Baldur von Schirach est né le 9 mars 1907 à Berlin. Il
est issu d'une famille d'officiers aristocrates et est le dernier des
quatre enfants von Schirach. Son père, Carl von Schirach épousa
Emma, la fille d'un avocat américain.
En 1908, Carl démissionna de l’armée pour devenir
directeur du théâtre impérial de Weimar. Baldur
connaît une enfance privilégiée, marquée
par la musique, le théâtre et la littérature. Très
tôt, il fit preuve d’un talent de poète et aime particulièrement
Goethe. Malheureusement, la Première Guerre mondiale mit vite
fin à cette vie sans souci.
À 10 ans, le jeune von Schirach devint membre de la ligue des
Jeunes Allemands, une organisation nationaliste et raciste.
Au lendemain de
la défaite allemande de 1918, son père fut révoqué
et resta quelque temps sans emploi. Les désordres qui agitaient
alors l’Allemagne traumatisèrent durablement la famille
von Schirach. Le fils aîné ne supportant pas le déshonneur
de sa patrie mit fin à ses jours. Désenchanté,
Carl von Schirach se tourne vers l’extrême-droite et devint
l’un des partisans du parti national-socialiste.
Durant son adolescence,
Baldur fut marqué par la haine de son père envers la République
de Weimar. Au cours d’un voyage qu’il effectua avec sa mère
aux États-Unis, sa famille américaine lui proposa de s’installer
outre-Atlantique pour entamer une carrière. Mais Baldur choisit
de retourner en Allemagne. Le 29 août 1925, lors d’un dîner
organisé dans la maison familiale, il fit la connaissance d'Adolf
Hitler. L’adolescent profondément impressionné par
cette rencontre adhéra peu après au NSDAP. En 1927, Baldur
entra à la SA et s’installa à Munich où il
s’inscrivit à l’université pour y suivre des
cours d’histoire de l’art, d’anglais et de littérature
allemande.
En dépit
de son jeune âge, von Schirach fit très vite partie du
cercle intime des dirigeants du NSDAP. Ainsi, le 20 juillet 1928, il
fut nommé à la tête du de l’Union des étudiants
hitlériens. En 1929 son engagement politique le poussa à
abandonner ses études. Propagandiste et organisateur remarquable
du mouvement étudiant, il inspira chez ses compagnons les idéaux
de la camaraderie, du sacrifice, de la discipline, du courage et de
l’honneur. Il gagna ainsi à la cause nazie des centaines
de milliers de jeunes.
L’efficacité
de son action auprès de la jeunesse et la dévotion aveugle
qu’il exprime dans ses poèmes lui valent l’estime
de Hitler. En septembre 1931, celui-ci le nomma chef des Jeunesses hitlériennes,
poste qu'Hitler créa spécialement pour lui. Baldur, qui
n’avait que 24 ans, devint ainsi colonel SA. En mars 1932, il
épousa Henriette Hoffmann, la fille du photographe personnel
de Hitler, Heinrich Hoffmann. Leur témoin, Hitler, leur offrit
un chien. Le couple aura quatre enfants, trois garçons et une
fille. Le 31 juillet, von Schirach entre au Reichstag. Quelques mois
plus tard, début octobre 1932, il organisa une monumentale marche
de la jeunesse nazie. Des dizaines de milliers de jeunes, venus à
pied de toute l'Allemagne, rendirent ainsi hommage à Hitler au
cours d’un défilé qui dura près de 7 heures.
Le Führer fut lui-même très impressionné.
A partir de janvier
1933, von Schirach travailla d’arrache-pied pour atteindre son
objectif : inculquer à la jeunesse allemande les idéaux
nazis. Il prit ainsi possession, par la force et en expulsant le général
Vogt et l’amiral von Trotha, des bureaux du comité des
associations de jeunesse du Reich, puis de l’organisation des
auberges de jeunesse dont les biens considérables, plusieurs
centaines d’auberges sur tout le territoire du Reich, furent saisis.
Le 17 juin 1933, lors d’une cérémonie en présence
de Hitler, von Schirach devint chef des Jeunesses du Reich allemand.
La Hitlerjugend fut ainsi libérée de la tutelle SA et
devint autonome du parti.
Entre janvier
1933 et 1934, les jeunesses hitlériennes passèrent de
un à 3,5 millions de membres. À la suite du décret
du 1er décembre 1936 qui en fit une organisation d’état,
les adhérents furent de plus en plus nombreux. Von Schirach devint
alors Secrétaire d’état à la jeunesse. Désormais,
il ne dépendit plus que de Hitler et fut "entièrement
responsable de l’éducation physique, idéologique
et morale de la jeunesse allemande".
Le même
jour, Hitler signe un décret mettant hors la loi la seule association
de jeunesse non-nazie qui restait : L’Association des Jeunesses
catholiques, reniant ainsi le concordat qu’il avait signe le 20
juillet 1933 avec le Vatican :
"Tous les jeunes Allemands du Reich seront organises à
l’intérieur des Jeunesses Hitlériennes.
Les jeunes Allemands, outre qu’ils seront élevés
dans leurs familles et à l’école seront éduqués
physiquement, intellectuellement et moralement dans l’esprit du
national-socialisme {…} par le truchement des Jeunesses Hitlériennes."
En janvier 1937,
avec l'aide du docteur Ley, von Schirach ouvrit les écoles Adolf
Hitler pour former l’élite du IIIème Reich. Son
organisation travailla en étroite collaboration avec le ministère
de la propagande et Joseph Goebbels. Présenté comme une
sorte de héros, adulé par les jeunes nazis comme un dieu,
les photographies du chef des jeunesses hitlériennes furent diffusées
en nombre dans l’ensemble du Reich.
Baldur von
Schirach et
Julius Streicher (debout au pied de la voiture)
En 1938, von Schirach
déclara : "Le combat pour l’unification de la
jeunesse allemande est terminé. Je considère comme de
mon devoir de la conduire d’une manière dure et intransigeante
[...] et je promets au peuple allemand que la jeunesse du Reich, la
jeunesse d’Adolf Hitler, accomplira son devoir suivant l’esprit
de l’homme à qui seul leurs vies appartiennent."
Le 25 mars 1939,
l’adhésion aux jeunesses hitlériennes devint obligatoire
pour les jeunes voulant faire des activités sportives ou encore
aller à l'école. Elles regroupèrent alors 12 millions
de jeunes. Von Schirach transforma ainsi la jeunesse allemande en "objet
de propagande vivante", faisant ainsi l'embrigadement des parents
par leurs enfants.
Terrain d’entraînement
des futurs officiers, les jeunesses hitlériennes devinrent également
à partir du 26 août 1938 le vivier de la SS : à
la suite d’un premier accord conclu entre Baldur von Schirach
et Heinrich Himmler, les meilleures recrues furent orientées
vers l’Ordre noir après avoir suivi un entraînement
particulier. Un bureau de liaison entre la SS et la Hitlerjugend fut
mis en place le 1er octobre, et un nouvel accord renforçant cette
collaboration fut signé le 17 décembre 1938. Quant à
la coopération avec l’armée, elle fut renforcée
le 11 août 1939.
Von Schirach signa
alors une nouvelle convention avec Wilhelm Keitel, commandant en chef
de la Wehrmacht, suivant laquelle la Hitlerjugend effectuera l’entraînement
prémilitaire suivant les règles fixées par l'armée
qui, en contrepartie, s’engagea à former chaque année
30.000 instructeurs pour la jeunesse hitlérienne.
Tous les jeunes
Allemands, garçons et filles, étaient dans le système
des l’âge de six ans jusqu’à l’âge
de 18 ans.
De 6 à
9 ans, les garçons étaient "Pimpf".
De 10 à 14 ans au "JungVolk" où ils prêtaient
serment :
"En présence de cet étendard de sang, qui représente
notre Führer, je jure de consacrer toute mon énergie et
toute ma force au sauveur de notre pays, Adolf Hitler. Je suis prêt
a donner ma vie pour lui, et je m'en remets à Dieu."
Puis de 14 à 18 ans à la Hitlerjugend proprement dite.
Baldur von
Schirach et des jeunes du JungVolk
Les filles étaient
de 10 à 14 ans chez les "Jungmaedel" (les Jeunes Filles)
puis de 14 a 18 ans a la "Bund Deutscher Maedel" (ligues des
Filles d’Allemagne) où elles suivaient un entraînement
militaire semblable a celui des garçons.
De nombreux parents
furent scandalises de voir leur fille revenir enceinte d’un camp
BDM. Mais cela ne gênait pas les dirigeants qui considéraient
que le devoir des femmes allemandes était de donner des enfants
au Reich, peu importe les circonstances.
Quelques temps
après le déclenchement de la guerre, en décembre
1939, von Schirach rejoignit volontairement l’armée. Après
avoir subi un entraînement, il servit sur le front de l’Ouest
à partir d’avril 1940 et participa à la campagne
de France. En juin 1940, promu lieutenant, il reçut la Croix
de Fer de seconde classe, avant d’être rappelé à
Berlin par Hitler.
Hitler le nommât
en août 1940 gouverneur de la région de Vienne et Reich
commissaire à la défense. A partir de septembre 1940,
il fut également chargé de l’évacuation des
enfants des villes pour les protéger des bombardements britanniques.
Dans la métropole
viennoise, Baldur von Schirach donna de somptueuses fêtes. Sur
place, ses responsabilités couvraient l’économie
de guerre, l’administration de Vienne et celle du Gau sous la
supervision du ministre de l’Intérieur. Il y fut responsable
du programme de travail forcé.
Surtout, dès
sa prise de fonction, von Schirach précipita la déportation
des Juifs de la région de Vienne. Le 2 octobre 1940, alors qu’il
participa à une réunion dans le bureau de Hitler, il demanda
au chef du Gouvernement Général de se charger des Juifs
qui étaient encore présents à Vienne. Le 3 décembre
1940, à la suite de ses rapports, il reçut une lettre
lui annonçant que Hitler avait décidé de déporter
les 60 000 Juifs restant à Vienne vers le Gouvernement Général.
Au total, il participa directement à l’envoi à l’Est
de 185 000 Juifs. Expulsion qu’il jugea, dans l’un de ses
discours, comme étant "une contribution active à
la culture européenne".
Au moment de la
prise de Vienne par l’Armée Rouge le 13 avril 1945, von
Schirach tenta dans un premier temps d’échapper à
la capture. Sous le nom de Falk, il travailla à Schwaz, dans
le Tyrol, comme interprète pour l’armée américaine.
Cependant, quelques jours avant la capitulation allemande, le 5 mai
1945, il dévoila par lettre son identité aux Américains
et se constitua prisonnier. Le 20 novembre, il fut mis en accusation
par le tribunal de Nuremberg pour "plan concerté au complot"
et "crimes contre l’humanité". Le principal acte
d’accusation reposa sur sa participation aux déportations
des Juifs d’Autriche.
Au cours du procès
de Nuremberg, von Schirach fut le seul, avec Speer, à reconnaître
la culpabilité du régime nazi et à faire preuve
de quelques remords tardifs et, comme Speer, de circonstances.
Baldur von
Schirach à Nuremberg (assis
: Joachim von Ribbentrop)
Il déclara
: "Devant Dieu, devant la nation allemande, devant le peuple
allemand, je porte seul la culpabilité d’avoir entraîné
la jeunesse à soutenir un homme qui durant de longues années
a été considéré comme étant irréprochable
et qui a assassiné des millions de gens".
Il tenta d’apporter
la preuve qu’il avait protesté auprès de Bormann
contre le traitement inhumain infligé aux Juifs et, déclarant
que les crimes commis resteront pour des siècles une tache dans
l’histoire allemande, il assura ne pas avoir eu connaissance de
l’existence des camps d’extermination. Affirmation fort
douteuse, puisque ses fonctions lui valaient de recevoir les rapports
du SD sur l’application de la "Solution Finale". Il
se défendit en déclarant que ses "principales activités
à Vienne étaient sociales et culturelles".
Le 1er octobre
1946, disculpé du premier chef d’accusation, von Schirach
fut reconnu coupable de crime contre l'humanité et condamné
à 20 ans de prison.
Essentiellement
pour son activité anti-juive en Autriche. Or il avait développé
ses Jeunesses Hitlériennes en harmonie étroite, sinon
publique, avec la SS. Il faut noter que le dirigeant nazi qu’il
fréquentait le plus, en privé, était Heinrich Himmler.
Mais ce chef d’inculpation fut abandonné pour diverses
raisons politiques.
Le fait que Baldur
von Schirach ait, pendant plus de 10 ans, préparé la jeunesse
allemande a être la chair a canon docile du IIIème Reich,
et, de plus, une chair à canon suffisamment endoctrinée
pour se livrer sans états âmes aux pires crimes de guerre,
ne fut pas retenu contre lui. Une preuve de plus, s’il en faut,
que ce que l’on peut éventuellement reprocher à
Nuremberg n’est pas d’avoir imposé "La loi des
vainqueurs" mais d’avoir été trop "généreux"
vis à vis de certains accusés, dont Schirach.
Au cours de ses
années d’incarcération, il commença à
écrire secrètement ses mémoires. En 1950, les époux
von Schirach divorcèrent. La même année, ses enfants
demandèrent sa grâce, en vain.
Ce fut un homme
malade et prématurément vieilli qui sortit de la prison
de Spandau le 30 septembre 1966. Jusqu’à son décès,
il vécut retiré dans le sud-ouest de la République
fédérale d'Allemagne. En 1967, il publia "Ich
glaubte an Hitler" (J’ai cru en Hitler), tentant d’expliquer
la fascination que le Führer avait exercée sur lui et sur
la jeunesse allemande.
Il mourut dans
son sommeil dans un petit hôtel de Kröv-an-der-Mosel le 8
août 1974.
A mon sens, le
pollueur des jeunes âmes allemandes aurait eu toute sa place a
la potence au cotes de Goering et des autres.
Qu’en pensez-vous ?
Sources
:
François Delpla, «Nuremberg devant l'histoire»
William Schirer, «Le 3eme Reich des origines a la chute»
Divers Web, dont les photos
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