La campagne de Sicile
Par Laurent Huchard
Débats autour de cet article-->ICI

Général Guzzoni Alfredo

Jour J en Sicile, opération Husky

Le 10 Juillet 1943 les Alliés débarquent en Sicile. 2500 navires sur lesquels sept divisions d’infanterie (trois anglaises, trois américaines et une canadienne), une division blindée américaine ainsi que trois brigades blindées anglo-canadiennes soit un total de 400 chars, 1800 canons et des milliers de véhicules ainsi que 150 000 hommes se prépare pour l’opération Husky. Cette force constitue la première vague de la VIIIème armée britannique de Montgomery qui doit se rendre maître de la côte sicilienne de Capo Passero à Capo Muro di Porco et de la VIIème armée de Patton qui s’emparera des plages du golfe de Gela entre Licata et Scoglitti.

Un largage de parachutiste de la 82ème airborne a pour objectif la zone de Piano Lupo, une série de fortifications près de Gela d’où on peut contrôler les réseaux routier qui mène à Gela. Ce fut un désastre, le vent dispersa les appareils et la défense antiaérienne contribua à l’éparpillement des parachutistes dont certains atterrirent à 150 km de Gela, les autres sautèrent sur les positions de la division Hermann Goering.

Liberty ship touché à Gela


Le débarquement de la VIIIIème armée se déroula dans de bonnes conditions sans rencontrer de fortes résistances, elle prit Syracuse le jour même. En revanche, la marche à l’intérieur des terres pour faire jonction avec les troupes américaines fut plus lente que prévue.

Le débarquement des troupes de Patton fut moins heureux. D’abord le commandant américain avait refusé une préparation d’artillerie navale pour favoriser la surprise. La VIIIème armée qui contait trois divisions la 1ère et la 45ème formait de II corps sous les ordres du général Bradley, alors que la 3ème division de Truscott agissait de façon autonome. Cette dernière devait conquérir Licata, se qu’elle fit sans coup férir. La 45ème s’empara de ses objectifs, les aéroports de la zone de Vittoria et Comiso.

Parachutistes américains se préparant pour une mission



En revanche, la 1ère division sous les ordres du général Allen sur laquelle reposait le principal effort : l’occupation de Gela, indispensable pour poursuivre la marche vers l’intérieur. C’est justement contre la 1ère division que la contre attaque des forces de l’Axe allait se déchaîner. Les généraux Guzzoni et von Senger envoient leurs unités vers Gela, par chance pour les américains les italiens ne savaient rien des décisions allemandes et vice versa. Les premiers à faire mouvement furent les italiens avec la division Livorno qui fut contrainte à s’arrêter par un barrage d’artillerie navale, une autre colonne de la Livorno réussit à pénétrer dans Gela et força les américains de la 1ère division à de dures combats. Les moyens légers italiens privés de couverture dut se replier bien que l’attaque s’était montrée dangereuse pour la « big red one ». La division Hermann Goering entrait en action un peu plus tard, par son inexpérience les premières attaques ne furent pas correctement coordonnées. Les suivantes, mieux préparées, détruisirent un bataillon américain mais furent finalement repoussées par l’intervention de la marine.

Contre un débarquement de grande ampleur nous ne pouvons que résister honorablement
mais nous n'avons pas la possibilité de repousser l'adversaire

Au soir du 10 juillet, l’invasion de la Sicile avait réussi. Les têtes de pont étaient sécurisées et le port de Syracuse était conquis, la réaction ennemie ne s’était pas montrée efficace. Kesselring ne désespérait pas, les alliés avaient débarqués loin du détroit de Messine, les renforts pourraient affluer tranquillement.

Catane ne tombe pas

Paul Conrath, le commandant de la division Hermann Goering prépare son plan d’attaque pour rejeter les alliés à la mer. L’attaque doit commencer à 6 heures du matin dans la région de Gela. Conrath prévoit une attaque des divisions Hermann Goering et Livorno sur trois axes, de Ponte Olivo jusqu’à Gela, de Niscemi vers Piano Lupo et de Ponte Dirillo jusqu’à la mer. Aux premières heures du 11 juillet, les troupes de l’Axe en même temps que l’aviation lancent des raids sur les plages et sur les navires au large. Les italiens progressent bien, mais devant Gela ils sont arrêtés par l’artillerie lourde, la Livorno est écrasée par les obus de la flotte. Par contre, les blindées allemands (un bataillon blindé, et compagnie de chars Tigre accompagnés de fantassins) se répandent dans Gela et les américains se demandent s’ils ne doivent pas rembarquer. Un message est même intercepté : « enterrez l’équipement sur la plage et préparez- vous à rembarquer », personne ne put savoir par la suite de qui émanait ce message ni quand il fut envoyé, ceci dit c’est une preuve de la gravité de la situation dans laquelle se trouvait les américains. Une nouvelle fois l’artillerie navale entra en action et repoussa l’assaut allemand.
La tête de pont était sauvée.

Patton craignait toujours que la 1ère division cède, il renforce la tête de pont par le parachutage du 504e régiment aéroporté dans la nuit du 11 juillet. La flotte n’est pas prévenue et sa défense anti-aérienne tire sur les avions amis, 23 sont abattus et 37 endommagés, 140 hommes sont tués et 130 sont blessés. C’est un désastre mais ils ont réussi l’essentiel, la plage est définitivement sauvée.

En revanche le 11 juillet sera positif pour Montgomery, le port et la ville d’Augusta est entre ses mains. Les défenseurs d’Augusta ont sabordé leurs canons, la 206e division côtière s’est complètement effondrée et la division Napoli se débande, son général sera capturé le lendemain. De nombreux soldats non seulement jettent leurs armes mais s’habillent en civil, il est clair que l’armée n’est plus disposée à se battre pour la guerre de Mussolini.

Le 12 juillet Kesselring coordonne la tactique à suivre, la 15ème Panzerdivision occupera la position Caltanissetta et Enna, la division Hermann Goering défendra les accès qui mène à l’Etna considéré comme le point cardinal de la future ligne de défense en Sicile.

Sur le front américain la 3ème division s’avance jusqu’à Canicatti coupant ainsi les lignes de communication ennemies entre Agrigente et Caltanissetta, la 1ère et 45ème divisions consolider leurs positions sur les plages et avancer dans les terres.
La situation sourit à Montgomery qui accélère sa marche vers la plaine de Catane en empiétant sur l’aile droite américaine contrairement à ce qui était prévu. Le général Alexander approuve le projet de Monty et fais passer la route Vizzi-Caltagirone en secteur britanniquece qui rend furieux Bradley et Patton qui voient leur marge de manœuvre réduite. Monty se montre d’un optimisme à toute épreuve et prétend s’emparer de Catane le 14.

En fait, son avance vers Catane sera très lente et Vizzi ne tombe pas encore. Pour accélérer la cadence il prévoit un assaut aéroporté pour prendre le pont de Primosole qui est le passage obligé pour se rendre à Catane. La 1st Parachute Brigade est largué dans la nuit du 13, est Monty se targue d’être à Catane le lendemain. Il ne sait pas qu’un régiment de la 1ère Fallschirmjagerdivision est larguée dans la zone de Primosole, le saut allemand est un succès. L’avant-garde de la 50th division et de la 5ème division se heurte aux parachutistes allemands pensant avoir à faire aux Italiens démoralisés. L’infanterie et les troupes aéroportées britanniques ne réussissent pas à conquérir le pont se retirent.

Un assaut frontal est décidé, du 15 au 18 juillet plusieurs attaques sont menées mais échouent, Monty et Demppsey envisage même un débarquement de nuit derrière Catane qui est rapidement abandonné, la bataille ressemblant de plus en plus à une guerre de position.
La VIIème Armée n’avancera plus d’un mètre en direction de Catane pendant tout le mois de juillet. Un régiment allemand sans soutien a réussi à arrêter une armée expérimentée par la guerre du désert.
L’échec britannique devant Catane transforme la bataille de Sicile et le regard se portera sur les troupes américaines.

Mortier italien en action

En route vers Messine

Le 13 juillet, Hitler ordonne à Kesselring l’ordre de retarder le plus possible l’avance de l’ennemi, le contraignant à s’arrêter devant l’Etna sur la ligne Santo Stefano di Casmatra-Catane. Désormais convaincu de la réussite du débarquement allié, Hitler veut engager une bataille d’usure dans la partie nord-est de l’île.
Le 16, Hitler se rend compte qu’il ne peut plus rien attendre des ses alliés confie la direction des opérations au général Hube, vétéran de la campagne de Russie.

Le même jour, Alexander bien que mis au courant de l’échec de Montgomery devant Catane, continue à favoriser les troupes britanniques pour de futurs développements. S’en est trop pour Patton, il prend l’avion pour Alger afin de rencontrer Alexander. Patton lui manifeste son intention de faire mouvement sur la côte nord pour couper l’île en deux avec pour objectif le port de Palerme. Alexander accepte sans se rendre compte que Patton veut se faire la bonne part dans les journaux en arrachant une grande ville européenne bien que sans réel intérêt stratégique, les troupes italiennes du secteur sont en voie de débandade.

Patton s’est joué de Alexander, il écrit dans son journal : « Alex n’a aucune idée de la puissance ni de la vitesse des armées américaines. Nous pouvons aller deux fois plus vite que les Britannique et frapper plus dur ».

Pour son offensive, Patton compose un puissant groupe d’opération : la 3ème divison d’infanterie, des éléments de la 82ème division aéroportée (qui ne marchera pas sur Palerme mais nettoiera la partie ouest de la Sicile) et la 2ème division blindée.
L’offensive débute le 19 juillet par un assaut sur San Stefano qui est prise. Dans le même temps la 3ème division s’empare de Corleone près de Palerme. Dans la soirée du 22, la 3ème division et la 2ème division blindée sont en position pour prendre la ville, ce qui ne sera pas nécessaire : les Allemands se sont repliés et les Italiens n’ont pas envie de voir détruire leur ville. Au même moment, deux patrouilles des deux divisions entrent dans Palerme. Celle de la 2ème division blindée capture le général Molinaro qui offre la réddition de la ville.
La chevauché sur Palerme permit de capturer 50 000 italiens alors que les Américains ont perdu seulement 272 tués, preuves de la facilité de l’entreprise.

Pendant que les américains marchent sur Palerme, Montgomery essaie de contourner les positions allemandes à Catane.
Les allemands ont renforcé leur position sur ce qui devient la ligne Hube, elle est tenue d’est en ouest par les unités suivantes :
La 1ère division aéroportée
Le Kampfgruppe Schalz
La division Hermann Goering
La division Livorno
La division Napoli
La 15ème Panzergrenadier Division.

Les britanniques lanceront l’offensive avec le 30ème corps composé de la 51ème Higland division et la 1ère division canadienne ainsi que de la 78ème qui est en réserve (elle est encore en Tunisie et n’interviendra que le 30 juillet). La 5ème division du 13ème corps de Dempsey attaquera plus à l’est tandis que la 50ème tiendra ses positions à Primosole. Une brigade de la 5ème division crée une petite tête de pont sur l’autre rive de la rivière avec de très lourdes pertes. Au soir du 19, une autre brigade monte au contact du Kampfgruppe Schalz pour élargir la tête de pont, elle est perdue en 24 h de combat.
Plus à l’ouest, la division canadienne doit prendre la ville de Leonforte et le village d’Assoro. Les assauts débutent le 19, les progrès sont limités face à la 15ème Panzergrenadier Division, le 21 Assoro est entre leurs mains et la bataille pour Leonforte se prolonge jusqu’au 22. Les troupes entrent en contact avec la ligne Hube, les allemands n’ont pas l’intention de se replier et les progrès seront lents et difficiles. Une offensive est montée par la 51ème division pour prendre l’aérodrome de Gerbini, c’est un échec et Montgomery donne l’ordre de cesser l’offensive.

Soldat du 48ème Highlanders of Canada

Le 25 juillet, Montgomery arrêté devant Catane comprend que sans la participation des Américains il risque de s’enliser en Sicile.
Il invite donc Patton à son quartier général de Syracuse et décident que la VIIème armée américaine prendra Messine au grand étonnement de Patton.

Montgomery reçoit Patton le 25 juillet 1943

Entre Messine et les Américains se dressent une chaîne de montagnes dont la principale ville est Troina. Le général Hube ordonne d’y mener un combat de retardement pour rembarquer dès que la pression alliée sera trop forte. Les Américains tentent de forcer les positions de la 15ème Panzergrenadier Division près de Nicosia où les allemands se défendent avec acharnement et la bataille dure 4 jours. La prise de Troina sera plus difficile que prévue, plusieurs attaquent échouent au début du mois d’août mais la violence des bombardements aériens et terrestres ont raison de la défense allemande. La 15ème Panzergrenadier Division a tenu presque une semaine devant Troina mais elle doit se replier le 6, la Hermann Goering a quitté volontairement Catane le 4, l’évacuation de la Sicile a commencée.

Pour faciliter l’avance alliée, Bradley et Truscott décident de lancer de petits débarquements sur les arrières de Hube. La Task Force Bernard débarque à Sant’Angela entre Taormine et Messine et sont soutenu par la flotte qui empêche la 29ème Panzergrenadier Division, arrivée fin juillet, de rejeter la Task Force à la mer. La Task Force est encerclée mais la 29ème Panzergrenadier Division se retire.

L’évacuation est planifiée dès le 10 août et prend le nom d’opération Lehrgang, c’est un succès pour les Allemands.
En six jours ils évacuent 25 000 hommes, 5 000 véhicules et 47 chars. En quinze jours le total évacué est de 40 000 hommes, 15 000 blessés 10 000 véhicules, 51 chars, 163 canons et 16 000 tonnes d’équipement et n’ont perdu qu’un seul homme. Les Italiens évacuent entre 70 000 et 75 000 hommes, 500 véhicules et une centaine de canons.

Soldats italiens se rendant

Les pertes alliés de la campagne de Sicile (tués, blessés, disparus) :
7ème armée : 8 781
hommes
8ème armée : 11 843 hommes
US Navy : 1 030 hommes
Royal Navy : 729 hommes

Pertes de l’axe :
4 561 Allemands tués
6 000 Allemands prisonniers
2 000 Italiens tués
5 000 Italiens blessés
137 000 Italiens prisonniers.

Bibliographie

L’Italia invasa, Gianni Rocca, Mondadori
L’Italia della disfatta, Indro Montanelli et Mario Cervi, Rizzoli
Objectif Messine, Yves Buffetaut in Militaria hors série n36

La campagne de sicile en 1943

 

Menu