La crise du Darfour
Traduit de l'anglais par Stéphane Mantoux
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Président Omar al-Bashir

Histoire du Darfour

La crise du Darfour est un conflit qui se déroule dans cette région de l'ouest du Soudan. Les deux principaux protagonistes sont d'une part l'armée soudanaise, et la milice janjaweed, recrutée principalement parmi les tribus du nord, les Rizeigat, et d'autre part plusieurs autres groupes rebelles, notamment le Mouvement de Libération du Soudan et le Mouvement pour la Justice et l'Egalité, qui recrutent principalement dans les ethnies Fur, Zaghawa et Massaleit. Le gouvernement soudanais, qui publiquement dénie tout soutien au mouvement janjaweed, a fourni de l'argent et une assistance à cette milice et a participé avec elle à des attaques conjointes contre les tribus occupant les territoires sur lesquels les rebelles du Darfour trouvent leurs soutiens. Le conflit a débuté en février 2003. A la différence de la seconde guerre civile soudanaise, qui a opposé les musulmans du nord aux chrétiens et animistes du sud, presque tous les combattants et les victimes du Darfour appartiennent à la première catégorie.

Les attaques du gouvernement et des Janjaweed contre la population civile non-Baggara ont provoqué une crise humanitaire majeure. Il y a plusieurs évaluations du nombre de morts, qui tournent toutes autour de plusieurs centaines de milliers. Les Nations Unies pensent que l'on peut chiffrer à 450 000 les personnes tuées dans les combats ou mortes de maladies. La plupart des ONG parlent de 200 000 à 400 000 victimes, en se basant sur les données de la Coalition pour la Justice Internationale, qui ont depuis été reprises par les Nations Unies.
Le gouvernement soudanais reconnaît quant à lui le chiffre de 9 000 tués, on s'en doute très sous-estimé... en octobre 2006, on montait à 2,5 millions le nombre de personnes déplacées par la guerre. Le gouvernement soudanais a réussi à contrôler l'information en emprisonnant ou en assassinant les témoins depuis 2004 et en détruisant les preuves comme ces dérangeantes fosses communes, oblitérant leur valeur "légale". Par ailleurs, en obstruant et en arrêtant les journalistes, le gouvernement soudanais a été capable de dissimuler ce qui se passait réellement sur le terrain. Les médias de masse ont à nouveau décrit ce conflit comme un "nettoyage ethnique" et un"génocide" et le font encore sans hésitation. Le gouvernement des Etats-Unis lui-même l'a affirmé, bien que les Nations Unies l'aient récusé. En mars 2007, la mission de l'ONU accuse le gouvernement soudanais d'orchestrer et de prendre part à de "grandes violations" au Darfour et appelle à une action internationale de toute urgence pour protéger les civils sur place.

Après des combats très durs en juillet et août 2006, le conseil de sécurité des Nations Unies approuve, le 31 août 2006, la résolution 1706 qui prévoit le déploiement d'une force de 17 300 casques bleus destinée à remplacer la force mal payée et mal équipée de l'Union Africaine, qui compte 7 000 hommes pour maintenir la paix au Soudan. Le Soudan s'oppose fortement à ce projet et affirme que cette force serait considérée comme une troupe d'occupation étrangère. Le jour suivant, l'armée soudanaise lance une offensive de grande ampleur dans la région. Dans le même temps, le conflit devient part intégrante de la plus vaste guerre en Afrique Centrale.


Arrière-plan

Le conflit au Darfour comporte beaucoup de causes qui s'entremêlent à l'envie. Tandis que le Soudan est enraciné dans une inégalité structurelle entre le centre du pays autour du Nil et les zones "périphériques" comme le Darfour, les tensions s'exacerbent dans les deux dernières décennies du XXème siècle par la combinaison des calamités environnementales, de l'opportunisme politique et des politiques régionales. Un point de grande confusion a été la caractérisation du conflit comme affrontement des populations noire et arabe, une dichotomie qu'un historien a qualifié de "doublement vraie et fausse".

A la fin du XIVème siècle ou au début du XVème siècle, la dynastie Keira des Fur, dans les montagnes Marrah, établit un sultanat comportant l'islam comme religion d'Etat. Ce sultanat est conquis par une force de turco-égyptiens qui s'étendent vers le sud, le long du Nil, et qui est à son tour défaite par Muhammad Ahmad, autoproclamé lui-même Mahdi. L'Etat mahdiste s'effondre sous les coups de boutoir de la force britannique menée par lord Herbert Kitchener, qui établit un condominion anglo-égyptien pour diriger le Soudan. Les Britanniques reconnaissent de jure l'autonomie du Darfour jusqu'en 1916, quand ils envahissent la région et l'incorporent au pays. A l'intérieur du Soudan anglo-égyptien, l'essentiel des ressources est consacré à Khartoum et à la province du Nil Bleu, laissant le reste du pays relativement sous-développé.

Les habitants de la vallée du Nil, qui ont bénéficié des investissements britanniques, poursuivent le schéma de marginalisation économique et politique après l'indépendance du pays, obtenue en 1956. Aux élections de 1968, les rivalités de factions à l'intérieur du parti dirigeant Umma mènent les candidats, notamment Sadiq-al-Mahdi, à essayer de détacher des portions de l'électorat du Darfour, soit en blâmant les Arabes pour le sous-développement de la région dans le cas d'une politique attirant les peuples sédentaires, ou en appelant les semi-nomades Baggara à soutenir leurs camarades arabes du Nil. Cette dichotomie Arabes/Africains, qui n'est en aucune façon une voie indigène de perception des relations locales, se trouve exacerbée après que le président de la Lybie, Khadafi, se soit focalisé sur l'établissement d'une ceinture arabe par-delà le Sahel et ait proclamé une idéologie de la suprématie arabe. Cela a pour résultat une séquence d'interactions entre le Soudan, la Lybie et le Tchad entre la fin des années 60 et les années 80, incluant la création d'une Légion Islamique appuyée par la Lybie, tandis que le président soudanais Gaafar Nimeiry établit le Darfour comme base arrière d'une force rebelle menée par Hissène Habré, qui tente de renverser le gouvernement du Tchad tout en étant hostile à Kadhafi.

En 1983 et 1984, les pluies se font rares et le pays est plongé dans la famine. On compte 95 000 morts au Darfour sur une population estimée à 3,1 millions de personnes. Nimeyri tombe le 5 avril 1985, Sadiq-al-Mahdi revient d'exil, s'entend avec Khadafi pour obtenir de l'argent afin de gagner les élections à venir en échange de la cessation du Darfour à la Lybie, promesse que le Soudanais n'honore pas.

Début 2003, deux groupes rebelles locaux, le Mouvement pour la Justice et l'Egalité et le Mouvement de Libération du Soudan, accusent le gouvernement d'oppression à l'égard des non-Arabes. Le second, plus important que le premier, est généralement associé avec les Fur et les Masalit, ainsi qu'avec le clan Wagi des Zaghawa, alors que le premier groupe est formé à partir du clan Kobe des Zaghawa. Plus tard la même année, des leaders des deux bandes, le gouvernement soudanais et les représentants de la communauté diplomatique internationale sont rassemblés à Genève par le Centre pour le Dialogue Humanitaire pour trouver des solutions à la crise. En 2004, le Mouvement pour la Justice et l'Egalité rejoint le Front Oriental, un groupe formé d'une alliance entre deux groupes rebelles tribaux de l'est, les Lions Libres de la tribu Rashaida et le Congrès de Beja. On accuse ce même mouvement d'être en fait contrôlé par Hassan al-Turabi.
Le 20 janvier 2006, le Mouvement de Libération du Soudan annonce une fusion avec le Mouvement pour la Justice et l'Egalité pour créer une Alliance des Forces Révolutionnaires de l'Ouest du Soudan. Pourtant, en mai de la même année, les deux groupes négocient encore comme des entités séparées.

Hassan al-Turabi


Histoire du conflit 2003-2007

Le point initial du début du conflit dans la région du Darfour est reconnu comme étant le 26 février 2003, quand un groupe se baptisant lui-même Front de Libération du Darfour revendique publiquement une attaque contre Golo, le quartier général du district de Jebel Marra. Même avant cette attaque, pourtant, le conflit était déjà en marche au Darfour, les rebelles ayant assailli des stations de police, des avant-postes et des convois militaires, et le gouvernement avait engagé en réponse un assaut massif sur la place forte rebelle des montagnes Marrah. La première action militaire des rebelles est l'attaque victorieuse d'une garnison de l'armée dans les montagnes, le 25 février 2002, et le gouvernement soudanais est quant à lui conscient d'un mouvement rebelle unifié depuis l'attaque de la station de police de Golo en juin 2002. Les chroniqueurs Julie Flint et Alex de Waal affirment que le début de la rébellion peut être mieux datée au 21 juillet 2001, quand un groupe de Fur et de Zaghawa se rencontre à Abu Gamra et jure sur le Coran de travailler ensemble pour lutter contre les attaques promues par le gouvernement sur leurs villages. On doit noter que presque tous les habitants du Darfour sont musulmans, tout comme les Janjaweed et les chefs du gouvernement de Khartoum.

Minni Minnawi, l'un des chefs de l'Armée de Libération du Soudan

Le 25 mars, les rebelles s'emparent de la garnison de Tine sur la frontière avec le Tchad, capturant des quantités d'armes et de vivres. En dépit de menaces du président Omar-al-Bashir de "lâcher" l'armée, les militaires ont peu de moyens à leur disposition. Les troupes sont à la fois déployées au sud, où la seconde guerre civile soudanaise touche à sa fin, et à l'est, où des groupes rebelles appuyés par l'Erythrée menacent le nouveau pipeline construit pour les champs de pétrole du centre du pays et qui va jusqu'à Port Soudan. La tactique hit-and-run des rebelles met à l'oeuvre des Toyota Land Cruisers, traversant rapidement les régions semi-désertiques, déroutant l'armée, pas du tout entraînée à ce genre d'opérations éclairs en milieu difficile. Pourtant, ses bombardements aériens des positions rebelles dans les montagnes sont dévastateurs.

A 5h30 le 25 avril 2003, une force combinée de l'Armée de Libération du Soudan et du Mouvement pour la Justice et pour l'Egalité montée sur 33 Land Cruisers attaque la garnison endormie de al-Fashir. En 4h, 4 bombardiers Antonov et hélicoptères de combat (d'après le gouvernement, 7 selon les rebelles) sont détruits au sol, 75 pilotes, techniciens et soldats sont tués et 32 sont capturés dont le commandant de la base, un Major General. Le succès de ce raid est sans précédent au Soudan : en 20 ans de guerre civile dans le sud, l'Armée de Libération du Peuple du Soudan, un autre groupe rebelle, n'a jamais réussi une telle opération.


Le déferlement des Janjaweed (2003)

Le raid sur al-Fashir est un moment capital militairement et psychologiquement parlant. L'armée a été humiliée et le gouvernement doit faire face à une difficile situation stratégique. L'armée a clairement besoin d'être réentraînée et redéployée face à ce nouveau type d'opérations et il y a des appréhensions fondées sur la loyauté des nombreux sous-officiers et soldats du rang originaires du Darfour et présents dans les forces armées. La responsabilité de mener le conflit est confiée au renseignement militaire soudanais. Pourtant, à la mi-2003, les rebelles ont eu l'avantage dans 34 engagements sur 38 ! . En mai, l'Armée de Libération du Soudan détruit un bataillon à Kutum, tuant 500 hommes et en capturant 300, et à la mi-juillet 250 soldats supplémentaires sont tués lors d'un raid sur Tine. L'Armée de Libération du Soudan commence à s'étendre plus loin à l'est, menaçant d'étendre le conflit au Kordofan.

Pourtant, à ce moment-là, le gouvernement va changer de stratégie. Etant donné que l'armée a été lourdement battue, l'effort de guerre repose sur trois éléments : le renseignement militaire, la force aérienne et les Janjaweed, des éleveurs de troupeaux Baggara armés dont le gouvernement a commencé à se servir pour réprimer l'insurrection Masalit entre 1996 et 1999. Les Janjaweed sont placés au centre de la nouvelle stratégie de contre-insurrection. Les ressources militaires sont concentrées sur le Darfour et les Janjaweed sont constitués en force paramilitaire, avec un équipement en communications complet et même quelques pièces d'artillerie. Les résultats probables d'une telle stratégie sont clairs aux yeux des planificateurs militaires : des schémas similaires ont été employés dans les montagnes Nuba et près des champs pétrolifères du sud pendant la décennie précédente et ont provoqué des violations massives des droits de l'homme et des déplacements forcés de populations.

Les Janjaweed, mieux armés, prennent rapidement le dessus. Au printemps 2004, plusieurs milliers de personnes -majoritairement de la population non-arabe- ont été tuées et plus d'un million chassées de chez elles, causant une crise humanitaire majeure dans la région. La crise prend une dimension internationale quand plus de 100 000 de ces réfugiés se déversent dans le Tchad voisin, poursuivis par les miliciens janjaweed qui se heurtent aux troupes tchadiennes le long de la frontière. En avril, ce sont plus de 70 miliciens et 10 soldats tchadiens qui périssent en un seul affrontement. Un observateur des Nations Unies rapporte que les villages non-arabes sont ravagés alors que c'est l'inverse pour leurs homologues arabes.

Un milicien janjaweed monté

En 2004, le Tchad ouvre les négociations à N'Djamena, menant le 8 avril à un accord de cessez-le-feu humanitaire entre le gouvernement soudanais, le Mouvement pour la Justice et l'Egalité et le Mouvement de Libération du Soudan. Un groupe se sépare du Mouvement pour la Justice et l'Egalité en avril -le Mouvement National pour la Réforme et le Développement- et ne participe pas aux négociations de cessez-le-feu et à l'accord. Les attaques des Janjaweed et des rebelles continuent pendant les pourparlers. L'Union Africaine forme une commission de cessez-le-feu pour contrôler l'application de ce dernier.

L'échelle de la crise sonne comme un avertissement à un désastre imminent, et le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, prévient que le risque de génocide est terriblement d'actualité au Darfour. La campagne janjaweed mène à des comparaisons avec le génocide rwandais, un parallèle contesté avec virulence par le gouvernement soudanais. Les observateurs indépendants notent que les tactiques, incluant le démembrement et la tuerie des non-combattants, y compris les jeunes enfants et les bébés, relèvent plus du nettoyage ethnique tel qu'on l'a connu en ex-Yougoslavie, mais avertissent que l'éloignement de la région signifie que des centaines de milliers de personnes sont coupées de toute aide. Le groupe de crise international basé à Bruxelles rapporte en mai 2004 que près de 350 000 personnes pourraient mourir de privations ou de maladies.

Miliciens janjaweed

Le 10 juillet 2005, l'ex-leader de l'Armée de Libération Populaire du Soudan, John Garang, devient vice-président du Soudan. Mais le 30 juillet, il meurt brutalement dans un accident d'hélicoptère. Sa mort a des répercussions sur le long terme, et malgré une sécurité plus assurée, les négociations entre les différentes factions rebelles du Darfour piétinent.

Une attaque sur la ville tchadienne d'Adre près de la frontière soudanaise provoque la mort de 300 rebelles en décembre 2005. Le Soudan est accusé de l'avoir fomentée : c'est la seconde de ce genre en trois jours. Les tensions montantes dans le secteur poussent le gouvernement du Tchad à déclarer son hostilité à l'égard du Soudan et à appeler les citoyens du pays à se mobiliser ensemble contre "l'ennemi commun".


L'accord de mai 2006

Le 5 mai 2006, le gouvernement du Soudan signe un accord avec la faction de l'Armée de Libération du Soudan menée par Minni Minawi. Mais cet accord est rejeté par deux autres groupes plus restreints, le Mouvement pour la Justice et l'Egalité et une faction rivale de l'Armée de Libération du Soudan. L'accord a été orchestré par l'adjoint au secrétaire d'Etat américain Robert B. Zoellick, Salim Ahmed Salim (au nom de l'Union Africaine), des représentants de l'Union Africaine et d'autres négociateurs étrangers opérant à Abuja, au Nigéria. Cet accord appelle à un désarmement de la milice janjaweed, au démantèlement des forces rebelles et à leur incorporation dans l'armée.

Combattant rebelle du Darfour


Juillet-août 2006

Pendant les mois de juillet et août 2006, les combats reprennent, menaçant d'interrompre la plus vaste opération d'aide humanitaire dans le monde, selon les termes des ONG forcées de battre en retraite après des attaques contre leurs personnels. Le Secrétaire Général des Nations Unies Kofi Annan propose l'envoi d'une force de 18 000 casques bleus dans la région pour remplacer les 7 000 soldats de l'Union Africaine. En juillet, dans la ville du Darfour de Kalma, 7 femmes, qui sortaient d'un camp de réfugiés pour aller chercher du bois, sont attaquées, violées, battues et dépouillées par les Janjaweed. Une fois leur sinistre besogne achevée, ceux-ci les attachent nues et se moquent d'elles avant de s'enfuir.

Le 18 août, l'adjoint au chef des forces de maintien de la paix de l'ONU, l'assistant du Secrétaire Général pour les opérations de maintien de la paix Hedi Annabi, avertit durant une rencontre privée que le Soudan est train d'effectuer des préparatifs pour une grande offensive militaire à venir dans la région. Cet avertissement arrive un jour après la déclaration de l'enquêteur spécial de la commission de l'ONU pour les droits de l'homme, Sima Samar, qui faisait état du peu d'effort du Soudan dans ce domaine en dépit de l'accord de mai. Le 19 août, le Soudan réitère son refus de voir remplacée la force de l'Union Africaine par 17 000 casques bleus, en réponse à une déclaration des Etats-Unis de "menace" à l'encontre du Soudan sur les "conséquences possibles" de cette position.

Le 24 août, le Soudan rejette une rencontre prévue avec le Conseil de Sécurité de l'ONU afin d'expliquer l'envoi de 10 000 soldats soudanais au Darfour à la place du contingent des 20 000 casques bleus proposés précédemment. Le Conseil de Sécurité affirme qu'il tiendra la réunion en dépit du refus soudanais. Le même jour, l'International Rescue Committee rapporte que des centaines de femmes sont violées et agressées sexuellement autour du camp de réfugiés de Kalma, pendant les dernières semaines. Les Janjaweed utilisent les viols comme arme de guerre. Culturellement parlant, dans la région, les femmes violées sont considérées comme impures et sont ostracisées. Les femmes sont donc souvent violées en plein air, voire sur des places publiques, afin d'accroître l'humiliation pour elles-mêmes et leurs familles. L'étendue de cette pratique est probablement beaucoup plus grande que les renseignements ne le laissent penser, car les femmes violées sont bien sûr réticentes à se manifester. Le 25 août, le chef du Bureau du Département d'Etat aux Affaires Africaines américain, le secrétaire assistant Jendayi Frazer, avertit que la région est menacée d'une crise grave à moins que la force de casque bleus soit autorisée à se déployer. Le 26 août, deux jours avant la réunion du Conseil de Sécurité, et le jour où Frazer doit arriver à Khartoum, Paul Salopek, un journaliste américain du National Geographic Magazine, passe devant un tribunal au Darfour étant accusé d'espionnage ; il a voyage illégalement dans le pays à partir du Tchad, en raison des mesures sévères interdisant la présence de journalistes étrangers. Il est plus tard relâché après une négociation directe avec le président al-Bashir. Cela intervient deux mois après que Tomo Kriznar, un envoyé présidentiel de la Slovénie, ait été condamné à deux ans de prison pour espionnage.


L'ONU propose une nouvelle force d'interposition

Le 31 août 2006, le Conseil de Sécurité approuve une résolution afin d'envoyer une nouvelle force de 17 300 casques bleus au Darfour. Le Soudan exprime une forte réticence face à cette proposition. Le 1er septembre, les officiels de l'Union Africaine rapportent que le Soudan a lancé une offensive de grande ampleur au Darfour. Selon leurs dires, 20 personnes auraient trouvé la mort et plus de 1 000 auraient été déplacées dans les combats qui ont commencé plus tôt la même semaine. Le 1er septembre, le Soudan demande à la force de l'Union Africaine de quitter le secteur avant la fin du mois, ajoutant qu'ils "n'ont aucun droit à transférer leur mission à l'ONU ou à une autre force. Les droits sont aux mains du gouvernement soudanais.". Le 4 septembre, dans un mouvement qui ne cause aucune surprise, le président tchadien Idriss Déby appuie l'envoie d'une force de casques bleus. L'Union Africaine, dont le mandat expire le 30 septembre, confirme qu'elle se retirera à cette date. Le jour suivant, pourtant, un haut officiel du département d'Etat américain, qui conserve l'anonymat, affirme à des reporters que la force africaine restera sur place après la fin officielle du mandat, qualifiant cette possibilité "d'option viable".


Echec de l'exécution (septembre 2006)

Le 8 septembre 2006, le chef du Haut Commissariat aux Réfugiés de l'ONU, Antonio Guterres, affirme que le Darfour fait face "à une crise humanitaire". Le 12 septembre, l'envoyé de l'Union Européenne au Soudan, Pekka Haavisto, rapporte que l'armée soudanaise "bombarde les civils au Darfour". Un officiel du Programme alimentaire mondial prétend que l'approvisionnement en nourriture a été interrompu pour au moins 355 000 personnes. Le Secrétaire Général de l'ONU Kofi Annan dit au Conseil de Sécurité que "la tragédie au Darfour a atteint un moment critique. Elle mérite l'attention la plus sérieuse du conseil et une action immédiate." . Le 14 septembre, le leader du désormais défunt Mouvement de Libération du Soudan, alors assistant supérieur du Président de la République et Président de l'autorité régionale d'intérim du Darfour, Minni Minawi, révèle qu'il n'est pas opposé au déploiement d'une force de casques bleus, rompant ainsi la ligne du gouvernement soudanais qui considère cette démarche comme une ingérence occidentale dans ses affaires. Minawi renchérit en affirmant que la force de l'Union Africaine "ne peut rien en raison de son mandat limité". Khartoum, pourtant, reste fermement opposé à la solution des casques bleus, que le président al-Bashir décrit comme un plan colonial, ajoutant qu'il ne veut pas "que le Soudan devienne un autre Irak".


Détérioration (octobre-novembre 2006)

Le 2 octobre, le plan de l'ONU étant suspendu en raison de l'opposition du Soudan, l'Union Africaine annonce qu'elle va étendre sa présence sur place jusqu'au 31 décembre 2006. 200 casques bleus sont tout de même envoyés pour renforcer le contingent de l'Union Africaine. Le 6 octobre, le Conseil de Sécurité vote pour allonger le mandat de la mission de l'ONU au Soudan jusqu'au 30 avril 2007. Le 9 octobre, l'Organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture place le Darfour en tête de liste des priorités alimentaires sur près de 40 pays contenus dans ce rapport. Le 10 octobre, le Haut Commissaire de l'ONU pour les droits de l'homme, Louise Arbour, affirme que le gouvernement soudanais avait connaissance d'attaques menées par les Janjaweed au sud du Darfour, à Buram, le mois précédent, une attaque qui a vu la mort de centaines de civils.

Le 12 octobre, le ministre des Affaires Etrangères du Nigéria Joy Ogwu arrive au Darfour pour une visite de 2 jours.
Il presse le gouvernement soudanais d'accepter le mandat de l'ONU. S'exprimant en Ethiopie, le président du Nigéria Olusegun Obasanjo s'exprime contre "le maintien et la vue sous nos yeux du génocide au Darfour". Le 13 octobre, le président américain Georges W. Bush impose des sanctions supplémentaires à ceux qu'il estime complices des massacres dans le Darfur Peace and Accountability Act of 2006. Ces mesures renforcent en fait celles déjà existantes en prohibant tout commerce entre des citoyens américains et le Soudan au sujet du pétrole (bien que les compagnies américaines en aient reçu l'interdiction dès 1997), gelant les avoirs des personnes fraudeuses et leur refusant l'entrée en territoire américain. La mission de l'Union Africaine étant mal équipée et sous-payée, la situation empire jusqu'au 31 décembre, le gouvernement et ses milices ainsi que les rebelles violant le cessez-le-feu. Des travailleurs d'ONG soulignent qu'ils ne peuvent accéder aux zones critiques, avertissant que l'on risque de reconnaître la situation de 2003-2004 au moment où les officiels de l'ONU annonçaient au monde une crise humanitaire au Darfour. Le 22 octobre, le gouvernement soudanais ordonne à l'envoyé de l'ONU Jan Pronk de quitter le pays sous 3 jours. Pronk, l'officiel le plus titré présent dans le pays, a été sévèrement critiqué par l'armée après avoir mis en ligne sur son blog des billets évoquant des défaites militaires de celle-ci au Darfour. Le 1er novembre, le gouvernement américain annonce qu'il va proposer un plan international, en espérant que le Soudan le trouvera à son goût... Le 9 novembre, le haut conseiller au président soudanais Nafie Ali Nafie annonce aux reporters que le gouvernement va entamer des négociations sans conditions avec le Front National de Rédemption -l'alliance rebelle du Darfour- mais offre peu de certitudes sur l'espoir d'un accord. Le Front, qui a rejeté l'accord de mai (sauf une fraction dissidente du Mouvement de Libération du Soudan), ne fait pas de commentaires. Il a déjà cherché auparavant un autre accord. Fin 2006, les Arabes du Darfour montent leur propre mouvement rebelle, les Troupes des Forces Populaires, et annoncent le 6 décembre qu'elles ont repoussé un assaut de l'armée à Kas-Zallingi le jour précédent. Dans une autre annonce, ils qualifient les Janjaweed de mercenaires qui ne représentent pas le peuple arabe. Depuis 2003, de nombreux groupes arabes ont manifesté leur opposition à la guerre menée par le gouvernement au Darfour, certains signant même des accords politiques avec les rebelles.

Le village de Um Zeifa incendié par les milices janjaweed

Le compromis proposé d'une force de l'ONU et l'offensive soudanaise

Le 17 novembre, des rumeurs font état d'un accord potentiel pour disposer "une force de maintien de la paix de compromis" au Darfour, mais la solution est en fait rejetée par le Soudan. L'ONU, pourtant, affirme le 18 novembre que le Soudan a accepté le déploiement de cette force. Le Ministre des Affaires Etrangères soudanais Lam Akol affirme "qu'il ne doit pas y avoir de discussions autour d'une force mixte" et que le rôle de l'ONU doit se cantonner dans un support technique. Le 18 novembre également, l'Union Africaine annonce que l'armée soudanaise et les milices qu'elles soudoient ont lancé une opération aéro-terrestre de grande ampleur dans la région qui a déjà tué 70 civils. L'Union Africaine parle d'une "violation délibérée des accords de sécurité". Le 25 novembre, un porte-parole du Haut Commissaire de l'ONU pour les Droits de l'Homme accuse le gouvernement soudanais "d'avoir provoqué une attaque délibérée" contre les civils de la ville de Sirba le 11 novembre, tuant au moins 30 personnes. Le délégué du Commissariat prétend que "contrairement aux dires du gouvernement, il apparaît que les forces armées ont lancé une offensive d'ampleur sur la cité et les propriétés des habitants, qui implique aussi une destruction et un pillage effrénés des biens de ces derniers".


Janvier-avril 2007 : accord de cessez-le-feu et sa rapide dissolution

En accord avec la coalition Sauvez le Darfour, le gouverneur du Nouveau-Mexique Bill Richardson et le président al-Bashir conviennent d'un cessez-le-feu dans lequel "le gouvernement soudanais et les groupes rebelles cessent les hostilités pendant 60 jours durant lesquels ils essayent de parvenir à une paix durable. Par ailleurs, la presse appuyant Sauvez le Darfour annonce que l'accord contient "un certain nombre de concessions pour améliorer l'aide humanitaire et l'accès des médias dans le Darfour". En dépit de cette formalité accomplie du cessez-le-feu, d'autres tueries sont signalées par les médias ainsi que d'autres violences. Le dimanche 15 avril 2007, des soldats de l'Union Africaine sont pris pour cible et certains abattus. Le New York Times écrit qu'un rapport confidentiel de l'ONU affirme que le Soudan achemine des armes et de l'équipement lourd au Darfour en violation de la résolution du Conseil de Sécurité et repeint ses avions militaires aux couleurs de l'Union Africaine ou de l'ONU. La violence s'étend aussi au Tchad voisin, dans la zone frontalière. Le 31 mars 2007, des miliciens Janjaweed tuent 400 personnes dans la région frontalière de l'ouest du Tchad. L'attaque a lieu sur les villages de Tiero et Marena. Ils sont encerclés et criblés de balles. Les villageois en fuite sont pourchassés. Les femmes sont enlevées et les hommes abattus selon le Haut Commissariat pour les Réfugiés de l'ONU. Beaucoup des survivants meurent de privations ou de déshydratation dans leur fuite. Le 14 avril, d'autres attaques ont lieu dans les mêmes villages. Le 18 avril, le président Bush donne un discours au mémorial américain de l'Holocauste dans lequel il critique le gouvernement soudanais et menace de futures sanctions si la situation ne s'améliore pas. Ces sanctions comprennent des restrictions commerciales et monétaires avec le gouvernement soudanais ainsi que 29 entreprises du pays.


Les charges du Tribunal Pénal International

Le ministre des affaires humanitaires du Soudan, Ahmed Haroun, et un chef de milice janjaweed, connu sous le nom d'Ali Kushayb, ont été condamnés par le Tribunal Pénal International pour 51 faits de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Ahmed Haroun rétorque "qu'il ne se sent pas coupable", que sa conscience est sans tâche, et qu'il est prêt à assurer lui-même sa défense.


Mai 2007

Le président soudanais Omar al-Bashir et le président tchadien Idriss Deby signe un accord de paix le 3 mai 2007 visant à réduire la tension entre les deux pays. L'accord a été soutenu par l'Arabie Saoudite. Il cherche à garantir que chaque pays ne sera pas utilisé pour héberger, entraîner et fonder des mouvements armés opposés à son voisin.
Le service des nouvelles de Reuters rapporte que "les craintes de Deby quant à l'UFDD de Nouri qui a peut-être été soutenue par l'Arabie Saoudite et le Soudan l'ont poussé à conclure le pacte avec al-Bashir jeudi à travers la médiation saoudienne". Colin Thomas-Jensen, un expert sur le Tchad et le Darfour qui travaille avec le think-tank Groupe de Crise Internationale a montré des doutes si "ce nouvel accord mènera à un véritable dégel dans les relations ou une amélioration quant aux conditions de sécurité". Par ailleurs, l'Union des Forces de la Démocratie et du Développement (UFDD), un mouvement rebelle tchadien, qui a mené une campagne de guérilla contre le président Deby dans l'est du Tchad depuis 2006, affirme que l'accord négocié avec les Saoudiens n'arrêtera pas sa campagne militaire.
C'est seulement la politique de la carotte et du bâton que mènent les Saoudiens avec l'UFDD qui a poussé Deby à la table des négociations. Ainsi l'accord se fait au détriment total des rebelles soudanais, laissant au gouvernement de Khartoum les mains libres. C'est pendant le mois de mai que le site Google Earth incorpore les localisations de conflit au Darfour.

A-5 Fantan de construction chinoise à Nyala, mars 2007

La politique de sape des sanctions par la Russie et la Chine

Amnesty International produit un rapport accusant la Chine et la Russie de fournir des armes, de l'équipement militaire et l'assistance technique nécessaire. Ce matériel a été convoyé au Darfour pour être utilisé par l'armée et les Janjaweed, violant ainsi l'embargo de l'ONU sur les armes à destination du Soudan. Dans le rapport, on trouve des photos de jets chinois Fantan à Nyala, au Darfour, ainsi que celle d'un Antonov 26 peint en blanc. Le rapport prouve aussi que l'armée soudanaise a mené une politique de bombardement sans restrictions des villages civils au Darfour et dans l'est du Tchad en employant des avions d'attaque au sol et des Antonov. Le rapport recèle aussi un cliché d'un Mi-24 Hind, hélicoptère d'attaque russe (reg. n°928), stationné à Nyala en mars 2007. La Sudan Air Force a employé ce type d'appareil depuis plusieurs années en soutien des attaques des miliciens janjaweed sur les villages du Darfour. Le rapport montre aussi comment les Soudanais camouflent leurs appareils en les repeignant en blanc pour prétendre qu'il s'agit d'avions civils, et neutres. L'Antonov An-26 a été ainsi utilisé pour des missions de bombardement.
La Chine et la Russe dénient avoir rompu les sanctions de l'ONU.
La Chine a des liens étroits, pourtant, avec le Soudan, et a renforcé sa coopération militaire avec le pays début 2007. En raison des riches ressources pétrolières du Soudan, la Chine considère ce partenariat comme stratégique pour alimenter sa croissance économique en plein boom. La Chine a aussi des intérêts commerciaux directs dans le pétrole soudanais. La compagnie d'Etat CNPC contrôle 60 à 70% de la production de pétrole du pays. Par ailleurs, la Chine possède la plus grande part du capital de la compagnie nationale soudanaise du pétrole (40 %), la Greater Nile Petroleum Operating Company. La Chine s'est souvent opposée avec conviction aux sanctions économiques et non-militaires à l'encontre du Soudan.

Un Mi-24 Hind au-dessus du Darfour

Juin 2007

Oxfam, une fédération d'organisations internationales, annonce le 17 juin qu'elle abandonne Gereida, le plus grand camp du Darfour, où plus de 130 000 personnes ont trouvé refuge. L'agence met en avant l'inaction des autorités locales du Mouvement de Libération du Soudan, qui contrôle la région, et qui est incapable de protéger les travailleurs internationaux. Un employé de l'ONG Action by Churches Together est assassiné en juin dans l'ouest du Darfour.
Les attaques à mains armées contre les véhicules des Nations Unies et des autres organisations sont fréquentes
-ce qui fait réfléchier ces dernières à deux fois avant de rester dans la région.


Juillet 2007

BBC News annonce qu'un énorme lac souterrain a été découvert dans la région du Darfour. On pense que cette découverte pourrait mettre fin à la guerre en éliminant la compétition existante pour le contrôle des ressources en eau. La France et le Royaume-Uni annoncent qu'elles vont faire pression pour une résolution de l'ONU prévoyant une force de casques bleus et de troupes de l'Union Africaine, ainsi que pour un cessez-le-feu immédiat ; elles sont prêtes à offrir une aide économique substantielles aussitôt que le cessez-le-feu le permettra.

Carte du Darfour

Carte des villages détruits au Darfour au 2 août 2004


Sources :
http://en.wikipedia.org/wiki/Darfur_conflict

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