La Schwere Panzer-Abteilung 501 en Tunisie
Par Antoine Merlin

Insigne de la Schwere Panzer-Abteilung 501

La Schwere Panzer-Abteilung 501 est créée le 10 mai 1942, bien que la décision de créer des Kompanies lourdes indépendantes date de février. Composée et entraînée en premier lieu à Erfurt, elle bénéficie de l’expérience des cadres et des hommes de la Panzer-Ersatz-Abteilung 1 (unité d’école) et de l’école d’artillerie de Putlos.
Néanmoins, faute de véhicules lourds dans un premier temps, une partie de l’entraînement s’effectue à bord de Panzer IV. Entre-temps, le déploiement d’un bataillon « lourd » en Afrique du Nord pour l’hiver 1942-43 est sérieusement envisagé, la 501 étant assignée à cette tâche. Initialement, l’unité doit être équipée de Tiger (P) du fabricant Porsche, concurrent malheureux du Tiger (H) de Henschel ; avant même le choix définitif de la Heeres Waffenamt n°6 (chargée des armements blindés), Porsche a initié la production de 90 « Tiger (P) », ceux-ci étant en plein assemblage lorsque la Panzerwaffe se tourne vers le concurrent Henschel ! Afin de ne pas « perdre » ces précieux 90 engins, il est prévu d’en armer des Schwere PanzerAbteilungen, notamment la 501.
Au final, ces 90 châssis deviennent les célèbres Pzjäger « Ferdinand-Elefant », alors que la s.Pz.Abt.501 reçoit ses premiers Tiger I standards de l’industriel Henschel. Prioritaire quant aux livraisons, c’est la s.Pz.Abt.502, installée près du Lac Ladoga, non loin de Leningrad, qui perçoit les premiers Tigers ; engagés pour la première fois en opération le 29 août 1942, ils ne brillent guère durant les difficiles premiers mois au front !

La s.Pz.Abt.501 perçoit ses premières machines aux alentours du 20-25 août 1942 seulement. Durant septembre et octobre, la compagnie perçoit, au total, 10 Tiger I et 16 Panzer III, répartis en deux Kompanies. La préparation pour son futur déploiement africain bat son plein, avec notamment l’installation de filtres et d’équipements tropicaux pour les blindés, et d’uniformes pour les hommes. Rommel, qui prépare ses dernières offensives à El Alamein à la même période, réclame l‘arrivée de ces lourds engins au plus vite. L’officier emblématique de l’Afrika Korps a en effet assisté à une démonstration du Tiger en Allemagne, et souhaite en bénéficier pour ce qui sera y sa dernière offensive en Égypte contre les forces y britanniques de Montgomery. Toutefois, le transfert traîne, et ce n’est que le 18 novembre qu’arrivent, à Reggio en Calabre, les premiers Tiger de la 501 ; à cette date, le DAK a été écrasé à El Alamein, et les forces Alliées viennent de débarquer au Maroc et en Algérie.
Le temps joue contre l’Axe, il est impératif de transformer la Tunisie en bastion afin d’arrêter la progression angloaméricaine ! Les premiers hommes de la 501, dont les officiers du Stab (état-major de l’unité), arrivent par avion à Bizerte le 20 et 22 novembre, grâce à une flotte de transport aérien assemblée pour l’occasion, comportant 16 Junkers Ju-52 et 4 Messerschmitt Me323 « Gigant ». Le premier Tiger débarque sur le sol africain le 23, suivi par deux autres, depuis le cargo italien Aspromante. 4 Panzer III sont débarqués au même moment.

Immédiatement rattachés au Panzer-Regiment 7 de la 10.Panzer-Division, les Tiger sont engagés pour la première fois le 26 et 27 novembre, autour de Djedeida, en Tunisie, mais sans combats ; les premiers «tirs» ont lieu le 1er décembre et 2 M3 Lee britanniques sont détruits par deux Tiger (le 3ème est tombé en panne). Le 2 décembre, 1 Tiger et 5 Panzer III d’appui (dont deux appartiennent en fait à la Panzer-Abteilung 190) sont engagés à l’est de Tebourba, autour du point n°186 : 2 Panzer III sont mis hors de combat, et un 3ème définitivement perdu. Néanmoins, 6 chars ennemis (appartenant à la 1st US Armoured Division), 4 pièces antichars et plusieurs véhicules, dont 2 Half-tracks, sont mis hors de combat par le Kampfgruppe allemand. Durant les deux jours suivants, le dernier Tiger y opérationnel est renvoyé à l’arrière pour réparations. Fragile, et soumise au difficile terrain tunisien, la mécanique du Tiger nécessite en effet un entretien minutieux et fréquent, en conséquence de quoi le taux de disponibilité chute dramatiquement. Le 6 décembre, 7 Tiger I et 5 Panzer III sont présents sur le continent africain. Le 11 décembre, lors d’une attaque contre les forces britanniques à l’est de Djedeida, deux officiers de l’unité sont tués, dont un par un tireur d’élite. Pour l’instant, l’unité n’a subi aucune perte matérielle définitive.
À cette date, la 1.Kompanie revendique déjà une trentaine de blindés.
En date du 25 décembre 1942, ce sont 12 Tiger I et y 16 Panzer III qui sont déployés, grâce à l’arrivée progressive de la 2.Kompanie de la s.Pz.Abt.501.

5 unités supplémentaires sont disponibles à partir du 8 janvier 1943, un autre Tiger arrivant le 16, et le dernier Tiger étant débarqué le 24 janvier 1943, toujours à Bizerte. Notons que les derniers engins sont transportés sur des barges, fortement armées, et non pas par des cargos traditionnels dont un grand nombre est détruit par les forces aériennes et maritimes alliées lors de la difficile traversée entre le sud de l’Italie et les ports tunisiens. Grande chance pour la 501, aucune barge n’est coulée durant les transferts !Il faut dire que la plupart des rotations maritimes se font de nuit. L’unité est donc au complet, avec 20 Tiger I : 2 Kompanies, disposant de 9 Tiger chacune, plus 2 chars de commandement dans la Stab-Kompanie. 5 y Panzer III sont également déployés au sein de la StabKompanie, et chaque Kompanie en aligne 10, soit un total de 25 Panzer III. Les combats durant le mois de janvier se déroulent dans les Djebels tunisiens, notamment en appui du 756.Gebirgsjäger-Regiment, dans le secteur de Masseur.
Le 19 janvier, la 1.Kompanie capture un convoi de plus de 100 véhicules américains dans le secteur de Masra, un exploit qui coûte 3 Tiger endommagés (vraisemblablement par des mines) à l’unité. Le 21 janvier, plusieurs Tigers de la 1.Kompanie attaquent une colonne blindée britannique à longue distance, dans une vallée ; incapables de riposter, les chars anglais décrochent, laissant 3 des leurs sur le terrain. Après ces accrochages, la sensation d’insécurité s’accroît chez les équipages anglo-saxons, confrontés à un nouveau blindé à portée et protection bien supérieures… le début du « complexe Tiger » chez les soldats alliés ! La première perte totale d’un char de la 501 survient le 24 janvier, lorsqu’un Tiger est victime d’un incendie (vraisemblablement causé par la surchauffe du bloc moteur), qui se propage jusqu’au réservoir d’essence.

Durant les jours suivants, un Tiger est détruit par un canon antichar de 6-Pounder britannique, et un autre doit être sabordé après avoir touché une mine. Rassemblée, la 1.Kompanie (qui totalise 6 Tiger et 9 Panzer III d’appui) participe à l’opération Frühlingswind, lancée le 14 février 1943 par Von y Arnim, et ayant pour objectif la reprise de Sidi Bou Zid aux forces Alliées, notamment à la 1rst Armored Division américaine. Les 10 et 21.Panzer-Divisionen forment le fer de lance de cette offensive, alignant près de 200 blindés contre les 300 chars américains.
Encerclant la localité, les forces allemandes repoussent les forces américaines, notamment le Combat Command A (CCA) de la 1st Armored, qui perd 44 blindés durant les combats. Lancé à la rescousse de la garnison de Sidi Bou Zid, le Combat Command C est engagé par les Tiger et les 2.PzDiv en rase campagne, faisant un véritable carnage parmi les unités américaines désorganisées. Le CCC est contraint de se replier, après avoir laissé une cinquantaine de blindés et plus de 130 véhicules sur le terrain. Le 16 février, après avoir repoussé une attaque du Combat Command B de la 1st Armored, les forces allemandes entrent dans Sbeitla, à l’ouest de Sibi Bou Zid. Durant ces opérations, les forces blindées américaines déplorent la perte de 112 blindés, dont une quarantaine est imputable aux Tiger de la 501! Quelques jours plus tard, le 19 février, Rommel lance ses unités contre les défenses du US II Corps à Kasserine. À cette occasion, quelques Tiger soutiennent la 10.PzDiv et la 131ème Division Blindée italienne « Centauro », et revendiquent quelques blindés ennemis.

Le 26 février, une réorganisation de l’ordre de bataille allemand mène à l’intégration des unités de la 501 par le Panzer-Regiment 7 de la 10.Panzer-Division : la 1.Kompanie devient la 7.Kompanie du Pz.Reg 7, la 2.Kompanie la 8.Kp du Pz.Reg 8. À l’occasion, 15 Panzer IV sont reçus en renforts, chargés y d’appuyer les « lourds ».
Le lendemain est une « journée noire » pour la 501, puisque son commandant, le Major Hans-Georg Lueder, est grièvement blessé (remplacé par le Major August Seidensicker), et pas moins de 8 Tiger sont perdus, sous les tirs d’artillerie, d’antichars, et de mines. Durant la nuit suivante, ils sont tous sabordés par les sapeurs allemands. Malgré les victoires sur les chars ennemis, les « lourds » allemands sont dans une situation critique, confrontés à de multiples pannes techniques et au manque de carburant.

Le 6 mars 1943, seuls 6 Tiger, 7 Panzer IV et 12 Panzer III sont disponibles au sein des deux Kompanies.
À la même date, l’Opération Capri, tentative de Rommel pour ralentir les préparatifs de la 8ème Armée britannique contre la Ligne Mareth (sud de la Tunisie), est un cuisant échec. Avec plus de 50 Panzer perdus, la situation est précaire pour le Heeresgruppe Afrika, qui doit également faire face aux pressions de l’ US II Corps à l’ouest.
Entre le 16 et le 27 mars, les Britanniques mènent une série d’attaques contre la Ligne Mareth, tenue par les forces germano-italiennes ; parvenus à briser la ligne fortifiée, les Britanniques obligent les forces de l’Axe à entamer une retraite vers le nord. À l’est, après des opérations défensives réussies, les forces américaines lancent une série d’attaques sur les positions allemandes dans le secteur d’El Guettar et y de Maknassy. Durant le mois de mars, la Stab-Kompanie et la 1.Kompanie de la s.Pz.Abt.504 (soit 11 Tiger et 19 Panzer III) arrivent à Bizerte, en renfort aux Armées de l’Axe, fort mal en point ! Le 17 mars, les restes de la 501 (encore sous le contrôle du Pz.Reg 7, et alignant 6 à 7 Tiger) passent à la 1.Kompanie de la 504. Début avril, entre le 6 et le 8, les Britanniques repoussent les forces de l’Axe de leurs positions de Wadi Akarit, permettant ainsi de faire tomber Gabès, et d’ouvrir la route vers Tunis pour la 8ème Armée britannique. Au même moment, le US II Corps progresse également vers Gabès, faisant sa jonction avec les forces anglaises. Pas moins de 220 kilomètres sont parcourus en quelques jours, les Alliés capturant Sfax et Sousse, et ne s’arrêtant que devant les fortifications d’Enfidaville.
Au même moment, les unités alliées repoussent les forces de l’Axe au nord de la Tunisie, limitant ainsi à la seule région de Tunis/Bizerte le dernier carré de défense germanoitalien en Afrique. Les Tiger de la 504 mènent des combats défensifs durant le mois d’avril, et sont progressivement abandonnés, suite à des pannes sèches ou mécaniques, ou perdus au combat.

Les dramatiques pertes subies par les unités de transport de la Luftwaffe, et les convois germanoitaliens ravitaillant la Tunisie, ne permettent pas de recevoir suffisamment de pièces détachées pour les véhicules, et de constituer des réserves de carburant.
Le 6 mai, les forces Alliées passent à l’offensive générale, capturant Bizerte et Tunis le 7 mai, Enfidaville le 8. Le 13 mai 1943, 230 000 soldats germano-italiens se rendent aux forces alliées, suite à la capitulation du Heeresgruppe Afrika.
Les derniers Tiger en état de marche sont sabordés durant les derniers jours de combat dans la vallée de la Medjerda. Plusieurs rapports, notamment celui du Major Lueder, indiquent à la fois les points forts et les faiblesses du Tiger, ainsi que les points à prendre en compte lors d’engagements : d’une part, la présence d’unité de réparation et de dépannage à proximité, une escorte efficace, tant en terme de chars plus légers qu’en infanterie, un soutien des sapeurs, ainsi qu’une coordination parfaite avec les unités alentours. Le ravitaillement est également noté comme primordial, et à terme, une trentaine d’hommes, en plus des 5 hommes d’équipage, sont nécessaires pour les réparations, entretien et ravitaillement de l’engin ! Techniquement, le blindage du véhicule et son armement sont nettement supérieurs à ceux des autres chars, tant Alliés qu’Allemands, et lui confère un rôle primordial lors d’opérations contre des positions fortement armées, ou en cas de «rencontre» avec des blindés ennemis. Ajoutons que très peu de pièces peuvent venir à bout du blindage, et que la plupart des dommages rencontrés sont causés par la boîte de vitesse, le moteur ou en cas d’impact sur le train de roulement, notamment dû aux mines.

La 3.Kompanie de la s.Pz.Abt.501 est créée début mars 1943, puis reversée au sein de la PanzerDivision « Gross Deutschland » en tant que 10.Kompanie lorsque s’effondre le front tunisien. La s.Pz.Abt.501 est quant à elle recréée le 17 y septembre 1943, puis envoyée sur le front soviétique. La s.Pz.Abt.504, elle, continue de se battre durant la campagne de Sicile et d’Italie.

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