Villers-Bocage - 13 juin 1944
Par Jean Secardin et Michel Le Querrec
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SS-Obersturmführer Wittmann

Depuis près d'une semaine les troupes alliées progressent vers l'intérieur des terres. A l'Ouest de Caen, la poussée est si forte que la 352ème Division d'infanterie doit reculer et laisse une ouverture béante sur les flancs de la Division Panzer Lehr. Montgomery, conscient de l'opportunité qui s'offre à lui, décide de lancer l'opération Perch :

La 7ème Division blindée "Rats du désert" va contourner le front et, par un mouvement tournant à la limite du Vème Corps américain et du XXXème Corps britannique, surprendre les arrières de la Panzer Lehr en se rendant maître de Villers-Bocage.

Les britanniques ignorent que la 2ème compagnie de chars lourds du 101 Abteilung a reçu comme mission de prendre et de tenir la cote 213, point situé aux abords de Villers Bocage. Après avoir atteint sa position dans la nuit pour ne pas être remarqué par l'aviation alliée, Michael Wittmann et ses blindés sont en position à environ 150 mètres au sud de la RN 175. Il y a là 6 chars Tigre (205, 221,222, 223, 233 et 234) alors que la colonne britannique compte environ 200 blindés :

Forces alliées
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7ème Division Blindée
Blason
Unité
Objectif
8ème King's Royal Irish Hussars  
4ème County of London Yeomanry (Sharpshooters) Capture et sécurisation de la cote 213
1/7ème Queen's Royal Regiment

Sécurisation des sorties de Villers-Bocage
(hormis celle de l'église)
QG dans le bas de Villers
Compagnie A : secteur de la gare
Compagnie B : centre ville
Compagnie C : rues Pasteur et Clémenceau
Compagnie D : près du cimetière

22ème Brigade Blindée  
5ème Royal Tank Regiment Capture et sécurisation de la zone de
Maisoncelles-Pelvy (3km SO) au sud de la D71 qui relie Caumont à Villers. Position à la cote 142 qui surveille la ville au fond de la vallée

5ème Royal Horse Artillery Capture et sécurisation des autres sorties de la ville : Batteries de Sexton au nord de la D71, dans le vallon où coulent les rus du Coudray et de Pont Chouquet


2ème Compagnie de chars lourds du 101 Abt
puis
1ère Compagnie de chars lourds du 101 Abt
secondée par des éléments de la Panzer Lehr

 


Char Tigre camouflé aux abords de
Villers-Bocage

SS-Obersturmführer Wittmann

Char utilisé par Michael Wittmann
lors de son assaut

 

Les allemands qui (ont dû se déplacer plusieurs fois dans la nuit suite à des tirs d'artillerie et attendent le moment propice pour intervenir) observent la progression des anglais. Wittmann aperçoit la colonne anglaise du 4ème CLY Escadron A quitter Villers Bocage et se diriger vers la cote 213, à proximité de ses chars. Alors que les anglais s'installent pare-chocs contre pare-chocs sur le bas côté, Wittmann décide d'attaquer entre la cote 213 et Villers Bocage, isolant ainsi totalement le 4ème CLY Escadron A. Alors que le N°233 est bloqué par un problème de chenilles, Wittmann se dirige vers son Tigre N° 205 mais, voulant gagner du temps, il se précipite vers le Tigre le plus proche, le N° 234. Après quelques mètres, des problèmes de moteur se manifestent. Il saute alors dans le char qui le suit, N° 222 de Sowa, et prend la direction du Nord pour rejoindre la RN 175. Les deux chars opérationnels restant reçoivent l'ordre de tenir la position pendant que leur leader mènera l'attaque. Il compte sur l'effet de surprise pour infliger le plus de pertes possibles aux anglais en attendant les renforts.

"Je n'ai pas pu rassembler ma compagnie. J'ai dû agir très vite car je dois supposer que l'adversaire nous a déjà repérés pour me détruire sur ma base de départ. Je suis parti avec mon char. J'ai ordonné aux deux autres chars de ne reculer à aucun prix mais de tenir le terrain"

Ostuf. M. Wittmann

 

Il est 8 heures (9 heures pour les allemands) quand le Tigre de Wittmann se met en branle. En quelques minutes en direction de Caen, il va détruire 3 chars (1 Sherman Firefly et 1 Cromwell à droite, 1 à gauche) avant de prendre la direction de Villers tout en mitraillant sans discontinuer les half-tracks de la Rifle Brigade. Il va ainsi détruire 9 half-tracks, 4 loyd-carriers, 2 carriers, 2 canons anti-chars de 6 livres puis 3 chars légers Stuart (Honey) et 1 autre half-track. A l'entrée de la ville, il détruit à nouveau 3 des 4 Cromwell en position à hauteur de la ferme Lemonnier.

Half Track M3A1
Loyd Carrier de la Rifle Brigade
Char léger Stuart (Honey)
Char Sherman Firefly
du 4ème CLY

Colonne anglaise détruite après
le passage du Tigre de Wittmann

Char Cromwell détruit à l'entrée
de Villers Bocage
   

Wittmann s'engage alors dans Villers Bocage. Seul! Il suit la rue G. Clémenceau où il détruit 2 Sherman de commandement (tourelle en bois factice) du 5ème RHA avant de mettre hors de combat 1 scout-car et 1 half-track. Comme Wittmann arrive place Jeanne d'Arc, il se trouve face à face avec le Sherman Firefly du sergent Lockwood du Squadron B. Les Sherman Fireflies sont les seuls à pouvoir tenir tête aux Tigre allemands et le char anglais envoie 4 obus de 17 livres vers le char allemand. Un obus atteint la caisse du Tigre qui riposte en abattant un pan de mur sur le Sherman. Wittmann fait alors demi-tour, son char à peine endommagé. De retour dans la rue Clémenceau, le char Cromwel qui n'avait pas été détruit (celui du capitaine Dyas) lui fait face : 2 obus de 75mm n'arrête pas le Tigre alors qu'un seul obus de 88mm met aussitôt le Cromwell hors de combat.


Char Cromwell immobilisé
dans Villers Bocage
Atteint de plein fouet
un char Cromwell explose

Comme il poursuit sa route pour quitter Villers Bocage, le char reçoit un obus anti-char dans la chenille gauche. Il sera rangé le long du trottoir, devant le magasin Huet-Godefroy non sans avoir auparavant tiré sur tout ce qui est à sa portée. Pensant par la suite pouvoir réparer le char, Wittmann et son équipage l'abandonnent sans le détruire et quittent le lieu de l'engagement à pied et sans armes.


Le char Tigre N° 222 abandonné
par son équipage.

M. Wittmann et ses hommes finiront par rejoindre le QG de la Division Panzer Lehr, situé à près de 7 km de là. Suite à son intervention, 15 Panzer IV du IIème bataillon du 130ème régiment vont partir d'Orbois en direction de Villers Bocage sous le commandement du capitaine H. Ritgen dans le but d'en bloquer les sorties Nord. Avant d'atteindre leur objectif, ils sont pris sous le feu de canons anti-chars anglais et se trouvent bloqués, un char prenant feu. Bayerlein, commandant de la Panzer Lehr, prévenu de la situation, leur ordonne de se replier sur Villy Bocage. Les chars prennent la direction du château de Parfouru sur Odon, où, après remise en état des 14 restants, ils repartent au combat sous les ordres du sous lieutenant Philipsen : 4 attaquent par le sud (2 sont détruits alors que les 2 autres se replient) et 10 par la rue Georges Clémenceau (2 détruits).


Dietrich, Wittmann et Weiser en discussion au PC du I.SS-Panzerkorps
à Baron-sur-Odon le 13 juin en fin d'après-midi

M. Wittmann sera ensuite ramené en schwimmwagen à la cote 213 pour parler avec Mobius (chef de la 1ère compagnie) de la seconde attaque que le 101ème Abteilung s'apprête à livrer. Les chars de Mobius entrent dans la ville par la route d'Evrecy et rejoignent ceux de la Panzer Lehr sur la place du marché et coordonnent leur offensive.

 

Ils vont se répartir l'occupation de la ville par la rue Pasteur vers la place Jeanne d'Arc, les rues Saint-Germain, Emile Samson et vers le carrefour de la rue Jeanne Bacon et du boulevard Joffre. Mais la résistance anglaise s'est maintenant organisée et l'effet de surprise ne joue plus.

Un seul canon anti-char de 57mm du 1/7ème Queen's qui prenait la rue Jeanne Bacon en enfilade atteint 3 Tigre dont un pourra être remis en état.

A la fin de l'après-midi, et malgré la tentative de mouvement tournant des chars de l'escadron B, Villers-Bocage restera allemand et sera le symbole du plus cuisant échec britannique de la campagne de Normandie.

Les anglais auront perdu :

Unité
 
Quelques Honey/Stuart
20 Cromwell, 4 Sherman Fireflies, 3 Honey/Stuart, 1 Half-track, 3 Scout-car
9 Scout-car
9 Half-tracks, 2 Bren-carrier, 4 Lloyd-carrier

2 Cromwell, 1 Sherman

Côté allemand, on ne déplore la perte que de 6 Tigres (dont 1 sera remis en état) et 5 Panzer IV

La propagande allemande de l'époque avait besoin d'un héros : l'épisode de Villers-Bocage a donc quasiment été attribué à M. Wittmann seul qui se voit attribuer 27 des 30 chars anglais détruits!!

Si l'on vérifie plus avant les chiffres, on arrive au score (déjà impressionnant) de 12 chars (5 Cromwell, 3 Honney/Stuart, 4 Sherman) plus 1 Scout-car,10 Half-tracks et 4 Lloyd-carrier. Le total fait bien 27 mais pas 27 chars!

L'as allemand des blindés, héros du front de l'Est, venait de se mettre une fois de plus en évidence. Son supérieur, Sepp Dietrich, le précita pour la Croix de Fer avec feuilles et glaives, décoration qui lui sera remise en main propre par le Führer le 25 juin à Berchtesgaden.


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