais ne sont pas prêtes à prendre les armes contre les alliés d’hier. Pour les Italiens, dont les militaires, la chute de Mussolini est un pas vers la paix et non vers un autre conflit, pour les militaires l’idée du « ritorno a casa » (le retour au foyer) prévaut sur la volonté de combattre.
Les Allemands sont alarmés par la transmission radio de l’allocution et se mettent aussitôt en mouvement vers Rome et débordent facilement les quelques troupes italiennes isolées et sans ordres. Le lendemain, les divisions Granatieri, Ariete et Piave opposent une rigoureuse résistance qui entrave l’avance allemande. La fuite du gouvernement italien facilite la tâche de Kesselring, le corps blindés qui s’était opposé aux allemands couvre la fuite et les hauts responsables militaires se précipitent aussi vers le sud. La défense de Rome est maintenant impossible. Le 10 les défenseurs de Rome capitulent, la reddition est signée par un officier de la Centauro le colonel Giaccone. Les termes de la capitulation stipulent que Rome est « ville ouverte », la cité est aussitôt mise sous le contrôle des forces armées et policières allemandes. Le même jour, le roi, Badoglio et leurs suivants s’embarquent pour Brindisi où siègera le gouvernement reconnu par les alliés. Peu de temps après à Gran Sasso, Mussolini est libéré par un commando dirigé par le SS Skorzeny puis emmené en Allemagne.
La marine quitte Tarente et La Spezia pour Malte comme le prévoyait l’armistice. L’escadre est attaquée par la Luftwaffe au large de la Sardaigne et le cuirassé Roma est coulé avec le commandant de l’escadre Bergamini. Le désarmement de l’armée se déroule tout autrement, les unités sont numériquement supérieures à celles allemandes mais il n’y a pas oppositions sérieuses et sont désarmées facilement. Le désarmement est plus lent en Yougoslavie, Grèce et Albanie ; la présence italienne en territoire hostile favorise la cohérence des unités, les redditions sont à l’initiative soit des Italiens soit des Allemands, parfois des massacres sont commis contre les Italiens comme à Céphalonie où 9 600 hommes sont assassinés par les nazis, dans certains cas les Italiens se joignent aux bandes de partisans.
L’armistice et le désarmement entraînent 550 000 Italiens dans l’enfer de la déportation, 40 000 sont tués lors des combats et 20 000 ont disparu.
La barbarie et la sauvagerie des nazis n’ont pas épargné pas l’allié d’hier, « l’allié privilégié ».


Sources

La seconda guerra mondiale, il crollo del fascismo, la resistanza, in Storia dell’Italia moderna, Giorgio Candeloro, Feltrinelli
Le fascisme italien, Pierre Milza et Serge Berstein, édition du seuil

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