Mai
1940 : le "maelstrom" allemand déferle sur l'Europe,
forçant le corps expéditionnaire britannique à
évacuer le continent.
La peur avait jeté sur les routes de France des millions de personnes
(hommes, femmes et enfants) et l'administration fuyait devant les armées
allemandes. Le vainqueur entrant dans des villes mortes imposait sa
loi et prenait en charge l'existence matérielle des habitants
restés sur place. Ces populations, abandonnées et totalement
désorientées, étaient réceptives à
la propagande allemande. Le nord du pays, déserté par
ses habitants, le sud surpeuplé, les migrations s'achevèrent
par le transfert vers l'Allemagne de 1 500 000 prisonniers de guerre.
Ces prisonniers allaient devenir des otages sur lesquels péseraient
la menace de représailles si la population française ne
se soumettait pas à la loi de l'occupant.
Selon les termes de l'armistice, la France était coupée
en deux par une ligne de démarcation qui passait par Dôle,
Chalon-sur-Saône, Tours, Mont-de-Marsan et se prolongeait tout
le long de la côte atlantique jusqu'à la frontière
espagnole.
Pétain, devenu président du Conseil le 16 juin 1940, s'installa
avec son gouvernement, après l'armistice, à Vichy, en
zone non occupée le 2 juillet 1940.
En violation de la convention d'armistice, les Allemands procédèrent
à un véritable démembrement de la France : l'Alsace-Lorraine
était purement annexée au Reich tandis que les départements
du Nord et du Pas-de-Calais étaient rattachés au commandement
militaire allemand de Bruxelles.
Malgré cette tragédie, quelques forces organisées
subsistaient.
A Londres, le général de Gaulle lancait son fameux "Appel
du 18 juin".
Il appelait les Français et surtout ceux de l'Empire à
continuer la lutte. Ces appels ne furent que peu entendus : environ
7 000 hommes se joignirent à lui. Ceux-ci appartenaient en majorité
aux forces terrestres et navales qui se trouvaient en Angleterre au
moment de l'armistice. Ce recrutement vital pour le général
de gaulle fut stoppé par l'agression anglaise de Mers El-Kébir
du 4 juillet 1940 et la capture (souvent par la violence) des bateaux
français en Grande-Bretagne. Dès lors, la quasi totalité
des marins demandèrent leur retour en France. Cependant, une
partie de l'Empire colonial français rallia la "France libre"
: l'Afrique équatoriale et le Cameroun. Pour administrer ces
territoires, le général de Gaulle créa un embryon
de gouvernement à Londres. Peu de hauts gradés, hormis
le général Catroux et l'amiral Muselier, rallièrent
la "France libre". Ces hommes courageux furent condamnés
à mort par contumace par le gouvernement de Vichy.
Dès le mois de juillet 1940, les Britanniques cherchèrent
également à poursuivre la lutte sur le continent. Les
premières tentatives du S.O.E. (special Operations Executive)
se soldèrent par des échecs, mais, dès 1941, l'aide
qu'apporta le S.O.E. aux maquis et résistants fut inestimable.
L'action du S.O.E. s'étendait sur tous les pays occupés
par les Allemands. Tous les résistants de ces pays savaient désormais
pouvoir compter sur l'aide des Britanniques, en hommes, en armes, en
matériel et en argent.
En France, l'immense majorité de la population faisait confiance
au maréchal Pétain, le vainqueur de Verdun, en qui le
peuple voulait reconnaître leur sauveur.
Pourtant, un certain nombre d'organisations et d'individus ne devaient
pas accepter passivement la défaite. Les militaires de carrières
et les services spéciaux de renseignements restaient antiallemands,
camouflaient des armes et préparaient une nouvelle armée
française coloniale. Ils allaient également traquer les
agents allemands en zone libre et installeraient des antennes de renseignements
en zone occupée. Ces hommes restaient malgré tout fidèles
au maréchal Pétain et n'envisageaient une action que dans
le cadre d'une armée régulière et demeuraient animés
d'un fort esprit d'hostilité à l'égard de l'Angleterre
après l'agression de Mers El-Kébir. Politiquement, seul
le parti communiste conservait un appareil et des forces que traduisait
une abondante presse clandestine. Le parti refusait de s'engager dans
la lutte et dénonçait en de Gaulle un agent de l'impérialisme.
Certains de ses membres se livrèrent malgré tout à
des actes de sabotage ou de résistance.
De toutes ces forces qui essayaient de soulever les Français
contre les Allemands, aucune ne recueillait l'approbation générale.
De plus en plus nombreux furent les isolés qui manifestèrent
leur hostilité envers l'occupant. Ces actions mineures mais renouvelées
irritèrent les Allemands. Bientôt, des sentinelles ou des
officiers allemands furent assassinés. Ces actes entraînèrent
des sanctions de la part des autorités d'occupation : couvre-feu,
internement d'otages, condamnations à mort...
Cette résistance naissante était une réaction spontanée
de quelques Français qui n'appartiennent à aucun groupement.
Progressivement, la résisatnce française s'organisa :
de nombreux actes de sabotages furent commis, des réseaux de
renseignements se constituèrent pour transmettre des renseignements
aux Anglais ou pour organiser l'évasion vers l'Espagne d'un pilote
abattu ou d'une personne poursuivie par l'occupant. Des liens commencèrent
à se tisser entre la France libre du général de
Gaulle et la Résistance intérieure. Pourtant, la grande
majorité de la France restait fidèle au maréchal
Pétain qui prêchait la résignation.
L'invasion de l'U.R.S.S. allait tout changer !
Dans tous les pays d'Europe, les partis communistes lancèrent
toutes leurs forces dans la bataille subversive en multipliant les sabotages
et les attentats contre les Allemands et les collaborateurs. Le parti
communiste se lia également aux réseaux existants et prit
contact avec le général de Gaulle afin de proposer une
action concertée. Enfin, le parti communiste créa son
propre mouvement de résistance : le Front national, ainsi qu'une
armée clandestine : les "Francs Tireurs et Partisans français"
(F.T.P.F.). Les communistes voulaient dresser tous les Français
contre l'occupant. Dans ce but, ils mettaient entre parenthèse
leur programme politique afin de faciliter le plus large rassemblement
possible.
Seul le parti socialiste essaya d'imiter le parti communiste. Léon
Blum du fond de son cachot s'efforça de préparer pour
la libération tout un vaste plan de réformes. Cependant,
le parti socialiste ne constitua pas d'unités de combat analogues
aux F.T.P. (sauf à Marseille avec Gaston Deferre).
Les partis de droite, quant à eux, fusionnèrent et s'orientèrent vers
la création d'un grand parti catholique : le Mouvement républicain
de la libération qui devint par la suite le Mouvement républicain
populaire (M.R.P.).
Courant 1942, ces groupements de résistance étaient parfois
rivaux et l'unité semblait impossible. Un homme parvint à
l'imposer : Jean Moulin*, ancien préfet, remercié
par le gouvernement de Vichy.
Celui-ci parvint à faire fusionner en 1942 les trois mouvements
principaux de la zone sud. Jean Moulin s'attacha également à
doter l'ensemble des mouvements de résistance de services communs
: service de presse clandestine, écoute de la radio, informations
par la presse étrangère, organisme pour la réception
des parachutages... Enfin, Il parvint surtout à prendre contact
avec les partis politiques et avec les syndicats ouvriers. Tous ces
chefs reconnurent l'autorité du général de Gaulle.
En juin 1942, un accord était enfin conclu entre le chef de la
France libre et les mouvements de résistance. Désormais,
ces mouvements se rangeaient derrière un seul chef : le général
de Gaulle. Pour agir en France, le général de Gaulle avait
créé le bureau central de renseignements et d'actions
dirigé par le colonel Passy. Cet organisme était chargé
d'envoyer des agents en France occupée, de créer des réseaux,
de les équiper, d'organiser des sabotages...
Alors qu'à Stalingrad ou dans l'Atlantique le sort des armes
commençait à tourner, la Résistance allait connaître
une grave crise avec le débarquement américain en Afrique
du Nord. En effet, pour des raisons qui leur sont propres, les Etats-unis
entretenaient toujours des relations diplomatiques avec le gouvernement
de Vichy et de plus, lorsque le débarquement en Afrique du nord
fut décidé, les Américains (le président
Roosevelt manifestait une grande hostilité envers le général
de Gaulle) décidèrent de maintenir dans l'ignorance
du débarquement le chef de la France libre. L'une des préoccupations
des Américains était de réduire et si possible
d'éviter les combats entre les troupes vichystes et les
troupes alliées. Les américains crurent trouver en la
personne du général Giraud l'interlocuteur idéal
pour négocier. Celui-ci, évadé de la prison de
Königsstein, ne cessait de manifester, à Vichy, à
la fois son respect pour Pétain et son animosité à
l'égard de la collaboration.
Un accord fut conclu entre les Américains et le général
Giraud qui partit clandestinement pour Alger par sous-marin via Gibraltar.
Les Américains avaient également noués des contacts
à Alger avec un petit groupe d'hommes antigaullistes et antiallemands
pour neutraliser le moment venu, les forces de Vichy à Oran,
Alger et Casablanca. Ces petites forces devaient empêcher les
forces vichystes de lutter contre les unités alliées.
Rien ne se passa selon les plans ! En effet, lors du débarquement,
dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942, des centaines d'hommes (gaullistes
ou israelites) firent prisonniers tous les dirigeants de Vichy, dont
Darlan et Juin.
Après de longues heures d'incertitude, les forces de Vichy en
sous-nombre se battirent contre les Anglo-Américains.
Le général Giraud, qui n'était pas encore sur place
ne put empêcher l'effusion de sang. L'amiral Darlan, qui n'était
plus ministre mais restait le dauphin de Pétain accepta au bout
de quelques heures de mettre fin au combat en signant un armistice avec
les Américains qui reconnaissaient ainsi de fait l'autorité
de l'amiral Darlan. De Gaulle se refusa à tout contact avec celui-ci.
En final, il y avait désormais dans le camp des Alliés
deux partis français rivaux. L'exécution de l'amiral Darlan
par un royaliste ne mit pas fin à la crise.
Le premier résultat de ces événements fut le resserrement
de l'unité de la résistance devant le danger : le général
de Gaulle restait le chef de la France libre. Début 1943,
Jean Moulin fut chargé par le général de Gaulle
de coordonner les actions de la résistance intérieure
avec celles de la "France Libre". Pour cela fut créé
le C.N.R. (Conseil National de la Résistance) qui tint sa première
réunion le 27 mai 1943 à Paris. Le Conseil National de
la Résistance comprenait les représentants des huit grands
mouvements de résistance existant dans les deux zones, de six
partis politiques, ainsi que les deux principales centrales syndicales
ouvrières.
Dans l'ensemble, la résistance clandestine était irritée
par le général Giraud et la population européenne
d'Afrique du Nord se rapprochait progressivement du général
de Gaulle. Au début du mois de juin 1943, celui-ci quitta Londres
pour Alger pour y constituer, sous le regard bienveillant des Alliés,
le Comité français de libération national. Ce Comité
dirigeait l'action de toutes les forces françaises remises au
combat.
En France, les attentats, les sabotages se multipliaient entraînant
des représailles de la part des Allemands. Le parti communiste
excellait dans cette guerre. Ses groupes d'action attaquaient les collaborateurs
puis les soldats allemands et leurs installations, casernes, restaurants,
dépôts de munitions... Un groupe communiste, le groupe
Manouchian mis à son actif plusieurs dizaines d'attentats avant
d'être démantelé.
A partir de janvier 1943, les maquis commencèrentà se
multiplier partout en France. Les hommes qui les composaient étaient
très souvent des réfractaires au S.T.O. (Service du Travail
Obligatoire). Ces groupes effectuaient des missions de sabotage ou même
des opérations de guérilla. Leur nombre total s'évalue
à 30 ou 40 000.
Les maquis réussirent à faire régner parmi les
Allemands un état d'esprit fait d'incertitude et de crainte.
Début 1944, le général de Gaulle était devenu
le chef incontestable et incontesté de toute la Résistance
française et transforma le Comité français de libération
national en gouvernement provisoire de la République. A cette
époque, la Résistance française était suffisamment
aguerrie pour participer activement à la préparation des
grands débarquements alliés.
Lorsque s'acheva la libération de la France, le bilan était
lourd :
20 000 F.F.I. ou F.T.P. tués au combat, 30 000 fusillés,
60 000 déportés, dont 30 000 étaient morts dans
les camps.
En définitive, la résistance a montré que la France
ne s'était pas résignée et a contribué à
faire espérer les Français en la victoire finale. Elle
a également permis de maintenir la réalité de l'indépendance
française face aux Alliés, en particulier face aux Etats-Unis,
qui durent "supporter" le général de Gaulle,
appuyé par la résistance, à la tête de la
France prête à reprendre sa place dans le rang des nations.
Il réussit ainsi à contrecarrer les plans des Alliés
qui voulaient imposer l'AMGOT (Allied Military Government of the Occupated
Territories (Gouvernement militaire allié des territoires occupés).
* Jean Moulin fut arrêté le 21 juin 1943 à Caluire,
au cours d’une réunion avec les principaux responsables
militaires de la Résistance. Il fut interné au Fort Montluc
à Lyon. Tous les jours, il était transféré
à l’école de santé pour y être torturé
par Klaus Barbie. Mais Jean Moulin ne parla jamais. Il fut ensuite transféré
à Neuilly sur seine dans une villa puis envoyé à
Berlin par chemin de fer. Il serait mort en gare de Metz d’une
défaillance cardiaque.