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Louis
Jacquemart
5ème Cie du Bataillon de Choc. Commando lourd (de
plein gré)
Comme
je vous J'avais promis, voici une anecdote concernant la période
intermédiaire, fin du maquis et mon engagement au Bataillon de
choc! Nous sommes "Bataillon de choc FFI Bayard" Armée
B
Venant de Masevaux, Bourbach'le haut, notre mission du jour est de rejoindre
Thann (Haut-Rhin). Pour ce faire nous devons traverser la forêt
sur plusieurs kilomètres, sans problèmes particuliers "Thann
étant libérée depuis la nuit dernière, d'après
ce qui est dit" Des véhicules nous ont déposés
à l'orée de la forêt.
Maintenant nous nous engageons en file indienne sur un sentier en pente
descendante, là nous sont distribués des pansements individuels
et des rations de combat, conditionnées dans de curieux étuis
de forme bizarre, que nous ne connaissons pas encore... alors, comme si
c'était des pochettes surprise, et craignant de passer à
coté d'une bonne affaire, certains, dont je suis, essayent de tricher
pour obtenir du "rab", afin de ne pas manquer... au cas où
!
Tout en marchant, prêtant attention à notre chemin caillouteux,
nous nous empressons d'ouvrir nos paquets pour en faire l'inventaire.
Celui-ci ne nous donne pas grande satisfaction, car, mis a part quatre
cigarettes blondes, deux biscuits, une barre de chocolat, le reste n'est
pas l'affaire escomptée... allumettes, pastilles de chlore, papier
hygiénique, chewing-gum, et une plaquette d'étranges bonbons
bicolores, une face blanche l'autre marron qui ressemblent à des
caramels durs... très durs.
Ignorant la destination de ces bonbons, chacun de nous donne son avis
: comprimés de café au lait, alcool solidifié etc.,
etc... Timidement nous y goûtons sans pour autant trouver la solution,
et remettons nos recherches à plus tard car un ordre impératif
vient d'être lancé par notre chef de file Toussaint.
Halte ! Mines ! Faites passer.
Spécialiste des explosifs, Toussaint vient d'apercevoir, en travers
du chemin, un fil très fin relié d'un côté
à un bouton blanc fiché en terre, l'autre extrémité
se perdant dans le sol.
A partir de cet instant nous devons continuer notre chemin en prenant
soin de mettre nos pas exactement dans ceux de celui qui nous précède.
Etant donné que nous sommes une cinquantaine, nous imaginons que
les traînards risquent de faire quelques écarts, aussi, malgré
le danger qui nous menace, ou plutôt pour conjurer le mauvais sort,
des blagues fusent concernant principalement l'avenir de nos précieux
entrejambes en cas de faux pas !
En pensant à ce qui pourrait arriver a ses bijoux de famille, mon
suivant me rappelle "ne pas oublier de rapporter à sa mère,
la chaîne et la médaille qu'il porte autour du cou, si par
malheur etc., etc. ,etc. ".
Le sentier s'est élargi, l'alerte aux mines semble terminée,
nous marchons maintenant sur un chemin forestier dont nous inspectons
les abords, là, j'aperçois deux grenades déposées
au pied d'un arbre, ainsi qu'une boite de conserve, vide, sans étiquette,
fichée à hauteur d'homme dans l'écorce d'un arbre.
Je suis curieux de savoir ce quelle peut contenir, mais la prudence est
de mise, je sais que les Allemands sont très forts pour préparer
des pièges à cons, je ne serai pas de ceux là, et
dis a mon suivant
Ne pas toucher! Danger ! Faites passer.
Depuis le fil, les grenades et la boite de conserves, rien d'anormal ne
s'est produit. Notre méfiance commence à s'émousser
; Thann est certainement libérée, et ce qui nous a un moment
inquiété nous semble être le fruit de notre imagination...
lorsque soudain, un cri !
L'un de nous vient
de voir quelque chose bouger sur notre gauche, immédiatement nous
nous mettons en position de combat, prêts à là riposte,
mais rien ne se passe, pas un bruit anormal dans un tel lieu, notre camarade
a certainement confondu une ombre portée par le mouvement des branches,
avec une présence ennemie.
Après un court moment de concertation, nous décidons de
reprendre notre route. Celle-ci est à flanc d'un coteau dont la
pente monte sur notre gauche.
A environ 200m, le chemin tourne à gauche et débouche sur
une coupe plus ou moins claire. C'est à l'instant où nous
pénétrons dans cet espace dégagé que les premiers
coups de feu éclatent.
Le sergent Chalier (Tarzan) s'écroule devant moi, une balle la
touché au bras, lui arrachant sa mitraillette, le tireur au FM
de mon groupe est lui aussi touché, il y a d'autres blessés
dans la section. Tarzan n'étant plus opérationnel, devenant
responsable de mon groupe, je désigne immédiatement un remplaçant
au FM.
Les tirs ont cessés sans que nous puissions localiser ceux qui
nous ont si gentiment accueillis. Par geste je fais comprendre au tireur
FM que je vais progresser jusqu'à un trou laissé dans le
sol par le déracinement d'un sapin,et qu'il devra m'y remplacer
pour me couvrir après mon départ pour un autre abri.
A peine suis-je arrivé, que les tirs reprennent, et je vois mon
tireur, débouler sans son arme sur le terrain en pente, il ne peut
s'arrêter, ayant été touché dans son élan.
Le FM est resté dans le trou, impossible de le récupérer
maintenant. Je saurai par la suite que mon copain a pris une balle dans
une fesse (vexant ! une telle blessure) alors que l'on fait face à
l'ennemi ! Ennemi que nous n'avons pas encore vu. Nous en connaitrons
la raison bientôt... un bruit court.
Ils sont dans les arbres ! Picot vient d'en descendre deux !
Picot, le fouineur, nous avait déjà alerté ; ce que
nous avions pris pour une ombre dans les branches, était certainement
un sSniper à l'affût sur son arbre.
Des coups de feu claquent!
Bibi, sur ta droite !
Bibi, sur ta gauche ! "Cela me rappelle, Roland à Roncevaux".
Ces avertissements contradictoires, m'inquiètent, je ne vois qu'un
copain, à plat ventre, le nez dans l'herbe, et qui tressaute bizarrement
; il a assurément été touché gravement, alors,
la peur me prend, je n'ose bouger, je suis sûrement dans la ligne
de tir de celui qui vient d'abattre mon copain. Je suis là, incapable
de faire un geste, quand je m'entends appelé par Prieur qui me
demande d'aller avec lui porter secours à notre camarade. Je recouvre
mes esprits, et le rejoint en rampant. Non sans difficultés, nous
ramenons le supposé blessé, pieds et mains liés car
il n'a pas une égratignure, mais se trouve en pleine crise d'épilepsie.
Il bave, les mâchoires crochetées, il nous donne un mal fou
et l'engueulons copieusement.
Nous sommes quand même contents car il est indemne.
Pendant que Prieur s'occupe de l'épileptique, je retourne en rampant
me mettre en observation, à l'abri de mon arbre.
Bibi, sur ta droite !
Je ne vois toujours rien, par gestes quelqu'un, m'indique un bosquet d'arbrisseaux
qui me parait bien inoffensif... quoique... Il m'a semblé y voir
bouger le feuillage, il n'y a pourtant pas de vent ; le danger viendrait-il
de là ?
J'ai la désagréable impression d'être observé
de partout, pourquoi ne se passe-t-il rien ? Je suis certainement la proie
que l'on guette dans l'attente du moment propice, le chasseur ne veut
pas manquer sa cible, il est serein sachant qu'il n'est pas découvert.
Patiemment, le doigt sur la détente, il attend que je fasse la
faute.
Je ne peux rester là indéfiniment, d'où je ne peux
rien faire. Je suis gêné par l'arme dont j'ai débarrassé
le remplaçant au FM ; d'où je suis, il m'est impossible
de l'épauler sans m'exposer dangereusement. Je cherche un autre
poste, mon regard explore les alentours et revient instinctivement vers
le bosquet où il m'a semblé voir le feuillage bouger.
Ce bosquet est à deux heures, long de cinq à six mètres
sur environ un mètre cinquante de haut. Que peut-il bien y avoir
derrière et où exactement ?
Je regrette d'être parti sans grenade, j'ai horreur de ces engins
que nous portons couramment sur la poitrine, accrochés par leur
cuillère aux anneaux de bretelles, risquant à tout moment
de nous transformer en ketchup ! Aujourd'hui, j'en porterais bien un collier,
que je balancerais dans ce foutu bosquet à part le fusil canadien
je ne dispose que d'un revolver non...réglementaire (C'est un souvenir
du maquis, et sans lui je ne me sens pas à l'aise) et n'ai que
les six cartouches contenues dans le barillet. Les munitions pour cette
arme sont introuvable chez nous ; C'est un Colt Army 38,le barillet est
approvisionné de cartouches double charge 9m/m, balles plomb, qui
font des dégâts très important, j'en connais les effets,
ayant eu l'occasion de m'en servir sur un sanglier.
Lentement je sors le Colt de l'étui que je porte sur la cuisse,
et posément vise la droite du bosquet, a environ soixante cm du
soL. Je suis en position légèrement plongeante, les arbustes
n'étant pas très hauts, un homme ne peut s'y tenir que couché
ou à genoux. Je procède de la même façon sur
la gauche, puis au centre, j'essaie de couvrir le maximum de terrain !
Quand tout à coup, comme un diable sortant de sa boite, un Allemand,
sans casque, se lève, une main dans le dos (Là où
il a pu être touché, s'il était en position couchée)
je ne sais qu'elles sont ses intentions, un réflexe me fait achever
un geste en cours d'exécution ! Mon doigt presse sur la détente
du revolver, le chien libéré frappe une cartouche déjà
percutée ! Sans compter mes tirs dans le feu de l'action, j'ai
épuisé mes munitions.
Un sentiment de frustration m'envahi, une colère froide dicte mon
comportement, cet homme, là devant moi, espérait bien m'éliminer
! Ne cherchant plus à me protéger, je me dresse, épaule
le fusil, l 'homme pendant ce temps, fait volte face et s'enfuit en zigzagant
entre les arbres ! Mon arme n'étant pas automatique, je tire au
coup par coup, obligé de réarmer après chaque tir
et vide le chargeur alors que la silhouette se perd à ma vue.
Jamais je ne connaitrai l'épilogue de cet épisode de ma
vie ! Des années plus tard,je me réjouirai de ma maladresse.
A part quelques tireurs isolés dans les arbres, servant de comité
d'accueil, le reste de l'unitë allemande se trouve sur notre droite,
de l'autre coté d'une cuvette d'où il lui est possible d'utiliser
les mortiers, ce qui ne tarde pas ! Les arbres nous protègent en
partie seulement, car les projectiles nous menacent en explosant en l'air
dans les arbres.
Les tirs de mortiers se sont arrêtés, les Allemands marquent
une pause, et dans un français approximatif, nous interpellent.
Rendez-vous, vous êtes cernés !
Nos réponses ne se font pas attendre
Va te faire foutre ! Viens nous chercher ! On t'emmerde !
L'Allemand qui ne saisit pas très bien les expressions usitées
dans l'armée française, voudrait mieux comprendre le sens
de nos réponses
Was ist das ? "Qu'est-ce que" ?
Nos connaissances de la langue de Goethe se limitant peu de choses, l'un
de nous, excédé, hurle !
Tu nous emmerdes avec ta "petite fenêtre"
Féru de mot croisés, il a du chercher un jour dans un dictionnaire,
la définition du mot Vasistas.
Le jour commence à décliner, notre armement n'est pas adéquat
à la situation, nous devons quitter la coupe, où nous sommes
bloqués, pour nous mettre à l'abri dans un lieu moins découvert.
Repli dans les bois! Faites passer.
Nous couvrant mutuellement, nous exécutons l'ordre ! Au passage
je récupère le FM, laissé par son tireur blessé
! Maintenant je me sens beaucoup plus à l'aise, cette arme fut
la mienne, je la connais pièce par pièce pour l'avoir démontée
et remontée fréquemment, et je pense au destin ! Que deviendrait
le gars du bosquet, si c'était maintenant ?
Muté depuis peu a notre unité, le capitaine Ferry * vient
d'être tué par un "sniper" qui a eu le culot de
descendre de son arbre, pour arracher les galons de sa victime, en souvenir.
Picot (encore lui) a heureusement aperçu ce salaud au moment où
il regagnait son poste de guet ! Maintenant il se balance accroché
à une branche par son ceinturon.
La relève est annoncée, elle se fera pendant la nuit, notre
mot de passe est "Jules" la réponse est "En pointe".
La nuit tombe lentement, interdiction de fumer et de tirer "un coup
de feu", ne pas riposter aux tirs de l'ennemi.
Tout est calme, le moindre bruissement des feuilles nous tient en éveil.
Quelqu'un rampe vers moi ! C'est Bouteil qui vient me prévenir
qu'un bruit insolite et intermittent l'inquiète, ne pouvant définir
son origine !
Il est trop tôt pour que ce soit la relève ! Attendons.
Bouteil a rejoint son poste depuis près d'une heure. je le sais
inquiet, mais prêt à toute éventualité ! Il
est sur le qui-vive, quand un bruit plus distinct lui fait penser qu'il
s'agit de la patrouille précédant la relève ! Il
lance alors le mot de passe !
Jules ?
Une voix basse, avec un fort accent, lui répond !
Ya,Ya,Yules !
Souteil a de suite compris de quoi il retourne, il enchaîne avec
le seul mot allemand de son vocabulaire, qui veut dire ... viens ou venez
?
Komen ! Komen !
En rampant, Yules se dirige sans méfiance vers les quatre vingt
dix Kg de muscles de l'ami Bouteil, qui l'attend, prêt à
bondir ! Yules est plaqué au sol, assommé proprement, sans
un cri ! Il tient dans une main, une chaussette pleine de cartouches,
dans l'autre une mitraillette Schmeisser44, une cartouchière en
bandoulière et quatre grenades a manche dans ses bottes. Il revenait
de faire ses emplettes et s'apprêtait à rejoindre et approvisionner
un collègue dans un arbre, afin de nous surprendre au levé
du jour.
La relève vient de se faire, il ne fait pas encore jour, nous reprenons
le chemin en sens inverse, transportant nos blessés et nos morts
sur des brancards de fortune.
Comment va se passer le retour dans l'obscurité ? Nous ne pensons
pas qu'un service de nettoyage soit passé pour débarrasser
le chemin de ses mines!
Notre parcours est pénible pour les blessés, car nous trébuchons
dans le noir, le chemin ayant souffert des tirs de mortiers, notre marche
est hésitante, plus de repère pour déceler les traquenards;
nous allons, la peur au ventre, craignant à tout moment de marcher
sur l'un de ces engins meurtriers, perfidement cachés sous une
mince couche de terre.
Enfin, notre calvaire est terminé, nous retrouvons avec soulagement
le goudron d'une route. Des véhicules nous attendent, les blessés
sont immédiatement dirigés sur un hôpital.
Maintenant, chacun
de nous commente les événements a sa manière... une
seule chose est certaine ... Pas une mine n'a explosé ! Le chemin
était-il réellement piégé ? Et avons-nous
eu un pot miraculeux ?
Ce dilemme nous rend perplexes.
En fouillant dans une de mes poches pour prendre une cigarette, j'en sors
la plaquette contenant ces étranges caramels bicolores, qui nous
ont tant intrigués. Près de moi se trouve un adjudant ayant
participé aux débarquements en Corse et à l'île
d'Elbe qui dit, être resté isolé de son unité
pendant trois jours et n'ayant eu que ces bonbons pour toute nourriture,
prétend que ce sont eux qui lui ont permis de résister.
J'accepte cette version qui met un terme à nos cogitations. Pastilles
énergétiques ! Faites passer.
Un galop dans la nuit
Nous sommes là tout près d'un petit bourg ami
d'une de nos provinces que la guerre détruit.
Voilà déjà des heures que les Américains de
leur artillerie arrosent le terrain,
dans l'espoir d'en chasser, les Allemands pugnaces qui
s'accrochent encore a ce village d'Alsace. Alors,
depuis longtemps, tapis, là dans la nuit nous
attendons, nerveux, impatients d'en finir,
en rongeant notre frein, pensant au temps qui fuit,
sachant bien que là-bas des êtres vont souffrir.
Quel est ce bruit soudain qui semble déplacé
parmi les explosions des engins meurtriers ?
C'est le bruit des sabots d'un cheval qui s'enfuit, son
ombre se détache parmi les incendies
Il fuit droit devant lui, il s'arrète et repart tremblant de tous
ses membres, cherchant un autre part Le bruit de ses
sabots résonne dans nos têtes
car tous, nous partageons la crainte de la bête.
Voici venu l'instant, l'ordre vient d'arriver
nous devons maintenant pénétrer les premiers voir si
dans ce saccage il reste un ennemi
et dire aux habitants, nous venons en amis.
Alors, je m'en souviens, et j'y pense toujours j'ai
revu le cheval, au bout de son parcours
baignant, là, dans son sang, a deux pas de chez lui
tué par tous ces hommes qu'il croyait ses amis.
Jamais il ne saura que dans des décennies ces
hommes qui cette nuit lui ont oté la vie un jour
s'embrasseront "Ce jour est a venir" mais lui ne
sera plus, et je l'entends HAINIR.
Gendrey 20 11 1944
Prise de risques
Depuis quelques
jours nous sommes à Gendrey (Jura) où nous a rejoint, pour
fusion, la compagnie Ferry, de Sens (Yonne). Là, nous recevons
nos tenues et paquetages, et subissons des rudiments de manoeuvres. Tout
se passe assez bien ... sauf la BOUFFE. Tous les jours, à tous
les repas nous mangeons des carottes cuites... et, bien que connaissant
les propriétés bénéfiques de la carotène
sur la vue, et la jolie couleur rose qu'elle donne aux fesses... nous
en avons assez.
Nos multiples réclamations étant restées sans suite...
à l'unanimité, nous décidons de manifester notre
mécontentement, en refusant de participer au rassemblement du lendemain
matin pour la cérémonie du lever des couleurs.
Afin qu'ils ne subissent des représailles, seuls le sergent de
semaine et le clairon feront l'appel habituel.
A "heure dite, aucun de nous répond a l'appel du clairon...Intrigués,
nos officiers, exigeant une explication... demandent l'intervention de
notre médecin-major, Celui-ci, reconnaissant le bien fondé
de notre revendication, promet de nous faire préparer dorénavant
des repas plus équilibrés, riches en vitamines.
Le lendemain, parole de toubib tenue... en plus des carottes... cuites,
il nous est proposé des... carottes crues râpées,
qui elles... n'ont pas perdues leurs vitamines à la cuisson !
Nous sommes des militaires en temps de guerre... Nous subissons.
Ce même jour, des copines de Saulieu sont venues nous voir, devant
elles je décide, qu'après la guerre ... je ne mangerais
plus jamais de carotte (61 ans plus tard, je tiens toujours ma parole).
Colmar
Nous sommes entrés
dans Colmar, où en courant le long d'un mur du théâtre,
je me fais tirer dessus par un sniper qui me rate et fait voler en éclats
le panneau d'affichage des programmes. Mon agresseur n'a pas le temps
de réitérer son tir qu'il est abattu par un camarade.
Les combats terminés, nous sommes dirigés sur la caserne
"Lacarre" pour y passer la nuit.
Précédemment occupée par les Allemands, cette caserne
n'est pas très propre, aussi ordre nous est donné d'y remédier.
Les travaux ménagers n'étant pas un exercice dans lequel
nous excellons, nous employons les grands moyens mis à notre disposition...
Les lances à incendie... Tout y passe, sols, murs et plafonds.
Le travail terminé à notre goût, nous vaquons à
d'autres occupations plus importantes à nos yeux... Couchage, bouffe
et boisson.
Je me trouve au dernier étage, où sur un poêle je
prépare du chocolat chaud pour quelques camarades, lorsque deux
explosions retentissent faisant trembler le bâtiment ! Tous, nous
précipitons aux fenêtres pour voir d'où peuvent bien
provenir ces tirs...
Subissons nous une contre-attaque allemande ? Ne voyant rien par les fenêtres,
et les explosions ne s'étant pas renouvelées, je décide
de rejoindre ma place trois étages plus bas. Les couloirs et les
cages d'escaliers sont envahis par de la poussière, il n'y a pas
d'éclairage, des camarades marchent derrière moi. Nous avançons
avec prudence, tâtonnant du pied pour trouver notre chemin, quand
soudain, hésitant, mon pied se trouve dans le vide !
Un trou béant a remplacé les paliers intermédiaires.
Nous ne comprenons pas encore ce qui se passe, et dégageons un
camarade de dessous une porte arrachée qui l'a protégé
de l'ensevelissement sous des tas de gravats.
Avec difficulté nous nous retrouvons dans la cour de la caserne
où nous entendons des cris en provenance du bâtiment mitoyen
au notre.
Ce bâtiment dans lequel étaient logés des paras du
1er RCP s'est complètement effondré sur lui même,
et ressemble maintenant à un mille-feuille, malheureusement, il
y a des gars dedans.
Nous avons enfin compris l'origine des explosions. Les Allemands avaient
piégés la caserne lors de leur départ, et pour ce
faire avaient caché leurs engins de mort dans les caves, sous des
tas de biscuits de soldats que nous n'avions pas pris la précaution
d'inspecter. (1)
Dans le corps de bâtiment que nous occupons, les dégâts
sont moins importants car, au cours de notre nettoyage à la lance
d'incendie, nous avons inondé le tas de biscuits dans lequel étaient
cachés les explosifs qui ont fait...Long feu.
(1) A la recherche
de vivre ou ... d'alcool, le capitaine Clauzon avait bien fait une inspection
rapide des caves et n'y avait trouvé qu'un officier qui fut envoyé
dans un camp et trois soldats qui préférèrent rester
a notre disposition. L'un d'eux, négociant en grains à Hambourg,
servira a la popote de la 2ème compagnie ... en "jaquette",
l'aspirant le lui avait imposé ! ( il était peut-être
le poseur de bombe ? ) Après cet accident, nous nous dispersons
en ville et logeons chez les habitants qui nous reçoivent à
bras ouverts.
Course poursuite
Depuis deux jours
nous sommes au repos dans la région de Colmar, où avec les
moyens du bord, nous tentons de rafistoler nos matériels qui ont
beaucoup souffert. L'intendance n'étant pas très généreuse
à notre égard, nous devons nous débrouiller seuls.
Je suis à aider le responsable des véhicules, lorsqu'un
impératif, enjoint à notre compagnie le départ immédiat
au combat.
Me trouvant occupé au garage, le capitaine me demande d'y rester
comme adjoint de l'adjudant Mangeat. Avec trois autres camarades présents,
notre consigne est de terminer la Jeep sur laquelle nous travaillons,
puis de rejoindre la compagnie au plus vite en essayant de nous procurer
des véhicules qui nous font tant défaut. (Carte blanche
nous est donnée quant aux moyens à employer pour ce faire)
Le lendemain, après avoir bricolé plusieurs heures, nous
plantons, là notre "casserole" irréparable, et
récupérons un curieux camion militaire abandonné
par les Allemands. Il est si vilain que de suite nous l'appelons "Crapaud"
N'ayant rien d'autre de mieux pour le moment nous y chargeons nos équipements
et matériels restant...puis partons à la poursuite de nos
camarades. Notre crapaud est vraiment pourri...il perd son huile de partout,
heureusement nous "avions prévu et embarqué deux fûts
d'huile de 200 litres. Afin d'éviter de nous arrêter trop
souvent, nous avons défoncé une partie du plancher arrière,
ce qui nous permet l'accès a l'orifice de remplissage de la boite
de vitesse, là, un camarade verse de l'huile tout en roulant.
Nous avançons lentement parmi les différentes unités,
les villages tombent les uns après les autres ... nos camarades,
eux, avancent très vite ...les différentes unités
rencontrées nous les situes toujours plus loin devant ?
Si, ils sont devant, c'est donc que l'arrière est libéré
? Nous prenons donc la décision de réquisitionner des véhicules
civiles ou militaires au hasard de notre poursuite. Après plusieurs
recherches infructueuses nous entrons dans un petit village n'ayant apparemment
pas souffert, et nous dispersons en quête de matériels roulant...
ouvrant tout, hangars, garages et granges, sans grands résultats.
Quelques hommes chargent du foin dans un grenier, ils sont autour ou sur
un chariot et portent encore bottes et pantalons militaires ... ils ne
me regardent pas.
Tout est calme, mais je ressens une impression bizarre, une curieuse atmosphère...
J'ai trouvé une Opel Super Six, il est temps que je rejoigne mes
compagnons.
Je retrouve mes compagnons auprès desquels se tient un Français,
qui, prisonnier, travaillait depuis cinq ans pour les propriétaires
de la boulangerie où nous nous trouvons. Ayant toujours été
mal traité, il vient de se venger en les abattant froidement avec
l'arme empruntée à l'un de nous.
Après avoir parcouru le village en tout sens... nous apprenons
que nous sommes les premiers a l'occuper... il n'était pas encore
pris... Je suis stupéfait et rétrospectivement, je pense
a ce qui aurait pu m'arriver ? Confiant je n'étais pas armé.
Karlsruhe
Nous avons traversé
le Rhin et nous nous battons dans la gare de Karlsruhe, où un noyau
d'irréductible nous opposent résistance, nous faisant deux
blessés et un tué (Merle). Celui-ci étant le premier
"de notre compagnie" sur le territoire allemand, notre capitaine
propose que le corps soit immédiatement rapatrié sur le
sol français. Il ne lui sera pas possible d'en faire autant pour
les suivants. A nous de nous dém ... débrouiller.
Ne pouvant immobiliser l'un de nos véhicules, nous récupérons
une camionnette de transports dans laquelle se trouve déjà
une machine-outil. Trop lourde à décharger, c'est dans cet
équipement que nous transportons notre camarade pour son retour
en France, où il sera inhumé provisoirement.
Dans Karlsruhe, nous sommes très étonnés du peu de
résistance opposée par certains et nombreux prisonniers
"Chamarrés, décorés, casquettes galonnées"
qui doivent être des officiers de très haut grade !
Qu"elle n'est pas notre déception lorsque nous apprenons la
réalité.
Ce sont des WATTMANS (note HistoQuiz : conducteur de
tramway)
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