Journal de marche du Marsouin André Meunier
3ème Peloton du 4ème Escadron du RICM


André Meunier

Préambule


Le caporal-chef André Meunier participa à la seconde guerre mondiale avec le Régiment d'Infanterie Coloniale du Maroc (aujourd'hui Régiment d'Infanterie de Chars de Marine).  

En mémoire de ses camarades de combat, Maurice Chaput* et de son frère jumeau, Roger **, il me fit parvenir le journal de marche du 3ème Peloton du 4ème Escadron couvrant la période du 19 août 1944 au 8 mai 1945.

*caporal-chef au 3ème Peloton, mort au combat à Seppois le 19 novembre 1944.
**caporal-chef au PAC du 4ème Escadron, grièvement blessé le 5 avril 1945 dans la région de Karlsruhe.

Voici l'histoire de ce Peloton...


JOURNAL DE MARCHE

4ème Escadron : Capitaine POL
3ème Peloton : Lieutenant MAURIER
R.I.C.M.

Du Marsouin André MEUNIER et de son Scout-Car, immatriculé : 400010, durant les campagnes de France, d'Alsace et d'Allemagne, du 19 août 1944 au 8 mai 1945.

Le journal, rédigé au jour le jour, puis recopié au propre, dès qu'il y avait un moment de repos, était adressé à ma fiancée (ma femme aujourd'hui) en Algérie (Mostaganem), du fait que je ne pouvais pas correspondre (pendant près de 4 ans) avec ma famille, alors en zone occupée par l'armée allemande.
Au moment du débarquement, l'équipage du Scout-Car était composé du Sergent chef LEDUC : chef de Scout, de MEUNIER André : conducteur, de LHOTE René : radio, de PERRIN Maurice : chef du mortier de 60, de MASSAS Taïbi : mitrailleur de 50, du Caporal LANCINE Traoré : mitrailleur de 30.
Du fait des pertes et des panachages d'équipages, le dernier équipage au 8 mai 1945 était le suivant : Caporal chef MEUNIER André : chef de Scout, de FOUILLOUX : conducteur, de VERNAT Maurice : radio, de PERRIN Maurice : chef du mortier de 60, de ALLEMAND Alfred : mitrailleur de 50, de BARDIN : mitrailleur de 30. Par "baraka", il n'y eut ni tués ni blessés dans ce Scout-Car. Le véhicule lui-même n'avait que quelques éraflures consécutives à un obus reçu sur un pont à l'Ile Napoléon, et un morceau de pont avant enlevé par une mitrailleuse lourde allemande en forêt Noire à SCHMIHEIM.
A noter que durant ces campagnes, le 3ème Peloton a perdu 18 tués ou blessés sur un effectif de 40 hommes (tous grades confondus), soit  45% de pertes.
Ce journal, dont j'avais totalement oublié l'existence, a été retrouvé fortuitement, le 24 janvier 1992, dans les papiers de famille de ma femme.
                                         
Fait à Baillargues le 19 février 1992

PS : Les coupures éventuelles concernent des phrases adressées à ma fiancée, et n'ont donc rien à voir avec un journal de guerre.


Samedi 19 août 1944

Nous recevons l'ordre, dans la nuit de vendredi à samedi, de nous préparer à partir.
Je n'ai pas de chance, mon chef de voiture est parti à Ajaccio voir sa fiancée et il ne rentrera que demain matin : il a bien de la chance, je ne peux voir la mienne.
Mon radio  est de garde et ne peut m'aider, mon mitrailleur de 30 (mitrailleuse  légère) est blessé à la suite d'un accident de camion et ne peut lui non plus nous aider, nous ne sommes plus que deux à faire le travail, mais la joie de revoir la France bientôt nous fait oubller tout cela et c'est avec entrain que nous faisons tout notre travail, éclairés par les phares du Scout.
L e chef n'étant pas là, je prends à sa place les munitions, détonateurs, grenades, cartouches  et obus de la voiture. La nuit se termine, roulés à terre dans une couverture, en rêvant à
la France et aussi beaucoup à .... celle que l'on aime !
Comme tout est prêt, nous n'avons rien fait. Dans la joie du départ, ma fièvre a presque complètement disparu (1).
Il nous faut maintenant falre notre manger nous-mêmes.  
Nous avons perçu les rations américaines "C". Elles comprennent six boîtes, trois contenant un mélange de tomates, haricots. pommes de terre, boeuf. Trois autres avec du café, des bonbons, des biscuits (qui remplacent le pain), du sucre et un petit sachet contenant de quoi faire de la limonade. Ces américains sont quand même des gens pratiques. Nous percevons aussi une boite de ration, une de singe et une tablette de chocolat.
Ce matin, c'est le radio qui fait le "jus" pour  l'équipage. J'étais même encore endormi quand il me l'a apporté, puis, dans la matinée nous sommes partis rejoindre "l'Aéra", c'est un camp d'embarquement où les régiments sont groupés. Chaque groupe correspondant à un bateau désigné, c'est vraiment bien organisé.  Ici, les équipages sont séparés, seuls les chauffeurs embarquent avec leur véhicule les autres à part. Je passe la nuit du samedi à dimanche dans le Scout.

(1) En effet, 8 jours avant, j'avais eu de fortes fièvres, le médecin m'avait fait des prélèvements de sang en vue d'examen paludique (Capitaine Peyron). De peur de manquer le débarquement, je me suis bien gardé d'aller chercher les résultats Je n'ai amais su si j'étais paludéen et, quand par la suite la fièvre m'a repris, je me contentais d'avaler de la quinine et quand, pendant la guerre une crise me prenait, mon camarade Maurice PERRIN prenait la garde à ma place, à charge de revanche d'ailleurs.

Ce rajout est fait à Baillargues le19/02/1992


Dimanche 20 août 1944

En attente, dans la matinée nous rejoignons le quai fait par les américains, où sont rangés beaucoup de ces bateaux dont l'avant s'ouvre, de ces bateaux comme on en voit dans les actualités lors des opérations de débarquement. Nos véhicules sont engloutis là-dedans (1). C'est incroyable ce qui peut y loger..!
Mon Scout est dans la cale parmi beaucoup d'autres, c'est éclairé par de grosses lampes rouges et aéré par de gros ventilateurs qui font un bruit infernal. Avant le départ, nous allons à la soupe, c'est le bateau qui nous nourrit, quel dîner, j'en ai jeté tellement il y en avait.
Nous décollons...? Qu'est-ce qu'il y a comme bateaux, c'est une vraie armada. Je regarde rêveur la côte corse s'éloigner. La nuit tombe et je redescends dans la cale après m'être muni d'une ceinture de sauvetage... on ne sait jamais. Pour dormir, je me suis procuré une civière que j'ai posée en travers de mon Scout, ce sera plus moelleux que le plancher, je m'endors en pensant à la France que demain sans doute je verrai.


Lundi 21 août 1944

Je m'éveille frais et dispos, le mal de mer ne m'a cette fois encore pas atteint, petit déjeuner, café au lait, biscuits, confiture, il y a longtemps que je n'ai pas vu ça.
Toute la journée, je descends du pont dans la cale et inversement. A midi, bon déjeuner, dans l'après-midi nous apercevons les côtes de France enfin !
Nous essayons de savoir où nous allons atterrir, en vain, nous ne pouvons pas savoir. Juste avant le dîner, nous stoppons dans une baie, mais les bateaux ne peuvent se décharger que par trois sur une étroite plage et comme nous sommes dans les derniers, je ne sais pas quand sera notre tour, en attendant nous dînons, puis du pont nous regardons la côte qui est éloignée de quelque centaines de mètres. Comme il y a cinq jours que les Français ONT débarqués, on voit des maisons pleines de trous d'obus, par endroits même elles sont brûlées, mais ce qui nous étonne le plus, c'est qu'il n'y a pas un habitant, ils ont dû recevoir l'ordre de partir. La nuit vient, c'est l'heure propice pour les attaques d'avions, nous avons ordre le garder le casque.
Des vedettes nous entourent d'un écran de fumée pour nous dissimuler. Au loin, on entend les coups sourds de l'artillerie, on se bat pas loin sans doute.
La nuit est complète pas un avion n'est venu Je m'endors dans le Scout. Encore une traversée sans incidents. Décidément, j'ai une bonne étoile.

1) LST américain No 1019


Mardi 22 août 1944

Trois heures trente du matin, mon sommeil est interrompu par un coup de sirène, le haut parleur nous prévient que nous allons aborder et c'est brutal. Comme le bateau a le fond plat, il fonce à toute vitesse sur la plage (1) et il s'échoue, les deux portes de l'avant s'ouvrent, quand il sera vide de sa cargaison il sera à flot et pourra repartir. Avant de descendre, nous sommes prévenus qu'il faut suivre les bandes blanches, car la plage est entièrement minée. Le déchargement est vite fait malgré la nuit, de temps en temps dans le sable je vois une mine allemande émerger, il ne ferait pas bon de s'écarter. Je suis ému et content à la fois de mettre le pied sur le sol de France. Après avoir récupéré l'équipage nous partons en colonne, tous phares éteints, au passage, malgré le noir, nous voyons les murs éventrés, les entonnoirs sur la route, surtout autour des casemates. Quelques rares habitants nous disent que nous sommes à proximité de SAINT RAPHAËL et que ce sont les Allemands qui ont donné l'ordre de partir aux habitants.
Nous arrêtons à la lisière d'un bois a trente kilomètres du front. Mitrailleuses en DCA. Puis nous faisons le plein des voitures et le nettoyage des armes que l'air marin a fait rouiller. Je lave mon linge et me lave moi-même. A midi, déjeuner, mais les biscuits remplacent mal le pain pour nous français. Après je fais la sieste sur la civière du bateau que j'ai emportée, ainsi que la ceinture de sauvetage pneumatique en guise de traversin. Le dîner, puis dormir, c'est la bonne vie, mais ça ne durera guère longtemps, aussi autant en profiter. Je rédige mon journal, assis sur la civière.

1) La Nartelle à six kilomètres Est de Sainte-Maxime, actuellement sur cette plage, une stèle est érigée au nom du R.I.C.M et rappelle que, d'ici, le R.I.C.M est parti pour une chevauchée qui l'a mené aux sources du Danube.


Mercredi 23 août 1944

Il faut que je retourne un peu en arrière. Hier soir, j'étais à peine endormi que l'ordre de départ arrive. Il fait noir, nous ne savons pas où nous allons, nous roulons très serrés, au passage dans un village nous prenons un drapeau tricolore avec une Croix de Lorraine dedans, je l'ai mis sur l'aile droite de mon Scout. Nous nous dirigeons je crois vers TOULON. Nous roulons sans lumières, et ce n'est pas drôle de rouler dans le noir. J'écarquille les yeux et essaie de ne pas descendre dans le fossé comme un camarade vient de le faire derrière moi, c'est terriblement épuisant les yeux me piquent et me brûlent à cause de la poussière qui y rentre. Nous passons devant une forêt en flammes, sans doute des obus incendiaires, des kilomètres carrés entiers flambent c'est sinistre et magnifique à la fois.
Au matin, nous stoppons dans un verger à côté du village de SOLL1ES PONT. Le canon tonne sans arrêt. Je dors pendant trois ou quatre heures, puis je regarde le trafic de la route. Des renforts montent sans cesse, des camions de blessés et de
prisonniers descendent des lignes, les prisonniers sont moins arrogants qu'autrefois.
Quelques habitants reviennent dans leurs foyers, ils ne cachent leur joie de voir des soldats français. J'apprends bien des choses à l'instant. Des camarades de régiment tués ou blessés à proximité de TOULON où ils sont engagés mais ils ont fait du bon travail avant, quelques chars du régiment ont pénétré dans les faubourgs de TOULON, mais les boches résistent. J'apprends que Paris est délivré par F.F.I.
Bravo ! Ici, il y en a pas mal de ces gens là. Une batterie d'artillerie lourde placée à quelques centaines de mètres de là, tire sans arrêt sur TOULON à onze kilomètres. Le souffle fait voler mes feuilles de papier. La nuit descend je ne sais si cette nuit nous roulerons.


Jeudi 24 août 1944

J'ai bien dormi cette nuit, malgré le canon, ce matin le radio (1) que j'aime presque comme un frère nous a fait le "jus", il faut préparer toutes les armes, nous allons barouder, ça me fait tout drôle de recevoir bientôt le baptême du feu.
Nous allons marcher en tête, quelle veine c'est la plus dangereuse place, mais aussi la plus enviée. Manque de pot, au départ Carol (1) entre dans un arbre avec son char, privés de véhicule nous passons en deuxième position. Au passage le tir des canons de chez nous nous fait sursauter. Nous arrivons à un carrefour où des cadavres boches pourrissent... Il y a aussi des tanks calcinés. Nous nous arrêtons dans ce carrefour, c'est une vraie pagaille de voitures. Tout à coup "Boum".  En même temps avec le chef de voiture nous pensons qu'un canon français tire derrière nous, je me retourne pour le regarder et je vois un nuage de poussière, des hommes qui tombent, des voitures qui flambent à vingt mètres derrière mon Scout.
Le  tenps d'un éclair et je m'éloigne à fond de train de ce coin battu par l'ennemi.
J'ai bien fait car par la suite j'apprends qu'il est tombé une trentaine d'obus, et que les deux Scouts (3) qui me suivaient l'un a sauté et le chef est blessé, l'autre est indemne mais le chef et le chauffeur sont tués et brûlés, et le mitrailleur blessé, c'étaient de bons camarades.
Nous passons dans un village LA FARLEDE, les gens nous embrassent avec les larmes aux yeux, nous leur donnons des cigarettes et des conserves. Nous arrivons dans les faubourgs de TOULON, mais les forts qui dominent la ville sont tenus par les Allemands et ils bombardent violemment, nous serrons les voitures le long des murs car les éclats tombent comme de la grêle, malgré cela les civils viennent à nous. Nous nous abritons dans les couloirs, il y a des morts et des blessés. Un coup de fusil part d'une maison, sans doute un tireur isolé, pour le faire taire, le tirailleur sénégalais de mon équipage lui lâche une bande de deux cents cartouches de mitrailleuse, et moi, je vide mon chargeur de mitraillette dans la fenêtre, il n'a plus tiré. Mais il y en a d'autres qui toute la journée nous tirent dessus, toujours par les fenêtres, ils sont difficiles à dénicher. Comme le tir allemand devient plus violent, nous nous replions un peu en attendant que ça se passe. Un à un, les forts se rendent et nous pouvons réavancer, de longues files de prisonniers passent, ils ne sont pas fiers, je n'ai jamais vu des gens avoir aussi peur. ils courent les bras levés et ont un regard de bêtes traquées : juste revanche.
Le tirailleur sénégalais les fait accélérer à coups de crosse et ses collègues aussi (Tailleurs, à chaque fois ils trébuchent. Ils laissent tomber tout ce qu'ils ont j'en profite pour récupérer un pot de miel, des cigarettes turques et hollandaises du saucisson, des serviettes, des chaussettes, des savonnettes de luxe je distribue le tout aux civils. Maintenant, ça se calme, encore une file de prisonniers, un canon tire encore, les patriotes ramènent des prisonniers de temps en temps, je suis assis sur le bord de mon Scout, j'ai gardé le casque car il arrive encore des éclats. Le soleil se couche. Pour mon baptême du feu, je suis servi, ça fait un drôle d'impression on est toujours aux aguets, les nerfs et tous les sens tendus à bloc, quand un obus arrive en sifflant on se couche ou on se colle le long des murs, on n'a pas le temps d'avoir peu. Nous quittons les faubourgs dans la soirée et entrons dans la ville qui elle a beaucoup souffert.
Nous nous mettons dans une rue. face à un fort qui vient de se rendre il faut se méfier avec ces types là. Une odeur épouvantable plane sur le quartier, des chevaux tuès pourrissent à proximité, en passant devant, les gens se mettent un mouchoir sur le nez.
Il me faut dormir à mon volant. Bonne nuit !

1) LHOTE René
2) Carolini : chauffeur du canon d'assaut de Leclerc
3) Scout-Car Pradel et Sudour
- Pradel et Libéri sont tués
- Champion, Sudour et Faunikeita  sont blessés

Nota : Nous avons débarqué du LST américain No 1019 le 22 août 1944 à 3h 30 sur la plage de LA NARTELLE, à 6 kilomètres de Sainte-Maxime.


Vendredi 25 août 1944

En m'éveillant, je ne pouvais plus me déplier, j'avais dormi au volant les jambes et le buste tout en boule. Il nous est encore plus difficile de trouver de l'eau pour faire le café, car depuis le 5 juillet après un bombardement américain, il n'y a plus d'eau dans la ville et les gens se ravitaillent dans les rares puits qui existent. Comme il faut de l'eau pour le peloton et que je ne sais pas quoi faire, je me mets en chasse La gare détruite est tout à côté et je trouve un château d'eau plein, il y en a plusieurs milliers de litres, c'était sans doute pour les locomotives. Seulement comme les alentours sont minés, les civils n'approchent pas. Aussi je me sers copieusement et indique l'endroit aux camarades. Des jeunes filles nous apportent des bouteilles de citron et d'apéritifs. Ils sont heureux de voir des Français et nous disent qu'il y a longtemps qu'ils nous attendaient.
Je vais avec mon radio faire un tour en ville. Des prisonniers commencent à enterrer les chevaux crevés. Ce ne sont que des ruines partout, un grand café est même rouvert. Des F.F.I emmènent dans l'avenue une femme entièrement nue qui avait caché des Allemands chez elle et qui ont tiré sur les troupes françaises, elle subit un petit traitement qui n'a rien d'agréable, à leur place, je l'aurais descendu tout de suite.
A midi déjeuner, sardines françaises que j'ai prises aux Allemands pâté de même provenance, tomates que les habitants nous ont données. Après, nous écoutons le communiqué qui nous fait bien rire "ici Londres, les troupes françaises sont aux abords de TOULON". La bonne blague, nous sommes en plein centre depuis hier soir, en train d'écouter le communiqué. Dans l'après-midi, je monte au fort qui s'est rendu hier, il faut se méfier, c'est truffé de mines. Il y a de tout, des armes des munitions, des caisses de médicaments, c'est une vraie pagaille, on voit que les fritz sont partis précipitamment. Je pénètre dans un souterrain qui leur servait de dortoir tous les vêtements sont épars. ils ont tout abandonné ; au bout deux petites chambres, sans doute pour les officiers;  là je prends du papier à lettre, savons, tabac, lames de rasoir, chaussettes de laine, ils ont de tout mais hélas, ce "tout" porte en général des marques françaises.
Vers cinq heures, nous partons jusqu'à un village entre Toulon et Marseille, mais plus près de Toulon. Au passage, nous avons vu la poudrière qui a sauté, il n'y a plus un bâtiment debout, la route a sauté aussi, les maisons dans un rayon de trois cents mètres sont écroulées et ça et là parmi les ruines des cadavres boches gonflés comme des outres commencent à empester l'air, ils ne sont pas beaux à voir. Nous sommes arrêtés dans les champs à côté de SANARY. je pense et souhaite que nous passerons une bonne nuit.


Samedi 26 août 1944

Je m'éveille assez tard, déjeuner à midi, la sieste est interrompue, dans trois minutes. Il faut être prêt à partir, une batterie de DCA ne veut pas se rendre à  l'entrée de la SEYNE SUR MER, il faut la liquider. Mais arrivés sur place, il y a une heure qu'ils sont partis, nous faisons des prisonniers, il y en a un dans le Scout, comme il parle un peu français nous l'interrogeons, il est Polonais et a été incorporé de force dans la Wehrmacht. Les habitants de la SEYNE sont contents, c'est la première fois qu'ils voient des français, ils nous interrogent, nous embrassent et nous assaillent de questions. Mais il y a toujours des forts qui tiennent. Une Jeep de chez nous qui s'engageait sur la route du littoral est prise sous le feu du fort de BALAGUIER. Aussitôt, avec les deux chars qui l'accompagnent, ils ripostent, les boches hissent un drapeau blanc pour se rendre, les nôtres continuent à tirer et coupent le drapeau les boches en hissent un second, alors nos chars approchent en donnant un coup de sirène et en tirant un coup de canon alternativement, les fritz sortent, ils sortent aussitôt alignés les mains en l'air et fouillés, quelques jeunes qui veulent crâner sont aussitôt mis a la raison à coups de crosse. Bonne journée pour le peloton : un fort pris et trente prisonniers, sans aucune perte chez nous.
Je ne suis pas trop content car je n'ai pas été directement mêlé à cette opération. Le soir, il faut garder les environs d'un autre fort qui sans doute va se rendre car le lieutenant a envoyé un sous officier allemand pour dire à la garnison de se rendre qu'il ne leur sera fait aucun mal. Nous restons pour surveiller les issues je suis avec mon Scout juste où la Jeep a été attaquée tout à l'heure, il fait noir mais sur la gauche les cales de lancement de sous-marins du MORILLON sont en flammes en face de l'autre côté de la rade le fort du Cap Brun flambe également, c'est du travail boche, ils détruisent tout avant de s'en aller, le fort NAPOLEON que nous attendons est en train de brûler, ils font sauter leurs canons et brûler les munitions. A minuitnous partons, le fort s'est rendu, mais pas du côté où on l'attendait, c'est un régimentde noirs qui les a récupéré, gare à eux...
En revenant, mon Scout est bloqué par un fil de tramway qui pendait et s'était enroulé dans l'essieu amère, il en pend partout de ces fils. Nous rentrons au bivouac à une heure pour apprendre que le lendemain à neuf heures, nous défilons à TOULON


Dimanche 27 août 1944

Je prends la garde jusqu'à deux heures puis je m'endors, je m'éveille de bonne heure pour me laver, me raser et brosser ma tenue pour le défilé. Nous sommes passés en revue dans le faubourg même où nous nous sommes battus, nous défilons en ville sous les acclamations de la foule et nous rentrons. L'après-midi repos. Après : RAS (rien à signaler).


Lundi 28 août 1944

Le matin, nous partons pour FABREGAS, où nous nous reposons un peu. Nous nous installons dans un bois de pins face à la mer, c'est un joli coin plein de villas d'ailleurs, mais de villas qui ont été évacuées. Je remets le Scout en état et le soir je vais dans le fort voisin faire une razzia, il faut faire attention où l'on met les pieds c est plein de pièges à mines. Je reviens avec un tas de petites chose. Je ne dîne pas je n ai pas faim, je m'endors.
  
                                          
Mardi 29 août 1944

Je fais la grasse matinée, le sénégalais m'apporte au lit le chocolat fait par le radio, il m' apporte aussi des biscuits et des bonbons. Je suis comme un coq en pâte.
Je travaille sur mes armes, et sur un pistolet trouvé hier au fort sous un canon que les fritz avaient fait sauter comme tous les autres d'ailleurs. Je lave mon linge et fais la sieste, je voulais retourner au fort mais c'est interdit. Il vient d'arriver à l'infirmerie qui se trouve à côté de mon Scout trois soldats du régiment qui se sont pris dans les pièges à mines, ils ont reçu toute la charge dans le dos, mais maintenant on ne peut plus aller au fort. Ça vaut mieux, il n'y aura plus d'accidents.


Mercredi 30 août 1944

Levé de bonne heure, en tenue de parade pour défiler à TOULON, rentré à midi, l'après-midi, repos. RAS.


Jeudi 31 août 1944

Repos toute la journée. Le soir, j'allais me coucher quand le lieutenant vint me prévenir et me féliciter pour ma nomination de caporal qui date du premier juillet.
C'est drôle, il y a juste deux ans que j'ai été nommé pour la première fois.


Vendredi 1er septembre 1944

Repos, nous sommes à FABREGAS dans un joli petit bois de pins qui domine la mer, il y a quelques villas mais toutes évacuées, à proximité une batterie d'artillerie allemande où j'ai déjà fait quelques explorations. A deux heures, nous sommesprévenus de nous tenir prêts à partir, nous ne partons que le soir tard vers dix heures, toute la nuit nous roulons. RAS.


Samedi 2 septembre 1944

Il est très pénible de tenir les yeux ouverts, la fatigue et la poussière nous endorment.
Il ne le faut pas surtout, dans mon Scout tout le monde dort. J'entends du bruit derrière moi, c'est le Scout qui me suit qui a emporté un arbre et est tombé dans le fossé, il s'est endormi au volant, mais il n'y a que des dégâts matériels. Pour me tenir éveillé, je m'essuie le visage avec mon chèche humide. Le matin au lever du jour, une pause nous permet de faire du café au lait bien chaud. Avec le jour, mon envie de dormir a disparu.
Tous les ponts sont sautés, il faut passer sur des ponts de bateaux ou des ponts de fortune qui nous obligent à de grands détours. Les bas-côtés de la route sont jonchés de camions et voitures allemandes, la plupart hélas de marque française qui ont été incendiées par les chasseurs français ou américains.
Quelquefois aussi, un de ces chasseurs que la DCA mobile allemande a abattu.
Pourtant, dans les villages où nous passons, les gens nous applaudissent, nous donnent du vin et des raisins quand nous pouvons nous arrêter. Dansl'après-midi,nous prenons une bonne averse, nous sommes trempés comme des soupes, le soleil a tôt fait de nous sécher. Depuis hier soir, nous avons passé : AIX EN PROVENCE.AVIGNON, NIMES et le soir nous bivouaquons à MONTPELLIER.


Dimanche 3 septembre 1944

Départ de bonne heure, il fait froid, il fait noir, nous roulons vite et passons par BEZIERS, NARBONNE, à midi nous arrivons à PERPIGNAN, nous avons une demi-heure pour nous préparer car tout à l'heure nous allons être passés en revue par le Général de Lattre de Tassigny qui nous commande. La revue et le défilé se passent sous les acclamations de la foule, après nous pouvons aller en ville... Quelle chance ! C'est la première fois depuis que nous sommes en France que nous pouvons sortir. En ville, les gens nous regardent curieusement, ils ne savent pas  à qui ils ont affaire et quand ils voient que nous avons l'écusson tricolore sur notre manche, ils nous assaillent de questions auxquelles nous nous efforçons de répondre de notre mieux.
L'après-midi se passe dans les cafés, et en promenade, le soir je rentre me coucher à onze heures car demain nous roulons. C'est ma première bonne journée passée en France.


Lundi 4 septembre 1944

Nous partons de PERPIGNAN dans la matinée et refaisons le même chemin qu'hier, mais en sens inverse, nous repassons NARBONNE. BEZIERS et MONTPELLIER, nous bivouaquons à LUNEL dans une ferme, c'est plein de moustiques.


Mardi 5 septembre 1944

Départ de bonne heure. Rouler toute la journée en remontant la vallée du Rhône.
Tout le long de la route est jalonné de tombes allemandes et de véhicules brûlés. Où nous sommes arrêtés (LE POUZIN). il y a quelques voitures brûlées et deux tombes allemandes toutes fraîches à côté de mon Scout. A part ça, RAS.


Mercredi 6 septembre 1944

Départ vers neuf heures, j'ai bien dormi mais j'étais tellement fatigué qu'hier soir, je me suis endormi sans manger. Nous étions à peine partis que je double le vaguemestre, j'en profite pour lui demander s'il y a des lettres, il me donne celles de tout l'escadron, je prends les miennes, 3 de ma fiancée et une de mes amis de Mazagan. Je ne peux encore répondre, nous sommes trop souvent en mouvement.
Toute la journée des voitures brûlées, des ponts effondrés ce qui nous oblige à passer dans des endroits invraisemblables. Ce soir, nous venons de camper à proximité de LYON environ 12 kilomètres cinq (1). Nous l'apercevons de loin.

1) CONDRIEU


Jeudi 7 septembre 1944

La pluie me réveille vers quatre heures du matin, le temps de bâcher mon Scout, je suis trempé complètement et mon lit aussi.L'humidité m'empêche de me rendormir et quand le réveil vient je me lève et cours pour me réchauffer, il pleut toujours, le bon chocolat que nous faisons nous fait du bien. Nous traversons LYON. BOURG, puis des villages, les gens nous accueillent aux cris de "Vive de Gaulle" nous donnent des fruits,les jeunes filles des fleurs, des baisers, surtout dans les derniers villages que nous avons faits, nous sommes les premiers français à y passer.Le soir,nous campons à une douzaine de kilomètres de LONS LE SAUNIER, ce village est MALLERAY.


Vendredi 8 septembre 1944

J'ai nettoyé mon Scout, il en avait besoinje change un ressort que j'avais cassé, il pleut toujours par à-coups. La jeune fille de la ferme a eu la gentillesse de repasser mon pantalon de travail. Je ne dormirai pas cette nuit, je suis de service.


Samedi 9 septembre 1944

Réveil à 2 heures, départ presque aussitôt, les jeunes filles ont fleuri mon Scout.
Nous roulons sans lumières, c'est pénible. A onze heures du matin, nous campons à la lisière d'une forêt de pins, les yeux me brûlent, je me couche tout de suite. A 4 heures de l'après-midi, je vais dans un village proche du bivouac, 2 Scouts d'un autre régiment que le nôtre y ont été incendiés par une patrouille boche, je trouve du gruyère et du beurre, ça améliore l'ordinaire. A 6 heures, nous partons toujours plus haut en direction de BELFORT. A minuit nous nous arrêtons à l'orée d'un village NODS, nous sommes à 20 kilomètres de la Suisse. A demain.


Dimanche 10 septembre 1944

Jusqu'à cinq heures, j'ai somnolé à mon volant, le froid auquel je ne suis plus habitué m'a obligé à me mettre debout. En attendant le jour je cause avec des camarades qui sont comme moi. Au lever du jour, je me camoufle sous un abri pour que l'aviation ennemie ne puisse repérer mon Scout. Je vais en resquille au village et je ramène du beurre, du fromage et du lait ce qui nous permet de faire du chocolat au lait et de manger des biscuits beurrés. Pour un dimanche, le petit déjeuner peut aller. Dans la matinée comme j'ai le temps je fais une carte à ma mère et une longue lettre a ma fiancée qui depuis trois semaines est sans nouvelles.
L'après-midi, je dors au soleil, le soir nous apprenons qu'une partie du régiment est déjà engagée, il y a un peu de casse. Il fait froid. Je vais me coucher dans mon Scout. Bonne nuit.


Lundi 11 septembre 1944

Départ vers huit heures, nous nous rapprochons du front, les mitrailleuses claquent sèchement dans la forêt, le Scout est mis en position à la lisière d'un bois où paraît-il, il y a encore des boches, ce n'est pas dangereux mais on ne se bat pas trop loin.
Dans la soirée nous avançons encore, les obus ennemis tombent à proximité. Nous passons la nuit en lisière d'un bois, trois fois de garde dans la nuit, une heure de garde deux heures de repos il faut se méfier terriblement.


Mardi 12 septembre 1944

La nuit se passe sans incidents, seulement le tir à peu près ininterrompu des batteries alliées et ennemies. Dans la matinées, nous avançons encore, pendant une patrouille trois camarades sont tués par des mitrailleuses. Déjà hier, 40 types du régiment sont disparus, il n'en est revenu que six. Un autre copain vient d'avoir le pied coupé par un éclat d'obus. Les boches allongent leur tir, pour arroser un carrefour derrière nous, on entend les obus siffler au-dessus de nos têtes. Je me couche vers minuit après avoir pris la garde.


Mercredi 13 septembre 1944

Toute la nuit, le canon a tonné, dans la matinée les boches ont déréglé leur tir et les obus sont tombés près de nous, aussi par prudence nous avons fait des trous contre les éclats, je me rase et je me lave. Un avion d'observation français est au-dessus de nos têtes, il règle le tir de l'artillerie, qu'est-ce que les boches prennent. La température s'adoucit et il se remet à pleuvoir, et ça tombe, je me réfugie dans le Scout. Le soir sous la pluie, il faut changer le Scout de place car il s'enliserait, quel travail ! Enfin on peut dormir la nuit je me réveille avec les fesses toutes mouillées, la bâche est trouée et l'eau a coulé dans ma civière (récupérée sur le bateau de débarquement et me servant de couchette). Quel sale temps.


Jeudi 14 septembre 1944

De trois a cinq heures, je suis de garde, il pleut toujours à torrent, je me recouche jusqu'à sept heures tout trempé, nous nous sommes faits un bon chocolat. La pluie a cessé, l'équipage part en patrouille dans les lignes ennemies je suis volontaire pour y aller, mais j'ai ordre de rester à mon Scout. Le soir la patrouille revient, ils ont trouvé les emplacements vides et ils n'ont pas reçu d'obus. Je ne suis pas de garde. Cette nuit. Je vais bien dormir, ce n'est pas trop tôt, j'y suis toutes les nuits depuis que nous sommes au contact, comme tout le monde d'ailleurs. Le village ou nous sommes s'appelle LANTHENANS.


Vendredi 15 septembre 1944

Hélas Je n'ai pas trop bien dormi, dans la nuit, l'ennemi s'est mis à nous bombarder sans répit et ça tombait près, nous avons eu l'explication de ce bombardement au petit jour. Ils faisaient ça pour nous distraire pendant qu'une de leurs patrouilles pénétrait dans nos lignes. Mais au retour elle s'est accrochée à un de nos postes, il y a eu des rafales de mitrailleuses de part et d'autre. Puis notre artillerie s'en est mêlée et ça a calmé ceux d'en face. Dans la matinée il y a encore eu une patrouille dont l'équipage fait partie. Je n'y suis pas encore admis. Le soir il y en a encore une. Pour y aller je demande au lieutenant lui même, de cette façon j'y suis allé. Nous partons en longeant la lisière des bois, le doigt sur la détente de la mitraillette, assez espacés les uns des autres car il ne faut pas faire comme les trois copains il y a quelques jours, ils ont été tués nets d'une seule rafale.
Heureusement rien de tout cela nous arrive mais en débouchant dans une prairie nous apercevons du mouvement autour d'une ferme isolée, nous observons à la jumelle pas de doute ce sont des boches, nous revenons car nous avons ordre de ne pas nous accrocher, les renseignements sont donnés au PC et un quart d'heure après, la ferme est copieusement arrosée par notre artillerie. Avec le chef nous faisons une bonne soupe, puis après je vais me coucher car cette nuit je suis de faction et il faut ouvrir l'oeil.


Samedi 16 septembre 1944

Ça y est, les patrouilles ennemies sont encore entrées dans nos lignes.
Les mitrailleurs, les mitraillettes et les carabines tirent au jugé car on ne voit que des ombres. Tout ce bruit me réveille. C'est justement l'heure de ma faction il est quatre heures. Je fouille en vain la nuit, je ne vois et n'entends rien, depuis que nous sommes en ligne nous nous reposons peu, les nerfs sont constamment tendus, même quand nous dormons. Nous faisons du travail qui n'est pas le nôtre, mais comme l'infanterie n'est pas là, il nous faut tenir les lignes en attendant qu'elle arrive, nous espérons une prochaine relève. Après avoir bu le chocolat je m'endors, pour peu de temps, ie suis réveille pour aller faire une patrouille au retour je me rendors, c'est la pluie à une heure qui me réveille, le temps de bâcher mon Scout et je suis trempé, quel temps si avec ça je ne reviens pas avec des rhumatismes j'aurai de la chance, avec ça, à force de porter le casque qui est lourd j'ai mal au crâne et il me tombe quelques cheveux. Dans l'après-midi je change mon Scout de place.
Dès que je serai au repos je ferai une longue lettre comme il y a huit jours. Et il pleut toujours ! Quelle chance nous sommes relevés à dix heures par les tirailleurs sénégalais, nous allons enfin dormir sans soucis. Nous revenons dans un village situé à dix kilomètres des lignes, nous avons une bonne grange avec de la paille, pour ma part je préfère ma civière dans mon Scout, pour la première fois depuis sept jours je peux me déshabiller et me déchausser, pour dormir.


Dimanche 17 septembre 1944

J'ai dormi comme une marmotte jusqu'à onze heures. Puis le tirailleur m'a apporté un demi litre de lait chaud que la fermière nous avait préparé. Il pleut toujours quel fichu temps !
Un peu avant midi. je me lève, je me mets dans un coin de grange désert et là dans la tenue d'Adam, je me douche copieusement à l'eau froide avec mon casque américain, ça fait du bien car en ligne on n'a pas le temps de se laver ou de se raser.
L'après-midi il faut nettoyer les armes que la pluie a fait rouiller. Le soir nous mangeons un excellent ragoût que la fermière a fait, mais malheureusement sans pain et sans vin. Avant de dormir, elle nous a fait un bon verre de lait chaud. Dans l'après-midi, j'ai fait une longue lettre à ma fiancée. Nous sommes à TOURNEDOZ.


Lundi 18 septembre 1944

Je me lève à neuf heures pour toucher la solde, nous sommes diminués... je n'ai pas de veine pour une fois que j'étais caporal ! Puis je rentre mon Scout. Je fais une lettre pour ma fiancée, je ne sais pas quand elle lui parviendra car j'ai appris que les lettres remises il y a huit jours ne sont pas encore parties, ça promet! Nous faisons un bon dîner :
un peu de pain, de la purée de pommes de terre et de la tarte aux prunes.


Mardi 19 septembre 1944

Je me lève tard, nettoie mon moteur, puis mon linge, je prépare le Scout car j'en ai reçu 1 ordre, sans doute allons-nous partir en mission. Je fais sécher mon linge en attendant. A la nuit, le contre-ordre arrive, nous restons ici jusqu'à minuit. Je ne dors pas car je suis de garde.


Mercredi 20 septembre 1944

De minuit à deux heures je suis de garde, je suis à peine entré dans le Scout que la pluie se met a tomber. Le matin, réveil de bonne heure, nous partons, mais cette fois au repos dans un village à quelques kilomètres en arrière des lignes c'est à SERVIN.
Nous serons tranquilles. Le Scout est garé devant une maison dont les gens nous invitent a déjeuner.

[.....]

Jeudi 9 novembre 1994

Le matin, j'écris il ne pleut plus mais la neige tombe, l'après-midi j'ai une lettre de ma fiancée et une de ma mère, nous allons au tir, la neige souffle en violentes rafales il fait très froid surtout aux pieds.


Vendredi 10 novembre 1944

RAS.


Samedi 11 novembre 1944

Je me lève à midi, mais pendant que j'étais couché j'ai entendu deux coups de canon pour la minute de silence en l'honneur du onze novembre, puis j'ai remis en état une voiture civile que des copains avaient trouvée et voulaient utiliser pour aller à SERVIN à deux heures, j'ai déjeuné puis j'ai eu une lettre de ma fiancée. L'après-midi j'écris à ma mère et à ma fiancée, il neige.


Dimanche 12 novembre 1944

Je me lève, me rase, j'ai une lettre de ma mère j'écris et je joue aux cartes.


Lundi 13 novembre 1944

Il y a défilé mais je n'y vais pas. j'ai bien fait, car les copains ne reviennent qu'à cinq heures sans avoir déjeuné et tout mouillés, ils sont restés cinq heures dans la neige pendant que de Gaulle et Churchill les passaient en revue à MAICHE (Doubs).


Mardi 14 novembre 1944

Le matin, exercice de patrouille avec de la neige jusqu'aux genoux, ce qui fait qu'en arrivant, nous avons les pieds et le pantalon trempés.
En arrivant, il faut préparer tout pour le départ, peut-être allons-nous partir ?
Ce n'est que quand j'ai fini de tout préparer que je peux me sécher. L'après-midi, paiement de la solde, puis j'écris,
je reçois une lettre de ma fiancée qui date du 2/10.
Nous attendons le départ qui ne vient pas.


Mercredi 15 novembre 1944

Il faut monter les chaînes sur les pneus de mon Scout, à midi nous mangeons le lièvre que le cuisinier a tué l'autre jour. Le soir, exercice de patrouille jusqu'à neuf heures et demi. Nous rentrons tout trempés.


Jeudi 16 novembre 1944

Le matin, marche forcée de vingt kilomètres, pour y échapper, quelques uns se sont faits porter malades, mais ils en seront quittes pour quinze jours de prison. Nous avons marché très vite avec sur nous les vêtements d'hier soir qui n'étaient pas secs.
Retour à midi, après j'écris. Départ pour le lendemain matin six heures.


Vendredi 17 novembre 1944

Départ de bonne heure direction inconnue ? Il fait nuit, nous passons MAICHE et ST HIPPOLYTE, nous arrivons dans le nomansland à BLAMONT, tout est miné, il faut faire attention, il n'y a plus personne. Pour la première fois, nous allons vraiment faire de la reconnaissance, la plupart des villages où nous passons sont tous vides,  pillés et minés. De temps en temps on voit un barrage antichars ennemi abandonné, je crois que nous allons vers une grande offensive. Les boches reculent, nous arrivons à HERIMONCOURT, grande joie des quelques habitants qui restent. Les Allemands sont partis il y a quelques heures à peine, les gros chars nous accompagnent, il y a aussi de l'infanterie.
Nous poussons en direction d'ABBEVILLIERS où nous arrivons le soir à la nuit, nous allons dormir dans la paille, mais il faut une garde sévère car il y a des boches aux alentours. Le Scout est placé à un carrefour et les deux mitrailleuses commandent deux routes, manque de pot, à dix heures, tout l e monde debout, on repart, nous n'avons même pas eu le temps de nous endormir. Il fait nuit noir, il faut rejoindre le village de CROIX qui se trouve à huit cents mètres de la SUISSE car il y a là un peloton de chez nous qui est isolé et en contact avec l'ennemi, il faut. rouler sans lumières dans des chemins qu'on ne voit pas sous la neige, traverser des bois encore infestés de boches, à CROIX nous retrouvons le peloton dont les
Jeeps sont en reconnaissance.

page précédente page suivante