La participation de la Roumanie à Barabarossa
Par Alexandre Sanguedolce

Le roi Carol II
de Roumanie
(1893-1953)

La Roumanie sort victorieuse et sans gloire de la Première Guerre mondiale et peut ainsi agrandir considérablement son territoire en se voyant attribuer la Transylvanie, la Bessarabie, la Bucovine et la Dobroudja.
Afin de contrecarrer l'irrédentisme hongrois, elle va former la Petite Entente avec la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie sous l'égide de la France.

La crise économique des années 30, l'afflux de différentes nationalités par les nouvelles provinces dont les Juifs de Bessarabie et de Bucovine, la crainte de la contamination bolchevique par le tout-puissant voisin soviétique, la montée du fascisme, offrent aux partis d'extrême droite une tribune au Parlement. Parmi une multitude de partis, celui de Corneliu Zelea Codreanu appelé le Capitaine : la Garde de Fer. Il sera renommé à maintes reprises après dissolutions et reconstitutions et va jouer un rôle important dans le rapprochement avec l'Axe.

Le 10 février 1938, le roi Carol II impose une dictature royale, gouvernant sans le Parlement puis dissout les partis le 30 mars suivant. Codreanu est emprisonné et la Garde dissoute. Jugé et condamné à 10 ans de travaux forcés pour sédition, il est mystérieusement assassiné lors d'une "tentative d'évasion" alors que le roi est à Berchtesgaden auprès de Hitler.Après les Accords de Munich, le 30 septembre 1938, les démocraties occidentales abandonnent l’Europe Centrale et Orientale à Hitler qui va redécouper les frontières et redistribuer les territoires qui avaient été concédés lors des traités de paix de la Première Guerre mondiale.

En accord avec le pacte Ribbentrop-Molotov, signé le 23 août 1939, l’Allemagne et l’URSS se partagent les zones d’influence et les alliés de la Petite-Entente tombent tous sous le joug nazi. La Roumanie se retrouve isolée diplomatiquement. Le 28 juin 1940, elle doit rétrocéder à l’URSS la Bucovine du Nord et la Bessarabie.
Suite du 2ème partage de Vienne, le 30 août 1940, la Hongrie récupère la Transylvanie du Nord, quant à la Bulgarie, elle récupère en partie la Dobroùdja, dans le delta du Danube, le 7 septembre 1940, après les accords de Craiova. Ces pertes de territoires provoquent des troubles dans tous le pays et Carol II doit se résoudre à faire appel au général Antonescu, qui a la confiance des Allemands. Le 4 septembre 1940, le général s’attribue les pleins pouvoirs et demande au roi d’abdiquer en faveur de son fils Mihail. Le 6, Carol II part en exil et ne reverra plus jamais la Roumanie.

Le général Antonescu, militaire conservateur, gouverne avec les légionnaires de la Garde de Fer, d’inspiration quasi fasciste et antisémite, qui compte pas moins de cinq membres dans le gouvernement dont Horia Sima, successeur de Codreanu, au poste de vice-président. L’État Légionnaire est proclamé.

Le 23 septembre, Antonescu signe le pacte tripartite. Cependant, les légionnaires sèment des troubles dans le pays entier, Hitler choisit la carte « Antonescu » , qui réprime durement un putsch de la Garde le 22 janvier 1941, Horia s’enfuyant en Allemagne, Hitler comptant l’utiliser comme moyen de pression contre le général. Antonescu prend le titre de Conducator.1 La Roumanie bascule définitivement dans le camp de l’Axe, et voit dans la croisade contre le bolchevisme le moyen de récupérer la Bucovine et la Bessarabie.

L’Armée roumaine

Deux armées roumaines prennent part à Barbarossa : la 3ème armée du général Dumitrescu et la 4ème armée du général Ciuperca, en tout 21 divisions, 300 000 hommes dont une division d’élite : la Division de la Garde Royale.
Il est à noter que les pertes territoriales ont amoindri le potentiel militaire.

La division d’infanterie roumaine s’inspire du modèle allemand : 3 régiments à 3 bataillons, un groupe de reconnaissance, un bataillon de pionniers d’assaut et 2 régiments d’artillerie.

Il existe 2 types de régiment d’infanterie : - vanatoari, titre honorifique pour les régiments d’élite type chasseurs à pieds - dorobanti, l’infanterie classique territoriale.

Équipement du soldat roumain

Signe distinctif du soldat roumain, le casque d’acier hollandais modèle 23/27 est adopté en 1939. Il est courant de voir également des casques Adrian. La coiffure traditionnelle est la capela remplaçant la boneta.

L’armement pour le fantassin est le fusil ZB 24 de 7,92 mm de fabrication tchèque, avec 2 cartouchières contenant 5 lames chargeurs de 5 cartouches. L’arme de soutien est le FM ZB 30, calibre 7,92 mm fabriqué sous licence, adopté par l’armée britannique sous la dénomination Bren.

       


La cavalerie

Les régiments de cavalerie sont de deux types :
- Rosiori, l’élite de la cavalerie, regroupant 12 régiments
- Calasari, la cavalerie territoriale, 13 régiments.

Ces différences s’estomperont pour ne devenir qu’honorifiques. Il existe également un régiment de la Garde Royale.

La 1ère Division blindée

Commandée par le général Ion Sion, elle regroupe le 1er régiment blindé, 1 régiment d’artillerie, 2 régiments de Vanatoari motorisés, 1 compagnie anti-chars, 1 compagnie anti-aérienne, 1 bataillon de reconnaissance et 1 bataillon de pionniers motorisés. Les blindés sont des R-2 (Skoda LT VZ 35 de fabrication tchécoslovaque).

Ordre de bataille au 22 juin 1941

Groupe d’armées Général Antonescu

3ème Armée roumaine du Général Petre Dumitrescu - Corps de montagne, Général Aramescu : 1ère, 2ème et 4ème Brigades de montagne ;
- Corps de cavalerie, Général Racovita : 5ème et 8ème brigades de cavalerie ;
- IV Corps, Général Satanescu : 6ème et 7ème D.I.
Mission : reprendre la Bucovine du nord

4ème Armée roumaine du Général Nicolae Ciuperca :
- IIIème Corps, Général Atanasiu : 35ème D.I. (res.), 15ème D.I. ;
- Vème Corps, Général Laventi : 21ème D.I., Division de la Garde Royale ;
- XIème Corps, GénéralnAurélian : 1ère et 2ème Brigades Infanterie de Forteresse. Objectif : Chisinau (Kishinev).
- IIème Corps d'armée : 9ème et 10ème D.I.
Mission : protection des flancs, le long de la mer Noire.

11. Armée du Général von Schobert
- XI. Armee Korps, Général von Kortzfleisch: 76. I.D, 293.I.D., 1ère D.B. roum., 6ème D.Cav. roum ;
- XXX. Armee Korps, Général von Salmuth: 198. I.D.,
8ème, 13ème et 14ème D.I. roum ;
- LIV. Armee Korps, Général Hansen : 50.I.D., 170 I.D., 5ème D.I. roum.
Objectif : Balti, Duborassy.

Forces aériennes GAL

(Grupul Aerian de Lupta) Groupe Aérien de Combat du Général Celareanu.

- 1e Flotilâ Bombardament : 1er Grupul B. (SM-79B), 4ème Grupul B. (PZL - 37A) et 5ème Grupul B. (He111 H3) ;
- 2e Flotilâ bombardament : 2ème Gr.B. (Potez 632), 82ème Gr.B. (Bloch 210) et 18ème Gr.B. ( IAR 37) ;
- 2e Flotilâ Observtie : 11, 12, 13 et 14 Grupul Observatie (IAR 37/38) ;
- 1e Flotilà Vânâtoare (chasse) : 5ème Gr.V. (HE112 B), 7ème Gr.V. (BF-109 E) et 8ème Gr.V. (IAR 80).

La force aérienne royale roumaine (FARR) dispose d'une flotte aérienne hétéroclite provenant de Pologne (suite à la saisie d'appareils trouvant refuge en Roumanie en 1939), de France (principal fournisseur), de Grande-Bretagne (12 Hurricane et 40 Blenheim) puis, avec le renversement d'alliance, d'Allemagne et d'Italie.

Le GAL dispose, avant le déclenchement de Barbarossa, de 253 avions dont 205 opérationnels.


Chasseur IAR80 de fabrication roumaine (DR)

Forces navales

La marine royale roumaine est composée de la flotte de mer et de la flotte fluviale.

La flotte maritime :
- 4 destroyers : NMS Regele Ferdinand, NMS Regina Maria, NMS Marasesti, NMS Mrarasti
- 3 avisos : NMS Ghiculescu, NMS Stihi, NMS Dumitrescu
- 3 corvettes : NMS Naluca, NMS Simeul, NMS Sborul
- 1 sous-marin : NMS Delfinul
- 3 torpilleurs : NMS Viforul, NMS Vijelia, NMS Viscolul
- 5 navires poseurs de mines

La flotte fluviale :
Elle compte 7 monitors, 4 torpilleurs et 5 patrouilleurs. Une flottille de 20 hydravions et 6 batteries côtières complètent l'arsenal de la marine roumaine.

Le déclenchement des hostilités.

Antonescu rencontre Hitler à Munich le 12 juin 1941 et est mis au courant des projets d’invasion de l’URSS.
Le Condùcator s’étant engagé dans la croisade contre le bolchevisme, comptant sur le nationalisme roumain pour récupérer la Bucovine du Nord et la Bessarabie annexées par le puissant voisin soviétique, il pense, en apportant une aide massive à l’Allemagne, récupérer la Transylvanie au détriment de la Hongrie.

Le début des combats

Les 3ème et 4ème armées roumaines, avec la 11. Armee du général von Schobert, positionnées le long du Prut, doivent rester sur leurs positions, attendant les instructions de l’OKW pour passer à l’offensive.
Cette « drôle de guerre » consiste en des coups de mains, des activités de patrouilles et de pilonnages d’artillerie.


Disposition des forces à la veille de l’attaque

Bataille navale en Mer Noire.

Le premier gros affrontement entre la Roumanie et l’Union Soviétique n’est pas une bataille terrestre mais se déroule sur les flots de la Mer Noire.
Les destroyers Moskva (classe Leningrad), et Kharkov quittent le port de Sébastopol suivis du croiseur lourd Voroshilov et d'une task force pour attaquer le port roumain de Constanza.
Le sous-marin roumain Delfinul repère les 2 destroyers qui ouvrent le feu (à 5 h 00) à 24 000 m sur les installations portuaires, faisant mouche sur la gare où un train de munitions explose, ainsi que des réservoirs de carburant.
Deux destroyers roumains prennent en chasse leurs homologues russes : le Regina Maria et le Marasti, et ouvrent le feu ainsi que les batteries d'artillerie côtières.
Les navires soviétiques lancent des fumigènes pour s'enfuir. À 5 h 20, le Moskva s'illumine, touché : les versions diffèrent mais vraisemblablement c’est une mine roumaine qui cause sa perte.
Sur les 344 membres d'équipage, seuls 69 peuvent être secourus par la marine roumaine et les hydravions, le Kharkov, impuissant ne peut que prendre la fuite, endommagé.
Pendant ce temps, le reste de la task force, approchant des côtes roumaines couvrent la retraite du Kharkov, mais le Voroshilov étant endommagé par une mine, les navires s'éloignent de la côte roumaine.
Opération Munchen : La reconquête de la Bucovine du Nord et de la Bessarabie (du 2 au 25 juillet 1941).


Destroyer de classe Regele Ferdinand Constuit en italie 1928-1929 (DR)

Les opérations en Bucovine du Nord :
Le 2 juillet 1941, la 7ème D.I. de la 3ème Armée roumaine (général Dimitrescu) démarre l’offensive générale, en franchissant le Prut, après un pilonnage d’artillerie. La 18ème Armée soviétique, talonnée par les Allemands, parvient à contenir les Roumains mais doit se replier derrière le Dniestr.
Le Corps de montagne du général Avramescu atteint Cernauti, capitale de la Bucovine du Nord le 5 juillet. La prise de la ville d’Hotin achève la conquête de cette province et la 3ème armée se déploie le long du Dniestr à la poursuite des troupes soviétiques en retraite.
Ces opérations s’achèvent le 9 juillet, la province était reconquise en une seule semaine.

Les opérations en Bessarabie :
La 11ème Armée du général von Schobert démarre l’offensive en engageant la division blindée roumaine en direction de Soroca sur le Dniestr puis en la redéployant pour prendre la ville de Balti le 12 juillet.
Chisinau (Kishinev), capitale de la Bessarabie est repris le 16.
Au sud, la division de la Garde Royale et la 21. Div. Inf. (4ème armée) rencontrent une forte opposition à Tigança, sur le Prut, l’artillerie soviétique pilonnant ces positions. L’appui aérien du GAL permet d’en venir à bout, mais les lignes adverses ne sont franchies que le 15 juillet, au prix de fortes pertes. Le Dniestr est atteint le 25 juillet.
La Bucovine du nord et la Bessarabie retournent à la Roumanie au bout d’une campagne de 3 semaines : l’affront de l’année précédente est lavé.
Néanmoins, le prix humain est assez élevé : 4 271 tués, 12 326 blessés et 6 168 disparus.

Du Dniestr à Odessa

Après avoir reconquis les provinces orientales, la 3ème armée roumaine reprend l’offensive sur les talons de la 18ème armée russe et prend position sur la rive opposée du Dniestr. La STAVKA ordonne d’éradiquer les têtes de pont mais l’arrivée de la Brigade de Montagne roumaine refoule la contreoffensive. Afin de poursuivre la retraite des armées soviétiques, un détachement motorisé « colonel Radu Korn » est mis sur pied. Le 10 août, sur le Bug, les Roumains rencontrent d’autres alliés de l’Axe : le Corps Mobile hongrois, leurs ennemis héréditaires.


La forteresse d’Odessa, abandonnée par sa garnison
http://la-guerre-au-jour-le-jour.over-blog.com

Le siège d’Odessa (8 août-16 octobre 1941)

La 4ème armée roumaine du général Ciùperca se voit attribuer la mission (directive n°31) de prendre la ville portuaire d’Odessa au bord de la mer Noire.
C’est une ville puissamment fortifiée (POO : district de Défense d’Odessa), protégée par 3 lignes de défense : la première, longue de 80 km à 25/30 km du centre d’Odessa, la seconde longue de 25 km à 6/8 km et la troisième à l’intérieur de la ville.
Le général Safronov est le commandant de l’armée du Littoral regroupant la 25ème et 91ème division de fusiliers, la 9e division de cavalerie, la 421ème division d’infanterie de marine, 1 régiment du NKVD soit 35 000 hommes et 140 pièces d‘artillerie.
Lors du siège, des renforts seront acheminés par la mer, la garnison atteindra alors 80 000 à 90 000 hommes. La base navale est dirigée par le contre-amiral Joukov. Le croiseur Komintern sert d’appuie feu avec d’autres navires de la Flotte de la Mer Noire.

L’attaque frontale

2 corps d’armée doivent s’emparer de la ville portuaire : le 3ème Corps (3ème D.I., 7ème D.I. et 11ème D.I.) venant par l’ouest et le 5ème Corps (15e D.I.,1e Brigade de Cavalerie et la 1e Division Blindée). L’état de siège est proclamé à Odessa. Le 10 août la 1ère DB réussit à s’approcher de la 2ème ligne de défense mais est stoppée par la résistance acharnée des défenseurs .

Le 13,l’encerclement complet est réalisé.
Après avoir marqué une pause, l’offensive reprend le 15 août, mais les assiégés réussissent à repousser les assauts de la Garde et se permettent de mener des contre-offensives. Le GAL (Grupul Aerian de Lupta : groupe aérien de combat) avec l’aide de la Luftwaffe, va opérer en soutien des troupes au sol.

L’attaque sur les flancs

Une nouvelle offensive le 18 août permet un gain de positions assez important sans toutefois entamer les défenses soviétiques. Le 28, les 1e, 4e et 11e Corps repartent à l’assaut mais ne peuvent perforer le rideau défensif et doivent à leurs tours repousser des contreattaques. Début septembre, malgré l’ampleur des moyens mis en œuvre, le siège s’éternise et des renforts sont acheminés. Du côté des assiégés, la flotte de la Mer Noire ravitaille la ville et convoie des troupes également.

Le Conducator prend les affaires en main

Le nouveau et autoproclamé maréchal Antonescu arrive sur place pour superviser les opérations le 17 septembre.
Le général Ciuperca est limogé et remplacé par le général Iacobici.
Une opération amphibie permet de faire débarquer la 157ème division de fusiliers. L’artillerie roumaine s’étant rapprochée des défenses commence à bombarder le port. Le GAL et la Luftwaffe s’en prennent aux dépôts de munitions, aux réservoirs d’eau et d’essence. L’aviation roumaine ne dispose plus que de 91 appareils en état de vol en raison du manque de pièces de rechange pour des avions provenant de divers horizons.
Mi-septembre, l’armée roumaine n’est toujours pas en mesure de prendre la ville

 


La fin du siège

En raison de l’avancée de von Manstein en Crimée, la STAVKA décide d’évacuer Odessa. Une opération de diversion va permettre l’évacuation de la garnison. L’ordre d’évacuation commence le 6 octobre au nez et à la barbe des Roumains. Pendant une dizaine de jours 86000 combattants sont exfiltrés, ainsi que 150 000 civils.
L’aviation roumaine manquant d’avions torpilleurs ne peut empêcher leur embarquement.
Le 16 octobre, les troupes roumaines pénètrent dans Odessa. La défense héroïque durant 73 jours valut à Odessa la médaille d’or et la médaille de l’Ordre de Lénine. Les pertes des deux camps s’estiment à 17 729 morts, 63 345 blessés et 11 471 disparus pour les Roumains et 16 578 morts ou disparus et 24 600 blessés dans les rangs soviétiques

Menu