La Légion Tricolore

La création de la Légion Tricolore est une tentative du gouvernement de Vichy de créer une "véritable" unité militaire française, indépendante des Allemands. Le responsable de cette initiative est Jacques Benoist-Mechin, secrétaire d’état dans le gouvernement de Laval formé à Vichy en avril 1942.

Benoist-Mechin estime que la France ne pourra surmonter sa défaite qu’à la condition d’exister sur le plan militaire, de défendre l’Empire des incursions gaullistes et britanniques et d’entrer en guerre aux côtés des Allemands. Il avait désapprouvé la création de la LVF en 1941 dans la mesure où il s’agissait d’une initiative privée et non de l’Etat.

En juin 1942, il adresse à Laval une note dans laquelle il suggère la création officielle, par l’Etat et aux frais de l’Etat, d’une Légion dont le recrutement serait ouvert aux militaires de l’armée d’armistice, de l’armée d’Afrique et aux jeunes volontaires. La nouvelle formation absorberait la LVF. Pierre Laval et le maréchal Pétain ont donne leur accord de principe et la Légion Tricolore est annoncée le 22 juillet 1942. Comme la nouvelle légion est censée absorber le LVF, l'organisation française de LVF est dissoute le même jour. Réunissant à l’hôtel Matignon les membres du Comité central de la LVF, il obtient qu’ils se transforment en Comité central de la Légion Tricolore, comité dont il est le président.
Le 9 juillet 42, le général SS Oberg accepte de ratifier le projet. Le 18 juillet, la Légion Tricolore est officiellement créée sous l’autorité et avec les fonds du gouvernement, à la différence du LVF qui était une organisation privée. La Loi de création sera publiée au J.O. du 9 août 42.

Jacques Benoist-Mechin croit que tous les obstacles potentiels ont été éliminés quand le colonel Mayer, représentant en France de l'OKW (OberstKommando der Wehrmacht) lui dit : "Commencez par recruter des volontaires, nous verrons après".
Il se lance donc et commence à organiser le recrutement et le rassemblement de volontaires dans plusieurs bases militaires françaises. Bousculant les bureaucraties, il obtient le soutien du général Bridoux, ministre de la guerre, du général Juin qui commande en Afrique du Nord et de Joseph Darnand pour le SOL.
Il crée un cabinet civil, dirigé par Pierre Gallet et François Gaucher. Le cabinet militaire est dirigé par le général de brigade Gally.
Le commandement des troupes est confié au colonel Edgar Puaud que nous retrouverons a la Waffen-SS plus tard.

Les volontaires de la zone occupée sont rassemblés à la caserne de la Reine à Versailles (Dépôt de la LVF), ceux de la Zone libre et d’Afrique dans une caserne de Guéret, Creuse. Beaucoup de volontaires viennent de l’armée du Levant rentrée de Syrie suite à sa défaite contre les forces Franco-Britanniques. Le 25 août, Benoist-Mechin passe en revue les volontaires à Guéret. Ils portent un uniforme français, la tenue kaki de l’infanterie de forteresse. L’insigne de la Légion Tricolore leur est remis, puis les fanions d’unités 2 jours plus tard dans la cours d’honneur des Invalides.

Pour Benoist-Mechin, la Légion Tricolore ira plus loin que simplement remplacer la LVF sur le front de l’Est. Une fois imprégnée de l’exemple de la Wehrmacht, aguerrie par les combats et porteuse de l’esprit de camaraderie franco-allemande, la Légion pourra alors participer à la défense de l’Empire. Il ne parle pas encore, quant à l’Empire, de reconquête mais il est clair qu’il y pense. Il voit même dans cette Légion le creuset dans lequel se formera la nouvelle armée française. Un projet ambitieux, qui va bien au-delà de ce que Laval et Pétain sont prêts à soutenir.
Avant même de savoir si les Allemands vont accepter la Légion Tricolore, Laval se brouille avec Benoist-Mechin qui commence à lui faire trop d’ombre.
Mais l’accord final allemand ne viendra jamais. Le colonel Mayer sera dégradé et envoyé sur le front de l’Est où il trouvera la mort.
L'OKW est totalement contre ce projet. Leur rapport est clair : "Grâce à cette Légion, vous voulez mettre un terme aux relations de vainqueur à vaincu qui existent entre l'Allemagne et la France. C’est ce que nous ne voulons pas". Pour les Allemands, le fait que le LVF ait été dissoute n'a aucune importance. "Appelez-les Légion des Volontaires Français ou Légion tricolore, pour nous ils sont le Franzosischer Infanterie-Regiment 638"
Point...

Jacques Benoist-Mechin démissionne le 9 octobre 1942. La Légion Tricolore sera dissoute officiellement par une Loi du 28 décembre 1942.
Les volontaires auront la possibilité de rejoindre la LVF qui se trouve rétablie de fait. Beaucoup, déçus, rentrerons chez eux ou rejoindrons leurs unités d’origine.
Jacques Benoist-Mechin sera arrêté et emprisonné en 1944, puis condamné à mort par la Haute Cour le 6 juin 47. L’essentiel de ce qui lui est reproché tient dans cette phrase, écrite le 17 novembre 41 : "Un pays vaincu peut prendre 3 positions : contre son vainqueur, pour son vainqueur, avec son vainqueur. Je suis partisan de la troisième formule". Il résume lui-même les raisons de son échec dans le tome I de son livre "de la défaite au désastre" : "Au fait d’avoir demandé aux allemands trop de compréhension et aux français trop de courage".

Il sera finalement gracié après 59 jours dans le couloir de la mort, puis libéré en 1953. Jusqu’à sa mort en 1983, il se consacrera à la rédaction des ses mémoires, publiée après sa mort et de nombreux ouvrages historiques. Son Histoire de l’armée allemande, publiée en 1937, a été rééditée en 1944 grâce à Charles de Gaulle qui y voyait une excellente analyse de la montée du nazisme et du réarmement de l’Allemagne même s’il est clair que l’auteur était plus admiratif que critique.

Jacques Benoist-Mechin

Affiche de la Légion Tricolore

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