En
1965 la Rhodésie du Sud déclare unilatéralement
son indépendance vis-à-vis de la Grande-Bretagne.
A partir de 1966, 14 longues années de guerre vont opposer le
gouvernement (blanc) aux Nationalistes Africains radicaux. Partant de
presque rien, constamment en sous-effectif et avec des moyens parfois
à la limite de l’obsolescence, les Rhodesian Security Forces
développent en quelques années une force de contre-insurrection
d’une efficacité tactique redoutable. Pourtant, en 1980,
la Rhodésie disparaît des cartes de géographie pour
devenir le Zimbabwe.
1.
De Cecil Rhodes à l’UDI
La Rhodésie est fondée en 1890 comme colonie britannique
par le magnat Cecil Rhodes. Il est prévu qu’elle soit gérée
sous Charte Royale par sa société, la British South Africa
Company, jusqu’en 1923. Rhodes envoie l’explorateur Frederick
Selous et une colonne de pionniers protégés par la British
South Africa Police explorer et coloniser ce vaste territoire. Les tensions
avec les populations locales montent rapidement et éclatent en
1893 lorsque Lobengula, roi des Ndebeles, lance ses guerriers contre
l’envahisseur blanc (1ère guerre du Matebele). Mais les
armes et tactiques inspirées des Zoulous font long feu contre
la puissance de feu européenne. En mars 1896 débute la
2ième guerre du Matebele, menée par les Ndebeles et les
Shonas, que les Britanniques mettront 1 an ½ à réduire.
Cette 1ère Chimurenga (guerre de libération) sera plus
tard source d’inspiration pour les Nationalistes. Le territoire
est par la suite divisé en Rhodésie (Nord et Sud) et Nyasaland.
En 1923 la Rhodésie du Sud obtient le droit de s’auto-administrer
(la Rhodésie du Nord et le Nyasaland sont des protectorats).
La constitution accorde 75% du Parlement à un électorat
« blanc » qui représente moins de 5% de la population.
Bien qu’il soit par essence britannique, le gouvernement mène
une politique de « développement parallèle »
envers les Africains similaire à celle de l’Afrique du
Sud voisine. Ainsi, le Land Apportionment Act de 1930 alloue 50% des
terres aux Occidentaux. Le reste, le plus aride et le moins fertile,
est appelé « Réserves » jusqu’en 1969
puis « Terres Tribales ». Le Native Registration et le Native
Passes Act (recensement et contrôle des déplacements de
population) permettent quant à eux d’appliquer dans les
faits la ségrégation raciale. Néanmoins, les bienfaits
de l’amélioration de la sécurité et surtout
de l’hygiène permettent à la population noire de
croître rapidement, bien plus que l’immigration occidentale.
En 1965 elle est de 4847000 pour 228000 Blancs.
Petit à petit les Africains s’organisent politiquement.
Jusqu’aux années 1950, leurs efforts portent essentiellement
sur l’emploi, les salaires, l’éducation, l’égalité
des chances. En 1953, en pleine décolonisation, les Britanniques
tentent de mettre en place une union administrative et économique
de leurs colonies d’Afrique centrale : La Central Africa Federation
ou Federation of Rhodesia and Nyasaland. Elle ne calme en rien la poussée
du nationalisme africain qui n’y voit qu’un moyen détourné
de maintenir la suprématie « blanche » en Afrique
Australe.
La politique raciale de la Rhodésie du Sud et l’opposition
nationaliste à la CAF font voler cette dernière en éclat
en 1963. Le Nyasaland puis la Rhodésie du Nord deviennent indépendants
sous les noms de Malawi et de Zambie, laissant techniquement la Rhodésie
du Sud toujours sujette de la Grande-Bretagne. Les Nationalistes poussent
à l’indépendance et à des élections
au suffrage universel. Malgré les sympathies de la Grande-Bretagne
à cet égard, les Blancs, peu rassurés par la révolte
des Mau Mau au Kenya 10 ans plus tôt et les récents évènements
du Congo, s’y opposent formellement à travers Ian Smith,
nouveau leader du Rhodesian Front conservateur, au pouvoir depuis 1962.
La situation est dans l’impasse. La Grande-Bretagne refuse d’accorder
l’indépendance à la Rhodésie du Sud sur la
base d’une constitution acceptable par les Blancs qui, alarmés
par l’aide russe et chinoise apportée aux radicaux du ZANU
et du ZAPU (Cf. Encadré), s’arc-boutent sur leurs positions.
Les Rhodésiens ne trouvent qu’une solution :
Le 11 novembre 1965, ils proclament l’Unilateral Declaration of
Independence et renomment leur pays tout simplement « Rhodésie
».
De par sa faible majorité au Parlement et la crainte que l’Armée
ne refuse de se battre, le gouvernement britannique décide de
ne pas intervenir militairement et compte sur les sanctions diplomatiques
et économiques pour résoudre le problème

2.
La guerre
On peut scinder les différentes phases du conflit en 4 périodes
:
- Avant la guerre : Période d’émeutes et de troubles
civils.
- 1966-72 : Suprématie des RSF sur des insurgés mal organisés
- 1972-77 : Guerre du bush, intensification de l’activité
militaire et politique des insurgés
- 1977-80 : Enlisement du conflit, épuisée, la Rhodésie
perd politiquement la guerre
Avant
la guerre : Désobéissance civile
En 1957, de premières émeutes ont lieu à Salisbury.
Les Nationalistes, menés par Joshua Nkomo, deviennent de plus
en plus militants. Les troubles, les émeutes, les grèves,
se multiplient. En Février 1959 l’état d’urgence
est décrété.
Il donne peu ou prou carte blanche à la BSAP qui répond
férocement. En 1960, 7 émeutiers sont tués, des
centaines de personnes sont arrêtées. A la création
du ZANU, les militants des 2 factions concurrentes commencent à
s’entretuer sous l’œil indifférent de la BSAP.
Mais en 1964 la violence urbaine, notamment à Salisbury et Bulawayo,
devient incontrôlée. Les Autorités réagissent
en interdisant les 2 Partis et en condamnant Nkomo, Sithole et Mugabe
à 10 ans de prison. La sécurité intérieure
est alors largement l’affaire d’une Police globalement efficace
dont les pouvoirs ont été augmentés par le Law
& Order Maintenance Act de 1960.
Phase
1 : La guerre des caporaux (1966-1972)
L’UDI a redonné à la fois vigueur et légitimité
à la guérilla qui profite largement de l’asile que
lui accorde la Zambie indépendante. Le 28 avril 1966 (début
de la 2ième Chimurenga) le premier engagement officiel a lieu
: un groupe de la ZANLA est éliminé près de Sinoia.
En mai une nouvelle incursion destinée à saboter le pipeline
Beira-Umtali et attaquer les fermes blanches est lancée. Tous
les groupes sont éliminés ou capturés après
avoir réussi à assassiner un couple de Blancs.
Fin 1967, 90 hommes de la ZIPRA traversent le nord du Matabeleland dans
le secteur des chutes Victoria.
Les RSF lancent l’opération Nickel qui démantèle
le groupe en 3 semaines. Début 1968, 123 membres de la ZIPRA
et de l’ANC sud-africain s’infiltrent au nord du Mashonaland
et installent 6 camps, tous détruits lors de l’opération
Cauldron. Pretoria réagit en détachant des unités
de Police en Rhodésie. Au fil des mois, 1969 étant une
année plutôt calme, les opérations se succèdent
(Griffin, Mansion, Excess, Gravel, etc.) avec invariablement pour résultat
l’élimination ou la dissolution des groupes infiltrés.
Après
cette longue série de revers les insurgés révisent
leur stratégie. Alors qu’elle a supporté le gros
des opérations la ZIPRA, minée par les dissensions (création
du FROLIZI en 1971), panse ses plaies et se retire plus ou moins du
conflit pour plusieurs années. Elle compte profiter de ses bases
zambiennes pour structurer une armée conventionnelle payée
par Moscou. La ZANLA par contre décide de jouer profil bas pour
un temps et table sur la politisation des masses pour atteindre ses
objectifs.
En 1970 le FRELIMO,
qui vient de prendre le contrôle de la province du Tete, donne
aux 2 factions l’autorisation de s’y installer. La ZIPRA
ne donne pas suite. Comparativement aux vastes plaines dépeuplées
qui bordent la Zambie, le Nord-Est de la Rhodésie est pain bénit
pour la ZANLA. Le terrain y est rude, la végétation dense,
autant de cachettes possibles et d’obstacles aux RSF. De plus,
peu viable économiquement, elle est négligée depuis
des années par le gouvernement donc un parfait terreau pour la
politisation de sa population. Enfin, il n’y a pas d’obstacle
naturel majeur comme le Zambèze pour traverser la frontière.
Peu à peu, les groupes s’infiltrent et commencent à
entreprendre les populations locales.
Fin 1971 les troubles constatés dans le secteur commencent à
inquiéter les RSF qui montent plusieurs opérations conjointes
avec les Portugais. Une intervention des SAS sur Matimbe en mars 1972
apporte la preuve de la présence de la ZANLA au Mozambique. Les
opérations au-delà de la frontière s’intensifient.

Durant
cette première phase du conflit patrouilles, traques et embuscades
ponctuent la vie des RSF qui s’aguerrissent et développent
leur « sens du bush ». L’unité tactique de
base est le plus souvent le stick de 4 hommes et une grande latitude
de choix est laissée aux sous-officiers subalternes. Il s’agit
d’une « guerre des caporaux » où la mobilité,
la flexibilité et la surprise font la différence. Les
RSF acquièrent aussi une grande expérience en opérations
combinées (notamment la coordination air-sol en se débarrassant
des lourdes procédures radio standards) malgré les frictions
entre les différents Corps à l’échelon supérieur.
Les premières interventions parachutistes et héliportées
ont lieu, préfigurant ce qui deviendra en 1974 les Fire Forces.
Par contre, confirmés dans leur sentiment de supériorité,
les Rhodésiens omettent d’accroître les rangs de
l’Armée avec des bataillons d’infanterie africains.
La pression de la guerre sur une population blanche limitée ira
pourtant croissant jusqu’à l’insupportable. De plus,
ils imaginent que les capacités de leurs opposants ne dépasseront
pas celles limitées qu’ils ont montrées jusqu’alors
et qu’une simple réponse militaire, apportée avec
les moyens existants, va suffire. C’est une énorme erreur
d’appréciation qui va prolonger le conflit pendant plusieurs
années.
Les Grey’s
Scouts : Formés en juillet 1975. Unité d’infanterie
montée particulièrement adaptée au bush rhodésien.
Missions de patrouille, de traque, de poursuite - 40km/jour en moyenne
(DR) 
Phase
2 : La guerre du bush (1972-77)
1972-1974 Premières stratégies
Après 2 ans de campagne destinée à « gagner
les cœurs et les esprits » façon maoïste, la
ZANLA reprend ses opérations dans la zone de Mtoko en septembre.
Le 23 décembre 1972 a lieu l’attaque de la ferme Altena
près de Centenary. Les Rhodésiens prennent tardivement
conscience du fait que l’ennemi a vraiment infiltré la
zone, mais en sous-estiment encore l’ampleur. Ils sont lents à
mettre en place une stratégie de contre-insurrection qui, faute
de véritable but stratégique, ne parviendra jamais réellement
à écraser l’adversaire. Le secteur opérationnel
Hurricane (Nord-Est du pays) est mis en place. Sous commandement du
JOC du même nom, il regroupe à l’échelon de
la brigade l’Armée, la RhAF, la BSAP et l’INTAF.
Les opérations actives en dehors de ce secteur étant limitées
en 1973-74, Hurricane bénéficie de presque toutes les
forces disponibles, Police incluse. La stratégie mise en place
repose sur 2 points :
- Tarir le flot des insurgés en provenance du Mozambique
- Contrôler la population locale
L’idée est de diriger les insurgés vers des zones
vides de population où ils pourront plus facilement être
éliminés. L’expérience acquise durant l’insurrection
malaise amène les RSF à mettre en place différentes
mesures destinées à couper les guérilleros de leurs
sources d’approvisionnement et à encourager la fidélité
des tribus locales.
A compter de 1973, les populations sont déplacées dans
des Villages Protégés soumis au couvre-feu et ceinturés
par une zone interdite. La mesure est évidemment impopulaire
et le manque de ressources (et d’intérêt) ne permet
pas de développer et protéger correctement ces villages
implantés loin des champs cultivables et dont les habitants ne
sont pas impliqués dans la gestion. Efficace en Malaisie car
destinée à protéger une majorité de Malais
contre une minorité de Chinois, l’expérience échoue
là où l’insurgé est un fils du pays. Vécue
comme une punition, cette mesure alimente le ressentiment d’une
population jusqu’alors plutôt neutre. Si à court
terme cette stratégie porte ses fruits, elle est à long
terme désastreuse et permet à la ZANLA de rallier de nombreux
paysans à sa cause.
Au total plus de 750000 personnes seront déplacées dans
près de 230 villages.
Pour canaliser ou pour le moins ralentir le flux des insurgés,
les RSF minent la frontière (jusqu’à 1400km !).
Là aussi le manque de ressources ne permet pas de développer
un Cordon Sanitaire efficace. Nécessitant de gros moyens de mise
en place, de surveillance et de maintenance, le CorSan tend au fil du
temps à être déconnecté de toute stratégie
globale et par devenir une fin en soi. Il ne manquera cependant pas
de causer des milliers de morts et blessés et ce même après
la fin de la guerre.
La ZANLA (et dans une moindre mesure la ZIPRA) ne sont pas en reste
et tentent de paralyser l’économie et les mouvements des
RSF en minant les routes. Entre 1972 et 1980 plus de 2500 mines exploseront,
tuant 632 personnes et en blessant 4410. En réponse les Rhodésiens
font la preuve de leur ingéniosité et développent
toute une série de véhicules protégés ainsi
que le monstrueux mais efficace détecteur de mine Pookie.
En 1973 les Selous Scouts voient le jour. Infiltration, reconnaissance,
sabotage sont leurs missions.
Probablement une des meilleures unités de contre-insurrection
de l’époque, elle intervient en Rhodésie et en opex.
A la fin de l’année on estime à 145 le nombre de
rebelles dans le JOC Hurricane. Les insurgés ont perdu 179 hommes,
les RSF 44. Douze civils ont été tués. En décembre
la conscription passe de 9 à 12 mois.

1974-1977 : Le front s’étend
En 1974 c’est l’escalade. Le coup d’Etat d’avril
au Portugal voit la victoire du FRELIMO qui ouvrira l’année
suivante tout le Mozambique aux rebelles. En juin se met en place le
concept de Fire Force pour lequel les Selous Scouts sont des informateurs
précieux. La RhAF améliore sa coopération avec
les forces terrestres et permet de préserver des ressources humaines
limitées. Elle sponsorise aussi la mise au point d’un grand
nombre d’armes (bombes Frantan, Alpha et Golf, fléchettes)
et d’appareils électroniques (marqueurs de cibles radio-activés).
L’Afrique du Sud, qui s’inquiète de la possible déstabilisation
des gouvernements modérés d’Afrique australe, fait
pression pour l’obtention d’un cessez-le-feu. Les pourparlers
échouent début 1975 mais ont permis à une guérilla
virtuellement détruite de se regrouper et de faire libérer
ses leaders emprisonnés depuis 10 ans. En août, l’Afrique
du Sud retire « officiellement » ses troupes ; 2000 policiers
quittent la Rhodésie. « Officieusement », elle laisse
sur place 27 Alouettes, avec pilotes et équipes au sol. En mars
1975 Herbert Chitepo, président du ZANU, est assassiné
à Lusaka. Les soupçons qui pèsent sur Josiah Tongogara,
chef de la ZANLA, poussent la Zambie, qui souffre économiquement
de la fermeture de la frontière avec la Rhodésie depuis
1973, à la déclarer indésirable sur son territoire.
La culpabilité de Tongogara n’a jamais été
prouvée et la CIO reste un organisateur potentiel de l’opération.
Cet évènement, couplé aux dissensions internes
et luttes de pouvoir qui minent les différentes factions nationalistes,
ralentissent le conflit. Le couvre-feu du crépuscule à
l‘aube est imposé le long de la frontière du Mozambique
et du Bostwana devenu à son tour un sanctuaire pour la ZIPRA.
En juillet, les Grey’s Scouts remettent en usage la cavalerie,
particulièrement adaptée au bush rhodésien.
En
1976 la ZANLA étend sa zone d’influence et reprend le conflit
sur les fronts du Tete, du Manica et du Gaza.
Elle se concentre sur les cibles faciles et évite la confrontation
directe. En réponse les Rhodésiens ouvrent de nouvelles
zones opérationnelles et JOCs associés : Thrasher à
l’Est, Repulse au Sud-Est et Tangent à l’Ouest pour
s’occuper de la moindre menace que représente la ZIPRA
qui a repris les hostilités (attaque de l’aérodrome
de Bumi Hills le 5 juin). Les RSF ont désormais 4 « fronts
» et plus de 1000km supplémentaires de frontière
à défendre.
Malgré les pressions sud-africaines, les opex se multiplient.
Le succès de l’opération Long John en juin instaure
la colonne volante comme tactique standard .En août, lors de l’opération
Eland, moins de 100 hommes pénètrent au « camp de
réfugiés » de Nyadzonya au Mozambique et font plus
de 1000 morts et 300 blessés. L’assaut est condamné
par de nombreux pays et en réaction l’Afrique du Sud retire
ses pilotes et engins (qu’elle réintroduira lorsque Smith
acceptera le principe du suffrage universel, et ce jusqu’à
la fin de la guerre). Le Mozambique ferme « officiellement »
ses frontières et dans les faits se prépare à la
guerre. Selon les estimations 1000 rebelles occupent le pays, 15000
s’entraînent à l’étranger. Les attaques
sur les fermes de l’Est augmentent. Les troubles, l’extension
de la conscription (18 mois), la crise et les sanctions économiques
commencent à sérieusement peser sur l’économie
du pays. Le solde migratoire devient chaque mois de plus en plus négatif.
Le moral de la population est en berne.
L’Armée aligne 63 compagnies (7560h) sur le terrain, la
BSAP plus de 10000. Les succès des Fire Forces et des opex ne
parviennent pas à juguler les infiltrations ennemies. La Guard
Force occupe et défend (enfin) les VPs.
Elle s’avère efficace (à l’encontre de ce
qu’imaginaient les militaires) mais sa mise en place est bien
tardive.
Les USA via Henry Kissinger et l’Afrique du Sud poussent une Rhodésie
désormais bien isolée à négocier. Le ZANU
et le ZAPU font un mariage de circonstance et créent le Patriotic
Front. Malgré la déclaration d’Ian Smith de l’acceptation
d’élections au suffrage universel dans les 2 ans les négociations
échouent.
Phase
3 : Rhodésie, Zimbabwe-Rhodésie, Zimbabwe (1977-80)
1977-79 : Espoirs…
1977 confirme l’enlisement de la situation qui se dégrade
encore et toujours. Les embuscades et les mines omniprésentes
nécessitent la protection de tous les convois. Le terrorisme
urbain devient réalité ; 11 tués et 76 blessés
lors de l’explosion d’un magasin Woolworth’s à
Salisbury le 6 août. La capitale elle-même devient un secteur
opérationnel. Le centre du pays devient le JOC Grapple, reconnaissance
implicite de l’implantation massive de la guérilla. Les
zones rurales, où les rebelles lancent une vaste campagne pour
fermer toutes les représentations de l’autorité
gouvernementale (hôpitaux, écoles, etc.), sont au bord
de l’effondrement.
La période de rappel pour la Réserve passe de 38 à
50 ans. Les plus âgés, jusqu’à 60 ans, sont
incités à être volontaires pour des travaux de Police
(surveillance, barrages routiers…). Les Rhodésiens sont
à bout de souffle.
Les opex continuent, à moindre échelle. En 1977-78, tous
les militaires engagés deviennent parachutistes et apportent
des troupes fraîches aux Fire Forces, notamment les RAR. En novembre,
on estime à plus de 5000 les insurgés en Rhodésie.
Smith décide de faire taire les rivalités des JOCs en
créant le COMOPS (Combined Operations) sous les ordres du lieutnant-general
Walls. Créée en juillet, la Psychological Operation Unit
(Guerre Psychologique) a de bonnes idées mais elle ne peut décemment
pas espérer obtenir des résultats tant que de vrais changements
politiques n’auront pas été opérés.
Le Rhodesian Front commence à montrer les premiers signes d’effritement
dès février lors de la démission du ministre de
la Défense. Douze membres du Parti s’opposent en mars à
une proposition de loi autorisant l’achat de terres par toutes
les races. Le gouvernement est remanié dans la foulée.
En novembre, pour couper court aux tentatives d’interventions
étrangères, Smith entérine le suffrage universel
comme préalable à un règlement interne de la situation.
Afin de montrer que cette décision n’est pas dûe
à une quelconque faiblesse, les RSF lancent l’opération
Dingo contre les camps de Chimoio et Tembue au Mozambique, tuant 1200
insurgés.
Globalement, si les RSF parviennent à contenir la situation,
il leur manque une vision stratégique. La solution ne pourra
être que politique.
En
mars 1978, malgré le scepticisme britannique, la condamnation
américaine et le rejet du PF qui refuse toute phase de transition,
Ian Smith, Abel Muzorewa, Ndabaningi Sithole et Jeremiah Chirau signent
l’Internal Settlement Agreement. Signé avec des leaders
Noirs modérés, son but est un partage certes plus équitable
du pouvoir mais où les Blancs conservent un pouvoir politique
et économique considérable (25% des sièges au Parlement).
Dans le cadre des élections prévues pour début
1979, il a 2 vocations : Etre reconnu internationalement et mener à
la fin de la guerre. Cependant, dans les mois qui suivent, les mesures
discriminatoires n’évoluent pas ou peu. Une première
offre d’amnistie est faite aux rebelles. Elle n’a, comme
les suivantes, que peu de succès. L’ouverture des VPs comme
geste politique pour favoriser Muzorewa ne sert en définitive
qu’à perdre le peu de contrôle existant sur la population
rurale.
Ce sont 6500 rebelles qui ont désormais infiltré le pays.
Des milliers de recrues continuent d’arriver aux camps de bases
zambiens de la ZIPRA. Aiguillonnée par les insinuations de Mugabe
quant au fait que seule la ZANLA se bat, elle reprend sérieusement
le combat. Le 7 septembre, à l’aide d’un SAM-7 russe,
elle abat un avion civil et assassine 10 des 18 survivants. La loi martiale
est instaurée 2 jours plus tard. La colère des Blancs
est telle que Smith coupe toute relation avec Nkomo alors que les négociations
« secrètes » qu’ils mènent depuis des
années semblaient sur le point d’aboutir. Une occasion
de pousser à la reconnaissance internationale vient de partir
en fumée.
Militairement
les Rhodésiens mettent enfin en place une stratégie globale
qui inclut :
1-Protéger les zones sensibles (mines, dépôts de
carburant, usines, grandes fermes, pont, chemin de fer, etc.)
2- Interdire à la ZANLA les « Terrains d’importance
tactique » (les terres tribales) en :
- y intégrant des auxiliaires pour aider au rétablissement
de l’administration civile et en coupant les liens entre les insurgés
et leurs soutiens
- utilisant la mobilité stratégique des Fire Forces et
des groupements plus importants
3- Interdire les incursions ennemies via le contrôle des frontières
4- Monter des raids dans les pays voisins, particulièrement le
Mozambique et la Zambie, pour détruire la chaîne de commandement
des rebelles, détruire leurs bases, réserves de nourriture
et de munitions, empêcher l’arrivée de renforts et
bloquer leurs mouvements par bombardement aérien, minage de route
et embuscade.
Si elle ne fait finalement que reprendre ce qui est fait sur le terrain
depuis des années, cette stratégie n’est plus un
simple principe « action/réaction » mais bien vue
comme un ensemble cohérent requérant la pro-activité
des RSF.
L’utilisation de troupes auxiliaires africaines, les Security
Force Auxiliaries, est une idée qui porte en elle les germes
du succès. Jusqu’à 10000 auxiliaires, vivant au
milieu des tribus et utilisant les mêmes tactiques que les insurgés
leur interdisent peu à peu le bush. Pour la première fois
les RSF ont des hommes pour occuper le terrain qu’elles remportent.
Les Fire Forces sont de plus en plus létales mais excessivement
mises à contribution. Les paras en viennent à sauter quotidiennement,
avec un record de 3 sauts opérationnels en une seule journée.
Lors des opex, le manque de chasseurs de soutien (« économisés
» du fait de la rareté des pièces de rechange) se
fait sentir et les forces terrestres souffrent face à un ennemi
qui commence à s’adapter et à renforcer ses défenses,
notamment anti-aériennes. Par crainte de la réaction internationale
Smith se refuse à attaquer des cibles économiques.
En Mai, la zone d’opération Splinter est ouverte pour surveiller
le lac Kariba. En octobre, les RSF anticipent une attaque de grande
envergure de la ZIPRA. Le 19, lors de l’opération Gatling,
les Canberras et Hunters de la RhAF prennent le contrôle de l’espace
aérien zambien. Lusaka préfère prudemment obéir
à l’injonction qui lui a été faite de ne
pas se manifester. Les chasseurs soutiennent massivement les forces
terrestres qui attaquent les camps de Chikumbi, Mkushi et Mborama et
font 1500 morts.
Malgré tout le moral des Blancs ne cesse de décliner.
La situation s’est détériorée au point que
les RSF n’ont humainement plus les moyens d’y faire face.
Les pertes quotidiennes militaires et surtout civiles montent sans cesse
et des groupes d’insurgés de plus en plus importants franchissent
les frontières (9000 fin 1978). Le solde migratoire annuel est
de -13709. Le PF est en train d’atteindre ses objectifs : perturbation
de l’économie et des services gouvernementaux, intimidation
de la population, démonstration de l’incapacité
du gouvernement à la protéger.
Le 11 décembre, la ZANLA réalise son plus beau coup :
la destruction d’1/4 du précieux fuel rhodésien
lors d’une attaque au missile du dépôt de Salisbury.
Fin
Janvier 1979 plus de 11000 insurgés occupent la Rhodésie.
Le 12 février un nouvel appareil civil est abattu au SAM-7. Cette
fois, il n’y a aucun survivant.
Les Rhodésiens répliquent par une attaque du camp de Luso,
à 1000km à l’intérieur des terres de l’Angola.
Les opex se multiplient et les RSF continuent de marquer des points
malgré des pertes croissantes (Les ¾ des pertes rhodésiennes
ont lieu entre 1978 et 1980). A cela s’ajoute le « sponsoring
» du RENAMO, qui commence à sérieusement affaiblir
le FRELIMO et laisse aux Rhodésiens une plus grande liberté
d’action. En avril les SAS tentent d’assassiner Nkomo à
Lusaka. De toute évidence prévenu, il parvient à
s’enfuir quelques heures avant le coup programmé. Des rumeurs
d’infiltration du ComOps par le MI6 britannique commencent à
circuler.
La CIO devient suspecte.
Dans cette ambiance délétère au sein des Etat-majors,
les élections d’avril se déroulent plutôt
convenablement.
Les RSF déploient plus de 60000 hommes (soit la quasi-totalité
de leurs ressources, Territoriaux et Réserves incluses) pour
empêcher les guérilleros de troubler le vote. Malgré
les consignes de la ZANLA et de la ZIPRA, 62% de la population se rend
aux urnes. Au cours du mois 650 guérilleros sont abattus dont
près d’1/3 durant les 3 jours de l’élection.
Muzorewa est élu et on espère voir la fin du conflit.
La guerre est mise entre parenthèses pendant quelques semaines.
1979-80 : …et désillusions
Le 1er juin 1979, le pays est renommé Zimbabwe-Rhodésie.
Cependant, la plupart des pays de la communauté internationale
refusent de reconnaître le résultat des élections.
Cette fois c’est la fin. Fort du soutien en interne (malgré
des dissensions avec Sithole qui n’a pas digéré
sa défaite) et d’une légitimité internationale,
le gouvernement de Muzorewa aurait peut-être pu battre Mugabe
et Nkomo. Les violences reprennent dans les zones tribales où
les insurgés tentent de réaffirmer leur influence, le
moral des RSF et de l’opinion publique s’effondrent. Les
USA, la Grande Bretagne et l’Afrique du Sud font de nouveau pression
pour qu’un « vrai » gouvernement de transition soit
mis en place. Les négociations de la Commonwealth Conference
débuteront à Lancaster House, près de Londres,
le 10 septembre.
La réponse du ZANU et du ZAPU est une intensification des combats.
Mugabe
et Nkomo réaffirment leur unité de façade pour
renverser Muzorewa. Leurs armées respectives ne s’entraînent
pourtant pas ensemble et s’affrontent toujours sur le terrain.
La ZIPRA entend dérober la victoire à la ZANLA au moment
opportun. Elle déploie pour cela 3000 hommes en Rhodésie
comme avant-garde. La ZANLA réplique en lançant une offensive
dans le Matabeleland que la ZIPRA contre en pénétrant
au Nord-Ouest du Mashonaland, menaçant ainsi Salisbury par le
Nord. En octobre et novembre les RSF utilisent leur supériorité
aérienne et les paras pour détruire ses dépôts
de munitions zambiens et faire sauter les principaux ponts qui traversent
le Zambèze.
La ZIPRA voit ses possibilités de mouvement et de ravitaillement
réduites à presque rien. La Zambie, au bord de l’asphyxie
économique, pousse Nkomo à négocier.
De son côté la ZANLA, avec 10000 hommes, persiste à
sécuriser son contrôle politique sur les tribus Shonas.
Pourtant, elle est au bord de la rupture : Les Fire Forces, le minage
des voies de transit, les opex et la gêne qu’elles créent
au Mozambique et le déploiement des SFA portent incontestablement
leurs fruits. Ainsi, la RhAF détruit directement les armureries
du FRELIMO sur son territoire, le forçant à replier le
gros de ses stocks à Maputo. Craignant une intervention sud-africaine
le Mozambique n’a d’autre choix que de supporter ces incursions,
tout en ne cessant pas d’apporter son soutien à la ZANLA.
En septembre l’opération Uric est menée dans la
province du Gaza contre un rassemblement de troupes ZANLA/FRELIMO. Considérée
comme un demi-échec par les RSF qui n’ont pu atteindre
la totalité de leurs objectifs, elle coupe néanmoins les
principales zones de cultures vivrières du Mozambique du marché
intérieur et met le FRELIMO sur la défensive. En conséquence
le président Samora Machel pousse plus que fortement Mugabe à
participer à la conférence de Lancaster House et de trouver
une solution au conflit. En novembre l’opération Manacle,
destinée à détruire les principaux ponts des provinces
de Tete, Sofala et Manica est avortée sur conseil du chef de
la CIO. Une nouvelle fois stratégie et politique marchent dans
des directions opposées.
A
Lancaster House la délégation de Muzorewa, divisée
par les Britanniques, s’affaiblit chaque jour davantage et Londres
parvient à arracher un accord aux belligérants. Muzorewa
pousse à des élections générales anticipées
pour empêcher le ZANU et le ZAPU de rassembler leurs électorats
respectifs tandis que le PF fait traîner les choses pour tenter
de reprendre la main politiquement et militairement. Dans le même
temps la pression est mise sur les Rhodésiens pour qu’ils
cessent les opex. Le 12 décembre Lord Soames est nommé
gouverneur général du Zimbabwe-Rhodésie (ramenant
de ce fait le pays dans le giron de la Couronne) durant la phase de
transition jusqu’aux élections prévues pour mars
1980.
Le 21 décembre un cessez-le-feu est signé dont les conditions
sont impitoyablement violées par le PF.
La ZIPRA se constitue les points de résistance nécessaires
à sa future tête de pont qui doit lui permettre d’éliminer
la ZANLA. Cette dernière maintient la plupart de ses forces sur
le territoire rhodésien et en infiltre quantités d’autres.
Elle reconstitue ses stocks d’arme et de munitions et «
travaille » d’arrache-pied la population pour assurer sa
victoire aux élections.
Muzorewa ne peut que protester auprès de Lord Soames, sans effet.
Les Britanniques sont allés trop loin pour reculer. Le 4 mars
1980, à la stupéfaction générale, Robert
Mugabe est élu 1er ministre de la République du Zimbabwe,
résultat entériné par la communauté internationale.
Les observateurs de la Commonwealth Monitoring Force s’empressent
de quitter le pays. Il ne reste à ceux qui le peuvent qu’à
quitter le pays et aux autres à endurer la guerre civile entre
le ZANU et le ZAPU qui reprend après 2 ans de paix relative et
fera de nouveaux des milliers de victimes.
Les pertes humaines du conflit sont évaluées entre 15
et 30000. Les RSF ont perdu plus de 2000 hommes.
Au moins 5000 civils ont été tués en Rhodésie
même.
3.
Conclusion
Victoire tactique, défaite stratégique
Malgré une supériorité tactique et opérationnelle
incontestable, les Rhodésiens sont totalement passés à
côté de leur guerre de contre-insurrection. Pendant des
années les RSF s’en sont tenues à une stratégie
réactive de type
« search & destroy » (« chercher-détruire
»), où le kill ratio est la seule unité de mesure
du succès au lieu de mettre en place une stratégie de
« clear & hold » (« nettoyer-tenir ») plus
pro-active et à long terme plus efficace. Le contre-révolutionnaire
doit détruire les promesses de la Révolution en prouvant
qu’elles ne sont pas réalistes.
En Rhodésie cela fut impossible tant qu’une minorité
de Blancs déniait de ses droits une majorité de Noirs.
Si les échelons subalternes surent s’adapter, prouver leur
ingéniosité et leur compétence malgré une
pression du nombre largement en leur défaveur, les échelons
supérieurs et les politiciens ont révélé
un manque de coordination et d’imagination préjudiciables
au succès.
- Echec des Politiques
à mettre en place un commandement unifié intégré
- Pas assez d’emphase mise sur le Renseignement et sur le partage
d’informations, trop orientées « Police ».
- Médiocrité des officiers supérieurs. Jusqu’en
1955, la promotion était à l’ancienneté.
Le leadership s’en trouva sans distinction et sans imagination.
- Echec de la mise en place d’une véritable stratégie
nationale fédératrice.
Le
pire échec fut probablement la non prise en compte des sentiments
et des besoins de la population noire.
Prise entre 2 feux, elle ne cherchait qu’à vivre en paix.
Les Villages Protégés furent plus utilisés comme
une mesure de contrôle de la population que comme un outil de
contre-insurrection. Jamais les paysans ne furent impliqués dans
leur gestion. Une fois déplacés, ils se trouvaient livrés
à eux-mêmes et sous la menace des insurgés qui,
entre terreur et persuasion, surent les rallier à leur cause.
La Guard Force et les SFA furent mises en place bien trop tard pour
pouvoir espérer peser sur l’issue du conflit. Trop peu
d’attention fut jamais accordée aux pertes collatérales
et aux destructions de biens liées aux opérations des
RSF. Les mesures de développement économique échouèrent,
par manque de moyen et d’intérêt, et les changements
politiques impératifs furent retardés bien trop longtemps.
L’anachronisme de la situation, 250000 Blancs tentant de conserver
une domination politique sur 5000000 de Noirs, ne pouvait déboucher
sur une victoire.
Du côté des « révolutionnaires » par
contre, la stratégie correcte fut adoptée en 1974. Forte
de ses soutiens extérieurs, la ZANLA imposa aux Rhodésiens
de se déployer sur un territoire bien trop grand pour leurs ressources.
La perturbation des services administratifs et gouvernementaux, l’insécurité
régnant dans les zones infiltrées et la mobilisation d’une
part croissante de la population finirent par avoir un impact sur l’économie
du pays et sur le moral des Blancs, déjà rejetés
par la communauté internationale. Ils se mirent à émigrer
de plus en plus massivement et finalement par reconnaître la réalité
politique. Trop tard.
En se concentrant sur la tactique, les Rhodésiens oublièrent
la stratégie. La Rhodésie n’a pas juste perdu la
guerre, elle a mené une guerre qu’elle ne pouvait pas gagner.
STRUCTURE
SIMPLIFIEE DES RHODESIAN SECURITY FORCES (1979)
VOIR

Le
Rhodesian Light Infantry
Le 1/ RLI est officiellement
constitué en février 1961 en tant que bataillon d’infanterie
« européen » de l’Armée de la Federation
of Rhodesia and Nyasaland (ou Central Africa Federation). Il s’établit
d’abord à Bulawayo, son personnel étant prélevé
sur la N°1 Training Unit (qui servira aussi lors de la création
des SAS et de l’escadron de reconnaissance des Selous Scouts).
Il s’installe à Cranbourne Barracks, près de Salisbury
lors de son retour d’opération sur la frontière
avec le Congo.
En 1964 le 1/RLI est transformé en unité commando et gagne
le fameux béret vert. Les compagnies deviennent des Commandos.
Les pelotons, des Troops, le fantassin, un Trooper ou Troopie.
Il se compose de 3 Commandos + 1 Support Commando (tout d’abord
spécialisé dans les mortiers et la reconnaissance, ce
dernier ajoute une section de Génie d’assaut et une section
Anti-Tank à son effectif en 1976) + 1 troop d’Entraînement
+ 1 troop de Transmission + Commandement et Services.
Officiers
du 1/RLI -1977 (DR)

L’instruction
est dure, les opérations de terrains sont lourdes (en général
5 semaines pour 2 semaines de
« repos »). Le RLI joue sur la qualité de ses recrues
plus que sur la quantité. A titre d’exemple, en 1979 les
4 Commandos du RLI (1, 2, 3 et Support) sont crédités
de 1700 pertes pour l’ennemi, dont 470 pour le seul Support Commando.
Unité d’élite fortement décorée, le
RLI développe un fort esprit de Corps, aidé en cela par
des officiers qui n’hésitent pas à aller au feu
avec leurs hommes. Il capte rapidement l’attention du public et
gagne 2 surnoms :
« The Incredibles » et, le plus utilisé, «
The Saints ». Sa mascotte est un guépard.
Les Troopies sont la colonne vertébrale des missions Fire Force
et détiennent probablement le record de sauts opérationnels
pour une seule unité. En 1977, le RLI devient une unité
aéroportée et tous ses membres obtiennent leur brevet
de parachutistes. Lorsqu’il ne participe pas aux missions Fire
Force, le RLI est souvent employé pour les opex, avec les SAS
et les Selous Scouts.
Le RLI a la particularité d’être une des 2 seules
unités entièrement blanche des RSF avec les SAS. Sa réputation
d’excellence attire de nombreux vétérans d’autres
armées, principalement sud-africains, britanniques, américains
et australiens (entre 25 et 30% de l’effectif à la fin
de la guerre).
Cinq officiers et 80 hommes ont été tués par l’ennemi
entre 1966 et 1979. Seize sont morts en opération d’autres
causes (accidents…).
Le 1/RLI est dissous en octobre 1980 et remplacé à Cranbourne
Barrack par le 1st Commando Battalion, Zimbabwe National Army.


Trois «
Saints », probablement en mission de garde des rues de Salisbury
début 1980 (DR)
Présentation des
couleurs (DR
Les
Selous Scouts
1.
Historique
L’idée de la création des Selous Scouts voit le
jour en 1973 lorsqu’il apparaît de plus en plus évident
que les méthodes traditionnelles sont inefficaces face à
l’infiltration des insurgés sur le territoire rhodésien.
Le besoin de membres infiltrés (en anglais pseudo-ters, ters
étant le diminutif de terrorists) des RSF dans les zones contrôlées
par les rebelles à fin de renseignent est perçue entre
autres par le brigadier Hickman.
La Special Branch (SB, Renseignements de la Police), les SAS et les
RAR font quelques tentatives sans succès avant que le général
Walls ne demande au capitaine Ron Reid-Daly, qui vient de quitter l‘Armée
et qui servit sous ses ordres en Malaisie et an tant que Regimental
Sergeant Major au 1/RLI de former les Selous Scouts.
Leur nom vient
du célèbre explorateur du 19e siècle Frederick
Selous, ami personnel de Cecil Rhodes, qui participa à l’exploration
et à la « pacification » du territoire qui allait
devenir la Rhodésie.
Priorité est donnée à l’unité et des
baraquements sont rapidement établis à Inkomo (renommés
« Andre Rabie » en hommage au 1er instructeur régulier
des Scouts, tué en opération en 1973) et un camp d‘entraînement
près du lac Kariba nommé Wafa Wafa («Si je meurs,
je meurs… »).
Sa devise est « Pamwe Chete » (« Tous ensemble »),
son emblème un balbuzard (en anglais osprey). Dans la mesure
où les Scouts sont clairement destinés à devenir
des traqueurs, la Tracking Unit de Kariba (formée en 1967) est
mise à contribution.
La mission des Scouts est d’assurer la récolte d’informations,
par des moyens « clandestins ». Ils doivent localiser l’ennemi,
juger de sa force et de ses intentions et retourner l’information
à fin d’élimination de ce dernier.
L’unité est tout d’abord envisagée de la taille
d’une compagnie (120 h.), divisée en troops puis en 3 tracker
combat teams (sections) de 8 hommes. Chaque section est commandée
par un sergent blanc, chaque troop par un lieutenant et un Warrant Officer
II (à peu près l’équivalant d’un adjudant).
Lorsque l’unité grandira en taille, la structure sera conservée,
le rang des officiers et sous-officiers étant variables.
Quelques Américains ou Britanniques serviront en tant qu’officiers,
apportant avec eux leur expérience du Vietnam ou de l’Irlande
du Nord.
Travaillant en collaboration étroite avec la SB, les Scouts obtiennent
vite d’excellents résultats qui incitent à utiliser
des insurgés « retournés », payés par
la SB, et à infiltrer l’ennemi en niveau 3 (Cf. Principe
tactique N°4 : L’infiltration in Champs de Bataille N°30,
Octobre-Novembre 2009). Très peu de « retournés
» joueront double jeu et trahiront les Scouts qui deviennent les
yeux et les oreilles des missions Fire Force. Fin 1974 les Scouts ont
221 ennemis tués ou capturés à leur actif.
Leur efficacité désormais prouvée, la prochaine
étape est l’expansion de l’unité et son utilisation
lors des opex.
En 1976 ont lieu les premières infiltrations au Mozambique. Que
ce soit en sticks de 3 hommes ou en colonne volante, les résultats
des raids des Scouts sont hors de proportion avec les effectifs engagés.
La fin de la guerre est pénible pour les Scouts. Les méthodes
peu orthodoxes de Reid-Daly et son tempérament querelleur lui
ont attiré beaucoup d’inimitiés.
L’unité, qui compte désormais 1000 membres, est
nettement moins « spéciale » qu’auparavant,
en dehors de son noyau dur. On soupçonne certains membres de
se livrer au braconnage, au trafic d’armes et d’ivoire.
La ZANLA et la ZIPRA, relayées par la presse internationale,
les accuse d’exactions et d‘assassinat. En janvier 79, Reid-Daly
découvre un micro dans son bureau. Deux jours plus tard il se
lance dans une violente attaque personnelle et publique contre Hickman
qui l’emmène en cour martiale. Bien que seulement réprimandé,
Reid-Daly démissionne.
L’unité est dissoute en 1980. Malgré des tactiques
parfois suicidaires face à une ennemi supérieur en nombre,
les Scouts ne subirent que 36 pertes pendant leur période d’activité.
Menacés de poursuites comme criminels de guerre par le nouveau
régime de Robert Mugabe, la plupart d’entre eux rejoignent
l’Afrique du Sud (souvent en amenant avec eux les « retournés
» dont la vie est menacée) où il font profiter le
5. Recce Commando de leur expérience.

Les Selous Scouts : Formés
en 1973. Spécialisés dans l’art de l’infiltration.
Principalement composés de Noirs, recrues ou ex-insurgés
« retournés », ils se fondent dans les territoires
contrôlés par les rebelles et se font passer pour des révolutionnaires.
Experts dans l’art de la dissimulation et de l’observation,
ils récoltent des informations, repèrent les camps et
les mouvements de l’ennemi et y dirigent les Fire Forces ou les
« colonnes volantes » des opex. Capturent (ou enlèvent)
des prisonniers. Très controversés de par leur nature
même, ils sont d’une efficacité redoutable. Même
s’ils ne sont pas les tireurs, ils sont crédités
de 70% des pertes ennemies sur le territoire rhodésien (DR)
2. Recrutement-Entraînement-Equipement
Par définition
l’unité est racialement intégrée, probablement
noire à 80%. On comptera jusqu’à 1000 « retournés
» au sein de l’unité.
Le recrutement n’est à aucun moment un problème
malgré une sélection rigoureuse (85% de rejets), même
au regard de celle des SAS. En fait, plusieurs unités se plaignent
du départ de leurs hommes vers les Scouts. Selon Reid-Daly, «
un soldat des forces spéciales doit être d’un certain
calibre. Il doit être intelligent, endurant, courageux, loyal,
professionnel, mature-son âge idéal est entre 24 et 32
ans-responsable et auto-discipliné ».
Chaque homme doit être à la fois un solitaire, capable
de vivre seul dans le bush, mais aussi capable de travailler en équipe.
L’entraînement est d’un réalisme extrême.
Les recrues sont préparées à survivre seules ou
en petits groupes dans un environnement difficile, quadrillé
par l’ennemi. La recrue doit apprendre à vivre sur le bush,
à se déplacer dans le bush, à lire le bush…
Les 25 derniers km avant d‘arriver à Wafa Wafa se font
au pas de course. Pas de baraquements, pas de tentes. Suivent 5 semaines
d’enfer: De l’aube au crépuscule, sport et entraînement
de jour. Et pour bein finir la journée, entraînement de
nuit. Le parcours du combattant se fait sur des pentes vertigineuses
pour forcer les hommes à surmonter la peur du vide. Lorsque les
recrues arrivent, aucune ration n‘est distribuée.
Il faut se débrouiller avec la nature environnante. Le 5e jour
un singe est abattu et pendu à un arbre, en plein soleil. Le
8e jour il est vidé et bouilli, avec les vers qui ont commencé
le dévorer. La viande pourrie est comestible si convenablement
bouillie. Mais, selon Reid-Daly « les hommes avaient besoin de
l’apprendre via l’expérience.
Sans cela, bien qu’affamés, ils ne l’auraient jamais
fait en mission ».
Les 3 derniers jours sont dédiés à une marche d’endurance.
Chaque homme porte son arme, quelques rations et 30kg de cailloux (peints
en verts ou numérotés afin qu’on ne puisse s’en
débarrasser) qu’ils doivent porter sur 100km. Les 12 derniers
km sont à parcourir en 2h30 maximum. Cette première phase,
extrêmement dure, a des applications concrètes: Fin 1976,
infiltré au Mozambique Dennis Croukamp est séparé
de ses compagnons. Sans nourriture, sans moyen de communication et poursuivi
par le FRELIMO il rejoint la Rhodésie après 6 jours et
200km de marche en plein bush.
Les « survivants » ont droit à une semaine de repos
avant d’entrer dans la « phase sombre ».
Là, on leur enlève toutes leurs habitudes (se raser, fumer,
boire, se lever à heures régulières…) et
on leur apprend à se comporter comme des rebelles, à se
déplacer comme des rebelles, à communiquer comme des rebelles,
à tirer avec les armes des rebelles.
Ils apprennent à se sortir d’une embuscade en tirant de
courtes rafales sur toutes les cachettes probables de l’ennemi.
Effet 360° garanti! La discipline de feu, qui manque cruellement
aux rebelles, est primordiale.
Ils apprennent aussi à tirer pour tuer : Un système de
mannequin avec des ballons est mis en place.
Le mannequin tombe ou non en fonction de l’habileté du
tireur.
A partir de 1976 les Selous Scouts deviennent eux aussi parachutistes
(ligne statique et chute libre), spécialité jusque-là
réservée aux SAS.
Le FN-FAL et le H&K G3 sont les armes standards des RSF. Comme ils
se font passer pour des rebelles, les Scouts utilisent leurs armes :
AK-47, RPD, SCD (sniper). Leur mission les amène à cacher
sur eux des armes de poing : le CZ75 et le Beretta 951 sont très
populaires. Les uniformes et équipements utilisés ne s’encombrent
pas de règlement: le brêlage est allégé,
on utilise ce qui est efficace plus que ce qui est prescrit (shorts,
Pataugas…).
Lorsque la recrue est prête, elle est intégrée à
un stick où elle est généralement utilisée
en flanc-garde.
Lorsqu’elle est suffisamment expérimentée, elle
devient un membre à part entière du stick.
Pour un junior inexpérimenté il faut 8 mois pour devenir
un Selous Scouts.
Les moyens de transport vont du kayak, en passant par la jeep, le Land
Rover, le Ferret (abandonnés en novembre 76 au profit de l’Eland),
divers véhicules standards modifiés et/ou réarmés
(tel le PIG), l’Alouette III, le Dakota (et un parachute…)
3.
Tactiques
A. Infiltration niveau 1 :
Le stick installe un Observation Post (OP), si possible en hauteur et
proche d’une zone d’activité insurgée probable
et y reste pendant une longue période, tout en restant invisible
à l‘ennemi. Il transmet régulièrement par
radio toutes les informations qu’il recueille et les transmet
au QG. Les renseignements recueillis permettent d’envoyer une
mission Fire Force, généralement dévastatrice pour
l’ennemi. Plus tard dans le conflit les insurgés sauront
en partie s’adapter. Ratissage, utilisation de jeunes enfants
gardiens de troupeaux pour repérer et signaler les OP.
Ils utiliseront aussi une méthode simple mais efficace: changer
de tenue une fois arrivés dans un village. De loin, il devient
dès lors très difficile de les repérer et d‘estimer
leur force.
B. Infiltration niveau 2 :
C’est le principe de la colonne volante qui est le plus utilisé,
en particulier depuis le succès de l’opération Long
John. Les Scouts, renforcés ou non de membres des SAS ou du RLI
s’infiltrent dans un pays frontalier en se faisant passer pour
des rebelles ou des membres des forces locales. En août 1976,
72 Scouts déguisés en soldats du FRELIMO (les Blancs se
maquillent de manière à faire illusion, au moins à
moyenne distance) pénètrent dans le camp de Nyadzonya
où a lieu un grand rassemblement de 5000 guérilleros.
Utilisant toutes leur puissance de feu (contre une majorité d’hommes
désarmés,
il convient de le préciser), ils tuent plus de 1000 rebelles
et font plus de 500 blessés pour 5 blessés dans leurs
rangs. Militairement efficace, ce type d’infiltration peut se
révéler désastreux politiquement et la Rhodésie
subit de plein fouet la vindicte internationale suite à cet assaut
sur ce qui est qualifié de « camp de réfugiés
».
Les infiltrations à fin d’embuscades, de sabotage, d’enlèvement
(tel celui d’un officiel de la ZIPRA à Francistown, Botswana
en mars 1974), élimination directe peuvent se faire par héliportage,
saut en parachute (ligne statique ou chute libre), transport en camion,
mais toujours à plusieurs kms de la cible afin de ne pas éveiller
l’attention.
C. Infiltration niveau 3 :
Sur information de la SB, des sticks infiltrent les zones contrôlées
par les insurgés et tentent de se faire passer pour d’authentiques
guérilleros. L’utilisation de « retournés
» est d’une aide précieuse.
Une fois la phase dite de « validation » acquise, le stick
tente de réunir toutes les informations possibles sur les forces
locales et le soutien qu’elles peuvent avoir. Il en informe ensuite
les unités de combat qui se chargent d’éliminer
l’ennemi chez lui. Le but n’est pas de se charger directement
de la mission, maintenir sa couverture est tactiquement beaucoup plus
important.
D. Patrouilles et Traque :
Beaucoup de Scouts, originaires des zones rurales sont naturellement
de bons chasseurs. Il changent de gibier et suivent parfois pendant
une semaine les traces des insurgés, se déplaçant
uniquement au petit jour et au crépuscule, au moment où
les rayons à l‘oblique du soleil permettent de repérer
le moindre mouvement.
Ils peuvent repérer le moindre signe de déplacement de
l’ennemi et le suivre pendant des jours.
Ils passent maître dans l’art de l’embuscade. Moins
consciente de la notion de sécurité que les RSF, la guérilla
a rarement accès à des moyens de communications modernes
(et quand elle en a n’a pas pour coutume d’utiliser de codes)
et utilise beaucoup l’écrit. Cette (mauvaise) habitude
permet aux Scouts de récupérer de nombreuses informations
d’importance capitale en plus des prisonniers capturés.
4.
Impact des Selous Scouts
Les méthodes
peu orthodoxes des Scouts, en fait celles de leurs ennemis, leur permit
d’acquérir une réputation mitigée. Elite
à l’efficacité exemplaire pour les uns, simples
tueurs pour les autres.
Quoi qu’il en soit, les Selous Scouts furent de meilleurs guérilleros
que leurs ennemis et surent et montrer ce qui pouvait être fait
en matière de contre-insurrection sans contraintes et avec de
l’imagination.
En portant la guerre aux insurgés et en leur montrant qu’ils
n’étaient pas en sécurité, même sur
le propre terrain, les Scouts eurent un effet débilitant hors
de proportion avec leur effectif. Il arriva plusieurs fois que 2 groupes
rebelles se tirent dessus par peur que l’autre ne soit des Selous
Scouts. Ils devinrent tellement bons dans l’art de se faire passer
pour des terroristes que les zones où ils opérèrent
furent souvent déclarées « gelées »
pour éviter les « tirs amis ».
Les chiffres parlent d’eux-mêmes: Même s’ils
n’appuyèrent pas directement sur la gâchette on estime
que 70% des rebelles éliminés sur le territoire rhodésien
le furent grâce aux Scouts.
La seule Grand Cross of Valor (plus haute décoration militaire
rhodésienne) décernée durant le conflit le fut
au capitaine Chris Schulenberg.

SOURCES
:
- Abbott, Peter et Botham, Philip: Modern African wars (1): Rhodesia
1965-80, Men-at-arms N° 183, Osprey, Londres, 1986.
- Cilliers, J.K.: Counter-insurgency in Rhodesia, Croom Helm, Londres,
1985
- Croukamp, Dennis: The bush war in Rhodesia, Paladin Press, Boulder,
2007
- Downie, Nick: Rhodesia guerilla warfare: A study in military incompetence
- Lohman, Charles M. (Major, USMC) et MacPherson, Robert I. (Major,
USMC): Rhodesia: Tactical victory, Strategic defeat, Marine Corps Command
and Staff College-Marine Corps Development and Education Command, Quantico,
1983.
Moorcraft, Paul & McLaughlin, Peter: The Rhodesian war, a military
history, Pen& Sword Military, Barnley, 2009
- Pinkston, Bobby Ray (Lieutnant-colonel, US Army): The rhodesian insurgency:
A failure in regional politics, US Army War College, Carlisle, 2005.
- Wood, JRT: Fire Force: A history of helicopter warfare in Rhodesia,
1962-1980
- Wood, JRT: Rhodesian insurgency
- Site des RSF: http://www.rhodesianforces.org/